x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le samedi 3 avril 2010 | Notre Vision

Bombardement de Bouaké et Opération Dignité (Acte 2) - La vérité sur la fuite des soldats slaves

Six ans et demi après les évènements de Bouaké qui ont vu le bombardement par des raids de l’armée ivoirienne du contingent français de l’opération Licorne stationné dans cette ville du centre de la Côte d’Ivoire, des zones d’ombres commencent à être élucidées. A tel point que bien d’observateurs qui suivent ce dossier brulant des relations entre Paris et Abidjan, s’accordent à reconnaître que l’étau se resserre de plus en plus con-tre l’Elysée qui a ordonné à un niveau restreint, son état major sur place de piéger l’opération Dignité enclenchée par les autorités ivoiriennes pour restituer l’entièreté du territoire.

Dès le lendemain du raid, Paris écarte subtilement l’idée que Gbagbo ait été le commanditaire direct ou lointain de ces raids et indexe à travers son armée sur place des proches du chef de l’Etat ivoirien. Devant la juge Raynaud, le général Poncet et le colonel Destremau accusent les «radicaux» qui l’entourent : son conseiller pour les questions de défense (et neveu), Bertin Kadet, et le commandant de l’armée de l’air, Edouard Séka Yapo, auraient voulu masquer l’échec de l’offensive sur Bouaké et, pense Poncet, circonvenir toute tentative de coup d’Etat. Sans en informer le principal intéressé ? Au premier jour de l’offensive, un télégramme diplomatique de l’Ambassade de France à Abidjan note l’utilisation des «seuls moyens aériens, dont on sait qu’ils sont directement commandés par la présidence». Et, dans une note de synthèse du 17 novembre 2005, la DGSE affirme que le pilote slave responsable du bombardement de Bouaké «aurait été pris en charge par une unité des fusiliers commandos de l’armée de l’air ivoirienne pour être caché, dans un premier temps, à la présidence de Yamoussoukro, puis dans des villas, avant d’être exfiltré six jours plus tard».
En définitive, Gbagbo, qui s’est toujours méfié des autorités françaises, au point de les soupçonner d’être derrière la tentative de coup d’Etat de septembre 2002, n’a-t-il pas cru qu’elles avaient voulu le piéger en le laissant se fourvoyer dans l’attaque des rebelles ? N’a-t-il pas tenté un coup de poker désespéré, avant de lancer ses patriotes dans les rues d’Abidjan pour se protéger. La France, qui dit n’avoir aucune preuve formelle contre lui, le ménage. Parce qu’elle ne peut se permettre de rompre avec lui pour le règlement de la crise ? Ou parce qu’il pourrait, dans ce cas, révéler comment la France s’est rendue complice d’une offensive militaire qui s’est retournée contre ses soldats ? Pour tenter de mieux cerner ses responsabilités, l’interrogatoire des pilotes et techniciens slaves aurait été précieux. Mais la France a choisi de les laisser filer.
Quinze techniciens «slaves» élargis à Abidjan
Dans l’après-midi du 06 novembre, après le bombardement de Bouaké, les militaires français prennent d’assaut l’aéroport d’Abidjan, lieu stratégique pour acheminer des renforts militaires et évacuer les civils. Sur place, ils «tombent» sur quinze techniciens russes, biélorusses et ukrainiens chargés de la préparation des aéronefs de fabrication soviétique livrés par Montoya. Ils les retiennent durant quatre jours, avant de les remettre, sur instruction de l’état-major à Paris, au consul de Russie, le 11 novembre, en présence d’un délégué du Comité international de la Croix-Rouge. Avant de les libérer, des gendarmes français photographient, de leur propre initiative, ces hommes qui, au moins indirectement, ont une part de responsabilité dans la mort de neuf de leurs compagnons.
Les mercenaires ont-ils été «débriefés» auparavant ? Le général Poncet déclare qu’un gendarme affecté au COS (commandement des opérations spéciales) «a procédé à l’audition de chacun des quinze mercenaires (...)», mais «sur le fond, les gens ne se sont pas exprimés». Dans une lettre adressée le 7 juin à l’un des avocats des parties civiles, Me Jean Balan, Michèle Alliot-Marie se «félicite» qu’aucun interrogatoire «au fond» n’ait été mené, au nom du «respect des principes fondamentaux du droit» et en l’absence de toute procédure judiciaire. A la suite de sa demande de déclassification des documents sur cette affaire, la juge Raynaud s’est vu remettre les photos de ces techniciens. Mais aucun rapport précisant que ces derniers avaient refusé de s’exprimer.
La France laisse filer les pilotes biélorusses
Le 16 novembre, comme l’a raconté l’Express, un minibus arrive à la frontière togolaise, avec à son bord huit Biélorusses qui se présentent comme «mécaniciens agricoles». Le ministre togolais de l’Intérieur, qui fait le lien avec les événements en Côte-d’Ivoire, décide de les placer en garde à vue : «(...) Nous avons décidé de les arrêter pendant deux semaines et de les maintenir à la disposition des autorités françaises.» Comme en octobre, Boko alerte immédiatement les correspondants locaux des services de renseignements français et leur fournit les copies des passeports pour vérification d’identité. Mais, dans la soirée, les instructions de Paris tombent : ne vous mêlez pas de cette affaire. Fin novembre, selon la DGSE, les huit mercenaires sont exfiltrés vers Moscou. Les autorités françaises savaient-elles, dès ce moment, qu’au sein de ce groupe figurait, comme l’affirme à la magistrate le patron de la Direction du renseignement militaire (DRM), Michel Masson, au moins «un Blanc présumé être l’un des pilotes des avions Sukhoï» ? Michèle Alliot-Marie répond par la négatives. Est-ce si sûr ?
Notant que, le 02 novembre, l’Antonov et les deux SU-25 «se sont posés dans un premier temps devant nous», le capitaine Jean-Hillaire Millet a pris des clichés précis des mercenaires à Yamoussoukro. Après le raid de Bouaké du 06 novembre, il transmet «dans les quarante-huit heures ou soixante-douze heures suivantes» tous ces documents à l’état-major de «Licorne» à Abidjan, y compris les photos prises de loin (600 mètres) des pilotes restés casqués. «Dans la quinzaine de jours qui ont suivi» au moment, donc, où les huit Biélorusses étaient toujours à Lomé , le capitaine Millet précise avoir «fait un travail plus poussé de comparaison de photographies». Il conclut : «Nous avons des photographies exploitables des membres des équipages susceptibles d’avoir été aux commandes des avions en cause lors du bombardement de nos troupes.» Dans une note de synthèse du 17 novembre 2005, la DGSE donne les noms des pilotes biélorusses, précisant qu’ils sont tous deux cités «dans le groupe interpellé au Togo», et ceux des co pilotes ivoiriens visés, depuis, par deux mandats d’arrêt internationaux.
Le 23 novembre 2004, en réponse à la question d’un parlementaire UMP, la ministre de la Défense a rappelé que l’article 65 du code de justice militaire prévoit que «sont justiciables du tribunal aux armées tous auteurs ou complices d’une infraction contre les forces armées françaises». Et ajouté que «la loi spénale française est applicable à tout crime (...) commis par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction». Encore faut-il avoir la volonté de faire justice.
Paul Axel, correspondant
permanent en Europe






PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