Du lundi 12 au vendredi 16 avril dernier, suite à l’augmentation (la énième) du prix du carburant à la pompe, les transporteurs de Côte d’Ivoire ont observé un mot d’ordre de grève qui a été très largement suivi.
C’est le vendredi 9 avril dernier que tout a commencé. Ce jour-là, dans les différentes gares de gbaka et de wôrô-wôrô du District d’Abidjan, ont été distribués des prospectus qui annonçaient un vaste débrayage dans le secteur du transport le lundi 12 avril 2010. Motif évoqué : l’augmentation du prix du carburant. Mais, sceptiques, ceux qui ont pris connaissance du contenu du prospectus, n’y ont guère prêté attention.
« C’est toujours comme ça avec les transporteurs. Ils donnent des mots d’ordre de grève et le lendemain, on les voit conduire » a indiqué entre ironie et agacement, un usager. Les Abidjanais ont donc tranquillement vaqué à leurs occupations sans souci pour les jours à venir. Mais, à la surprise générale, le lundi 12 avril dernier, comme annoncé, les transporteurs ont débrayé. Ainsi, ce lundi-là, aucun véhicule de transport en commun n’a roulé. En effet, les taxis-compteurs, les wôrô-wôrôs et les gbakas ont garé. Les gares, d’ordinaire si bruyantes et vivantes, étaient désertes. Jamais, de mémoire d’Abidjanais, grève n’a été aussi largement suivie. Où que porte le regard, ni taxi, ni wôrô-wôrôs ni gbakas n’étaient visibles. Du coup, la circulation était fluide. Plus d’embouteillages !
Mais si le succès de la grève faisait la joie des transporteurs, il faisait, hélas, le malheur des usagers contraints de marcher pour certains, de faire de l’auto-stop pour d’autres et de (re)faire l’expérience du bus pour d’autres encore. En clair, cette grève a été un calvaire pour les Abidjanais.
La justesse du combat des transporteurs
Mais, personne n’en voulait aux grévistes. Bien au contraire. Les uns et les autres trouvaient même leur mouvement totalement justifié. Puisqu’apparemment rien ne pouvait expliquer la dernière augmentation du prix du carburant. Convaincus donc de la justesse de leur combat, les transporteurs n’entendaient nullement faire marche-arrière. Mais le mercredi dernier, au journal de 20 h, l’on a aperçu sur le petit écran un groupe de transporteurs venus lire une déclaration annonçant la fin de la grève et appelant les autres transporteurs à reprendre le travail le lendemain, jeudi. Mais aucun véhicule de transport n’a bougé le lendemain. Ce même jeudi, un autre groupe de transporteurs a fait son apparition pour, lui aussi, appeler à la reprise. Mais comme pour le premier groupe, personne n’a suivi son mot d’ordre de suspension.
Et comme chacun le subodorait, peu ou prou, il semblerait que les deux groupes intervenus sur le petit écran n’étaient pas représentatifs des transporteurs et qu’ils auraient même été bastonnés par ceux-ci. Toujours est-il qu’il a fallu attendre le vendredi 16 avril dernier pour que les vrais représentants des transporteurs interviennent sur le petit écran pour annoncer la fin de la grève et faire le point des revendications satisfaites par le gouvernement. Entre autres, une diminution de 30 F (soit l’annulation de l’augmentation faite par le gouvernement), un décret pour le développement du transport, la fin des tracasseries routières, etc. On peut donc dire que les transporteurs ont fait d’une pierre plusieurs coups. Ils ont profité de l’augmentation du prix du carburant pour vider certains contentieux qui les opposaient au gouvernement. Mais si la reprise a été effective le jour qui a suivi l’intervention télévisée des vrais représentants des transporteurs, l’on a noté que dans certains quartiers comme Abobo, Port-Bouët, Koumassi connus pour leur proximité avec l’opposition, des syndicats de transporteurs se sont violemment opposés, sans raison, à ceux de leurs collègues qui voulaient rouler. Renseignement pris, les syndicats opposés à la reprise alors que les revendications des transporteurs ont été satisfaites par le gouvernement seraient à la solde de l’opposition qui entendait ainsi récupérer le mouvement. L’objectif de l’opposition, on le voit, était donc de faire perdurer la grève à l’effet de susciter la grogne de la population qui commençait d’ailleurs à s’impatienter.
