Cette interview est une réédition d'un entretien accordé à Fraternité Matin les 27 et 28 octobre 1990 par M. Djédjé Pierre, cousin de l'actuel chef de l'Etat Laurent Gbagbo. 20 ans après, les révélations apparaissent comme une prophétie.
Certains n'hésiteront pas à penser à un coup bas. Mais le devoir d'informer et d'informer sérieusement les Ivoiriens au moment d'un choix aussi important que celui du Président de la République nous imposent de délivrer ce témoignage. Il est celui qu'un Président de la République nous impose de délivrer ce témoignage. Il est celui d'un " cousin lointain " de Gbagbo Laurent, mais en fait, il s'agit de l'homme qui l'a aidé à revenir au pays, après " 6 ans d'exil ". M. Djédjé Pierre parle de son parent (proche selon lui), et révèle des secrets qui feront frémir ses partisans dont la majorité était certainement de bonne foi, parce que ne connaissant pas l'homme. Selon Djédjé Pierre, Gbagbo s'attendait, à son retour, à être nommé Dg de l'EECI ou de la Sodefel ( ?). Pour Pierre, le Fpi, c'est une sorte de secte où les gens sérieux et honnêtes croient trouver remède à leurs maux. Malheureusement.
M. Djédjé Pierre, Gbagbo Laurent que vous connaissez bien est candidat à la Présidence de la République et se présente aux Ivoiriens comme un modèle de vertu. Qu'avez-vous à dire sur cette candidature?
Pour moi, Laurent veut passer du rêve à la réalité. Et je pense qu'il n'en a ni les moyens intellectuels, ni les capacités morales. On ne se lève pas du jour au lendemain pour être président. Donc pour moi, c'est toujours un rêve et il sait de quoi je parle. Laurent Gbagbo ne veut pas être président. Il avait un autre objectif en revenant au pays; ce n'était pas d'être président.
Lequel?
-Gbagbo a toujours fait du chantage au Président Houphouët-Boigny et ce dernier n'a jamais cédé. Il faut qu'on se dise les vérités.
Ne devient pas président qui veut. Par rapport à toutes les doléances qu'il a faites, si les gens m'avaient suivi, on n'en serait pas arrivé là,
De quelles doléances s'agit-il? Pouvez-vous être plus précis, plus explicite?
Ecoutez, j'ai pris contact avec Gbagbo depuis 1986. Il se disait en exil. Gbagbo est un cousin. Il se trouvait en exil et je lui ai toujours dit qu'être en exil n'était pas une bonne chose. Ainsi chaque fois que j'allais à Paris, je prenais contact avec lui et on discutait. J'essayais de le ramener sur le droit chemin pour la simple raison que quand il était étudiant et qu'il faisait encore ses bêtises avec Fagnédji Djédjé Gustave, un cousin commun, aujourd'hui directeur de la BCEAO (Bouaké) c'était mon père qui les raisonnait.
Mon père n'étant pas là, et m'intéressant à son cas, j'ai essayé de prendre la relève. En essayant de lui faire entendre raison. Il est bien vrai que je suis plus jeune que lui. Comme on le dit. A 20 ans, on peut être contestataire, mais à 45 ans, c'est plus que de l'utopie. C'est de la bêtise.
C'est ainsi qu'à tous mes voyages, je le rencontrais pour discuter avec lui. Jusqu'en 1988, lors de mon voyage de noces, je suis descendu à Paris. Nous avons eu une discussion importante au cours de laquelle je lui ai dit : " il va falloir que tu rentres, ça ne sert à rien de rester ici loin de tes parents et de tout le monde". Laurent Gbagbo m'a répondu ceci: "Tu sais, Djédjé, je veux bien rentrer, mais il y a un problème: "ma sécurité". Je lui ai répondu que sa sécurité était garantie. Et Laurent de me dire: "Mais il n'y a pas que ça, tu sais, je suis quand même resté en France, 6 ans et si je rentre, je rentrerai bredouille". Je 1ui ai répondu que c'étaient des problèmes qui pouvaient se négocier.
"Si tu veux, je serai ton porte-parole auprès du Président de la République pour lui dire ton infortune.
Mais tu sais, moi, je te parle en tant que cousin; je ne suis pas à
Paris en mission officielle, donc il me serait un peu difficile de transmettre tes préoccupations au Président de la République directement; mais ce que je pourrais faire, c'est voir des personnes que je connais dans l'entourage du Président de la République pour lui faire dire que Djédjé décide de rentrer avec son cousin Gbagbo, histoire de connaître son avis sur ce point. "
Nous en étions donc restés là avec la promesse que je l'appelle pour lui donner la suite de mes démarches, parce que Laurent vivait à Mulhouse à cette époque.
C'est ainsi qu'après avoir rencontré une personne influente de l'entourage présidentiel, nous sommes rentrés en contact avec Abidjan pour avoir l'avis du Président de la République qui n'y a trouvé aucun inconvénient: au contraire le Président de la République a dit ceci: "C'est un fils du pays, s'il veut rentrer, c'est une très bonne chose, nous ne rejettrons personne".
C'est ainsi que Laurent et moi, nous nous sommes rencontrés à son arrivée de Mulhouse et que nous sommes allés voir cette personne de l'entourage du Président de la République avec laquelle nous avons discuté et accordé nos violons sur les conditions du retour.
