Quelle est l’actualité de Georges Momboye, en plus d’avoir été désigné par les autorités ivoiriennes pour diriger le volet culturel du cinquantenaire du pays, le 7 août prochain ?
Mon actualité, c’est le retour d’un enfant au pays, parmi les siens qui le reçoivent avec chaleur et fraternité. Ce qui, évidemment, met du baume au cœur après plusieurs années d’absence du fait de nombreuses tournées et spectacles à travers le monde et, singulièrement, en Europe.
Le cinquantenaire est un évènement d’une extrême importance, aussi bien pour le pays que pour chacun des citoyens. Et donc pour moi-même. C’est la raison pour laquelle je suis très honoré d’y avoir été associé et impliqué par les autorités de mon pays. Je tiens à préciser que lorsque SEM. Pierre Kipré qui pilote le comité du cinquantenaire m’a approché, dans un premier temps, pour en être le directeur artistique, je n’ai pas du tout hésité à lui accorder mon assentiment. Cependant, vu mon calendrier chargé du fait de mes spectacles internationaux, j’ai opté pour l’évènement ponctuel qu’est la fresque artistique qui se déroulera le 1er mai 2010 au stade Houphouet-Boigny.
Il est vrai que vous avez, en tant que danseur, chorégraphe, metteur en scène, déjà fait des fresques de grande envergure, à l’instar du Mondial 2006 en Allemagne. N’appréhendez-vous pas un peu un tel challenge au niveau de l’Afrique, de la Côte d’Ivoire ?
Monter la chorégraphie du Mondial 2006 en Allemagne ou en 2002 en Corée du Sud avec plus de 2000 participants, il est vrai, ce n’est pas si simple que cela, surtout quand le détail peut garantir le succès ou créer l’échec. En Afrique, c’est seulement en Algérie, à l’occasion du Festival panafricain d’Alger, en 2009, que je m’en suis rendu compte. Mais j’estime que, pour mon pays, il faut le faire et la qualité des artistes nationaux est un avantage à exploiter pour magnifier la Côte d’Ivoire souveraine depuis un demi-siècle. Ce sera une fresque pluridisciplinaire, au plan artistique, s’entend, avec 1300 artistes. Certains d’entre eux, et non des moindres, que j’approche tous les jours, à l’instar d’Alpha Blondy, Chantal Taïba, Wédji Ped, Ismaël Isaac…, sont d’avis avec moi que l’on offre à la population la plus belle et grande fête qu’elle n’a jamais eue, car l’occasion est unique. Franchement, en tant que fils de ce pays, c’est un honneur que je ne peux mesurer que d’être impliqué au premier chef dans cette fête historique.
Peut-on avoir les grandes articulations de la fresque?
Il faut déjà savoir que la fresque s’intitule: «Aujourd’hui fruit d’hier, demain souffle d’aujourd’hui». Une sorte de rétrospective des années de gloire de la lutte émancipatrice à la construction de la Côte d’Ivoire moderne, suivie d’un arrêt introspectif, critique sur le présent, avant une projection dans le futur, dans les 50 années à venir. En fait, c’est une sorte de passe-muraille en trois dimensions : passé-présent-futur. Au plan de la scénographie, nous styliserons l’éléphant, emblème national, couché sur le dos, exprimant la joie, la gaieté, l’amusement, dans l’esprit de la fête. Quand le stade lui-même, sera transformé en un gigantesque éléphant dont les petits se réjouiront dans leurs entrailles. Ce, pour exprimer l’attachement à la mère-patrie. Le public verra avec émerveillement le «Bal des géants» composé de 50 échasses de plus de 2 mètres représentant 50 figures emblématiques de la Côte d’Ivoire indépendante, d’Houphouet à Gbagbo, en passant par tous les leaders de la vie politique, sociale, culturelle et sportive ivoirienne. Une partition qui symbolise mon rêve et celui de bien des Ivoiriens sinon tous, de voir se pays dans la plus grande et belle harmonie avec tous ses fils et filles unies pour son développement. Le tout soutenu par des voltiges et autres acrobaties quasi-oniriques. Car le but du spectacle est d’offrir du rêve, un rêve, mon rêve dans lequel tout est possible pour l’Ivoirien dans un pays de paix et en paix.
Professeur de danse connu et reconnu de par le monde, vous sentez-vous revêtu d’un mandat d’ambassadeur de l’art africain ? Au-delà, Georges Momboye pense-t-il avoir une signature particulière, distinctive dans le domaine des arts corporels et de la scène?
