Accusé d'avoir trahi les transporteurs lors de leur dernière grève, Touré Adama, président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d'Ivoire (Cngr-CI) a décidé de réagir.
L'on vous accuse d'avoir trahi les transporteurs au cours de leur grève qui a eu lieu du 12 au 16 avril dernier. Que répondez-vous?
J'ai été moi-même surpris de cet acharnement contre ma personne et qui certainement, tire ses sources d'un parti politique. Parce que ceux qui m'ont écrit et qui ont écrit à l'Etat de Côte d'Ivoire pour déposer un préavis de grève, ce ne sont pas eux qui m'accusent d'avoir cassé la grève. C'est ce qui me réconforte. Donc, c'est à dessein que l'on m'accuse. Parce que ceux qui ont déposé un préavis de grève depuis le 6 avril, ce n'est autre que le Comité de crise dirigé par Diabaté Eric et son porte-parole Diabaté Losséni. Ils sont tous chapotés par le Conseil national des organisations professionnelles de conducteurs, dirigé par Coulibaly Ladji, Sanogo Souleymane, Abdoulaye Sylla, Sangaré Abdoulaye. Ce sont eux qui ont mis leurs membres ensemble pour lancer ce mouvement.
Quels sont vos liens avec ceux-là?
Ces dirigeants sont affiliés à la Coordination nationale des gares routières avec leurs 84 organisations syndicales et cela depuis près de trois ans. C'est nous qui leur avons permis de créer d'ailleurs leur conseil. Nous travaillons en étroite collaboration et ils ne posent aucun acte sans l'accord préalable de la Coordination. Donc, nous avons été surpris de voir un certain Yacouba Diakité parler de ce qu'on a brisé une grève dont lui-même n'est pas l'initiateur. Il n'a déposé aucun préavis. De plus, il n'a mené aucune négociation avec les autorités et n'a jamais participé à aucune réunion. Il est clair que ce dernier a été utilisé par un parti politique. On ne peut pas comprendre que ce dernier qui nous accuse d'avoir brisé la grève, parte s'appuyer sur le président du Conseil économique et social Laurent Dona Fologo pour qu'il puisse passer à la télévision, pour demander aux transporteurs de reprendre le travail. C'est étonnant. Et le lendemain, dans les colonnes d'un journal de l'opposition, il soutient que la grève a été levée par d'autres personnes. Nous trouvons cela illogique. C'est quelqu'un qui est instrumentalisé par un parti politique.
Mais qui a appelé la Coordination à la table de négociation ?
Ce sont ceux qui ont déposé leur préavis de grève qui nous ont écrit. C'est-à-dire le Comité de crise des syndicats, acteurs et auxiliaires du transport (Ccsat). Ils nous ont demandé de les soutenir. Quand ils ont fait toutes les négociations pendant 48 heures, ils n'ont obtenu qu'une réduction de 15 fcfa sur le litre du gasoil. Ils sont revenus encore vers nous, pour dire que cela était insuffisant. Et par conséquent, le mot d'ordre est maintenu. Nous avons donc usé de nos relations auprès du ministre des Mines et de l'Energie qui nous a reçus de 18 heures jusqu'à 1 heure du matin pour obtenir l'annulation de 15 autres Fcfa sur le gasoil. En plus, nous avons obtenu le décret du Fonds de développement des transporteurs. Parce que si on ne s'en tenait qu'aux conducteurs, cela ne faisait pas partie de leurs revendications.
Vous estimez que les transporteurs ont eu gain de cause…
C'est à cause de la hausse de 30 Fcfa que nous sommes allés en grève. Ce n'est pas pour autre chose. Et pour la première fois, on a réussi à faire reculer le gouvernement. Voilà pourquoi il est responsable de reprendre le travail. En 2008, c'est 100 Fcfa que l'Etat avait ajouté sur le gasoil. Quand les mouvements ont commencé, l'Etat est revenu sur sa décision et le travail a repris immédiatement. Pourquoi cette fois-ci, c'est Touré Adama qui a signé le protocole d'accord avec le ministre qu'on veut me vilipender. Ce sont des problèmes de personnes et c'est déplorable. Des hommes politiques ont essayé par des voies contournées pour récupérer notre lutte. Mais, ils ont échoué. Et maintenant, ils nous en veulent. Ce n'est pas responsable. Surtout que cela se passe dans un journal proche du Rassemblement des républicains (Rdr).
