x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le lundi 28 juin 2010 | L’expression

Tricherie aux examens - Parents, voici comment se « débrouillent » vos enfants

Pour réussir aux examens de fin d’année, les candidats utilisent aujourd’hui diverses méthodes non conventionnelles.

Elle est une élève moyenne. Inscrite en terminale D au lycée classique d’Abidjan, K. Florence a obtenu une moyenne annuelle de 12/20. Cependant, elle reste inquiète quant à l’issue de l’examen du baccalauréat qu’elle aborde demain. «C’est un examen, je ne peux pas dire que je me fais entièrement confiance. Mais nous sommes tous en Côte d’Ivoire, et nous savons que de nombreux candidats utilisent des méthodes pas catholiques pour réussir aux examens. Ce qui réduit les chances des élèves dont les parents n’ont pas assez de moyens. Que pouvez-vous faire quand l’examinateur permet une cotisation des candidats alors que vous, vous n’avez pas d’argent», s’interroge la candidate. La tricherie aux examens, une plaie de l’école ivoirienne, mais qui malheureusement a la peau dure. Aucun examen, aucun concours ne se fait désormais en Côte d’Ivoire sans que la fraude ne soit présentée comme élément démotivant voire déstabilisateur pour certains candidats et ne déteigne sur la fiabilité des résultats. Un fléau qui gangrène notre système éducatif, et devant lequel nos autorités semblent impuissantes. Mais, qui sont concrètement les fraudeurs et pourquoi fraudent-ils? Pour certains, les tricheurs sont les élèves qui utilisent des moyens pas conventionnels pour réussir aux examens. «Les tricheurs aux examens sont généralement très vigilants. Il leur suffit de jeter un coup d’œil sur la feuille de leur voisin pour photographier ses réponses. Mais en plus aujourd’hui, on sait que les enseignants eux-mêmes font la porte ouverte aux candidats. Quelquefois, on leur demande de faire de cotisations», explique B. Lama, un parent d’élève. Des propos appuyés par B. Christelle, étudiante en première année d’anglais.