Moi, ambassadeur de la danse africaine ? En tout cas, je n’en ai pas mandat. Mais, si tant est qu’il est avéré que bien d’observateurs et critiques m’investissent de cette mission, c’est, sûrement, au vu du travail que j’accomplis tous les jours depuis le début de ma carrière au pays, de mon Kouibly natal, en passant par le Ballet national, jusqu’à mon installation en France depuis 1992. Seulement, je me bats pour que la danse africaine, traditionnelle comme contemporaine, ait une place absolument respectable, un marché porteur sur la scène internationale. Un art qui permette que l’Afrique culturelle soit perçue avec dignité, dans toute sa plénitude poétique, noble et utilitaire. Je me sens habité d’une responsabilité d’espoir à conférer aux créateurs africains. Aussi bien locaux que ceux de la diaspora.
Au sujet de ma signature distinctive, je dirai, toute modestie hypocrite mise à part, qu’elle se caractérise par le style ondulatoire de la colonne vertébrale qui est l’axe central du danseur. Ma signature réside donc dans la maîtrise de l’axe centrifuge et de l’ondulation périphérique du corps.
Au-delà du cinquantenaire, Georges Momboye a-t-il des projets pour les arts de la scène en Côte d’Ivoire, qui semblent observer une certaine léthargie depuis une vingtaine d’années, après les deux décennies glorieuses que la danse, en l’occurrence, a connues avec le Ballet national, notamment?
Votre question est fondamentale pour la relance de la danse et de la chorégraphie en Côte d’Ivoire. Car en évoquant ces années glorieuses, vous faites, assurément, allusion à l’ère des «Ballets africains», où l’Europe avait besoin de découvrir des sensations exotiques, nouvelles. Aujourd’hui, je puis vous dire que des Occidentaux exécuteraient mieux que des danseurs africains des pas de danses traditionnelles ou folkloriques. Il faut dépasser les créations de chasseurs et de sorciers qui sont des thématiques fermées, surannées et sclérosées. Elles ont, en tout cas, pris du recul. La danse contemporaine intègre la vision de la culture comme un perpétuel recommencement, un renouvellement sans la dénaturer des valeurs anthropologiques. C’est pourquoi, il faut se soustraire du ghetto de la «danse africaine contemporaine» peu élaborée, pas conceptualisée, sans une logique de formation. Aussi, ai-je en projet- et j’en ai parlé, récemment à Paris, avec l’ex-ministre de la Culture et de la Francophonie-, de créer le pôle ivoirien de danse et de chorégraphie à Abidjan. Un vivier autonome de création et de formation, même s’il pourrait être placé sous la tutelle ministérielle. L’enjeu est de déployer des stratégies efficientes de recherche et de gestion de fonds au profit de la création et de la diffusion la plus large des spectacles de danse. Un peu à l’image de ce que faisait Jack Lang, alors ministre français de la Culture, qui allait chercher les fonds hors de la sphère culturelle traditionnelle, pour booster la création française au milieu des années 1980. Et l’on en connaît les résultats. Plus récemment, Sarkozy a créé le Conseil culturel, en marge du ministère dédié. C’est vous dire que le projet que je nourris est l’ébauche matérialisée de mon rêve de voir une vitrine d’expression, de rencontres, de créations et de formation. C’est pourquoi, le schéma du pôle se démarque de celui du Ballet national, pour s’inscrire dans celui d’une compagnie avec obligation de performances. Ce pôle verra la présence de danseurs, chorégraphes, scénographes, metteurs en scène, intellectuels, spécialistes des sciences de l’organisation et du management artistique, costumiers, décorateurs, techniciens du son et de la lumière… D’où l’idée d’autonomie pour plus d’efficacité.
Figurez-vous que j’ai déjà repéré le site idéal pour un tel projet : l’ex-Centre culturel de Treichville. Avec des architectes, des plans sont esquissés, des matériaux locaux et adaptés répertoriés. Pourvu que notre cri du cœur soit entendu. Déjà, la tutelle nous a coopté pour restructurer le Ballet national et apporter notre expertise à l’Institut national des arts et de l’action culturelle (Insaac), au niveau de l’école de danse. Et nous pensons que c’est un point de départ qu’il faut négocier avec lucidité et une vision plus large.
N’avez-vous pas de difficultés logistiques, financières et autres dans la préparation de la fresque des 50 ans de la Côte d’Ivoire ?
J’ai fait le trajet Abidjan/Paris en aller et retour au moins trois fois déjà, et les choses avancent au rythme de nos tropiques. Ce n’est pas facile pour un professionnel, mais je suis convaincu qu’on y arrivera. J’avance comme l’eau et épouse toutes les formes car c’est d’abord pour moi, un honneur de servir mon pays à ce niveau.
