Pas de doute, ce qui se passe depuis quelques jours entre les Forces nouvelles conduites par le premier ministre Soro Guillaume et le camp présidentiel conduit par le président Laurent Gbagbo ressemble, à s'y méprendre, à l'oraison funèbre de l'accord politique de Ouagadougou, pourtant présenté comme devant être enseigné dans les écoles de sciences politiques des pays de démocratie de l'Occident. On peut le dire sans aucun risque de se tromper, cet accord a vécu. Si les deux camps continuent à l'évoquer, c'est bien parce que personne ne veut prendre la responsabilité de débrancher les dernières machines qui le maintiennent encore en vie de façon artificielle. Les déclarations des irréductibles des deux camps, mais plus précisément ceux du camp présidentiel, démontrent à l'évidence que plus les jours passent, plus l'idée d'un ultime affrontement grandit dans les esprits. Car le problème de fond qui forme la pomme de discorde entre les deux camps est assez profond. Le camp présidentiel veut le désarmement ici et maintenant et n'envisage pour rien au monde, d'aller aux élections sans avoir obtenu ce désarmement. Les Forces nouvelles, elles, n'entendent désarmer que conformément aux dispositions de l'avenant 4 de l'accord de Ouagadougou. Et les positions sont si tranchées que nul ne voit comment cette question pourrait être réglée autrement que par un glissement de l'affrontement verbal vers l'affrontement armé. D'autant plus que la remise en cause évidente, par le camp présidentiel, de ce qui se trouve bel et bien dans l'accord, démontre aux yeux des Forces nouvelles que décidément, l'on ne peut se fier à la signature dudit camp présidentiel. Et qu'elles ont intérêt à demeurer sur leurs gardes. La crise de confiance entre les deux camps s'est, de nouveau, installée. Le retour à la case méfiance est déjà consommé. Et les déclarations du ministre de la Défense Amani N'guessan sur la question du désarmement, ajoutées aux récentes déclarations du président Gbagbo à Ouagadougou, lequel, après avoir proclamé la réunification du pays et dépensé des milliards pour annoncer cette bonne nouvelle ( ?) au cours de nombreuses visites d'Etat dans les zones ex-assiégées, parle maintenant de réunification totale du pays avant d'aller aux élections, sont les signes qui démontrent que la Côte d'Ivoire, après quelques mois d'accalmie, s'apprête de nouveau à retomber dans l'ambiance de l'affrontement militaire. Car il faut le dire tout net. Le premier ministre Soro Guillaume est coincé. Car, même si pour faire plaisir au président Gbagbo, il donne l'impression de ne pas rejeter du revers de la main les exigences de ce dernier, il sait qu'il ne peut que se réfugier derrière le bouclier aminci du vacillant accord de Ouaga. Car, il n'est pas certain qu'en l'état actuel de la situation, il ait l'autorité et les moyens nécessaires d'amener sa branche armée qui s'est embourgeoisée, à déposer les armes. Et le président Gbagbo est si conscient de cette situation qu'il laisse bien volontiers, en bon ventriloque, ses porte-voix s'attaquer à son premier ministre sans élever la moindre protestation. Le but du jeu étant de le fragiliser afin de lui porter l'estocade au moment venu. Et ce moment n'est pas loin. Le président en a déjà donné un indice en parlant de la fin du film western. Convaincu qu'aujourd'hui, il a acquis les moyens militaires nécessaires pour faire d'une bouchée, l'armée des Forces nouvelles et récupérer ainsi toutes les parcelles du pays sur lesquelles son autorité ne s'applique guère. Des sources très crédibles parlent déjà d'infiltrations massives dans les zones ex-assiégées. Mais autant le président Gbagbo a commis une erreur en déclarant la guerre totale aux ex-insurgés dès son retour de Rome en septembre 2002 sans avoir vu le visage de l'ennemi à qui il déclarait cette guerre, autant il doit se garder de penser béatement qu'il sortirait nécessairement vainqueur d'un nouvel affrontement. Tout le monde sait que l'embargo sur les armes imposé par l'Onu n'a jamais empêché ni son camp ni celui des Forces nouvelles de s'armer massivement. Les nombreux rapports des Nations unies et de certaines organisations internationales non gouvernementales sont là qui ne le démontrent que fort bien. Autant donc prier le camp présidentiel et les Forces nouvelles de renoncer à toute velléité d'affrontements. Car les fins des films western ne sont pas toutes identiques.
ASSALE TIEMOKO
ASSALE TIEMOKO