Evangélisation en plein air - Ces ‘’envoyés de Dieu’’ qui préfèrent la rue

Les évangélistes souhaitent ramener les populations à Dieu. Pour y parvenir, certains parmi eux ont décidé d’aller vers les gens dans les rues.
«Soyez bénis, fuyez le péché, donnez votre vie à Jésus pour être sauvé. Lui seul a la solution à tous vos problèmes. Quittez l’impudicité, votre mariage est en cours. Ne vous inquiétez de rien, Dieu est au contrôle ». C’est par cette invite que les évangélistes abordent les populations au cours de leur séance d’évangélisation. Il est 7h30, ce 20 avril lorsque, bible en main, mégaphone suspendu à l’épaule, le visage couvert de sueur et une petite serviette au cou, Kissi Raymond se met à l’œuvre. Fixant des visages préoccupés par l’arrivée d’un moyen de transport, ce jeune messager de Jésus Christ, âgé à peine d’une trentaine d’années, ne cesse d’exhorter son auditoire, au terminus du Mahou, à donner sa vie à Jésus Christ pour être sauvé. Kissi Raymond, à travers une logorrhée, prescrit à la foule les ordonnances de son seigneur à travers cette activité à laquelle il s’adonne chaque matin. Tout comme lui, Brou Hubert, exerce le même métier. A Angré Pétro Ivoire, il demeure le maître des lieux. Chaque jour, particulièrement les matins, il nourrit le petit monde de cet environnement de l’évangile de Jésus Christ. Toute chose qui lui a finalement valu la sympathie des populations d’Angré qui l’appellent « serviteur, pasteur ou homme de Dieu ». Mais ces jeunes gens ne sont pas seuls à mener de telles activités. Plusieurs ‘’évangélistes’’ dans la ville d’Abidjan prêchent la parole de Dieu en plein air. Ils appartiennent à toutes les couches sociales- élèves, étudiants, travailleurs et sans emplois- et prêchent à divers endroits, pourvu que ce soient des lieux d’attroupement. A bord des bus, dans les marchés, aux arrêts de bus, dans les tours, etc. La plupart de ces ‘’racheteurs d’âmes’’ sont des églises évangéliques. Et véhiculent le même message. Pour Brou Hubert, un évangéliste ne doit parler que du salut et de Jésus Christ. A l’en croire, l’essentiel du message d’un doit absolument porter sur la repentance et la conversion. Cela, pour que les fils de Dieu sur terre quittent l’obscurité pour la lumière. Et cette lumière, selon Brou Hubert, c’est Jésus Christ. Il entend par repentance le fait d’accepter d’abandonner le péché pour mener une nouvelle vie et par conversion, le fait d’accepter de ne plus reprendre les actes qui déplaisent à Dieu. Mais au-delà de ces raisons liées à la repentance et au renouvellement de la vie, la plupart des chrétiens et évangélistes reconnaissent l’utilité de l’évangélisation en plein air du fait de la proximité de l’Apocalypse. « L’Apocalypse en milieu chrétien est synonyme de la fin des temps. Toute chose qui oblige le chrétien à mener une vie pieuse avant de paraître devant son créateur Jésus Christ. Pour conduire l’humanité à cette sainteté, les évangélistes se présentent donc comme ‘’les gardiens’’ de la cité. Les raisons poussant ces serviteurs de Dieu à exercer avec tant de zèle et d’amour cette œuvre sont identiques», confie ce dernier. Et inspirées de la Bible. Le verset 8 du chapitre 1 du Livre des Actes des apôtres, «Vous recevrez une puissance du Saint Esprit et vous me servirez», témoigne éloquemment du travail divin abattu par ces prophètes de la rue. Selon l’Evangéliste Brou Hubert, c’est le Saint Esprit qui les pousse à aller vers les populations afin de leur annoncer l’Evangile de Jésus Christ. Il précise que nul ne peut évangéliser sans avoir reçu et être poussé par le Saint Esprit. Aussi souligne-t-il que nul ne peut ouvrir la bouche face à une multitude de personnes sans avoir été mandaté par le Saint Esprit : «C’est le Saint Esprit qui pousse car si on ne l’a pas reçu, on ne peut adresser aucun mot à des gens», explique-t-il. Et en plus d’être éloquent, ces évangélistes de la rue sont organisés, travaillent en équipe et de manière méthodique.
L’union fait la force