Laurent est reparti à Mulhouse et moi je suis revenu à Abidjan, pour 3 jours et je suis remonté à Paris, puis sur Mulhouse pour rejoindre Gbagbo; de Mulhouse, nous devions descendre sur Paris. "C'est moi qui ai acheté le billet d'avion de Laurent avec mon argent: c'est-à-dire le produit du PDCI-RDA. C'est moi qui ai travaillé de mes mains et qui ai acheté le billet d'avion du "futur président". Vous savez, il y a des choses que l'on ne peut pas dire...
Pourquoi, M. Djédjé ?
Donc j'achète le billet d'avion de l'individu, de mon cousin...
Vous savez, je trouve que mon cousin est un peu paranoïaque sur les bords et il faut faire très attention. Il est paranoïaque. C'est mon cousin certes, mais c'est comme ça... Vous savez ; aujourd'hui, il dit que je suis son cousin lointain, mais c'est mon cousin quand même; vous voyez l'ingratitude, lorsqu'il avait besoin de moi, j'étais son bon cousin, aujourd'hui qu'il se croit arrivé, je suis son cousin lointain, mais vous comprendrez plus tard...
Voulez-vous dire que l'homme est foncièrement ingrat?
Ingrat, c'est peu dire. Je crois qu'il a des problèmes de mémoire, il faut dire qu'il est bon acteur. Je pense que c'est un comédien, un rigolo.
Revenons à nos moutons, M. Djédjé...
Après le billet d'avion, nous avons fixé une date de retour à Abidjan: le 13 septembre 1988. Je lui ai donc donné 500.000 francs CFA venant de ma poche toujours pour faire sa trousse.
Pendant que nous faisions ces démarches pour le retour, un soir, nous avons eu une discussion de 20 h 00 à 4 h 00 du matin sur son retour. Il me sort comme ça à 4 h 00, après que l'une de ses maîtresses à Mulhouse (une Métisse ivoirienne avec laquelle il vivait à Mulhouse), se trouvait avec nous. Elle peut témoigner.
Monsieur Laurent Gbagbo était-il marié?
Oui, pourrait-on dire, puisqu'il vivait depuis un moment en concubinage avec son épouse actuelle. Et donc cette Métisse de lui dire: "Mais Laurent, ça fait quand même un moment que nous sommes ensemble, tu ne vas pas partir comme ça… " À ce moment-là, tout le travail était à refaire... C'est un détail qui a son importance dans la mesure où l'homme s'était mis du coup à hésiter entre rester à Mulhouse avec sa Métisse et revenir au pays.
J'étais tellement énervé et fatigué que je lui ai dit en Bété "Laurent, il s'agit de ta vie, tu réfléchis à ce qui est bien pour toi, tu choisis entre les douceurs éphémères et ton avenir... En ajoutant: Laurent, en dehors de tes hésitations qui commencent à me fatiguer, il faut que je te dise aussi que le chantage que tu pratiques ne peut durer longtemps; tes gens finiront par te découvrir...
Vous savez, il y avait des gens comme Légré Michel qui avaient, mis des choses dans la tête de Laurent qui lui faisaient croire qu'il pouvait estorquer du fric au Président de la République et leur en donner une partie... La vie facile, quoi. C'est des choses à ne pas faire…
Revenons au récit...
"Donc on arrive à Paris, M. Gbagbo n'arrêtait pas de parler de sa sécurité, au point que j'ai demandé à un ami de nous prêter sa Limousine; et je fais assurer la sécurité de M. Gbagbo par un garde du corps jusqu'à l'aéroport. Tenez-vous bien, une fois dans la Limousine, il me dit comme ça: "C'est luxueux cette voiture, tu sais quand on sera un jour président, on pourra s'offrir toutes ces choses..." Et moi de lui dire: "Tu sais, tu feras mieux d'arrêter de rêver..."
Je crois que ce sont tous ces aspects de la fonction de président qui lui ont tourné la tête.
Alors, on arrive à Abidjan où nous avons été très bien accueillis à l'aéroport.
Et vous êtes alors reçus par le Président de la République... ?
Une semaine après notre arrivée, le Président de la République nous reçoit d'abord; c'est un entretien à huis clos avec le Président de la République, un de ses proches collaborateurs, Laurent Gbagbo et moi.
A cette rencontre, Laurent demande pardon au Président de la République en se mettant à genoux. En fait, dès que 'le Président de la République est entré, Laurent Gbagbo s'est mis à genoux et a tenu les pieds du Président.
Le Président de la République m'a dit : " Djédjé, je ne veux pas que les hommes s'humilient devant moi; dis à ton frère de se lever... C'était le signe du pardon.
Je dis donc à Laurent de se lever ".
L'entretien commence. Le Président de la République prend la parole pour donner des conseils à Laurent en lui disant: "Tu sais, tu prends de l'âge, il faut commencer à faire attention. À 43 ans, on n'est plus très jeune... Gbagbo, touché par les conseils et sentant qu'il avait raiment commis des erreurs, s'est remis encore à genoux tenant les pieds du Président de la République.
Vous voyez quand les choses de ce genre se passent en coulisse et qu'après on voit à la télévision des comportements irrespectueux, il faut le porter à la connaissance du public!
