x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Editorial Publié le mercredi 17 février 2010 | Demain

Editorial

Se résoudre au chao ?

La machine gbagbo est en marche. Son objectif : bloquer le processus électoral en cours, confisquer le pouvoir d’Etat. Il ne fait plus de doute dans l’esprit des Ivoiriens, le locataire du palais présidentiel n’a aucune intention de prendre le risque de quitter le trône. Laurent Gbagbo a-t-il d’ailleurs jamais eu l’intention de quitter un jour le fauteuil présidentiel ? La réponse est aisée : non. Or l’élection présidentielle à venir marquera indiscutablement la fin de son règne brouillon, traumatisant et improductif.

Le chef d’Etat ivoirien porte dans l’âme la schizophrénie du pouvoir, comme en portent sur eux et en eux, tous ceux qui ont rêvé de parvenir au niveau de puissance où l’on côtoie les dieux, quand ils ne s’estiment pas eux-mêmes Dieu. Comme les grands créateurs, les fous du pouvoir sont dans l’anormalité; mais ce sont des arnormaux qui s’ignorent. Ils sont, en réalité, des tragédies incarnées. L’analyste les plaint, lui qui connaît le mal qui dévore l’intériorité de ces demi dieux qui n’en ont jamais fini d’épouvanter leurs peuples en même temps qu’ils suscitent admiration et envie : la force fascine les esprits. Exprimé à son point nodal, le mal subjugue, émerveille même ! « Vive la dictature ! Gbagbo, tu es un vrai woody, un garçon », peut s’écrier ainsi Christiane Djahuié dans son billet du jour. Ah, la fascination de l’absurde !...

Une de mes distractions favorites est de sonder le passé du chef d’Etat ivoirien, de traquer son être profond en relisant ses discours politiques : la personnalité profonde d’un homme peut se déceler dans cet exercice. J’ai ainsi été souvent surpris du décalage entre le discours de cet homme et son agir politique. Lisez avec moi : « Je suis pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Même en introduisant de profondes réformes, un individu ne doit pas rester président plus de dix ans. Lorsque vous faites plus de dix ans à la tête du pays, vous finissez par croire qu’il vous appartient, qu’il est à votre disposition, et que vous avez un droit naturel de propriété sur tout » Extrait de Laurent Gbagbo, Le temps de l’espoir, p. 32.

Incroyable ! Est-ce le même homme qui a tenu ces propos, qui s’emploie, aujourd’hui, à démolir le peu d’acquis démocratiques que ce pays a ? L’Assemblée nationale muselée, le gouvernement dissout, la Céi dissoute, la presse vivant dans l’épouvante, les menaces et les actes d’intimidation, les médias d’Etat soumis à ses fantasmes narcissiques, l’armée mobilisée pour terroriser le peuple, la cité, policée à outrance pour montrer la force de nuisance de ce chef d’Etat d’un autre âge : l’âge des chefs farouches, redoutables et craints.

A cette même page 32 du livre cité, l’opposant disait encore : « Il n’est pas bon, dans notre pays où la démocratie a besoin de se fortifier, où les gens confondent un peu leur patrimoine au bien public, de rester au pouvoir. Au bout de dix ans, vous avez donné tout ce pour quoi vous avez été élu. Qu’aurez-vous encore à proposer ? ».

On écrirait toute une thèse sur les constructions et déconstructions discursives de Laurent Gbagbo, que l’on n’épuiserait pas pour autant ce sujet qui relève plus certainement de la psychanalyse que de l’étude sémiotique. Assurément, les extraits que je viens d’exposer nous éloignent de l’homme qui les avait tenues hier, quand il était dans l’opposition. C’est qu’un paramètre essentiel a modifié son esprit : le goût du pouvoir. Un grand ami m’a dit un jour : « En réalité, l’argent n’a jamais changé un homme, il le révèle. »

Comme l’argent, le pouvoir révèle en effet l’homme. Le premier peut donner (il le donne souvent d’ailleurs) le pouvoir qui, lui, procure de l’argent. La dialectique du pouvoir et de l’argent se trouve ainsi confirmée. Tous ceux qui aiment l’argent aiment le pouvoir ; pas nécessairement le pouvoir d’Etat, mais celui d’agir sur le destin des hommes, de décider à la place des autres, d’éprouver le privilège immense de transformer l’alentour et, comme un dieu, d’émettre des édits. Nombre d’entre ces passionnés du pouvoir sont, je le répète des malades qui s’ignorent. S’ils sont parfois des résultats de l’imprévoyance des peuples qui leur ont permis d’accéder au pouvoir (c’est notre cas), ils sont souvent, hélas, des monstres que les peuples découvrent tardivement. Pour leur malheur…

Paraphrasons imparfaitement Jean Dodo Glaziognon, un auteur dramatique ivoirien décédé il y a une dizaine d’années : « Le héros nous a délivrés du monstre ; mais qui nous délivrera d’un héros monstrueux ? ».

Ivoiriens, pourquoi se voiler la face ? Gbagbo Laurent n’ira jamais à une élection où il sait qu’il sera battu. Faut-il se résoudre à se préparer au chao !

Par Tiburce Koffi
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Titrologie

Toutes les vidéos Titrologie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