Interview réalisée par Rémi Coulibaly
Mon actualité, c’est le retour d’un enfant au pays, parmi les siens qui le reçoivent avec chaleur et fraternité. Ce qui, évidemment, met du baume au cœur après plusieurs années d’absence du fait de nombreuses tournées et spectacles à travers le monde et, singulièrement, en Europe.
Le cinquantenaire est un évènement d’une extrême importance, aussi bien pour le pays que pour chacun des citoyens. Et donc pour moi-même. C’est la raison pour laquelle je suis très honoré d’y avoir été associé et impliqué par les autorités de mon pays. Je tiens à préciser que lorsque SEM. Pierre Kipré qui pilote le comité du cinquantenaire m’a approché, dans un premier temps, pour en être le directeur artistique, je n’ai pas du tout hésité à lui accorder mon assentiment. Cependant, vu mon calendrier chargé du fait de mes spectacles internationaux, j’ai opté pour l’évènement ponctuel qu’est la fresque artistique qui se déroulera le 1er mai 2010 au stade Houphouet-Boigny.
Il est vrai que vous avez, en tant que danseur, chorégraphe, metteur en scène, déjà fait des fresques de grande envergure, à l’instar du Mondial 2006 en Allemagne. N’appréhendez-vous pas un peu un tel challenge au niveau de l’Afrique, de la Côte d’Ivoire ?
Monter la chorégraphie du Mondial 2006 en Allemagne ou en 2002 en Corée du Sud avec plus de 2000 participants, il est vrai, ce n’est pas si simple que cela, surtout quand le détail peut garantir le succès ou créer l’échec. En Afrique, c’est seulement en Algérie, à l’occasion du Festival panafricain d’Alger, en 2009, que je m’en suis rendu compte. Mais j’estime que, pour mon pays, il faut le faire et la qualité des artistes nationaux est un avantage à exploiter pour magnifier la Côte d’Ivoire souveraine depuis un demi-siècle. Ce sera une fresque pluridisciplinaire, au plan artistique, s’entend, avec 1300 artistes. Certains d’entre eux, et non des moindres, que j’approche tous les jours, à l’instar d’Alpha Blondy, Chantal Taïba, Wédji Ped, Ismaël Isaac…, sont d’avis avec moi que l’on offre à la population la plus belle et grande fête qu’elle n’a jamais eue, car l’occasion est unique. Franchement, en tant que fils de ce pays, c’est un honneur que je ne peux mesurer que d’être impliqué au premier chef dans cette fête historique.
Peut-on avoir les grandes articulations de la fresque?
Il faut déjà savoir que la fresque s’intitule: «Aujourd’hui fruit d’hier, demain souffle d’aujourd’hui». Une sorte de rétrospective des années de gloire de la lutte émancipatrice à la construction de la Côte d’Ivoire moderne, suivie d’un arrêt introspectif, critique sur le présent, avant une projection dans le futur, dans les 50 années à venir. En fait, c’est une sorte de passe-muraille en trois dimensions : passé-présent-futur. Au plan de la scénographie, nous styliserons l’éléphant, emblème national, couché sur le dos, exprimant la joie, la gaieté, l’amusement, dans l’esprit de la fête. Quand le stade lui-même, sera transformé en un gigantesque éléphant dont les petits se réjouiront dans leurs entrailles. Ce, pour exprimer l’attachement à la mère-patrie. Le public verra avec émerveillement le «Bal des géants» composé de 50 échasses de plus de 2 mètres représentant 50 figures emblématiques de la Côte d’Ivoire indépendante, d’Houphouet à Gbagbo, en passant par tous les leaders de la vie politique, sociale, culturelle et sportive ivoirienne. Une partition qui symbolise mon rêve et celui de bien des Ivoiriens sinon tous, de voir se pays dans la plus grande et belle harmonie avec tous ses fils et filles unies pour son développement. Le tout soutenu par des voltiges et autres acrobaties quasi-oniriques. Car le but du spectacle est d’offrir du rêve, un rêve, mon rêve dans lequel tout est possible pour l’Ivoirien dans un pays de paix et en paix.
Professeur de danse connu et reconnu de par le monde, vous sentez-vous revêtu d’un mandat d’ambassadeur de l’art africain ? Au-delà, Georges Momboye pense-t-il avoir une signature particulière, distinctive dans le domaine des arts corporels et de la scène?
