Quatre jours, après le blocage du transport urbain et interurbain, les chauffeurs attendent toujours une décision des syndicats pour reprendre le travail. Chacun gère la situation à sa façon.
La situation est à l’image de ce syndicaliste à la gare de Cocody Saint-Jean, qui a décidé de faire du cirage en attendant que les chauffeurs de wôrô-wôrô reprennent du service. Lui et son frère jumeau, qui font cette activité, montrent qu’ils ont plus d’une corde à leur arc. Cette gare est devenue un lieu clairsemé en lieu et place de la gare, jadis bondée de monde et de véhicules, qu’on connaît. A l’ombre de quelques hangars, des chauffeurs de wôrô-wôrô, habitant Abobo, sont venus s’enquérir du climat qui règne sur leur lieu de prédilection, fermé à cause de la grève. Parmi eux, Abdoulaye K. qui fait la ligne Cocody-Angré. Par ses yeux tristes et sa face livide, on devine avant même qu’il n’ouvre la bouche, que la conduite manque au chauffeur. Il est l’un des rares chauffeurs de wôrô-wôrô, habitant la commune du maire Toungara, à avoir fait le déplacement jusqu’à Cocody, pour s’imprégner de la situation à la gare. Et comment trouve-t-il l’ambiance ? « C’est dur à gérer, mais cette lutte, nous devons la mener jusqu’au bout une bonne fois pour toutes », explique-t-il, en véritable professionnel. Aboulaye, comme beaucoup d’autres chauffeurs a été surpris par la grève. Il ne s’est pas fait assez d’économie pour gérer la situation, et il ne savait pas que ça irait aussi loin. Mais, il ne s’en plaint pas, non plus. C’est pour la bonne cause et ils sont solidaires entre chauffeurs. En attendant la reprise du travail, il ne fait rien d’autre qu’aller de cours en cours, chez ses potes chauffeurs pour prendre du thé. C’est d’ailleurs l’exemple que suivent Traoré et Cissé, des chauffeurs de Gbaka à Adjamé, non loin de la « nouvelle gare». Cet après-midi, ils sont une demi-dizaine de chauffeurs de gbaka, faisant la ligne Adjamé-Abobo, qui devisent devant les locaux de la compagnie de transport, Sito. Eclats de rire, anecdotes, taquineries.
Des chauffeurs devenus cireurs
L’ambiance est paisible, cool. Ils semblent se plaire dans ce nouveau climat. Pourquoi cette joie apparente alors que le pays est à moitié bloqué par leur faute. Cissé est le premier à parler de la situation : « moi, j’ai fait des économies et je suis près à faire un mois de grève. Car nous luttons pour la bonne cause. » Il ne croit pas si bien dire pour Traoré, chauffeur de gbaka aussi, qui fait la même ligne que Cissé. Seulement, en parlant d’économie, Traoré est moins optimiste. Il n’a pas eu le temps de mettre quelque chose de côté. Mais, c’est pour lui un sacrifice qu’il est nécessaire de faire. Et, puis, selon lui, ses amis chauffeurs seront toujours là pour lui venir en aide, lorsqu’il aura besoin de sous. Sur le visage des conducteurs, on lit de la fermeté. Pas question de céder, même s’il faut mourir de faim, ajoute Traoré. Du côté des conducteurs de car, on tient le même discours. Et on peut sentir par leurs propos cette solidarité absolue, rarement constatée chez ces conducteurs autrefois versatiles et portés sur des promesses sans lendemain. « La façon dont chacun gère la situation chez lui, ne devait pas préoccuper les Ivoiriens», raconte Ouattara, un des conducteurs de Sito que nous avons rencontré à la gare. Contrairement aux chauffeurs de gbaka, il est payé par mois et non selon les recettes qu’il engrange. Et c’est plus facile pour lui de tenir le coup, mais ce n’est pas une raison de se croire différent des autres. «On fait la même lutte. Si le prix du carburant baisse aujourd’hui, c’est tout le monde qui va en bénéficier, même les citoyens qui se plaignent que le transport est paralysé », raconte-t-il. A côté de lui, un autre chauffeur de Sito est venu à la gare pour passer le temps avec son collègue. Et il va dans le même sens que Ouattara. Comme on peut s’en douter, les chauffeurs de taxis-compteurs aussi essayent de gérer la situation à leur façon. Beaucoup en profite pour se reposer. Hamed Touré, lui, a garé son bahut à la maison et passe plus de temps avec sa petite amie. « Circuler avec le taxi, est dangereux. Des syndicalistes peuvent casser le véhicule croyant que vous essayez de conduire », soutient-il. En tout cas, ce garçon dans la trentaine, encore célibataire, profite de la situation. Et sans regret.