Il faut que vous sachiez aussi que c'est moi-même qui ai demandé à ce que la TV fixe les images de cette cérémonie de réconciliation. Mais à ma grande surprise, face aux caméras, Gbagbo a raconté d'autres balivernes". Il disait qu'il était venu travailler avec le Président de la République. Qu'il se mettait la disposition du Président de la république pour travailler…j'étais très surpris par ce retournement de comportement: en fait, il faisait son petit numéro", mais le Président a tellement bien répondu que Laurent a compris qu'il avait affaire à un grand Président.
Dans tous les cas, vous voyez à travers cet exemple que nous avons affaire à un homme qui manque de dignité, caractérisé par une instabilité totale.
Comment expliquez-vous cette instabilité et ce comportement?
Vous savez, le comportement de Laurent Gbagbo est très simple et il faut que les gens le sachent. Gbagbo, à son retour d'exil, a demandé qu'on lui donne le poste le Directeur Général de l'EECI ou la SODEFEL... Aujourd'hui, il raconte qu'Houphouët lui a proposé d'être ministre, en fait il a demandé le poste de Directeur de l’EECI ou de la SODEFEL...
Vous faites là une stupéfiante révélation aux Ivoiriens, M. Djédjé...
Je vous le dis, le Chef de l'Etat n'est pas un " gosse", Laurent voulait le poste de Directeur général de l'EECI et était convaincu qu'il allait l'avoir. En plus, il a demandé qu'on lui donne 100 millions de F CFA en compensation de son exil en France. Il disait notamment qu'il avait un terrain aux 2 Plateaux qu'il souhaitait mettre en valeur; etc. Je vous en dirai d'autres...Tout ceci, vous le voyez, n'est pas sérieux; on ne devrait pas accorder crédit à un aventurier...
Pouvez-vous essayer de dépeindre la personnalité de votre cousin que vous connaissez bien?
Je suis dépassé; d'abord j'ai toujours dit à Laurent qu'il était un comédien. C'est un "mauvais garçon" "un caractériel", quand on est un homme sérieux, on ne fait pas ce qu'il fait. Toute sa vie est une succession de contradictions... Avec à la clé une affection excessive des plaisirs primaires... C'est çà Gbagbo, mais voyez-vous, je ne veux pas jouer son jeu... Parce qu'il a l'habitude d'insulter les autres. Ce qu'il fait aux yeux de tous n'est pas nouveau: un jour, il traitera ses propres collaborateurs et militants du F.P.I de "Tocards" et "d'ignares". On n'en est pas loin... Vous verrez bientôt. Très bientôt, vous verrez.
Quel genre de rapport a-t-il étab1i avec le Président de la République après son retour d'exil par votre intermédiaire?
Les rapports étaient basés sur le chantage.
Suivez-moi bien; nous sommes rentrés un mardi, Gbagbo devait se rendre chez nous à Gagnoa... Il m'a demandé de lui trouver une voiture pour effectuer ce voyage. Et m'a posé aussi le problème du déplacement; je lui ai trouvé une voiture. Et sur sa demande, le Président lui a remis 2 millions pour le carburant. Mais ce n'est pas tout. Vous verrez que l'homme n'est pas du tout ce qu'il prétend être. Vous savez, Gbagbo m'a avoué qu'il avait des difficultés financières... Et j'ai donc demandé qu'on puisse l'aider.
Après l'audience de mardi, le vendredi, il reçoit 2 millions de francs. À son retour de Gagnoa, il est passé me voir et m'a fait encore part de ses difficultés financières et me dit comme ça:
"Bien, Je suis revenu de Gagnoa, il faudrait voir le Président de la République, s'il peut me nommer à l'EECI ou à défaut à la Sodefel "
Il m'a même assuré qu'il avait été déjà dirigé un institut à l'université…
Malheureusement pour moi et pour mon cousin, j'ai dû partir en France pour des raisons de santé pour une période d'un mois. Un mois, et mon cousin a commencé à s'impatienter...
Je l'ai eu au téléphone depuis Paris et voici ce qu'il m'a dit:
"Tes gars m'ont dit d'attendre, j'ai attendu et maintenant, ils ne se manifestent pas; ça ne va pas... " Je lui ai répondu ceci: "Tu as demandé à rentrer. Le Président de la République ne m'a jamais envoyé te chercher et puis je pense qu'un mois, ce n'est rien. La situation est telle qu'on ne peut pas poser le problème en terme d'échange... Si tu veux, il faut être patient, à mon retour, on réglera ce problème. On ne peut pas forcer la main au Président de la République. Ton chantage est vraiment déplacé
Parce qu'il y avait chantage et menaces ?
Bien sûr que oui, toute sa vie est faite de chantage et de menaces. Il menaçait assurant qu'il n'avait pas eu le poste et le fric (300 millions) comme il disait lui-même pour compenser son absence de 6 ans et retrouver son standing. Il menaçait de parler de "je ne sais quoi sur les radios et dans la presse étrangère. A la vérité, c'est qu'à son retour, mon cousin a réalisé que tous ses amis qu'il traite et qu'il a toujours traités de "Tocards" avaient évolué et il voulait les rattraper. II menaçait donc de publier des livres: justement les contradictions, les insanités et les incohérences, que les Ivoiriens découvrent aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai dit que si on m'avait écouté, le problème Gbagbo serait réglé depuis longtemps. On aurait dû le laisser faire son cinéma depuis longtemps, les Ivoiriens auraient découvert ses limites et son manque total de réalisme depuis longtemps. C'est en cela que le multipartisme est une mauvaise chose pour lui. Il en sera le grand perdant.
