Alors que le maire de la ville de Yamoussoukro réclame la gestion de “Guiglo”, une des vieilles plantations d’Houphouet-Boigny, l’Etat vient de la céder au district de Yamoussoukro. Le verdict est enfin tombé. L’Etat de Côte d’Ivoire a cédé, par décret n° 2010-50 du 12 avril 2010, à titre gratuit, au district de Yamoussoukro, les plantations d’Etat situées dans le ressort territorial de cette collectivité territoriale. Du coup, le premier magistrat de la ville de Yamoussoukro va certainement durcir sa position qui consiste à attribuer, depuis toujours, la gestion de la plantation Guiglo à la mairie. Jean Kouakou Gnrangbé qui nous recevait, le samedi 15 mai dernier, dans la cour de la mairie de Yamoussoukro, n’est pas prêt à lâcher prise. «Je ne comprends pas quelle est cette palabre-là. On cherche à avoir un décret pour récupérer Guiglo. On veut montrer que Guiglo n’est pas bien gérée par la mairie. Il y a tellement de choses à faire. Il y a Toumbokro à gérer, le parc animalier d’Abokouamékro qu’il faut réhabiliter. Mais pourquoi on s’acharne sur Guiglo ? Ne polémiquons pas. La chose est là et je pense que nous allons comprendre qu’effectivement, elle n’a pas été cédée à l’Etat. Et donc l’Etat de Côte d’Ivoire ne peut pas céder Guiglo à une autre structure. Cela risque de nous diviser, parce qu’il y a deux clans qui se forment. Mais mettons balle à terre et gérons l’héritage d’Houphouet-Boigny selon ses vœux», a-t-il déclaré. Le maire de la ville de Yamoussoukro, qui dit ne rien comprendre à cette situation, a aussi révélé que Guiglo n’a jamais fait partie des plantations que le premier président ivoirien a cédées à la Côte d’Ivoire en juillet 1977. «Le président Houphouet-Boigny a parlé de la plantation de Toumbokro. Guiglo n’a jamais fait l’objet de cession à l’Etat de Côte d’Ivoire. Je dois dire d’ailleurs qu’il n’y a pas eu d’acte notarié concernant cette cession. Je me rappelle bien, parlant de cette cession, il a dit qu’il réservait Guiglo pour sa famille. Et à partir de 1985, il a confié la gestion de Guiglo à la mairie de Yamoussoukro. Je parle sous le couvert du ministre Jean Konan Banny qui a géré Guiglo», confie le maire Kouakou Gnrangbé. Il explique aussi que Houphouet ne voulait pas que Guiglo soit exploitée comme une plantation agricole, mais comme un jardin où l’on reçoit des hôtes. «Le président Houphouet a d’ailleurs donné le ton. Il y a reçu le président français Valerie Giscard d’Estaing. Il y a célébré des mariages. C’est comme cela qu’il voulait que Guiglo soit utilisée. Les quelques plants de cacao et de café qui sont actuellement à l’intérieur de Guiglo sont à exhiber. Et il les exhibait chaque fois qu’il recevait des hôtes qui boivent le café ou le chocolat, mais qui ne connaissaient ni le café ni le cacao». L’Etat a suivi le ministre de l’Agriculture Jean Kouakou Gnrangbé avait déjà développé ces arguments devant une mission envoyée, quelques jours plus tôt, par le ministère l’Intérieur pour trouver une issue heureuse au conflit qui l’oppose le maire au gouverneur du district de Yamoussoukro à propos de Guiglo. Apollinaire Koffi N’Dri, que nous avons également rencontré au sujet de cette affaire, a dit avoir longtemps fondé sa position sur une lettre d’intention du ministre de l’Agriculture autorisant le district à gérer la plantation en question en joignant à celle-ci les autres plantations cédées par Houphouet-Boigny à l’Etat de Côte d’Ivoire. «Le 29 juin 2004, Monsieur le ministre de l’Agriculture nous avait écrit pour dire que, dans le cadre du transfert des compétences de l’Etat aux collectivités territoriales, le ministère de l’Agriculture n’a pas vocation de gérer des plantations, nous vous demandons également de continuer la gestion des plantations d’Etat à Yamoussoukro. Nous avons la lettre», indique-t-il. C’est donc fort de cette lettre, explique le gouverneur du district de Yamoussoukro, qu’il a alors engagé des démarches pour la gestion de ces plantations dont Guiglo fait partie. «Et puisque nous n’avions pas de moyens lorsqu’il nous cédait ces plantations, l’Etat a pris la précaution, par l’entremise du ministère de l’Economie et des Finances, du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’Agriculture, de commettre un cabinet d’experts qui est venu faire une évaluation de ces plantations. A la suite de cet audit, nous avons continué à travailler. Aujourd’hui où je vous parle, le décret de cession des plantations d’Etat au district de Yamoussoukro a été signé», révèle le gouverneur Apollinaire N’Dri Koffi. M. Nassa Dakouri, préfet de la région des Lacs, préfet du département de Yamoussoukro, que nous avons aussi rencontré, a été clair : «Le ministère de l’Intérieur ayant envoyé une mission, et comme nous n’avions pas encore eu connaissance d’un décret, nous avions invité les uns et les autres à surseoir à toute action. D’autant plus que chaque fois qu’une action est menée par l’un ou l’autre, cela posait des problèmes, des destructions de biens. Nous attendions qu’un décret soit pris pour trancher la question». Toutefois, il se disait qu’il ne se faisait aucun mystère pour reconnaître que la lettre d’intention du ministre de l’Agriculture montrait bien la direction prise par le gouvernement concernant la gestion de Guiglo. Le vin est tiré, il faut le boire, comme dit l’adage. Le décret portant autorisation de cession au district des plantations d’Etat situées dans son ressort territorial, et force étant à la loi, il faut espérer que le calme va revenir à Yamoussoukro où le président de la République, Laurent Gbagbo, a engagé de vastes chantiers pour le transfert effectif de la capitale politique et administrative. Robert Krassault ciurbaine@yahoo.fr envoyé spécial
Société Publié le mercredi 2 juin 2010 | Notre Voie