Raphaël Tanoh
La situation est à l’image de ce syndicaliste à la gare de Cocody Saint-Jean, qui a décidé de faire du cirage en attendant que les chauffeurs de wôrô-wôrô reprennent du service. Lui et son frère jumeau, qui font cette activité, montrent qu’ils ont plus d’une corde à leur arc. Cette gare est devenue un lieu clairsemé en lieu et place de la gare, jadis bondée de monde et de véhicules, qu’on connaît. A l’ombre de quelques hangars, des chauffeurs de wôrô-wôrô, habitant Abobo, sont venus s’enquérir du climat qui règne sur leur lieu de prédilection, fermé à cause de la grève. Parmi eux, Abdoulaye K. qui fait la ligne Cocody-Angré. Par ses yeux tristes et sa face livide, on devine avant même qu’il n’ouvre la bouche, que la conduite manque au chauffeur. Il est l’un des rares chauffeurs de wôrô-wôrô, habitant la commune du maire Toungara, à avoir fait le déplacement jusqu’à Cocody, pour s’imprégner de la situation à la gare. Et comment trouve-t-il l’ambiance ? « C’est dur à gérer, mais cette lutte, nous devons la mener jusqu’au bout une bonne fois pour toutes », explique-t-il, en véritable professionnel. Aboulaye, comme beaucoup d’autres chauffeurs a été surpris par la grève. Il ne s’est pas fait assez d’économie pour gérer la situation, et il ne savait pas que ça irait aussi loin. Mais, il ne s’en plaint pas, non plus. C’est pour la bonne cause et ils sont solidaires entre chauffeurs. En attendant la reprise du travail, il ne fait rien d’autre qu’aller de cours en cours, chez ses potes chauffeurs pour prendre du thé. C’est d’ailleurs l’exemple que suivent Traoré et Cissé, des chauffeurs de Gbaka à Adjamé, non loin de la « nouvelle gare». Cet après-midi, ils sont une demi-dizaine de chauffeurs de gbaka, faisant la ligne Adjamé-Abobo, qui devisent devant les locaux de la compagnie de transport, Sito. Eclats de rire, anecdotes, taquineries.
Des chauffeurs devenus cireurs
L’ambiance est paisible, cool. Ils semblent se plaire dans ce nouveau climat. Pourquoi cette joie apparente alors que le pays est à moitié bloqué par leur faute. Cissé est le premier à parler de la situation : « moi, j’ai fait des économies et je suis près à faire un mois de grève. Car nous luttons pour la bonne cause. » Il ne croit pas si bien dire pour Traoré, chauffeur de gbaka aussi, qui fait la même ligne que Cissé. Seulement, en parlant d’économie, Traoré est moins optimiste. Il n’a pas eu le temps de mettre quelque chose de côté. Mais, c’est pour lui un sacrifice qu’il est nécessaire de faire. Et, puis, selon lui, ses amis chauffeurs seront toujours là pour lui venir en aide, lorsqu’il aura besoin de sous. Sur le visage des conducteurs, on lit de la fermeté. Pas question de céder, même s’il faut mourir de faim, ajoute Traoré. Du côté des conducteurs de car, on tient le même discours. Et on peut sentir par leurs propos cette solidarité absolue, rarement constatée chez ces conducteurs autrefois versatiles et portés sur des promesses sans lendemain. « La façon dont chacun gère la situation chez lui, ne devait pas préoccuper les Ivoiriens», raconte Ouattara, un des conducteurs de Sito que nous avons rencontré à la gare. Contrairement aux chauffeurs de gbaka, il est payé par mois et non selon les recettes qu’il engrange. Et c’est plus facile pour lui de tenir le coup, mais ce n’est pas une raison de se croire différent des autres. «On fait la même lutte. Si le prix du carburant baisse aujourd’hui, c’est tout le monde qui va en bénéficier, même les citoyens qui se plaignent que le transport est paralysé », raconte-t-il. A côté de lui, un autre chauffeur de Sito est venu à la gare pour passer le temps avec son collègue. Et il va dans le même sens que Ouattara. Comme on peut s’en douter, les chauffeurs de taxis-compteurs aussi essayent de gérer la situation à leur façon. Beaucoup en profite pour se reposer. Hamed Touré, lui, a garé son bahut à la maison et passe plus de temps avec sa petite amie. « Circuler avec le taxi, est dangereux. Des syndicalistes peuvent casser le véhicule croyant que vous essayez de conduire », soutient-il. En tout cas, ce garçon dans la trentaine, encore célibataire, profite de la situation. Et sans regret.
Raphaël Tanoh