Moi, ambassadeur de la danse africaine ? En tout cas, je n’en ai pas mandat. Mais, si tant est qu’il est avéré que bien d’observateurs et critiques m’investissent de cette mission, c’est, sûrement, au vu du travail que j’accomplis tous les jours depuis le début de ma carrière au pays, de mon Kouibly natal, en passant par le Ballet national, jusqu’à mon installation en France depuis 1992. Seulement, je me bats pour que la danse africaine, traditionnelle comme contemporaine, ait une place absolument respectable, un marché porteur sur la scène internationale. Un art qui permette que l’Afrique culturelle soit perçue avec dignité, dans toute sa plénitude poétique, noble et utilitaire. Je me sens habité d’une responsabilité d’espoir à conférer aux créateurs africains. Aussi bien locaux que ceux de la diaspora.
Au sujet de ma signature distinctive, je dirai, toute modestie hypocrite mise à part, qu’elle se caractérise par le style ondulatoire de la colonne vertébrale qui est l’axe central du danseur. Ma signature réside donc dans la maîtrise de l’axe centrifuge et de l’ondulation périphérique du corps.
Au-delà du cinquantenaire, Georges Momboye a-t-il des projets pour les arts de la scène en Côte d’Ivoire, qui semblent observer une certaine léthargie depuis une vingtaine d’années, après les deux décennies glorieuses que la danse, en l’occurrence, a connues avec le Ballet national, notamment?
Votre question est fondamentale pour la relance de la danse et de la chorégraphie en Côte d’Ivoire. Car en évoquant ces années glorieuses, vous faites, assurément, allusion à l’ère des «Ballets africains», où l’Europe avait besoin de découvrir des sensations exotiques, nouvelles. Aujourd’hui, je puis vous dire que des Occidentaux exécuteraient mieux que des danseurs africains des pas de danses traditionnelles ou folkloriques. Il faut dépasser les créations de chasseurs et de sorciers qui sont des thématiques fermées, surannées et sclérosées. Elles ont, en tout cas, pris du recul. La danse contemporaine intègre la vision de la culture comme un perpétuel recommencement, un renouvellement sans la dénaturer des valeurs anthropologiques. C’est pourquoi, il faut se soustraire du ghetto de la «danse africaine contemporaine» peu élaborée, pas conceptualisée, sans une logique de formation. Aussi, ai-je en projet- et j’en ai parlé, récemment à Paris, avec l’ex-ministre de la Culture et de la Francophonie-, de créer le pôle ivoirien de danse et de chorégraphie à Abidjan. Un vivier autonome de création et de formation, même s’il pourrait être placé sous la tutelle ministérielle. L’enjeu est de déployer des stratégies efficientes de recherche et de gestion de fonds au profit de la création et de la diffusion la plus large des spectacles de danse. Un peu à l’image de ce que faisait Jack Lang, alors ministre français de la Culture, qui allait chercher les fonds hors de la sphère culturelle traditionnelle, pour booster la création française au milieu des années 1980. Et l’on en connaît les résultats. Plus récemment, Sarkozy a créé le Conseil culturel, en marge du ministère dédié. C’est vous dire que le projet que je nourris est l’ébauche matérialisée de mon rêve de voir une vitrine d’expression, de rencontres, de créations et de formation. C’est pourquoi, le schéma du pôle se démarque de celui du Ballet national, pour s’inscrire dans celui d’une compagnie avec obligation de performances. Ce pôle verra la présence de danseurs, chorégraphes, scénographes, metteurs en scène, intellectuels, spécialistes des sciences de l’organisation et du management artistique, costumiers, décorateurs, techniciens du son et de la lumière… D’où l’idée d’autonomie pour plus d’efficacité.
Figurez-vous que j’ai déjà repéré le site idéal pour un tel projet : l’ex-Centre culturel de Treichville. Avec des architectes, des plans sont esquissés, des matériaux locaux et adaptés répertoriés. Pourvu que notre cri du cœur soit entendu. Déjà, la tutelle nous a coopté pour restructurer le Ballet national et apporter notre expertise à l’Institut national des arts et de l’action culturelle (Insaac), au niveau de l’école de danse. Et nous pensons que c’est un point de départ qu’il faut négocier avec lucidité et une vision plus large.
N’avez-vous pas de difficultés logistiques, financières et autres dans la préparation de la fresque des 50 ans de la Côte d’Ivoire ?
J’ai fait le trajet Abidjan/Paris en aller et retour au moins trois fois déjà, et les choses avancent au rythme de nos tropiques. Ce n’est pas facile pour un professionnel, mais je suis convaincu qu’on y arrivera. J’avance comme l’eau et épouse toutes les formes car c’est d’abord pour moi, un honneur de servir mon pays à ce niveau.
Interview réalisée par Rémi Coulibaly