Pour ceux qui travaillent en équipe, selon un évangéliste, il y a parmi eux des personnes chargées de s’occuper de la logistique composée en grande partie d’appareils comme des mégaphones et des baffles. Et d’autres, chargées d’enregistrer les nouvelles âmes qui décident d’accepter de convertir dans l’immédiat. Pour l’annonce de l’évangile, une équipe dont les membres sont chargés de se succéder est mise sur pied. Toujours, selon l’évangéliste, cette disposition est prise quand l’équipe d’évangélisation compte passer plus de temps à l’évangélisation dans la journée. Ainsi, à longueur de journée, ils ont la capacité de se faire entendre. Parmi les évangélistes, certains peuvent décider de faire trois sorties dans la journée. Matin, midi et l’après-midi ou la nuit. D’autres par contre peuvent décider de faire une seule sortie dans la journée. Dans ce cas, ils choisissent un moment favorable dans le quartier où ils pensent avoir un beau public. La disponibilité de l’évangéliste est fonction de son statut social. Et c’est le cas de Kouao Alexis, appelé communément le spécialiste de la ligne 11(Autobus faisant le trajet Adjamé-Koumassi) de Koumassi. Il est professeur d’anglais au Lycée moderne de Bassam mais est reconnu comme un évangéliste «de plein air». Pour lui, les séances d’évangélisation constituent une activité parallèle. «J’utilise mes temps libres pour sensibiliser les âmes. A travers les évangélisations que je fais dans l’autobus, je ne vise qu’à faire l’œuvre de mon Seigneur et me préparer une place près de Dieu», soutient-il. Dans ce contexte, cet homme n’attend rien de son église. « Mais certains parmi nous vivent d’offrandes ou de soutiens de la part de leurs Eglises d’origine. Ces personnes qui sont appelées évangélistes en « plein temps’’ peuvent recevoir une grâce particulière en bénéficiant d’une prise en charge », soutient Kouao Alexis. Cependant, à la question de savoir si le message livré par les évangélistes atteint sa cible ou s’ils sont écoutés par les populations pour qui ils prêchent, la plupart des évangélistes affirment que leur message est porteur. Parce que très souvent, après des séances d’évangélisation, ils sont automatiquement approchés par certaines personnes pour des échanges de contacts. «Certains demandent des compléments d’information pendant que d’autres nous proposent de les encadrer spirituellement. D’autres fois, des personnes ne tardent pas à leur exposer les problèmes qu’elles vivent dans leur vie pour être soutenues en prière. Pour Kissi Raymond, le plus important n’est pas de se faire couvrir d’honneur par les hommes mais il s’agit de faire entendre des messages par des hommes : « L’essentiel pour nous est que nos messages entrent dans des oreilles. Et le reste se fera au file du temps», a-t-il indiqué.

Sylvain Beugré


Ces gens qui confondent les messages et l’évangélisation

Ces évangélistes sont très importants aux yeux des pasteurs et dans la maison de Dieu. Pour les pasteurs, ils sont des gagneurs d’âmes parce que non seulement ils œuvrent pour la conversion des personnes, mais aussi ils permettent que ces personnes deviennent des fidèles au sein des Eglises. Selon le Pasteur Ahipo J. de la Mecen (Mission évangélique du Christ espérance des nations), l’évangéliste joue un double rôle. Il est à la fois prédicateur et auxiliaire du pasteur qui est le numéro un de l’Eglise. Il souligne que c’est grâce à la synergie du travail pasteur-évangéliste que l’Eglise est vivante et prospère. Il met cependant en exergue les attitudes que doit avoir un évangéliste. Ahipo J. précise que sur le terrain, il doit pouvoir faire la part entre un message et une évangélisation. Selon lui, c’est cette confusion que font aujourd’hui bon nombre d’évangélistes sur le terrain. Le rôle de l’évangéliste est, selon lui, d’exhorter l’individu et lui faire prendre conscience de l’existence d’un Seigneur à qui il rendra compte un jour. Et c’est ce que tentent de faire ces évangélistes, selon le pasteur.
S.B
Leg :