Et après, quels ont été vos rapports jusqu'au multipartisme..?
Vous savez, moi, je ne suis pas un rêveur. Mais j'admets que chacun fasse son rêve et qu'il y ait des marchands de rêves. Voyez-vous, dans ce monde, il y a des gens qui, à un moment de leur vie, ont des problèmes qui vont se confier à des soi-disant prophètes qui leur promettent les solutions à tous leurs problèmes, nous avons vu beaucoup de sectes s'installer en Côte d'Ivoire et disparaître...
C'est ainsi que je résume l'entrée de Gbagbo en politique; il se prend pour un prophète; d'ailleurs il dit qu'il est Jésus-Christ. Son FPI est l'équivalent d'une secte dans laquelle certains Ivoiriens croient pouvoir trouver la solution à tous leurs problèmes. Ces gens-là et Gbagbo lui-même n'ont rien compris et ses fidèles ne le connaissent pas du tout, ils auront le temps de le découvrir.
A un certain moment, je voulais discuter avec Laurent, mais il pensait qu'il était devenu fort, il était entouré de gens qui n'osent pas lui dire la vérité et qui lui disent qu'il est le plus fort, le plus intelligent et le plus beau. Au point qu'une fois, il m'a dit qu'un jour s'il devenait Président de la République, je serai son "homme de main".
Etait-ce un compliment?
Je vous ai dit que je n'aime pas rêver; je lui ai dit que je n'en avais pas besoin et que c'était très gentil de sa part...
A son retour de Paris, quand j'ai vu la voie qu'il avait commencé à emprunter avec un entourage "Bidon" fait de ratés de la société, j'ai coupé les ponts avec lui.
Y a-t-il dans son comportement, un désir de vengeance; de prouver quelque chose ?
Mais il a affirmé à la radio "La vengeance est un sentiment humain". Gbagbo dit qu'il était le 1er à l'école, c'est à vérifier et il réalise aujourd'hui qu'après l'accumulation des bêtises, il est le dernier, lui qui est ancien séminariste sait bien que c'est écrit dans la Bible. Il était le 1er et il est aujourd'hui le dernier. Avec les 6 ans d'exil, il n'est rien, aujourd'hui par rapport à ses copains de classe qu'il traite de "Tocards" mais qu'il envie en réalité.
Et puis, il y a un fait que vous ignorez et qu'il est important de révéler aux Ivoiriens, Gbagbo parle souvent de l'arrestation de
Coffi Gadeau en 1963; mais en réalité, ces événements de 63 sont importants pour lui, parce que son père était parmi les prisonniers politiques du complot de 1963.
C'est donc quelque chose qu'il a sur le cœur. Une rancune tenace contre le Président Houphouët.
C'est un homme rancunier, qui a un désir violent de vengeance, un désir de rattraper le temps perdu matériellement à cause de son exil en France. Ce sont des choses tristes dont on ne peut pas toujours parler, mais les Ivoiriens avaient besoin de savoir, les connaitre.
Comment voyez-vous la suite?
J'ai peur pour lui, d'abord parce qu'il sera sévèrement battu. Il y a des défaites dont on ne se relève jamais. J'ai peur que ses partisans ne l'abandonnent parce qu'il leur a vendu du rêve à très court terme. Quand ils réaliseront qu'il ne sera jamais Président et que par conséquent, ils n'auront pas les emplois, les médicaments et les soins gratuits, ils partiront.
En plus, ce sont des gens qui ont des objectifs à court terme. On raconte à Abidjan que son trésorier serait parti avec12 millions et que c'est son épouse qui est maintenant trésorière du FPI. C'est déjà la preuve qu'ils ne sont pas sérieux. Il n'a autour de lui que des gens aigris qui ont des problèmes de personnes contre ceux du PDCI-RDA. Ses militants et même ses collaborateurs le quitteront.
Pensez-vous qu'il peut se ressaisir?
Pour bien faire, il n'est jamais tard.
M. Gbagbo se présente comme un homme d'une grande intégrité morale et comme le genre d'hommes qui ne vouent pas un culte à l'argent... Quelle est votre opinion là-dessus?
Gbagbo n'aime pas le fric? Ceci est nouveau pour moi. Non,
Ecoutez, c'est trop gros.
Donnez-nous des exemples...Il a reçu de l'argent des mains de ce sage qu'est Houphouët et c'est moi-même qui le lui ai donné des exemples précis ?
Gbagbo a reçu d'abord 10 millions pour scolariser ses enfants parce qu'il disait qu'il n'avait pas d'argent pour mettre ses enfants à l'école. Et après, il a touché 40 millions en compensation de ses 6 ans et demi d'exil. Parce qu'il disait qu'il n'avait pas touché les salaires de ces 6 ans et demi. Il ne faut pas raconter d'histoires aux Ivoiriens. Ce n'est pas sérieux.
Il raconte aujourd'hui qu'il n'a jamais touché les salaires des 6 ans et demi...En conclusion, je pense que Laurent peut être un homme raisonnable; et je sais qu'il peut encore se ressaisir. Il sait de quoi je parle et il sait comment il peut se rattraper... A moins que l'orgueil ne le pousse à s'enfoncer plus loin dans la bêtise. Surtout s'il est poussé par des gens qui sont moins intelligents que lui-même.
Je lui fais confiance.
