La guerre de l'huile de palme raffinée fait rage entre des entreprises ivoiriennes et sénégalaises. On use de subterfuges pour abattre le concurrent. La dernière en date : l'huile de palme utilisée dans les raffineries abidjanaises proviendrait d'Asie.... “Durant ses deux premières années, la raffinerie de Sifca (en construction) sera alimentée essentiellement par l'huile de palme importée d'Asie, avant de se fournir à 100% en Afrique”. L'information est contenue dans le dernier Jeune Afrique n°2578. Cette information, loin s'en faut, n'est pas innocente. Elle participe à l'intox faite autour de l'huile de palme raffinée made in Côte d'Ivoire et orchestrée par M. Abbas Jaber, directeur général de la société sénégalaise Suneor. Nous ne nous attarderons pas sur le cas Abbas Jaber dont l'entreprise a été récemment subventionnée par l'Etat sénégalais à hauteur de 6 milliards FCFA pour faire obstacle à l'huile ivoirienne. Intéressons-nous plutôt à l'information donnée par Jeune Afrique et qui est que l'huile de palme utilisée par les raffineries ivoiriennes provient d'Asie. L'huile asiatique, et même la culture du palmier à huile en Asie sont l'objet de plusieurs préjugés défavorables : on reproche aux Asiatiques de faire fi de la déforestation, de la biodiversité et du réchauffement climatique en faisant disparaître des millions d'hectares de forêt vierge pour la culture du palmier à huile. L'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande sont ainsi clouées au pilori par les organisations non gouvernementales (ONG) du secteur de l'environnement. En plus, l'huile produite dans ces pays asiatiques est reconnue de mauvaise qualité. Associer donc le nom de la société productrice d'huile en Côte d'Ivoire à ces pays d'Asie et surtout dire que l'huile de palme qu'elle utilise pour sa production vient d'Asie, c'est chercher à soulever le courroux des ONG contre la Côte d'Ivoire et éloigner les potentiels clients de cette filière. C'est cela l'astuce. La désinformation, l'intox font donc partie intégrante des armes utilisées par les concurrents de l’entreprise ivoirienne Sifca pour ternir son image. Et pourtant, il n'en est rien. La Côte d'Ivoire produit 450 000 tonnes d'huile de palme par an La vérité est que la Côte d'Ivoire n'importe pas d'huile de palme des pays du sud-ouest asiatique. La production nationale d'huile de palme culmine à ce jour à plus de 450 000 tonnes. A Palm-CI, une société du groupe Sifca, l'on a en tout 11 huileries installées dans les unités agro-industrielles où il se déroule une activité intense de production. Les usines d'Irobo, de Boubo, de Toumanguié, de Neka, d'Iboké, de Blidouba, d'Ehania..., fournissent aux raffineries du groupe Sifca installées à Abidjan suffisamment d'huile de palme. On n’a donc pas besoin d’importer de l’huile de palme d'Asie. Depuis que la société Unilever a cédé ses activités de production d'huile raffinée à la Sifca, ce groupe produit par l'entremise de Cosmivoire l'huile Dinor et Palm d'Or. D'ailleurs, Sifca associée à Nauvu est en train de construire ici à Abidjan la plus grosse usine de raffinerie d'huile de palme d'Afrique. Cette raffinerie à même de produire 1500 tonnes par jour va coûter plus de 15 milliards de FCFA. Elle va démarrer sa production en juillet et non en juin comme l'a écrit Jeune Afrique. Disons tout net aux détracteurs de la culture du palmier à huile en Côte d'Ivoire que celle-ci a conservé un visage humain. Ainsi, malgré quelques grandes plantations industrielles, la filière repose à ce jour sur les plantations villageoises qui fournissent à elles seules plus de 60% de la production des régimes de palme. On est très loin en Côte d'Ivoire des millions d'hectares de forêt ravagés pour les plantations de palmier à huile à perte de vue. Et puis, il faut bien le noter, la culture du palmier à huile en Côte d'Ivoire a une histoire. Si bien qu'elle est l'ancêtre des plantations malaisiennes et indonésiennes. Oui, c'est bien ici en Côte d'Ivoire que les Asiatiques se sont procuré les premiers plants de palmier à huile. La Côte d'Ivoire a donc une expertise en la matière avec les chercheurs du Centre national de recherche agronomique (Cnra). C’est donc avec ces chercheurs qui, chaque jour, font leur preuve, notamment dans la réduction des délais de production des jeunes plants, délais passés de 6 à 3 ans que la Côte d'Ivoire a pris le pari de résorber le déficit annuel d'huile raffinée dans la sous-région Uemoa. Ce déficit en huile est de 150 000 tonnes et ce n'est sûrement pas avec l'huile de palme importée d'Asie que la Côte d'Ivoire va le résorber. Des efforts sont donc faits tous les jours pour aller de l'avant, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Sur le premier point, on est passé en Côte d'Ivoire d'une production industrielle de 14 tonnes à l'hectare en 2008 à 18 tonnes a l'hectare en début 2010. La récolte villageoise est passée, elle, de 6 tonnes à 10 tonnes. Sur le plan qualitatif, on reproche très souvent à l'huile de palme de contenir des acides gras saturés qui sont réputés être la cause de maladies cardio-vasculaires. Il faut dire que de récentes études scientifiques montrent que l'huile de palme qui contient environ 50% d'acides gras saturés constitue une exception. Selon ces études, «les acides gras saturés contenus dans l'huile de palme ne sont en effet pas métabolisés au cours de la digestion. C'est également le cas du beurre de cacao qui contient 60% d'acides gras saturés». En Côte d'Ivoire, des efforts ont été faits pour ajouter de la vitamine A à l'huile de palme raffinée. Ce qui la rend exceptionnelle pour la santé de la mère et de l'enfant en particulier, et de tout le monde en général. Au total, le palmier à huile ivoirien connaît un regain de vitalité et ce ne sont pas les coups bas de quelques concurrents qui le feront changer de trajectoire. Il y a des défis majeurs à relever, et dans la sous-région, la Côte d'Ivoire est véritablement seule à y faire face. Par exemple, l'ensemble des pays de la Cedeao a un déficit oléagineux de 600 000 tonnes. Et pour y faire face, la Côte d'Ivoire et le secteur du palmier à huile doivent palmier «le manque d'encadrement des plantations villageoises qui a fait perdre les bonnes pratiques culturales; le manque d'entretien des pistes de collecte qui a rendu inaccessibles des milliers d'hectares de plantations, les abandonnant à la cueillette pour nourrir au mieux les presses artisanales; la faiblesse des moyens de collecte et leur manque de capacité d'organisation, qui ont laissé des tonnes de régimes sur les plages de collecte; le manque d'engrais depuis une dizaine d'années qui a affaiblit les sols, les palmiers ont véritablement manqué de nourriture pour produire des régimes en nombre et en poids...» Ce sont là autant d'actions à même d'accroître les productions et les revenus des 45000 producteurs de palmier en Côte d'Ivoire, et d'accroître les rendements agricoles et industriels. Franck Dally franckdali1@yahoo.fr
Économie Publié le jeudi 10 juin 2010 | Notre Voie