L’inopportune augmentation du prix du carburant
A l’évidence, le gouvernement a donc été avisé de céder face aux transporteurs. Car un jour ou deux de plus auraient eu des conséquences incalculables. De fait, certains travailleurs ne se rendaient plus au travail ou ils s’y rendaient en accusant de gros retards ; de nombreux écoliers et élèves n’allaient plus à l’école. Dans les hôpitaux, les malades ne recevaient plus de soins ou n’étaient plus régulièrement suivis ; des commerces ont dû fermer etc. Pour tout ce beau monde, les 5 jours de grève furent une éternité. Le gouvernement se devait donc de réagir et il a réagi. On peut toutefois déplorer qu’il ne l’ait pas fait avec plus de diligence. Car, attendre cinq (5) jours pour dire ‘’oui’’ alors qu’il pouvait accéder aux requêtes des transporteurs le premier ou le deuxième jour, c’était manifestement se méprendre sur la gravité de la situation. C’est ce qui s’appelle manquer de discernement. Mais tout étant rentré dans l’ordre, il n’est point nécessaire d’accabler outre-mesure qui que ce soit.
Il faut cependant saluer la belle unité des transporteurs qui sont, pour une fois, allés jusqu’au bout d’un mouvement de grève. On peut néanmoins regretter que certains se soient laissés manipulés par des politiciens.
Une chose est de revendiquer pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des acteurs d’un secteur donné, une autre est de servir une cause politique. Les deux sont totalement différents. C’est pourquoi, il faut appeler les transporteurs ou les autres travailleurs à la vigilance. Puisqu’aucun politicien ne se soucie de leurs problèmes et préoccupations, ils gagneraient à ne point s’occuper des politiciens. Ce ne serait qu’un juste retour des choses. C’est l’une des leçons qu’il faudra peut-être tirer de cette grève au cours de laquelle l’on n’a entendu aucun parti politique dénoncer l’inopportune augmentation du prix du carburant.
Jean Henri Kwahulé
C’est le vendredi 9 avril dernier que tout a commencé. Ce jour-là, dans les différentes gares de gbaka et de wôrô-wôrô du District d’Abidjan, ont été distribués des prospectus qui annonçaient un vaste débrayage dans le secteur du transport le lundi 12 avril 2010. Motif évoqué : l’augmentation du prix du carburant. Mais, sceptiques, ceux qui ont pris connaissance du contenu du prospectus, n’y ont guère prêté attention.
« C’est toujours comme ça avec les transporteurs. Ils donnent des mots d’ordre de grève et le lendemain, on les voit conduire » a indiqué entre ironie et agacement, un usager. Les Abidjanais ont donc tranquillement vaqué à leurs occupations sans souci pour les jours à venir. Mais, à la surprise générale, le lundi 12 avril dernier, comme annoncé, les transporteurs ont débrayé. Ainsi, ce lundi-là, aucun véhicule de transport en commun n’a roulé. En effet, les taxis-compteurs, les wôrô-wôrôs et les gbakas ont garé. Les gares, d’ordinaire si bruyantes et vivantes, étaient désertes. Jamais, de mémoire d’Abidjanais, grève n’a été aussi largement suivie. Où que porte le regard, ni taxi, ni wôrô-wôrôs ni gbakas n’étaient visibles. Du coup, la circulation était fluide. Plus d’embouteillages !
Mais si le succès de la grève faisait la joie des transporteurs, il faisait, hélas, le malheur des usagers contraints de marcher pour certains, de faire de l’auto-stop pour d’autres et de (re)faire l’expérience du bus pour d’autres encore. En clair, cette grève a été un calvaire pour les Abidjanais.