Propos recueillis par
Jean-Joseph ANOMA
In Fraternité Matin des samedi 24 -
dimanche 28 octobre 1990 / Page 28 et 29
Certains n'hésiteront pas à penser à un coup bas. Mais le devoir d'informer et d'informer sérieusement les Ivoiriens au moment d'un choix aussi important que celui du Président de la République nous imposent de délivrer ce témoignage. Il est celui qu'un Président de la République nous impose de délivrer ce témoignage. Il est celui d'un " cousin lointain " de Gbagbo Laurent, mais en fait, il s'agit de l'homme qui l'a aidé à revenir au pays, après " 6 ans d'exil ". M. Djédjé Pierre parle de son parent (proche selon lui), et révèle des secrets qui feront frémir ses partisans dont la majorité était certainement de bonne foi, parce que ne connaissant pas l'homme. Selon Djédjé Pierre, Gbagbo s'attendait, à son retour, à être nommé Dg de l'EECI ou de la Sodefel ( ?). Pour Pierre, le Fpi, c'est une sorte de secte où les gens sérieux et honnêtes croient trouver remède à leurs maux. Malheureusement.
M. Djédjé Pierre, Gbagbo Laurent que vous connaissez bien est candidat à la Présidence de la République et se présente aux Ivoiriens comme un modèle de vertu. Qu'avez-vous à dire sur cette candidature?
Pour moi, Laurent veut passer du rêve à la réalité. Et je pense qu'il n'en a ni les moyens intellectuels, ni les capacités morales. On ne se lève pas du jour au lendemain pour être président. Donc pour moi, c'est toujours un rêve et il sait de quoi je parle. Laurent Gbagbo ne veut pas être président. Il avait un autre objectif en revenant au pays; ce n'était pas d'être président.
Lequel?
-Gbagbo a toujours fait du chantage au Président Houphouët-Boigny et ce dernier n'a jamais cédé. Il faut qu'on se dise les vérités.
Ne devient pas président qui veut. Par rapport à toutes les doléances qu'il a faites, si les gens m'avaient suivi, on n'en serait pas arrivé là,
De quelles doléances s'agit-il? Pouvez-vous être plus précis, plus explicite?
Ecoutez, j'ai pris contact avec Gbagbo depuis 1986. Il se disait en exil. Gbagbo est un cousin. Il se trouvait en exil et je lui ai toujours dit qu'être en exil n'était pas une bonne chose. Ainsi chaque fois que j'allais à Paris, je prenais contact avec lui et on discutait. J'essayais de le ramener sur le droit chemin pour la simple raison que quand il était étudiant et qu'il faisait encore ses bêtises avec Fagnédji Djédjé Gustave, un cousin commun, aujourd'hui directeur de la BCEAO (Bouaké) c'était mon père qui les raisonnait.
Mon père n'étant pas là, et m'intéressant à son cas, j'ai essayé de prendre la relève. En essayant de lui faire entendre raison. Il est bien vrai que je suis plus jeune que lui. Comme on le dit. A 20 ans, on peut être contestataire, mais à 45 ans, c'est plus que de l'utopie. C'est de la bêtise.
C'est ainsi qu'à tous mes voyages, je le rencontrais pour discuter avec lui. Jusqu'en 1988, lors de mon voyage de noces, je suis descendu à Paris. Nous avons eu une discussion importante au cours de laquelle je lui ai dit : " il va falloir que tu rentres, ça ne sert à rien de rester ici loin de tes parents et de tout le monde". Laurent Gbagbo m'a répondu ceci: "Tu sais, Djédjé, je veux bien rentrer, mais il y a un problème: "ma sécurité". Je lui ai répondu que sa sécurité était garantie. Et Laurent de me dire: "Mais il n'y a pas que ça, tu sais, je suis quand même resté en France, 6 ans et si je rentre, je rentrerai bredouille". Je 1ui ai répondu que c'étaient des problèmes qui pouvaient se négocier.
"Si tu veux, je serai ton porte-parole auprès du Président de la République pour lui dire ton infortune.
Mais tu sais, moi, je te parle en tant que cousin; je ne suis pas à
Paris en mission officielle, donc il me serait un peu difficile de transmettre tes préoccupations au Président de la République directement; mais ce que je pourrais faire, c'est voir des personnes que je connais dans l'entourage du Président de la République pour lui faire dire que Djédjé décide de rentrer avec son cousin Gbagbo, histoire de connaître son avis sur ce point. "
Nous en étions donc restés là avec la promesse que je l'appelle pour lui donner la suite de mes démarches, parce que Laurent vivait à Mulhouse à cette époque.
C'est ainsi qu'après avoir rencontré une personne influente de l'entourage présidentiel, nous sommes rentrés en contact avec Abidjan pour avoir l'avis du Président de la République qui n'y a trouvé aucun inconvénient: au contraire le Président de la République a dit ceci: "C'est un fils du pays, s'il veut rentrer, c'est une très bonne chose, nous ne rejettrons personne".
C'est ainsi que Laurent et moi, nous nous sommes rencontrés à son arrivée de Mulhouse et que nous sommes allés voir cette personne de l'entourage du Président de la République avec laquelle nous avons discuté et accordé nos violons sur les conditions du retour.
