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Société Publié le mercredi 18 août 2010 | Islam Info

El Hadj Yaya CISSE, un imam à l’ecoute de tous

El Hadj Cissé Yaya a été l’imam de la grande mosquée de Treichville (avenue 8), appelée « mosquée Dioula »de 195 à 1966. Qui est-il et comment est-il devenu imam ?

Quand commerce et désir d`apprendre ne font qu`un…

Cissé Yaya est né en 1905 à Odienné. Très tôt, son père l`initie à l`école coranique où il apprend l`étude du Coran, le livre sacré des musulmans. Après plusieurs années, il se lance dans le commerce de tissu en coton en provenance de Bouandougou qu`il venait vendre à Odienné, Man, Bouaké, Tiénéboué et Séguéla. C`est lors d`un périple commercial qu`il s`installa à Bouandougou mû par le savoir islamique de cette localité. Là, auprès d`un maître local du nom de Dogofessa Kamagaté, il apprend le commentaire du Coran (tafsir) et la jurisprudence islamique. A ses heures libres et hors des moments de la prière, il ne parlait que de la religion. Pour sa propre culture, il ne manquait pas de lire des ouvrages sur le soufisme. Fasciné par la vie des soufis basée sur le renoncement de la vie terrestre et la recherche de l`Amour de Dieu, Cissé Yaya ne se fait pas prier pour intégrer une tarîqa , surtout celle des tijanides.


Le souhait de faire adhérer ses femmes à la tijâniyya…

Discret et étant guidé par la crainte de Dieu, il ne montre jamais aux yeux de ses coreligionnaires qu`il appartient à une tarîqa. S`il désire vivre sa foi en toute discrétion, il souhaite cependant faire partager sa vision de la tarîqa à ses épouses. Cissé Yaya invita donc ses femmes à adhérer à la tijâniyya. Mais sa demande se fit dans le pur respect des valeurs islamiques en ce sens qu`il laissa la possibilité à celles-ci d`opérer un choix. A cette demande, ses femmes furent réticentes parce qu`elles auraient entendues dire que lorsqu`un adepte arrivait à faire des erreurs dans les zikrs , cela pouvait le rendre fou. Ce n`est toutefois qu`après plusieurs séances d`explication avec leur mari qu`elles décidèrent d`adhérer à la tijâniyya


Son périple commercial le conduit à Abidjan…

Après des années passées en effet, à Bouandougou pour acquérir le savoir islamique, il reprend son activité commerciale en partance pour Bouaké et plus tard pour Abidjan et Anyama. Dans cette dernière localité, il s`initie au commerce de la cola qu`il achemine vers le Mali et le Sénégal. Peu après, Cissé Yaya vint s`installer momentanément à Abidjan, plus précisément à Treichville où il retrouve une communauté des membres de sa région natale, les Odiennéka. Mais à cause de sa fonction commerçante, il ne désire en aucun cas rester définitivement à Abidjan. Il souhaite plutôt gagner de l`argent et retourner auprès de sa famille à Odienné. Mais en attendant, il n`hésitait pas à faire face aux dépenses de ses frères restés à Odienné, notamment en ce qui concerne l`impôt. Pour aider également son grand frère, il lui a cédé sa concession de Bouaké afin que celui-ci puisse subvenir à ces besoins.


Le coup du destin ou l`installation définitive à Abidjan

Un jour, le destin aidant, ce désir de quitter Abidjan allait être modifié par un événement imprévu. Un ami qu`il avait connu sur place, l`approche un jour pour lui demander de l`argent. Mais cet ami en question souhaite gager sa cour en contrepartie de l`aide que va lui apporter Cissé Yaya. Au moment de rembourser la somme octroyée, l`ami n`arrive pas à payer. Alors, Cissé Yaya faisant preuve de sagesse demande à ce dernier de lui donner le vrai prix de la cour qu`il se propose de racheter si celui-ci le désire bien. Sur ce, il l`acheta. Son envie de ne pas rester à Abidjan venait donc de prendre un coup et il décida finalement de s`y installer. Cette maison en question était située à côté de la grande mosquée de l`avenue 8 .