Les techniques utilisées par les candidats

«Tu peux ne pas avoir envie de tricher, mais certaines situations t’obligent à le faire. L’année dernière, j’ai présenté le baccalauréat au collège ’’Les Phalènes’’ de Yopougon. Et lors de la deuxième journée, nous devions composer en mathématique. Un des candidats qui s’est fait passer pour notre porte-parole est allé voir un des enseignants pour lui demander d’être coopératif. Et ce message se comprend aisément. De retour en salle, le porte-parole nous a demandé de cotiser 1000Fcfa par candidat. Ce que nous avons fait. Cette somme a été remise à notre surveillant qui, aussitôt, a mis le second dans le contexte. De sorte que lors de la composition de mathématique, le second surveillant ne faisait que de la figuration pendant que le premier, notre interlocuteur direct, faisait le guet. Nous avions donc eu l’occasion de communiquer, mais à voix basse. Certains ont même pu se passer les brouillons», confie cette ancienne candidate au baccalauréat. «Un de mes voisins a même utilisé son téléphone portable lors de la composition de philosophie et de français, il y a 2 ans, lors du baccalauréat. Son grand-frère était enseignant de philosophie et il a un de ses amis qui était étudiant en lettre moderne. Il s’est sûrement entendu avec ces personnes-là, et dès que nous avons reçu les épreuves de philosophie la première journée, il a eu le temps de transférer le sujet à son mercenaire. Et moins de 15mn plus tard, ce dernier lui a d’abord apporté le plan avant de lui faire parvenir les autres indications de façon abrégée. Et il s’en sortait. Il faut dire que les candidats qui étaient assis à côté de lui ont pu profiter de cette main de Dieu. Et ce fut pareil le deuxième jour, lors de l’épreuve de Français», renchérit une voisine de chambre de Christelle. Cette dernière précise que quelquefois, la corruption se poursuit jusqu’à après la composition. «Vous remarquerez que les abords des centres d’examens grouillent quelquefois de monde dans la soirée. Cela est dû au fait que le soir venu, les surveillants sont invités au maquis par les candidats. L’idée est quelquefois des candidats, mais d’autres fois, elle vient de l’enseignant», précise la voisine. Outre ces différentes techniques, les enseignants affirment qu’il existe la ‘’méthode hibou’’, la méthode du cartel, et également celle des signes. La première, selon les enseignants, consiste pour le candidat à s’entendre avec un membre du secrétariat. «Etant donné que le transfert des copies de composition ne se fait pas automatiquement, le candidat qui a un complice au secrétariat a la possibilité, la nuit venue, de connivence avec lui de recopier sur une nouvelle copie les épreuves préalablement traitées par un mercenaire. L’ancienne copie de composition est ainsi retirée au profit de la nouvelle. «C’est une technique généralement coûteuse (parce qu’il y va de la carrière de l’enseignant, membre du secrétariat), mais sachez que dans ce pays, les parents sont généralement prêts à tout pour la réussite de leurs enfants», explique sous le sceau de l’anonymat un enseignant membre du Synesci, et enseignant au Lycée Harris d’Adjamé. Quant à la seconde méthode, elle consiste pour les élèves d’un même groupe de travail, à demander aux meilleurs dans les différentes matières, de passer quelque temps après les différentes compositions déposer leurs feuilles de brouillons dans les toilettes. «Ainsi, les autres élèves ont le temps de sortir à tour de rôle pour aller aux toilettes, juste pour regarder le corrigé qui y a été précédemment déposé par le candidat de service», soutient S. Mourlaye, qui reprend le baccalauréat pour la seconde fois. «A moins que le surveillant ne soit un sorcier, il parvient difficilement à se rendre compte de cette supercherie», pense le candidat. La troisième technique qui est celle des signes devient de plus en plus difficile parce que les copies sont transférées dans d’autres lieux pour les corrections. «Mais ce procédé reste encore valable pour les candidats du technique qui ont généralement le privilège de rencontrer leurs enseignants pour les corrections», soutient T. Lionel, enseignant au Collège André Malraux. Une thèse confirmée par un jeune policier dont la copine a usé de ces pratiques. Elle a fait le baccalauréat G2, il y a deux ans. «Bien avant la composition, elle m’a convaincu de lui trouver 200.000Fcfa. Et comme je lui disais que je ne pouvais pas lui trouver une telle somme, elle a été obligée de me dire à quoi cela servirait. Cette somme qu’elle remettrait à un de ses enseignants servirait à corrompre les autres. Dans la pratique, elle m’a expliqué que vu le nombre très restreint d’enseignants dans les matières techniques, ce sont généralement leurs enseignants qui corrigent leurs copies. Un de ses enseignants lui a donc demandé de mettre des signes sur ses copies. Cela consisterait pour ma petite amie de faire une rature assez visible sur ses copies. Cela aurait pu se passer n’importe où, mais pour que cela soit plus visible, la rature devait se faire sur la cinquième ligne de la première page. Et cette rature devait aller jusqu’à la moitié de la ligne», confie un sergent chef, sous le sceau de l’anonymat. «Mais quelquefois, malgré la bonne foi des enseignants, certains candidats déploient l’artillerie lourde. C’est le cas d’une de mes voisines au Bts qui avait écrit, l’année dernière, des cas pratiques sur sa cuisse. Disons qu’il est difficile dans ces conditions, de mettre la main sur les tricheuses », ajoute K. Florence. Dans la quasi-totalité des cas, l’on retient qu’il faut le consentement des surveillants.

Les surveillants indexés

Des accusations que ces enseignants rejettent même si tous les incriminent. Certains rejettent la faute sur les enseignants du privé qui ne reçoivent plus rien dès le mois de juin mais qui pourtant ont besoin de survivre. «Il est vrai que dans tous les groupes il y a des brebis galeuses mais ce sont généralement ces enseignants qui sont frileux devant les pièces de monnaies», a expliqué l’enseignant qui a du coup incriminé la Direction des examens et concours (Deco) et la Direction régionale de l’enseignement nationale (Dren) qui travaillent de paire pour la composition des secrétariats. «Si on parvient quelquefois à avoir les mêmes secrétariats dans certains établissements, c’est parce que c’est voulu et entretenu par ces deux services. Et au-delà, que font-ils pour que cette fraude cesse», s’est interrogé l’enseignant du Lycée Harris. Une préoccupation qui est partagée par l’ensemble de la population ivoirienne. Que font aujourd’hui la Deco et le ministère pour mettre fin à la fraude aux examens. «Le ministre l’a dit vendredi sur le plateau du journal télévisé de 20h : des dispositions ont été prises pour mieux sécuriser les examens. Nous n’allons pas dévoiler nos méthodes, mais vous verrez sur le terrain », a dit sous le sceau de l’anonymat, une source de la Deco. Attendons donc de voir demain.

