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Editorial Publié le lundi 19 juillet 2010 | Le Nouveau Courrier

La culture du secret est-elle soluble dans la démocratie ?

L’actualité de ces dernières semaines nous a offert l’occasion de nous poser un tatinet philosophique. Dans le cadre de la grande controverse liée à l’affaire Koulibaly-Tagro, on a ainsi entendu Charles Blé Goudé, directeur national de campagne adjoint du candidat Laurent Gbagbo, attaquer le président de l’Assemblée nationale parce qu’il aurait trahi des «secrets d’Etat». S’il n’a pas clairement désigné de quels secrets d’Etat il s’agissait, on peut logiquement considérer qu’il s’agit là de graves accusations de Koulibaly concernant des formes de trafic d’influence qui auraient cours dans l’organisation du concours d’entrée à l’école nationale de police.

Ici, au Nouveau Courrier, nous sommes victimes de violences infligées par le procureur de la République qui a décidé de jeter nos chefs en prison et de décapiter notre rédaction parce que nous aurions violé la loi du secret en publiant des informations contenues dans un document judiciaire confidentiel. Sanction disproportionnée digne des temps anciens ? Non, si l’on considère que le secret est une valeur absolue qu’il faut défendre à tout prix. Y compris celui de la démocratie.

Le problème de fond, avec la notion de secret, dès lors qu’il s’agit des affaires publiques, est qu’il faut devant chaque cas s’interroger sur les intérêts qu’elle est censée protéger. S’agit-il de l’intérêt général ? De celui d’un certain nombre de lobbies incrustés au cœur de la machine étatique, et qui tentent d’imposer leur agenda à la communauté toute entière ?

Nous avons encore à l’esprit les évènements de Novembre 2004 avec le fameux bombardement de Bouaké qui a amené l’armée française à détruire toute la flotte aérienne de la Côte d’Ivoire et à tirer, suite à l’embrasement prévisible d’Abidjan, sur des manifestants aux mains nues à l’Hôtel Ivoire et sur le Pont de Gaulle. Nous nous souvenons également que les autorités hexagonales de l’époque pour éviter que la lumière soit faite, ont apposé le tampon «confidentiel défense» sur tous les documents qui auraient pu susciter un débat public sur leurs assignements très discutables dans le cadre de cette douloureuse affaire.

Presque six ans après les évènements de novembre, et alors que les plaintes contre X ont été déposées devant les tribunaux, le dossier «Novembre 2004» reste au stade de l’instruction, et tout indique que des intérêts puissants se sont mis en branle pour qu’on n’arrive jamais au stade de l’audience publique.

Face à une conspiration du silence qui ne dit pas son nom, des journalistes ont enquêté. Et utilisé des pièces confidentielles protégées par le secret de l’instruction. Parmi eux, Le Monde (dès 2005), Médiapart (un célèbre journal en ligne) … et Le Nouveau Courrier qui a publié des extraits d’interrogatoires des personnalités comme le Général Henri Poncet. Aujourd’hui, les victimes ivoiriennes réunies au sein de la COPAVIL, ont quelques arguments de poids pour réclamer réparation. En nous dressant contre la culture du secret, nous, journalistes d’ici et d’ailleurs, n’avons-nous pas fait œuvre utile ?

En Côte d’Ivoire, des dizaines de personnes (au bas mot) croupissent à la Maca depuis des années parce que leurs dossiers traînent en cabinet d’instruction. Parmi elles, il se trouve des citoyens innocents et d’autres dont la peine est d’une gravité telle qu’on peut imaginer que s’ils avaient été jugés, ils auraient déjà fini de la purger. Un journaliste qui tombe sur des pièces du dossier d’instruction qui prouve des abus doit-il les publier maintenant ? Nous devons toujours soupeser les avantages et les inconvénients du secret dont le couvercle cache bien souvent des réalités honteuses qu’il faut pourtant affronter.

Le secret est une contrainte qui peut s’imposer, pas une valeur que l’on doit promouvoir. Aujourd’hui encore, dans de nombreux points du globe terrestre, la loi de l’omerta permet à des mafias infâmes de prospérer sur le dos du plus grand nombre.

L’Afrique, notre Afrique, a été trop longtemps piégée et mise en retard à cause de son goût immodéré pour le bois sacré, l’initiation sorcière, l’information cachée. Inventons-nous une écriture propre, permettant de graver la mémoire et de communiquer le savoir ?

Elle ne doit être révélée qu’à une petite caste. Découvrons-nous des plantes aux vertus thérapeutiques extraordinaires ? Ce savoir se perd dès notre mort parce que nous ne l’avons pas partagé, au nom de la culture du secret.

Partout où elle a enregistré des victoires, la cause de la transparence publique a fait avancer le savoir, la justice, la vérité, le bien. Même si la transparence absolue, comme le secret absolu, peut mener droit au fascisme ; d’où la nécessité d’animer le débat et de faire bouger les lignes en permanence sur la base de solides convictions démocratiques. Et l’absence de toute chape de plomb lourde et de menaces et d’intimidations.
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