Un homme de vertus…

Fervent musulman, il ne manquait jamais à la mosquée où il venait pratiquer toutes ses prières quotidiennes. Très tôt, il se fait remarquer dans sa communauté, par son comportement exemplaire d`homme pieux, d`homme véridique. En 1943, il part par la voie maritime au Sénégal et de là, il se rend en Arabie Saoudite pour accomplir le pèlerinage. A son retour en Côte d`Ivoire, il continua à s`investir dans les affaires de sa communauté.


Un juriste averti…

Comme il était très instruit dans la jurisprudence islamique, on le sollicitait souvent pour régler les problèmes de partage d`héritage. Cette question est très sensible en Islam car celui qui procède au partage doit faire preuve d`honnêteté et d`impartialité ; un mauvais traitement de la question pouvant non seulement condamner le juge mais aussi être à la base de divisions au sein des familles concernées. L`une de ses épouses raconte même que lorsque Cissé Yaya revenait d`une de ses séances de partage, il se lavait les mains avec du savon de peur de ne pas avoir peut-être bien dit le droit. Il ne partait jamais dans une cérémonie sans y être invité.


Sa nomination en tant qu`imam…

C`est donc grâce à cette exemplarité qu`il fut élu comme premier imam adjoint au sein de la mosquée aux côtés de l`imam Fétégué Konaté. A la mort de l`imam principal en 1952, c`est tout naturellement qu`il fut désigné imam à la tête de la mosquée ; poste qu`il assurera jusqu`à sa mort en 1966


Son attachement a la quête du savoir

Son attachement à toujours rechercher le savoir constituera le leitmotiv de sa vie familiale. Il conduira de ce fait, tous ses enfants dans un premier temps à l`école coranique comme il en avait bénéficié avec son père. Avant de les faire partir, il leur prodiguait de sages conseils sur l`importance de l`école et ce qu`il attendait d`eux : « Je vous envoie à aller étudier dans les pays arabes pour que vous soyez bien instruits et qu`ensuite, pour que vous partagiez vos connaissances aux musulmans d`ici » . Mais il était comme tout parent issu de la période coloniale, hostile à l`école française qui apparaissait comme un lieu de perdition. On raconte que lorsqu`il entendait quelqu`un parler le français dans sa cour, il le chassait sur-le-champ. Cette vision allait cependant prendre un coup lorsque ses fils, Drissa Cissé et Mamadou Cissé partirent étudier en Egypte. Ce dernier à travers une correspondance, insista sur le fait que toutes les connaissances se valent et fit prendre conscience à son père de l`importance de l`école française. Vu l`urgence de la question, Cissé Yaya réunit alors toutes ses femmes pour leur faire partager sa préoccupation. Ensemble et de façon unanime, il autorisa ses enfants à aller faire en plus des études coraniques, des études à « l`école du blanc ». Savant averti, il savait que pour permettre à ses enfants d`être très instruits, il lui fallait contrôler minutieusement et dans les moindres détails, les résultats de ceux-ci. C`est ce qu`il fit pendant toute sa vie. Son amour pour le savoir s`est étendu à ses femmes qui, même après sa mort, insistaient sur l`instruction de leurs enfants en continuant de les envoyer à l`école.


Caractères…

Vu la manière dont il prenait certaines de ses décisions, on peut dire que Cissé Yaya était un homme ouvert, qui aimait écouter, qui acceptait la contradiction, la concertation. Il était peu bavard. Il ne parlait jamais pour ne rien dire. Il était très véridique . Il ne faisait pas de distinction entre les gens. La preuve en est que quand il fut élu imam adjoint, très attentif, il constate qu`au sein de la mosquée, les musulmans sont regroupés en fonction de leurs groupes ethniques (Sénoufo, Odiennéka, Wolof, Peul…). Il décide alors de les rassembler afin de former une communauté unique et forte. Et à partir de ce moment, lorsqu`il y avait des dépenses à faire au sein de la mosquée, il sollicitait la contribution de tous les groupes ethniques qui se voyaient désormais intégrer aux affaires de leur communauté . C`est cette ardeur, cette volonté au travail bien fait, à la bonne organisation, qui fit que la mosquée progressa dans son architecture : du matériel de banco, la mosquée fut construite en dur avec des tôles par-dessus pour être ce qu`elle est aujourd`hui.