Mais pourtant vous êtes membre de ce parti…
C'est ce qui m'embête. Pendant que dans les journaux proches du parti au pouvoir l'on me traite d'invétéré du Rdr. Aujourd'hui, on me présente comme un ennemi de ce parti parce que je ne suis pas un va-t-en-guerre. Parce que je me conforme à la mission que mes mandants m'ont confiée. Or, certaines personnes souhaitaient que je me substitue aux grévistes pour maintenir une grève. Mais pour avoir quoi ? C'est la preuve que certaines personnes avaient d'autres intentions derrière notre mouvement. On a été en prison à un certain moment pour des raisons que nous ignorons encore. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus faire d'amalgame. Une lutte politique est différente d'une professionnelle. Il faut que les politiciens soient capables de mener leur lutte et ne cherchent pas à nous utiliser. Nous refusons cela. Ce ne sont pas les partis qui m'ont nommé à la tête de la Coordination des gares routières. C'est plutôt les transporteurs et les conducteurs routiers. Tant qu'ils me feront confiance, je répondrai présent. Il faut noter qu'au-delà de toute autre considération, nous sommes des responsables de famille. Nous avons fait une grève pendant cinq jours. Quand nos épouses vont au marché, elles reviennent pour nous dire qu'il y a une pénurie alimentaire. Nous sommes d'abord des hommes avant d'être syndicalistes. Nous ne pouvons pas affamer la population ivoirienne. Ce n'est pas elle qui est la cause de nos malheurs.
Pensez-vous que la position que vous défendez (intérêt coorporatrice) va être comprise par votre base qui, quoiqu'on dise, est présentée un peu comme étant très liée au Rdr ?
La base est obligée de comprendre cela. Quels que soient les membres de la base, chaque élément est militant de son comité de base ou de sa section. Donc, la base a les moyens légaux de pouvoir revendiquer ses problèmes dans lesquels nous ne nous immisçons pas. Je ne le nie pas, je suis membre du Rdr, secrétaire de section. Je ne peux pas concevoir qu'on utilise Yacouba Diakité qui m'a déjà montré sa carte Fpi pour me traîner dans la boue.
Si c'était votre candidat qui était au pouvoir, est-ce que vous auriez pu lancer un mot d'ordre similaire?
Tant que je serai président des transporteurs et des conducteurs routiers en Côte d'Ivoire, si Alassane Ouattara au est pouvoir et qu'il augmente le prix du carburant, nous irons en grève. Quitte au parti de me radier ou non. Je suis propriétaire de véhicule et je vis du transport. Je ne vis pas d'un parti politique.
Les transporteurs nous ont habitués à des grèves d'un ou deux jours avant de reprendre, sans obtenir quelque chose de concret. Mais, cette fois-ci, en dépit de quelques casses, vous avez tenu et la grève a été un succès. Qu'est-ce qui peut expliquer cela?
Malheureusement, certaines personnes ne voient que les grèves pour comprendre la lutte d'une corporation. Il faut reconnaître que, depuis des années, nous avons mené un combat avec les transporteurs. Depuis 1994, nous combattons le racket. Et aujourd'hui, par rapport à la mise en place du Comité technique de contrôle de la fluidité routière dirigé par le Gal Philippe Mangou, nous avons des avancées notables. Sur 157 Massa (minicars de transport) qui font la ligne Abidjan-Daloa, nous avons réussi lors d'une mission avec le commissaire du gouvernement Ange Kessi, à réduire le racket, puisque chaque véhicule payait 32.500 Fcfa par jour, soit plus de 5 millions de Fcfa. Aujourd'hui, chaque Massa paie moins de 5.000 Fcfa. Nous avons également obtenu la suppression du corridor sur la route de Bingerville et plus récemment, trois jours avant la grève, le barrage d'Elibou appelé «barrage de l'humiliation». Après cela, nous avons sillonné le pays, pour tenir aux transporteurs et aux conducteurs un seul message : sans l'union, on ne peut rien obtenir. Aujourd'hui, il y a encore des esprits chagrins qui veulent faire revenir le système du syndicalisme unique en se faisant appeler patronat. Ce sont de vieux syndicats qui n'ont rien apporté à la corporation. Il y a une nouvelle élite aujourd'hui dans le transport. Ce ne sont plus les vieux et analphabètes qui sont transporteurs. Maintenant, ce sont de jeunes intellectuels. Le contact est devenu plus positif et nous arrivons à échanger. Nous assistons donc à l'émancipation de la classe des transporteurs. Aujourd'hui, il y a eu d'autres acquis.
