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Économie Publié le lundi 19 avril 2010 | Le Patriote

Interview exclusive / réfugié à la base de l’Onuci-Sebroko - Diakité Yacouba fait des révélations : “On veut me tuer”

© Le Patriote Par DR
Hausse du prix du carburant - Les transporteurs observent un arrêt de travail à Abidjan
Depuis le samedi dernier, Diakité Yacouba, président du collectif des fédérations des syndicats des chauffeurs professionnels de Côte d’Ivoire (CFSCP-CI), s’est réfugié dans les locaux de l’ONUCI à Sebroko. Dans cet entretien téléphonique, il nous explique les raisons de sa présence à Sebroko et réaffirme son engagement à mener la lutte jusqu’au bout.
LP : M. Diakité Yacouba, depuis le vendredi dernier, l’on a du mal à vous joindre ou même à vous rencontrer. Où êtes vous ?
Diakité Yacouba : Je suis à Sebroko, au siège de l’ONUCI en Côte d’Ivoire.

LP : Et que faites-vous la-bàs ?
DK : J’y suis pour ma propre sécurité parce que je ne suis plus en sécurité. On veut me tuer.

LP : Ah bon ! Et qui veut vous tuer?
DY : Je pense que ce sont les autorités du pays mais aussi certains syndicalistes qui pensent que par mon action, j’entravais leurs intérêts. Je voudrais rappeler que ce n’est pas la première fois que je suis dans la ligne de mire, et des syndicalistes et du pouvoir. Je rappelle que l’année dernière, j’ai été arrêté à la gendarmerie de Yopougon. Suite à un mot d’ordre de grève qu’on avait lancé toujours par rapport à ce même problème d’augmentation du carburant. On m’a accusé de vouloir déstabiliser le pays. J’ai une autre fois été conduit au camp commando d’Abobo pour la même accusation. J’ai été relâché pour insuffisance de preuves. On a même tiré sur mon véhicule.

LP : Comment vous portez-vous actuellement ?
DY : Je me porte plutôt bien. Parce que je crois que je suis en des mains sûres avec la communauté internationale. Je me suis séparé de ma famille mais elle va bien. Mais sachez que depuis quelques jours, nous n’avons plus de vie de famille. Il n’y a personne chez moi à la maison. Ce sont seulement mes équipements qui s’y trouvent. C’est pourquoi je voudrais rassurer les chauffeurs et leur dire que la lutte que nous menons, nous la menons pour eux. A cet effet, je voudrais remercier la presse pour avoir été présente durant cette grève et l’ONUCI qui a décidé de nous apporter sa protection. Nous sommes dans un pays de droit, qu’on permette aux uns et autres de s’exprimer dans la légalité.

LP : Mais comment êtes-vous arrivé à Sebroko ?
DK : Le samedi dernier, je me suis rendu au siège de mon syndicat à Adjamé pour faire le bilan de notre mot d’ordre de grève. Le soir, entre 20h et 21 heures, je suis allé à Cocody parce que j’avais un rendez-vous avec un ami. En route, j’ai remarqué qu’un véhicule banalisé me suivait. J’ai profité d’un moment d’inattention de mes poursuivants pour me réfugier dans un maquis d’où j’ai appelé l’ONUCI. Les éléments de l’ONUCI sont venus m’exfiltrer pour me conduire à leur base de Sebroko. C’est après qu’ils sont allés chercher mon véhicule qui est actuellement stationné dans leur parking. Je voudrais faire remarquer que depuis le début de notre mot d’ordre de grève, des forces de l’ordre rodaient autour de mon domicile. Et ce samedi, ils sont rentrés dans ma cour pour prendre de mes nouvelles. Déjà, le vendredi dernier, dans la cour du Conseil économique et social, avant notre rencontre avec le président Laurent Dona Fologo, un monsieur en civil s’est présenté à moi comme un journaliste. Je lui ai dit que je ne le connaissais pas. Et je l’ai même trouvé bizarre.

LP : Et pourquoi ?
DY. Tout simplement parce qu’après, il m’a fait savoir qu’à cause de moi, il ne dormait pas et qu’il était contraint de surveiller mon domicile. Je lui ai répondu que je ne faisais que faire mon travail de syndicaliste.