La justesse du combat des transporteurs
Mais, personne n’en voulait aux grévistes. Bien au contraire. Les uns et les autres trouvaient même leur mouvement totalement justifié. Puisqu’apparemment rien ne pouvait expliquer la dernière augmentation du prix du carburant. Convaincus donc de la justesse de leur combat, les transporteurs n’entendaient nullement faire marche-arrière. Mais le mercredi dernier, au journal de 20 h, l’on a aperçu sur le petit écran un groupe de transporteurs venus lire une déclaration annonçant la fin de la grève et appelant les autres transporteurs à reprendre le travail le lendemain, jeudi. Mais aucun véhicule de transport n’a bougé le lendemain. Ce même jeudi, un autre groupe de transporteurs a fait son apparition pour, lui aussi, appeler à la reprise. Mais comme pour le premier groupe, personne n’a suivi son mot d’ordre de suspension.
Et comme chacun le subodorait, peu ou prou, il semblerait que les deux groupes intervenus sur le petit écran n’étaient pas représentatifs des transporteurs et qu’ils auraient même été bastonnés par ceux-ci. Toujours est-il qu’il a fallu attendre le vendredi 16 avril dernier pour que les vrais représentants des transporteurs interviennent sur le petit écran pour annoncer la fin de la grève et faire le point des revendications satisfaites par le gouvernement. Entre autres, une diminution de 30 F (soit l’annulation de l’augmentation faite par le gouvernement), un décret pour le développement du transport, la fin des tracasseries routières, etc. On peut donc dire que les transporteurs ont fait d’une pierre plusieurs coups. Ils ont profité de l’augmentation du prix du carburant pour vider certains contentieux qui les opposaient au gouvernement. Mais si la reprise a été effective le jour qui a suivi l’intervention télévisée des vrais représentants des transporteurs, l’on a noté que dans certains quartiers comme Abobo, Port-Bouët, Koumassi connus pour leur proximité avec l’opposition, des syndicats de transporteurs se sont violemment opposés, sans raison, à ceux de leurs collègues qui voulaient rouler. Renseignement pris, les syndicats opposés à la reprise alors que les revendications des transporteurs ont été satisfaites par le gouvernement seraient à la solde de l’opposition qui entendait ainsi récupérer le mouvement. L’objectif de l’opposition, on le voit, était donc de faire perdurer la grève à l’effet de susciter la grogne de la population qui commençait d’ailleurs à s’impatienter.
L’inopportune augmentation du prix du carburant
A l’évidence, le gouvernement a donc été avisé de céder face aux transporteurs. Car un jour ou deux de plus auraient eu des conséquences incalculables. De fait, certains travailleurs ne se rendaient plus au travail ou ils s’y rendaient en accusant de gros retards ; de nombreux écoliers et élèves n’allaient plus à l’école. Dans les hôpitaux, les malades ne recevaient plus de soins ou n’étaient plus régulièrement suivis ; des commerces ont dû fermer etc. Pour tout ce beau monde, les 5 jours de grève furent une éternité. Le gouvernement se devait donc de réagir et il a réagi. On peut toutefois déplorer qu’il ne l’ait pas fait avec plus de diligence. Car, attendre cinq (5) jours pour dire ‘’oui’’ alors qu’il pouvait accéder aux requêtes des transporteurs le premier ou le deuxième jour, c’était manifestement se méprendre sur la gravité de la situation. C’est ce qui s’appelle manquer de discernement. Mais tout étant rentré dans l’ordre, il n’est point nécessaire d’accabler outre-mesure qui que ce soit.
Il faut cependant saluer la belle unité des transporteurs qui sont, pour une fois, allés jusqu’au bout d’un mouvement de grève. On peut néanmoins regretter que certains se soient laissés manipulés par des politiciens.
Une chose est de revendiquer pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des acteurs d’un secteur donné, une autre est de servir une cause politique. Les deux sont totalement différents. C’est pourquoi, il faut appeler les transporteurs ou les autres travailleurs à la vigilance. Puisqu’aucun politicien ne se soucie de leurs problèmes et préoccupations, ils gagneraient à ne point s’occuper des politiciens. Ce ne serait qu’un juste retour des choses. C’est l’une des leçons qu’il faudra peut-être tirer de cette grève au cours de laquelle l’on n’a entendu aucun parti politique dénoncer l’inopportune augmentation du prix du carburant.
Jean Henri Kwahulé