Lesquels ?
Il y avait un bicéphalisme dangereux qui bénéficiait aux Forces de défense et de sécurité dans le contrôle qui a été réglé. C'est-à-dire, la Sonatt imprimait déjà le permis international, la carte grise internationale et la Direction générale des transports terrestres et de la circulation (Dgttc) confectionnait, de son côté, les mêmes documents. Dans ces conditions, les Fds faisaient toujours payer de l'argent aux transporteurs. Grâce à ce mouvement, la Dgttc n'est plus autorisée à produire ces documents. Cette compétence est dévolue uniquement à la Sonatt. Il y a également la réforme du permis de conduire. Les permis ancienne formule, nous en avons établi pour nos chauffeurs, il n'y a pas longtemps. C'est pratiquement neuf. Et ce sont des documents qui arrivent à expiration deux ou quatre ans pour certains. Or, dans le cadre de la réforme, on nous obligeait à tout renouveler. Aujourd'hui, ces permis sont valables tant que leur date d'expiration n'est pas arrivée. Sans compter le Fonds de développement des transports dont le décret a été signé le premier jour de la grève.
S'agissant du fonds de développement, quel est le dispositif qui sera mis en place pour éviter qu'il ne soit accaparé par une minorité?
Cela va permettre à tous les transporteurs de renouveler leur parc automobile. Ce n'est pas de l'argent qui sera remis à un syndicat comme on a vu par le passé. On s'est battu et on a même donné des garde-fous au gouvernement pour ne pas que la gestion du fonds soit aux mains des transporteurs. L'Etat doit créer un conseil d'administration et un comité de gestion tripartite (le ministère des transports, les transporteurs, les conducteurs). Cela pourra nous permettre d'avoir des centres de formation, de pouvoir recycler nos conducteurs,… Ce fonds va nous permettre de nous organiser en groupement d'intérêt économique. Mais il faut noter que c'est le ministère de l'économie et des Finances qui aura la gestion quotidienne du Fonds. Les arrêtés d'application seront l'affaire de notre tutelle. Donc personne ne pourra mettre la main sur les 3 milliards de Fcfa qui seront mis à notre disposition. C'est un fonds de garantie qui va s'accroître chaque année. Ce sont des conditions assez allégées qui seront différentes de celles des banques. Les discussions continuent.
Au niveau du mécanisme de fixation automatique des prix, l'on ne maîtrise pas toujours les fluctuations du baril de pétrole. Est-ce qu'on ne va pas connaître d'autres hausses plus tard?
Justement, c'est pour cela que les discussions vont continuer. Parce que nous avons remis ce mécanisme en cause. Nous avons dit aux autorités qu'on ne peut pas accepter que l'on applique 17 niveaux de taxes sur les prix du carburant. On doit nécessairement réduire ces taxes. Comment comprendre qu'il y a deux Tva sur le même produit ? C'est inacceptable. C'est pour cela que les transporteurs doivent comprendre que nous n'allons pas nous réjouir avec les 30 Fcfa qui seront absorbés très rapidement. Ce qui est aberrant, c'est que la hausse actuelle du gasoil n'a pas de sens. Parce qu'en 2008, au moment de l'augmentation, le coût du baril avait atteint un seuil qu'il n'a pas encore atteint cette fois-ci. Il faut que l'Etat subventionne le gasoil parce que sans ce produit, il n'y a pas d'activités économiques. Nous allons nous battre encore.