LP : Qu’avez-vous à dire aux chauffeurs ?
DY : Je voudrais qu’ils se souviennent des raisons qui nous ont amenés à faire cette grève. Je voudrais qu’ils comprennent que l’objectif de tout syndicat responsable est de lutter pour les intérêts de ses membres. Et c’est ce que nous essayons de faire. Je voudrais leur rappeler qu’avant de déclencher cette grève, l’argent devrait être le dernier de nos soucis. Ils étaient tous d’accord et ils nous ont donné leur caution. Je voudrais aussi que les chauffeurs comprennent qu’aujourd’hui du fait du prix élevé du carburant, les chauffeurs n’arrivent plus à prendre en charge convenablement leur famille. Notre lutte allait aboutir si des intrus ne s’y étaient pas introduits.

LP : Pensez-vous avoir été trahis ?
DY : Oui, nous avons été trahis. Parce que nous étions sur la bonne voie. Le gouvernement était sur le point d’accepter notre proposition qui était une réduction de 75 FCFA sur le prix du gasoil et du super. Au départ, notre proposition était que le gasoil soit à 450 et le super à 550 FCFA. Alors que nous devrions rencontrer le Premier ministre dans la soirée du vendredi, une rencontre parallèle a eu lieu avec le ministre des Mines et de l’Energie avec des personnes qui n’avaient rien avoir avec notre grève. Touré Adama s’est autoproclamé porte-parole, et est intervenu au journal de 20 h de ce vendredi. Je demande à Touré Adama de nous présenter une copie du préavis de grève. En plus de la baisse du prix du carburant qui faisait partie de nos revendications, nous avions exigé la fin des tracasseries policières et aussi une période pour fixer le paiement de la vignette et de la patente et une date pour s’acquitter effectivement de ces paiements. Cela permettra aux transporteurs de respirer un peu.

LP : Etes-vous déçus ?
DY. C’est trop que de parler de déception. Ce que je voudrais dire, c’est que l’Etat n’a pas été vigilant. On a signé un décret de mise sur pied d’un fonds de soutien aux transporteurs. Je déplore que l’Etat mette 1 milliard de fonds entre les mains de personnes qui n’ont pas de véhicules. Je suis transporteur, j’ai des camions qui vont au delà de la Côte d’Ivoire. Des personnes n’ont même pas de véhicules et c’est à eux que l’on confie un milliard de Fcfa. Je demande à l’Etat de faire très attention. En plus je demande que la communauté internationale mène une enquête sur la gare où règne une véritable mafia.

LP : Après toutes ces pressions, êtes vous prêt à lancer encore un mot d’ordre de grève?
DY : Je suis syndicaliste ou je ne le suis pas. Je ne peux pas accepter le flou qui règne autour du carburant même si on m’accuse par mes actions, d’être ennemis du carburant. Il faudrait qu’on explique le taux élevé des taxes qu’on prélève sur le carburant. Il faut qu’on nous respecte. Notre arrêt de travail, je voudrais le rappeler, n’avait rien de politique. C’était pour nous, une façon de crier notre ras-le-bol. Du fait du prix élevé du carburant, des tracasseries routières, les chauffeurs broient du noir. Nous disons non à cette situation et nous sommes prêts à reprendre la lutte.

LP : Le transport a repris. Avez-vous un mot à dire sur cette reprise?
DY : Je voudrais d’abord dire merci à l’ensemble des chauffeurs. Ils ont été formidables. Nous avions déposé un préavis de grève de 5 jours. Ça n’a pas été facile, mais ils ont tenu. C’est pourquoi je les félicite. Je voudrais aussi dire que nous avons levé le mot d’ordre de grève, il est normal qu’ils reprennent le travail. Mais, qu’ils sachent que la lutte n’est pas encore terminée. Nous sommes prêts désormais à dénoncer tous ceux de notre milieu mais aussi d’autres milieux qui tenteront de faire des blocages quant à la satisfaction de nos revendications. Nous sommes ouverts au dialogue et nous disons que le Premier ministre et le Chef de l’Etat peuvent compter sur nous pour un dialogue franc.
Réalisée au téléphone par Thiery Latt
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