Ce qu`il a dit…

Il insistait surtout sur la crainte de Dieu et l`acquisition du savoir religieux. Pour lui, ces deux éléments étaient la clé d`une bonne existence terrestre.

Ses rapports avec ses frères musulmans…
Cissé Yaya entretenait de bonnes relations avec de nombreux guides religieux dont Yacouba Sylla, le cheikh hamalliste et l`imam Yacouba N`Diaye de la grande mosquée de Grand-Bassam .


Son amitié avec le président Houphouët-Boigny…

Outre ses relations avec les membres de sa communauté, il partageait des amitiés sincères dans le milieu politique avec le Président de la République, Houphouët-Boigny. Mais faute de sources disponibles, on ignore véritablement les conditions dans lesquelles les deux hommes se sont rencontrés. Mais on peut penser que le bon comportement du premier l`est précédé dans sa renommée ; les hommes politiques étant toujours à la recherche de quelqu`un qui puisse leur faire des bénédictions pour leur maintien au pouvoir ou la bonne gestion de leurs affaires. En Afrique noire en effet, les hommes, quelque soit leur statut et en cas de problèmes, n`hésitaient pas à aller rencontrer un marabout. Depuis la période précoloniale, pendant laquelle les souverains africains sollicitaient des marabouts des talismans, jusqu`aujourd`hui, la clientèle de ces hommes pieux n`a jamais diminué, n`en déplaise aux théories de la modernisation. Quelque soit le niveau de connaissance du marabout, la clientèle suivra ses recommandations. Elle recevra des bénédictions, portera les talismans, sacrifiera les moutons, se lavera avec les philtres (nansidji) si nécessaire. Mais Cissé Yaya n`était pas un marabout en tant que tel. Il ne faisait que faire des bénédictions à ceux qui venaient le voir, nous précise l`une de ses épouses que nous avons rencontré à Treichville.

Pour revenir aux faits, d`après cette dernière, son époux, Cissé Yaya et Houphouët-Boigny, se connaissaient avant même que ce dernier ne soit devenu le président de la République. Houphouët venait le voir à chaque fois qu`il en avait l`occasion. On raconte même que lorsque le Président devait prendre une décision importante, il appelait Yaya Cissé à n`importe quelle heure de la journée, pour avoir son avis. Ce dernier jouait donc un rôle de conseiller spirituel auprès du Président. L`une des preuves en est que, pendant les complots de 1963 par exemple , Houphouët-Boigny l`invita à Yamoussoukro pour avoir son avis sur le sort des prisonniers. Cissé Yaya effectua le déplacement avec quelques-uns de ses amis, notamment Ladji Moustapha et Lamine Bamba et aurait conseillé au président de tout faire pour ne pas verser le sang, pour ne pas faire du tort aux accusés .


Des funérailles marquantes…

A la mort de Cissé Yaya en 1966, Houphouët-Boigny fut fortement attristé ; tellement attristé d`ailleurs, qu`il ne s`empêchait pas de dire desesperement que s`il y avait quelque chose à faire pour que son ami puisse se réveiller, il n`hésiterait pas à le faire . Mais hélas, le destin de Cissé Yaya était arrivé à son terme. Lors de la prière mortuaire à la mosquée Dioula de Treichville, des personnalités politiques, notamment des dignitaires du Parti Démocratique de Côte d`Ivoire (PDCI-RDA), des ministres et avec à leur tête le Président Houphouët, étaient toutes présentes. Quand la prière se termina, le cortège funéraire accusa de nombreuses heures de retard dues à l`immensité de la foule présente, avant d`atteindre le cimetière de Koumassi où l`imam Yaya Cissé fut inhumé dans la pure tradition islamique.

Al Idriss Koné

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