Interview réalisée par Cissé Cheick Ely
L'on vous accuse d'avoir trahi les transporteurs au cours de leur grève qui a eu lieu du 12 au 16 avril dernier. Que répondez-vous?
J'ai été moi-même surpris de cet acharnement contre ma personne et qui certainement, tire ses sources d'un parti politique. Parce que ceux qui m'ont écrit et qui ont écrit à l'Etat de Côte d'Ivoire pour déposer un préavis de grève, ce ne sont pas eux qui m'accusent d'avoir cassé la grève. C'est ce qui me réconforte. Donc, c'est à dessein que l'on m'accuse. Parce que ceux qui ont déposé un préavis de grève depuis le 6 avril, ce n'est autre que le Comité de crise dirigé par Diabaté Eric et son porte-parole Diabaté Losséni. Ils sont tous chapotés par le Conseil national des organisations professionnelles de conducteurs, dirigé par Coulibaly Ladji, Sanogo Souleymane, Abdoulaye Sylla, Sangaré Abdoulaye. Ce sont eux qui ont mis leurs membres ensemble pour lancer ce mouvement.
Quels sont vos liens avec ceux-là?
Ces dirigeants sont affiliés à la Coordination nationale des gares routières avec leurs 84 organisations syndicales et cela depuis près de trois ans. C'est nous qui leur avons permis de créer d'ailleurs leur conseil. Nous travaillons en étroite collaboration et ils ne posent aucun acte sans l'accord préalable de la Coordination. Donc, nous avons été surpris de voir un certain Yacouba Diakité parler de ce qu'on a brisé une grève dont lui-même n'est pas l'initiateur. Il n'a déposé aucun préavis. De plus, il n'a mené aucune négociation avec les autorités et n'a jamais participé à aucune réunion. Il est clair que ce dernier a été utilisé par un parti politique. On ne peut pas comprendre que ce dernier qui nous accuse d'avoir brisé la grève, parte s'appuyer sur le président du Conseil économique et social Laurent Dona Fologo pour qu'il puisse passer à la télévision, pour demander aux transporteurs de reprendre le travail. C'est étonnant. Et le lendemain, dans les colonnes d'un journal de l'opposition, il soutient que la grève a été levée par d'autres personnes. Nous trouvons cela illogique. C'est quelqu'un qui est instrumentalisé par un parti politique.
Mais qui a appelé la Coordination à la table de négociation ?
Ce sont ceux qui ont déposé leur préavis de grève qui nous ont écrit. C'est-à-dire le Comité de crise des syndicats, acteurs et auxiliaires du transport (Ccsat). Ils nous ont demandé de les soutenir. Quand ils ont fait toutes les négociations pendant 48 heures, ils n'ont obtenu qu'une réduction de 15 fcfa sur le litre du gasoil. Ils sont revenus encore vers nous, pour dire que cela était insuffisant. Et par conséquent, le mot d'ordre est maintenu. Nous avons donc usé de nos relations auprès du ministre des Mines et de l'Energie qui nous a reçus de 18 heures jusqu'à 1 heure du matin pour obtenir l'annulation de 15 autres Fcfa sur le gasoil. En plus, nous avons obtenu le décret du Fonds de développement des transporteurs. Parce que si on ne s'en tenait qu'aux conducteurs, cela ne faisait pas partie de leurs revendications.
Vous estimez que les transporteurs ont eu gain de cause…
C'est à cause de la hausse de 30 Fcfa que nous sommes allés en grève. Ce n'est pas pour autre chose. Et pour la première fois, on a réussi à faire reculer le gouvernement. Voilà pourquoi il est responsable de reprendre le travail. En 2008, c'est 100 Fcfa que l'Etat avait ajouté sur le gasoil. Quand les mouvements ont commencé, l'Etat est revenu sur sa décision et le travail a repris immédiatement. Pourquoi cette fois-ci, c'est Touré Adama qui a signé le protocole d'accord avec le ministre qu'on veut me vilipender. Ce sont des problèmes de personnes et c'est déplorable. Des hommes politiques ont essayé par des voies contournées pour récupérer notre lutte. Mais, ils ont échoué. Et maintenant, ils nous en veulent. Ce n'est pas responsable. Surtout que cela se passe dans un journal proche du Rassemblement des républicains (Rdr).