De la responsabilité des parents

Sur tous les plans, ils essaient de décliner leur responsabilité. «Aucun parent ne peut soutenir son enfant dans la fraude. C’est une gangrène qu’il faut extirper de l’école», disent-ils en substance, même si quelquefois certains propos les condamnent. «Je ne peux pas demander à mon fils de tricher. Mais il y a deux ans, mon fils était candidat au baccalauréat au Lycée classique d’Abidjan. Et il est revenu me rapporter suite à l’oral que les enseignants leur demandaient de l’argent. 1000Fcfa pour avoir une note de 11/20 ; 2000Fcfa pour avoir 12/20 ; 3000Fcfa pour avoir 13/20. Somme qu’il n’avait malheureusement pas pu avoir. C’est dire que je l’avais déjà défavorisé pour l’oral. Aussi pour l’écrit, lorsqu’il devait aller, je lui ai remis 10.000 Fcfa pour qu’il puisse faire face au cas où les mêmes situations se présentaient », soutient un enseignant du supérieur.


Touré Yelly


Légende : Cette année encore, les candidats utiliseront des méthodes pas catholiques aux examens à grand tirage


La tricherie

Les différentes formes et manifestations

L’inspecteur général de l’enseignement, Zoko Sebé, a effectué un travail sur la tricherie en Côte d’Ivoire. Il a bien voulu mettre les résultats de ses recherches à notre disposition.




A-Avant la composition

1-La technique du contrat sexuel, du harcèlement ou de la prostitution
Certains enseignants, jusqu’aux membres de l’administration passent des contrats avec des élèves du sexe féminin.
Le contrat consiste à entretenir avec elles des relations amoureuses en échange du succès à l’examen ou au concours.
En cas de refus, c’est le harcèlement qui prend place qui débouche malheureusement des fois sur des règlements de compte.
D’autres fois enfin les futures candidates proposent leurs services aux enseignants.
2-La technique des fiches de table
La veille de l’examen, des réponses sont écrites au dos des fiches de table.
3-La technique du dépôt des cahiers dans les toilettes

Le candidat sous prétexte de satisfaire un besoin naturel profite pour consulter ou récupérer des notes utiles ou encore pour déposer une réponse à l’intention d’un autre candidat.

B-Pendant la composition

1-Pendant les écrits

1-1 Le racket direct

Il s’agit de faire faire une quête aux candidats.
L’un des surveillants se met à la porte et surveille les mouvements des membres du secrétariat quand ceux-ci ne sont pas complices.
Pendant ce temps, les candidats utilisent tous les documents qu’ils veulent dans le silence.


1-2 L’œil américain

Il consiste à regarder sur la copie de son voisin en prenant soin de rester calme et innocent.


1-3 La circulation des brouillons

Le brouillon a la même couleur que celui du voisin
L’un des candidats récupère le brouillon d’un autre. En général cela se passe sous le couvert des surveillants.

 L’absence de brouillon devant un candidat
C’est un moyen pour aider des candidats. Celui qui semble maîtriser l’épreuve fait passer son brouillon à ceux qu’il désire ; ce qui explique la disparition de son brouillon.
 Les brouillons sous la manche de la chemise ou du polo manche longue
C’est une technique qui a parfois le même but que le cas précédent.
Le candidat se sert du bracelet de sa montre pour y coincer un brouillon ayant le corrigé de l’épreuve ;
Ce brouillon est obtenu soit dans les toilettes, soit par un candidat ou un commissionnaire.

 Le brouillon sous la plante des pieds
Le brouillon sous la plante des pieds coincé dans la chaussure s’obtient généralement dans les toilettes parce déposé par un tiers. Stratégie beaucoup utilisée par les dames.
 Les brouillons plaqués sous les dessous de corps
Les brouillons dans les soutiens gorges et autres parties intimes du corps.
 Les brouillons des plus forts
Ce procédé consiste à faire circuler les brouillons des plus forts afin que les moins forts recopient certaines réponses.

1-4 La communication interne

Elle consiste à murmurer les questions et les réponses entre les candidats.

1-5 L’opération hibou

Quand malgré toutes les dispositions, les cas n’ont pu être gérés, l’on a alors recours à l’opération hibou qui consiste à faire recopier nuitamment les corrigés par les candidats concernés et à remplacer les copies officielles.

1-6 Les signes conventionnels

Le candidat en accord avec un correcteur marque un signe sur ses copies.