Laurent est reparti à Mulhouse et moi je suis revenu à Abidjan, pour 3 jours et je suis remonté à Paris, puis sur Mulhouse pour rejoindre Gbagbo; de Mulhouse, nous devions descendre sur Paris. "C'est moi qui ai acheté le billet d'avion de Laurent avec mon argent: c'est-à-dire le produit du PDCI-RDA. C'est moi qui ai travaillé de mes mains et qui ai acheté le billet d'avion du "futur président". Vous savez, il y a des choses que l'on ne peut pas dire...
Pourquoi, M. Djédjé ?
Donc j'achète le billet d'avion de l'individu, de mon cousin...
Vous savez, je trouve que mon cousin est un peu paranoïaque sur les bords et il faut faire très attention. Il est paranoïaque. C'est mon cousin certes, mais c'est comme ça... Vous savez ; aujourd'hui, il dit que je suis son cousin lointain, mais c'est mon cousin quand même; vous voyez l'ingratitude, lorsqu'il avait besoin de moi, j'étais son bon cousin, aujourd'hui qu'il se croit arrivé, je suis son cousin lointain, mais vous comprendrez plus tard...
Voulez-vous dire que l'homme est foncièrement ingrat?
Ingrat, c'est peu dire. Je crois qu'il a des problèmes de mémoire, il faut dire qu'il est bon acteur. Je pense que c'est un comédien, un rigolo.
Revenons à nos moutons, M. Djédjé...
Après le billet d'avion, nous avons fixé une date de retour à Abidjan: le 13 septembre 1988. Je lui ai donc donné 500.000 francs CFA venant de ma poche toujours pour faire sa trousse.
Pendant que nous faisions ces démarches pour le retour, un soir, nous avons eu une discussion de 20 h 00 à 4 h 00 du matin sur son retour. Il me sort comme ça à 4 h 00, après que l'une de ses maîtresses à Mulhouse (une Métisse ivoirienne avec laquelle il vivait à Mulhouse), se trouvait avec nous. Elle peut témoigner.
Monsieur Laurent Gbagbo était-il marié?
Oui, pourrait-on dire, puisqu'il vivait depuis un moment en concubinage avec son épouse actuelle. Et donc cette Métisse de lui dire: "Mais Laurent, ça fait quand même un moment que nous sommes ensemble, tu ne vas pas partir comme ça… " À ce moment-là, tout le travail était à refaire... C'est un détail qui a son importance dans la mesure où l'homme s'était mis du coup à hésiter entre rester à Mulhouse avec sa Métisse et revenir au pays.
J'étais tellement énervé et fatigué que je lui ai dit en Bété "Laurent, il s'agit de ta vie, tu réfléchis à ce qui est bien pour toi, tu choisis entre les douceurs éphémères et ton avenir... En ajoutant: Laurent, en dehors de tes hésitations qui commencent à me fatiguer, il faut que je te dise aussi que le chantage que tu pratiques ne peut durer longtemps; tes gens finiront par te découvrir...
Vous savez, il y avait des gens comme Légré Michel qui avaient, mis des choses dans la tête de Laurent qui lui faisaient croire qu'il pouvait estorquer du fric au Président de la République et leur en donner une partie... La vie facile, quoi. C'est des choses à ne pas faire…
Revenons au récit...
"Donc on arrive à Paris, M. Gbagbo n'arrêtait pas de parler de sa sécurité, au point que j'ai demandé à un ami de nous prêter sa Limousine; et je fais assurer la sécurité de M. Gbagbo par un garde du corps jusqu'à l'aéroport. Tenez-vous bien, une fois dans la Limousine, il me dit comme ça: "C'est luxueux cette voiture, tu sais quand on sera un jour président, on pourra s'offrir toutes ces choses..." Et moi de lui dire: "Tu sais, tu feras mieux d'arrêter de rêver..."
Je crois que ce sont tous ces aspects de la fonction de président qui lui ont tourné la tête.
Alors, on arrive à Abidjan où nous avons été très bien accueillis à l'aéroport.
Et vous êtes alors reçus par le Président de la République... ?
Une semaine après notre arrivée, le Président de la République nous reçoit d'abord; c'est un entretien à huis clos avec le Président de la République, un de ses proches collaborateurs, Laurent Gbagbo et moi.
A cette rencontre, Laurent demande pardon au Président de la République en se mettant à genoux. En fait, dès que 'le Président de la République est entré, Laurent Gbagbo s'est mis à genoux et a tenu les pieds du Président.
Le Président de la République m'a dit : " Djédjé, je ne veux pas que les hommes s'humilient devant moi; dis à ton frère de se lever... C'était le signe du pardon.
Je dis donc à Laurent de se lever ".
L'entretien commence. Le Président de la République prend la parole pour donner des conseils à Laurent en lui disant: "Tu sais, tu prends de l'âge, il faut commencer à faire attention. À 43 ans, on n'est plus très jeune... Gbagbo, touché par les conseils et sentant qu'il avait raiment commis des erreurs, s'est remis encore à genoux tenant les pieds du Président de la République.
Vous voyez quand les choses de ce genre se passent en coulisse et qu'après on voit à la télévision des comportements irrespectueux, il faut le porter à la connaissance du public!
Il faut que vous sachiez aussi que c'est moi-même qui ai demandé à ce que la TV fixe les images de cette cérémonie de réconciliation. Mais à ma grande surprise, face aux caméras, Gbagbo a raconté d'autres balivernes". Il disait qu'il était venu travailler avec le Président de la République. Qu'il se mettait la disposition du Président de la république pour travailler…j'étais très surpris par ce retournement de comportement: en fait, il faisait son petit numéro", mais le Président a tellement bien répondu que Laurent a compris qu'il avait affaire à un grand Président.