Mais pourtant vous êtes membre de ce parti…
C'est ce qui m'embête. Pendant que dans les journaux proches du parti au pouvoir l'on me traite d'invétéré du Rdr. Aujourd'hui, on me présente comme un ennemi de ce parti parce que je ne suis pas un va-t-en-guerre. Parce que je me conforme à la mission que mes mandants m'ont confiée. Or, certaines personnes souhaitaient que je me substitue aux grévistes pour maintenir une grève. Mais pour avoir quoi ? C'est la preuve que certaines personnes avaient d'autres intentions derrière notre mouvement. On a été en prison à un certain moment pour des raisons que nous ignorons encore. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus faire d'amalgame. Une lutte politique est différente d'une professionnelle. Il faut que les politiciens soient capables de mener leur lutte et ne cherchent pas à nous utiliser. Nous refusons cela. Ce ne sont pas les partis qui m'ont nommé à la tête de la Coordination des gares routières. C'est plutôt les transporteurs et les conducteurs routiers. Tant qu'ils me feront confiance, je répondrai présent. Il faut noter qu'au-delà de toute autre considération, nous sommes des responsables de famille. Nous avons fait une grève pendant cinq jours. Quand nos épouses vont au marché, elles reviennent pour nous dire qu'il y a une pénurie alimentaire. Nous sommes d'abord des hommes avant d'être syndicalistes. Nous ne pouvons pas affamer la population ivoirienne. Ce n'est pas elle qui est la cause de nos malheurs.
Pensez-vous que la position que vous défendez (intérêt coorporatrice) va être comprise par votre base qui, quoiqu'on dise, est présentée un peu comme étant très liée au Rdr ?
La base est obligée de comprendre cela. Quels que soient les membres de la base, chaque élément est militant de son comité de base ou de sa section. Donc, la base a les moyens légaux de pouvoir revendiquer ses problèmes dans lesquels nous ne nous immisçons pas. Je ne le nie pas, je suis membre du Rdr, secrétaire de section. Je ne peux pas concevoir qu'on utilise Yacouba Diakité qui m'a déjà montré sa carte Fpi pour me traîner dans la boue.
Si c'était votre candidat qui était au pouvoir, est-ce que vous auriez pu lancer un mot d'ordre similaire?
Tant que je serai président des transporteurs et des conducteurs routiers en Côte d'Ivoire, si Alassane Ouattara au est pouvoir et qu'il augmente le prix du carburant, nous irons en grève. Quitte au parti de me radier ou non. Je suis propriétaire de véhicule et je vis du transport. Je ne vis pas d'un parti politique.
Les transporteurs nous ont habitués à des grèves d'un ou deux jours avant de reprendre, sans obtenir quelque chose de concret. Mais, cette fois-ci, en dépit de quelques casses, vous avez tenu et la grève a été un succès. Qu'est-ce qui peut expliquer cela?
Malheureusement, certaines personnes ne voient que les grèves pour comprendre la lutte d'une corporation. Il faut reconnaître que, depuis des années, nous avons mené un combat avec les transporteurs. Depuis 1994, nous combattons le racket. Et aujourd'hui, par rapport à la mise en place du Comité technique de contrôle de la fluidité routière dirigé par le Gal Philippe Mangou, nous avons des avancées notables. Sur 157 Massa (minicars de transport) qui font la ligne Abidjan-Daloa, nous avons réussi lors d'une mission avec le commissaire du gouvernement Ange Kessi, à réduire le racket, puisque chaque véhicule payait 32.500 Fcfa par jour, soit plus de 5 millions de Fcfa. Aujourd'hui, chaque Massa paie moins de 5.000 Fcfa. Nous avons également obtenu la suppression du corridor sur la route de Bingerville et plus récemment, trois jours avant la grève, le barrage d'Elibou appelé «barrage de l'humiliation». Après cela, nous avons sillonné le pays, pour tenir aux transporteurs et aux conducteurs un seul message : sans l'union, on ne peut rien obtenir. Aujourd'hui, il y a encore des esprits chagrins qui veulent faire revenir le système du syndicalisme unique en se faisant appeler patronat. Ce sont de vieux syndicats qui n'ont rien apporté à la corporation. Il y a une nouvelle élite aujourd'hui dans le transport. Ce ne sont plus les vieux et analphabètes qui sont transporteurs. Maintenant, ce sont de jeunes intellectuels. Le contact est devenu plus positif et nous arrivons à échanger. Nous assistons donc à l'émancipation de la classe des transporteurs. Aujourd'hui, il y a eu d'autres acquis.