1-7 Le mercenariat
On fait composer quelqu'un d'autre à la place du vrai candidat.
Dans ce cas précis, le mercenaire dispose de pièces administratives falsifiées.

1-8 La communication externe ou l’opération « message »

Avec le développement des Ntic, elle consiste en l’utilisation de téléphone portable dans les toilettes et autres endroits cachés pour envoyer des SMS à des correspondants ou les joindre dans l’objectif de tricher.




1-9 La technique de la commission

Elle consiste à se mettre d’accord avec un enfant, un professeur ou un agent des forces de l’ordre qui se donne l’air innocent pour transmettre le corrigé à un candidat ou à un surveillant qui est un « passeur » dès qu’une occasion propice se présente à lui.

1-10 L’opération voilée ou du voile
Il est exclusivement utilisé par les dames ; la candidate s’habille en voile comme une jeune fille musulmane (alors qu’elle peut ne pas l’être !) avec des oreillettes et un téléphone portable sous la tenue. A une distance donnée, une personne lui dicte le corrigé de l’épreuve.
1-11 La technique des intercalaires

Le candidat demande beaucoup d’intercalaires et s’en sert pour faire traiter le sujet par quelqu’un, en général un enseignant hors du centre.
La copie elle-même est utilisée à moitié et toutes les bonnes réponses se trouvent sur les intercalaires.

La technique de la peau
Le candidat écrit des formules scientifiques en général ou de brèves réponses sur la peau.
La technique de la diversion
Un candidat est chargé de créer la diversion pendant que les autres en profitent pour tricher.

La technique des calculatrices, des kleenex, chewing-gums ou autres outils qui servent à la composition

Des brouillons repliés sont glissés dans les pochettes des calculatrices, des kleenex, chewing-gum, etc.

La technique du partenariat
Elle consiste à mettre des professeurs dans une salle à proximité du centre pour traiter les différents sujets.
Les corrigés sont acheminés par la suite par la technique du commissionnaire.

La technique des documents déjà déposés en salle
Le candidat sous prétexte de chercher une règle ou tout autre outil profite pour regarder ses notes.

La technique de la nourrice
La candidate se sert de son bébé et de la nourrice pour sortir et recevoir des documents ou le corrigé du sujet en cours ;
Pour cela, les pleurs du bébé sont provoqués par la nourrice afin de favoriser la sortie de la mère.

C- Après la composition

1-La technique du trafic d’influence et du népotisme

Ce sont des appels téléphoniques et autres recommandations spéciales, en provenance de parents, d’amis, de collègues, de l’administration et de la hiérarchie.


2-La technique de délivrance de fausses attestations et de faux diplômes

C’est faire du faux et de l’usage de faux afin de faire croire qu’un candidat est admis !
C’est le fait de démarcheurs en complicité.


3-La technique de l’intimidation et autres menaces de mort

Après la proclamation des résultats et pendant la gestion des réclamations, les présidents et vice-présidents de jury sont l’objet d’intimidation voire de menace de mort de la part de personnages publics et politiques.

4-La technique des livrets scolaires

Des livrets scolaires sont établis avec des moyennes ne reflétant pas la valeur des candidats contre forte somme d’argent. Et ce pour permettre aux candidats d’être repêchés au moment des délibérations.




Les différents responsables

Les élèves
Le manque d’assiduité, l’accumulation des lacunes, le manque de rigueur et la recherche de la facilité font que la plupart du temps, les élèves ont recours à la fraude pour réussir les différentes évaluations auxquelles ils sont soumis.

Les enseignants

Les enseignants ont recours à la fraude, soit pour se dédouaner de leur manque de professionnalisme, soit pour masquer leurs carences, s’enrichir, ou résoudre un problème social et moral ponctuel ou des cas de conscience.

Les parents
Les parents utilisent la fraude, d’abord parce qu’ils sont convaincus que sans la fraude, leur progéniture ne peut réussir, même si celle-ci présente toutes les aptitudes à passer avec succès l’évaluation à laquelle elle est astreinte.
Par la suite, les parents ont eux-mêmes fini par donner à leurs rejetons le goût de la facilité.


L’administration

L’administration elle-même fraude, soit par souci d’enrichissement, soit pour résoudre un problème social et moral ponctuel ou des cas de conscience.

La population

De plus en plus convaincue que la fraude est le meilleur moyen de réussir à un examen ou à un concours, la population a recours à la fraude.
L’appât du gain facile attire également la population.


PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