Contrairement aux affirmations du président de la Commission électorale indépendante (Cei), la liste des 429.000 personnes croisées au sein de la commission en dehors de toutes les procédures prescrites ne devait pas rester morte, juste bonne à être consultée. Elle devait servir à un moment ou un autre du processus de validation.
Le président de la Commission électorale indépendante (Cei) a beaucoup communiqué au cours des derniers jours : conférence de presse le week-end dernier, réaction de ses avocats aux conclusions du parquet, interview, publication dans la presse du courrier adressé au facilitateur du dialogue direct, le président burkinabé.
Que retenir de cette débauche d'énergie ?
1-Robert Mambé Beugré soutient qu'il n'a pas donné « d'autorisation unilatérale et discrétionnaire » pour le croisement litigieux.
2-Le croisement devait juste servir à se faire une idée des « Ivoiriens potentiels qui ressortiraient des résultats ». Il ne s'agissait donc pas « d'accorder le statut d'Ivoiriens ».
3- « Il n'était donc pas envisagé d'utiliser les résultats comme produits officiels de croisement ». dixit Mambé.
4-Mambé affirme avoir, au terme de la réunion de la Commission centrale le 31 décembre 2009, donné une « instruction ferme aux techniciens leur demandant de ne jamais faire usage des résultats des tests de recherches effectuées en guise de projection. »
5- De ce qui précède, il n'a donc jamais donné instructions aux techniciens pour l'installation encore moins l'usage des dits résultats dans la gestion du contentieux dans les Cei locales.
6- Aucun nom des 429.000 personnes n'a été inscrit sur la liste électorale définitive.
Ces différentes affirmations du président de la Cei ne résistent pas à la confrontation avec certains documents officiels de la Commission.
Premièrement, la réponse des experts à la demande d'explication que le Secrétaire général de l'institution leur a adressée le 13 janvier. L'on y retient:
1- La recherche des cas litigieux figurait bien à l'ordre du jour de la séance de travail des experts prévue avec le président de la Cei, le 29 décembre 2009, séance convoquée par le directeur de cabinet de Mambé.
2- Selon les experts, le directeur de cabinet leur a dit avoir reçu instruction du président de la Cei pour que « les 429.000 pétitionnaires retrouvés à l'issue du croisement interne de la Cei soient mis à la disposition des commissaires dans les Cel. »
3- Les experts ont traduit cette préoccupation par un mode opératoire de prise en compte des 429.000 personnes.
4- Toutes les décisions arrêtées ce jour ont été adoptées en plénière présidée par le vice-président Gomis, assisté du directeur de cabinet de Mambé.
Deuxièmement, le compte rendu de la séance de travail du Comité des experts du 29 décembre 2009, apporte plus de détails sur l'affaire. Notamment sur l'éventuelle utilisation de la liste des 429.000. Ce document détaille en fait toute la suite de l'opération du contentieux.
1-C'est au niveau des Cei locales (Cel) que sont validés ou non les pétitionnaires. Et, justement, la liste des 429.000 pétitionnaires y a été acheminée.
2- Le point 3 de ce document est très explicite. Il concerne les « recherches de la Cei relatives aux pétitionnaires du fichier résiduel issu des croisements».
«Les recherches par croisement, opérées par la Cei à partir du fichier résiduel, ont permis de récupérer 429.000 pétitionnaires des cas litigieux », lit-on dans le compte-rendu. Une phrase qui vaut son pesant d'or. Il s'agit bien de récupération de personnes qui étaient classées dans les cas litigieux. Si ces personnes ne sont plus dans les cas litigieux, alors, il faut conclure qu'elles doivent se retrouver sur la liste blanche, la bonne. Comme pour confirmer cette logique de passage de la liste grise (cas litigieux) à la liste blanche, la Cei a même élaboré un mode opératoire pour ces pétitionnaires. Leurs listes devaient ainsi être imprimées sur papier format a4 et mises à la disposition des Cel. Ensuite, il devait juste être procédé à un pointage à partir des cas litigieux en possession des Cel, avant la validation. Cette validation implique nécessairement la reconnaissance du droit au pétitionnaire à figurer sur la liste provisoire. Car, le document précise que les « individus validés» devaient être pris en compte «par le programme en usage ». Quel autre programme est en usage si ce n'est celui de la prise en compte informatique des résultats du contentieux. Il faut rappelé que la mission des experts devait équiper les Cel en ordinateurs et installer le programme informatique dont il est question. (Voir tableau dépenses, fac-similé n°1).