Lesquels ?
Il y avait un bicéphalisme dangereux qui bénéficiait aux Forces de défense et de sécurité dans le contrôle qui a été réglé. C'est-à-dire, la Sonatt imprimait déjà le permis international, la carte grise internationale et la Direction générale des transports terrestres et de la circulation (Dgttc) confectionnait, de son côté, les mêmes documents. Dans ces conditions, les Fds faisaient toujours payer de l'argent aux transporteurs. Grâce à ce mouvement, la Dgttc n'est plus autorisée à produire ces documents. Cette compétence est dévolue uniquement à la Sonatt. Il y a également la réforme du permis de conduire. Les permis ancienne formule, nous en avons établi pour nos chauffeurs, il n'y a pas longtemps. C'est pratiquement neuf. Et ce sont des documents qui arrivent à expiration deux ou quatre ans pour certains. Or, dans le cadre de la réforme, on nous obligeait à tout renouveler. Aujourd'hui, ces permis sont valables tant que leur date d'expiration n'est pas arrivée. Sans compter le Fonds de développement des transports dont le décret a été signé le premier jour de la grève.
S'agissant du fonds de développement, quel est le dispositif qui sera mis en place pour éviter qu'il ne soit accaparé par une minorité?
Cela va permettre à tous les transporteurs de renouveler leur parc automobile. Ce n'est pas de l'argent qui sera remis à un syndicat comme on a vu par le passé. On s'est battu et on a même donné des garde-fous au gouvernement pour ne pas que la gestion du fonds soit aux mains des transporteurs. L'Etat doit créer un conseil d'administration et un comité de gestion tripartite (le ministère des transports, les transporteurs, les conducteurs). Cela pourra nous permettre d'avoir des centres de formation, de pouvoir recycler nos conducteurs,… Ce fonds va nous permettre de nous organiser en groupement d'intérêt économique. Mais il faut noter que c'est le ministère de l'économie et des Finances qui aura la gestion quotidienne du Fonds. Les arrêtés d'application seront l'affaire de notre tutelle. Donc personne ne pourra mettre la main sur les 3 milliards de Fcfa qui seront mis à notre disposition. C'est un fonds de garantie qui va s'accroître chaque année. Ce sont des conditions assez allégées qui seront différentes de celles des banques. Les discussions continuent.
Au niveau du mécanisme de fixation automatique des prix, l'on ne maîtrise pas toujours les fluctuations du baril de pétrole. Est-ce qu'on ne va pas connaître d'autres hausses plus tard?
Justement, c'est pour cela que les discussions vont continuer. Parce que nous avons remis ce mécanisme en cause. Nous avons dit aux autorités qu'on ne peut pas accepter que l'on applique 17 niveaux de taxes sur les prix du carburant. On doit nécessairement réduire ces taxes. Comment comprendre qu'il y a deux Tva sur le même produit ? C'est inacceptable. C'est pour cela que les transporteurs doivent comprendre que nous n'allons pas nous réjouir avec les 30 Fcfa qui seront absorbés très rapidement. Ce qui est aberrant, c'est que la hausse actuelle du gasoil n'a pas de sens. Parce qu'en 2008, au moment de l'augmentation, le coût du baril avait atteint un seuil qu'il n'a pas encore atteint cette fois-ci. Il faut que l'Etat subventionne le gasoil parce que sans ce produit, il n'y a pas d'activités économiques. Nous allons nous battre encore.
Interview réalisée par Cissé Cheick Ely