Dans tous les cas, vous voyez à travers cet exemple que nous avons affaire à un homme qui manque de dignité, caractérisé par une instabilité totale.
Comment expliquez-vous cette instabilité et ce comportement?
Vous savez, le comportement de Laurent Gbagbo est très simple et il faut que les gens le sachent. Gbagbo, à son retour d'exil, a demandé qu'on lui donne le poste le Directeur Général de l'EECI ou la SODEFEL... Aujourd'hui, il raconte qu'Houphouët lui a proposé d'être ministre, en fait il a demandé le poste de Directeur de l’EECI ou de la SODEFEL...
Vous faites là une stupéfiante révélation aux Ivoiriens, M. Djédjé...
Je vous le dis, le Chef de l'Etat n'est pas un " gosse", Laurent voulait le poste de Directeur général de l'EECI et était convaincu qu'il allait l'avoir. En plus, il a demandé qu'on lui donne 100 millions de F CFA en compensation de son exil en France. Il disait notamment qu'il avait un terrain aux 2 Plateaux qu'il souhaitait mettre en valeur; etc. Je vous en dirai d'autres...Tout ceci, vous le voyez, n'est pas sérieux; on ne devrait pas accorder crédit à un aventurier...
Pouvez-vous essayer de dépeindre la personnalité de votre cousin que vous connaissez bien?
Je suis dépassé; d'abord j'ai toujours dit à Laurent qu'il était un comédien. C'est un "mauvais garçon" "un caractériel", quand on est un homme sérieux, on ne fait pas ce qu'il fait. Toute sa vie est une succession de contradictions... Avec à la clé une affection excessive des plaisirs primaires... C'est çà Gbagbo, mais voyez-vous, je ne veux pas jouer son jeu... Parce qu'il a l'habitude d'insulter les autres. Ce qu'il fait aux yeux de tous n'est pas nouveau: un jour, il traitera ses propres collaborateurs et militants du F.P.I de "Tocards" et "d'ignares". On n'en est pas loin... Vous verrez bientôt. Très bientôt, vous verrez.
Quel genre de rapport a-t-il étab1i avec le Président de la République après son retour d'exil par votre intermédiaire?
Les rapports étaient basés sur le chantage.
Suivez-moi bien; nous sommes rentrés un mardi, Gbagbo devait se rendre chez nous à Gagnoa... Il m'a demandé de lui trouver une voiture pour effectuer ce voyage. Et m'a posé aussi le problème du déplacement; je lui ai trouvé une voiture. Et sur sa demande, le Président lui a remis 2 millions pour le carburant. Mais ce n'est pas tout. Vous verrez que l'homme n'est pas du tout ce qu'il prétend être. Vous savez, Gbagbo m'a avoué qu'il avait des difficultés financières... Et j'ai donc demandé qu'on puisse l'aider.
Après l'audience de mardi, le vendredi, il reçoit 2 millions de francs. À son retour de Gagnoa, il est passé me voir et m'a fait encore part de ses difficultés financières et me dit comme ça:
"Bien, Je suis revenu de Gagnoa, il faudrait voir le Président de la République, s'il peut me nommer à l'EECI ou à défaut à la Sodefel "
Il m'a même assuré qu'il avait été déjà dirigé un institut à l'université…
Malheureusement pour moi et pour mon cousin, j'ai dû partir en France pour des raisons de santé pour une période d'un mois. Un mois, et mon cousin a commencé à s'impatienter...
Je l'ai eu au téléphone depuis Paris et voici ce qu'il m'a dit:
"Tes gars m'ont dit d'attendre, j'ai attendu et maintenant, ils ne se manifestent pas; ça ne va pas... " Je lui ai répondu ceci: "Tu as demandé à rentrer. Le Président de la République ne m'a jamais envoyé te chercher et puis je pense qu'un mois, ce n'est rien. La situation est telle qu'on ne peut pas poser le problème en terme d'échange... Si tu veux, il faut être patient, à mon retour, on réglera ce problème. On ne peut pas forcer la main au Président de la République. Ton chantage est vraiment déplacé
Parce qu'il y avait chantage et menaces ?
Bien sûr que oui, toute sa vie est faite de chantage et de menaces. Il menaçait assurant qu'il n'avait pas eu le poste et le fric (300 millions) comme il disait lui-même pour compenser son absence de 6 ans et retrouver son standing. Il menaçait de parler de "je ne sais quoi sur les radios et dans la presse étrangère. A la vérité, c'est qu'à son retour, mon cousin a réalisé que tous ses amis qu'il traite et qu'il a toujours traités de "Tocards" avaient évolué et il voulait les rattraper. II menaçait donc de publier des livres: justement les contradictions, les insanités et les incohérences, que les Ivoiriens découvrent aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai dit que si on m'avait écouté, le problème Gbagbo serait réglé depuis longtemps. On aurait dû le laisser faire son cinéma depuis longtemps, les Ivoiriens auraient découvert ses limites et son manque total de réalisme depuis longtemps. C'est en cela que le multipartisme est une mauvaise chose pour lui. Il en sera le grand perdant.
Et après, quels ont été vos rapports jusqu'au multipartisme..?