La procédure de traitement du contentieux prévoit que les données des Cel soient acheminées dans les centres de coordination départementaux (Ced). Le document sur l'organisation du travail dans les Ced(Document n°3) mentionne bien en son point 4 : « Après la formation, imprimer le document «liste des pétitionnaires retrouvés par la Cei sur le résiduel de Sagem» que les commissaires utiliseront pour validation».
Ces informations sont confirmées par l'enquête du parquet. Celui-ci a révélé qu'à Abengourou, ces instructions avaient été appliquées notamment au profit de dame Kouassi Asso Viviane, née le 10 novembre 1986 à Agoua. L'informaticien de la Cei à Tengrela a avoué avoir validé la liste résiduelle mise à sa disposition.
De tout ce qui précède, l'on peut tirer les conclusions suivantes.
1-Prétendre que le fichier des 429.000 pétitionnaires étant en Pdf n'est pas utilisable est surprenant. Car, tout utilisateur modeste de l'ordinateur sait que transformer un document Pdf en un document word est élémentaire.
2-La responsabilité du président de la Cei sur le croisement ne peut être niée. Car, comment des informaticiens d'une institution aussi importante que la Cei peuvent-ils prendre sur eux de procéder à des croisements sans le quitus de leur patron ? Si tant est qu'il n'a pas donné d'instructions pour la recherche et l'utilisation de cette liste additionnelle, comment, après le rejet de la Commission centrale le 14 décembre, Beugré Mambé a-t-il laissé la liste résiduelle avec les informaticiens? Pourquoi était-elle au menu de la séance de travail convoqué le 28 décembre par son directeur da cabinet?
3-S'il n'était pas prévu d'utiliser la liste des 429.000 personnes, comment se fait-il que celle-ci figure au menu de la mission des experts ? Comment le président de la Cei peut-il interdire aux techniciens de faire usage des résultats des croisements et, dans le même temps, financer une mission qui prend en compte les mêmes résultats?
4-Le mode opératoire élaboré par les techniciens de la Cei comprenait-il la validation de tout ou partie des 429.000 pétitionnaires ? Oui.
Il apparait donc clairement que le président de la Cei n'a pas joué franc-jeu dans cette affaire. Ce qui entache gravement sa crédibilité et la confiance que les Ivoiriens doivent avoir en la liste définitive. C'est au nom de cette perte de confiance qu'il devrait privilégier l'intérêt national et passer le témoin.
Kesy B. Jacob
Le président de la Commission électorale indépendante (Cei) a beaucoup communiqué au cours des derniers jours : conférence de presse le week-end dernier, réaction de ses avocats aux conclusions du parquet, interview, publication dans la presse du courrier adressé au facilitateur du dialogue direct, le président burkinabé.
Que retenir de cette débauche d'énergie ?
1-Robert Mambé Beugré soutient qu'il n'a pas donné « d'autorisation unilatérale et discrétionnaire » pour le croisement litigieux.
2-Le croisement devait juste servir à se faire une idée des « Ivoiriens potentiels qui ressortiraient des résultats ». Il ne s'agissait donc pas « d'accorder le statut d'Ivoiriens ».
3- « Il n'était donc pas envisagé d'utiliser les résultats comme produits officiels de croisement ». dixit Mambé.
4-Mambé affirme avoir, au terme de la réunion de la Commission centrale le 31 décembre 2009, donné une « instruction ferme aux techniciens leur demandant de ne jamais faire usage des résultats des tests de recherches effectuées en guise de projection. »
5- De ce qui précède, il n'a donc jamais donné instructions aux techniciens pour l'installation encore moins l'usage des dits résultats dans la gestion du contentieux dans les Cei locales.
6- Aucun nom des 429.000 personnes n'a été inscrit sur la liste électorale définitive.
Ces différentes affirmations du président de la Cei ne résistent pas à la confrontation avec certains documents officiels de la Commission.
Premièrement, la réponse des experts à la demande d'explication que le Secrétaire général de l'institution leur a adressée le 13 janvier. L'on y retient:
1- La recherche des cas litigieux figurait bien à l'ordre du jour de la séance de travail des experts prévue avec le président de la Cei, le 29 décembre 2009, séance convoquée par le directeur de cabinet de Mambé.
2- Selon les experts, le directeur de cabinet leur a dit avoir reçu instruction du président de la Cei pour que « les 429.000 pétitionnaires retrouvés à l'issue du croisement interne de la Cei soient mis à la disposition des commissaires dans les Cel. »
3- Les experts ont traduit cette préoccupation par un mode opératoire de prise en compte des 429.000 personnes.