Vous savez, moi, je ne suis pas un rêveur. Mais j'admets que chacun fasse son rêve et qu'il y ait des marchands de rêves. Voyez-vous, dans ce monde, il y a des gens qui, à un moment de leur vie, ont des problèmes qui vont se confier à des soi-disant prophètes qui leur promettent les solutions à tous leurs problèmes, nous avons vu beaucoup de sectes s'installer en Côte d'Ivoire et disparaître...
C'est ainsi que je résume l'entrée de Gbagbo en politique; il se prend pour un prophète; d'ailleurs il dit qu'il est Jésus-Christ. Son FPI est l'équivalent d'une secte dans laquelle certains Ivoiriens croient pouvoir trouver la solution à tous leurs problèmes. Ces gens-là et Gbagbo lui-même n'ont rien compris et ses fidèles ne le connaissent pas du tout, ils auront le temps de le découvrir.
A un certain moment, je voulais discuter avec Laurent, mais il pensait qu'il était devenu fort, il était entouré de gens qui n'osent pas lui dire la vérité et qui lui disent qu'il est le plus fort, le plus intelligent et le plus beau. Au point qu'une fois, il m'a dit qu'un jour s'il devenait Président de la République, je serai son "homme de main".
Etait-ce un compliment?
Je vous ai dit que je n'aime pas rêver; je lui ai dit que je n'en avais pas besoin et que c'était très gentil de sa part...
A son retour de Paris, quand j'ai vu la voie qu'il avait commencé à emprunter avec un entourage "Bidon" fait de ratés de la société, j'ai coupé les ponts avec lui.
Y a-t-il dans son comportement, un désir de vengeance; de prouver quelque chose ?
Mais il a affirmé à la radio "La vengeance est un sentiment humain". Gbagbo dit qu'il était le 1er à l'école, c'est à vérifier et il réalise aujourd'hui qu'après l'accumulation des bêtises, il est le dernier, lui qui est ancien séminariste sait bien que c'est écrit dans la Bible. Il était le 1er et il est aujourd'hui le dernier. Avec les 6 ans d'exil, il n'est rien, aujourd'hui par rapport à ses copains de classe qu'il traite de "Tocards" mais qu'il envie en réalité.
Et puis, il y a un fait que vous ignorez et qu'il est important de révéler aux Ivoiriens, Gbagbo parle souvent de l'arrestation de
Coffi Gadeau en 1963; mais en réalité, ces événements de 63 sont importants pour lui, parce que son père était parmi les prisonniers politiques du complot de 1963.
C'est donc quelque chose qu'il a sur le cœur. Une rancune tenace contre le Président Houphouët.
C'est un homme rancunier, qui a un désir violent de vengeance, un désir de rattraper le temps perdu matériellement à cause de son exil en France. Ce sont des choses tristes dont on ne peut pas toujours parler, mais les Ivoiriens avaient besoin de savoir, les connaitre.
Comment voyez-vous la suite?
J'ai peur pour lui, d'abord parce qu'il sera sévèrement battu. Il y a des défaites dont on ne se relève jamais. J'ai peur que ses partisans ne l'abandonnent parce qu'il leur a vendu du rêve à très court terme. Quand ils réaliseront qu'il ne sera jamais Président et que par conséquent, ils n'auront pas les emplois, les médicaments et les soins gratuits, ils partiront.
En plus, ce sont des gens qui ont des objectifs à court terme. On raconte à Abidjan que son trésorier serait parti avec12 millions et que c'est son épouse qui est maintenant trésorière du FPI. C'est déjà la preuve qu'ils ne sont pas sérieux. Il n'a autour de lui que des gens aigris qui ont des problèmes de personnes contre ceux du PDCI-RDA. Ses militants et même ses collaborateurs le quitteront.
Pensez-vous qu'il peut se ressaisir?
Pour bien faire, il n'est jamais tard.
M. Gbagbo se présente comme un homme d'une grande intégrité morale et comme le genre d'hommes qui ne vouent pas un culte à l'argent... Quelle est votre opinion là-dessus?
Gbagbo n'aime pas le fric? Ceci est nouveau pour moi. Non,
Ecoutez, c'est trop gros.
Donnez-nous des exemples...Il a reçu de l'argent des mains de ce sage qu'est Houphouët et c'est moi-même qui le lui ai donné des exemples précis ?
Gbagbo a reçu d'abord 10 millions pour scolariser ses enfants parce qu'il disait qu'il n'avait pas d'argent pour mettre ses enfants à l'école. Et après, il a touché 40 millions en compensation de ses 6 ans et demi d'exil. Parce qu'il disait qu'il n'avait pas touché les salaires de ces 6 ans et demi. Il ne faut pas raconter d'histoires aux Ivoiriens. Ce n'est pas sérieux.
Il raconte aujourd'hui qu'il n'a jamais touché les salaires des 6 ans et demi...En conclusion, je pense que Laurent peut être un homme raisonnable; et je sais qu'il peut encore se ressaisir. Il sait de quoi je parle et il sait comment il peut se rattraper... A moins que l'orgueil ne le pousse à s'enfoncer plus loin dans la bêtise. Surtout s'il est poussé par des gens qui sont moins intelligents que lui-même.
Je lui fais confiance.
Propos recueillis par
Jean-Joseph ANOMA
In Fraternité Matin des samedi 24 -
dimanche 28 octobre 1990 / Page 28 et 29