4- Toutes les décisions arrêtées ce jour ont été adoptées en plénière présidée par le vice-président Gomis, assisté du directeur de cabinet de Mambé.
Deuxièmement, le compte rendu de la séance de travail du Comité des experts du 29 décembre 2009, apporte plus de détails sur l'affaire. Notamment sur l'éventuelle utilisation de la liste des 429.000. Ce document détaille en fait toute la suite de l'opération du contentieux.
1-C'est au niveau des Cei locales (Cel) que sont validés ou non les pétitionnaires. Et, justement, la liste des 429.000 pétitionnaires y a été acheminée.
2- Le point 3 de ce document est très explicite. Il concerne les « recherches de la Cei relatives aux pétitionnaires du fichier résiduel issu des croisements».
«Les recherches par croisement, opérées par la Cei à partir du fichier résiduel, ont permis de récupérer 429.000 pétitionnaires des cas litigieux », lit-on dans le compte-rendu. Une phrase qui vaut son pesant d'or. Il s'agit bien de récupération de personnes qui étaient classées dans les cas litigieux. Si ces personnes ne sont plus dans les cas litigieux, alors, il faut conclure qu'elles doivent se retrouver sur la liste blanche, la bonne. Comme pour confirmer cette logique de passage de la liste grise (cas litigieux) à la liste blanche, la Cei a même élaboré un mode opératoire pour ces pétitionnaires. Leurs listes devaient ainsi être imprimées sur papier format a4 et mises à la disposition des Cel. Ensuite, il devait juste être procédé à un pointage à partir des cas litigieux en possession des Cel, avant la validation. Cette validation implique nécessairement la reconnaissance du droit au pétitionnaire à figurer sur la liste provisoire. Car, le document précise que les « individus validés» devaient être pris en compte «par le programme en usage ». Quel autre programme est en usage si ce n'est celui de la prise en compte informatique des résultats du contentieux. Il faut rappelé que la mission des experts devait équiper les Cel en ordinateurs et installer le programme informatique dont il est question. (Voir tableau dépenses, fac-similé n°1).
La procédure de traitement du contentieux prévoit que les données des Cel soient acheminées dans les centres de coordination départementaux (Ced). Le document sur l'organisation du travail dans les Ced(Document n°3) mentionne bien en son point 4 : « Après la formation, imprimer le document «liste des pétitionnaires retrouvés par la Cei sur le résiduel de Sagem» que les commissaires utiliseront pour validation».
Ces informations sont confirmées par l'enquête du parquet. Celui-ci a révélé qu'à Abengourou, ces instructions avaient été appliquées notamment au profit de dame Kouassi Asso Viviane, née le 10 novembre 1986 à Agoua. L'informaticien de la Cei à Tengrela a avoué avoir validé la liste résiduelle mise à sa disposition.
De tout ce qui précède, l'on peut tirer les conclusions suivantes.
1-Prétendre que le fichier des 429.000 pétitionnaires étant en Pdf n'est pas utilisable est surprenant. Car, tout utilisateur modeste de l'ordinateur sait que transformer un document Pdf en un document word est élémentaire.
2-La responsabilité du président de la Cei sur le croisement ne peut être niée. Car, comment des informaticiens d'une institution aussi importante que la Cei peuvent-ils prendre sur eux de procéder à des croisements sans le quitus de leur patron ? Si tant est qu'il n'a pas donné d'instructions pour la recherche et l'utilisation de cette liste additionnelle, comment, après le rejet de la Commission centrale le 14 décembre, Beugré Mambé a-t-il laissé la liste résiduelle avec les informaticiens? Pourquoi était-elle au menu de la séance de travail convoqué le 28 décembre par son directeur da cabinet?
3-S'il n'était pas prévu d'utiliser la liste des 429.000 personnes, comment se fait-il que celle-ci figure au menu de la mission des experts ? Comment le président de la Cei peut-il interdire aux techniciens de faire usage des résultats des croisements et, dans le même temps, financer une mission qui prend en compte les mêmes résultats?
4-Le mode opératoire élaboré par les techniciens de la Cei comprenait-il la validation de tout ou partie des 429.000 pétitionnaires ? Oui.
Il apparait donc clairement que le président de la Cei n'a pas joué franc-jeu dans cette affaire. Ce qui entache gravement sa crédibilité et la confiance que les Ivoiriens doivent avoir en la liste définitive. C'est au nom de cette perte de confiance qu'il devrait privilégier l'intérêt national et passer le témoin.
Kesy B. Jacob