Les grossesses non désirées sont légion dans la population jeune. Pourtant, il existe une méthode simple et efficace pour mettre fin à ce phénomène qui est responsable de bon nombre de cas d’abandons scolaires. C’est pour faire connaître les solutions qui existent que Notre Voie fait un gros plan sur la contraception d’urgence (CU) chez les jeunes. La santé de la reproduction (SR) selon la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) de 1994, c’est la possibilité pour tout être humain d’avoir le bien-être général, tant physique que mental, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités. Cela implique, à en croire le document de politique nationale de la santé de la reproduction de la Côte d’Ivoire, qu’une personne peut mener une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité et procréer de façon libre, aussi souvent ou aussi peu souvent qu’elle le voudra. Ce qui suppose que les hommes ou les femmes soient informés de la disponibilité des services et qu’ils puissent choisir et utiliser la méthode de planification familiale de leur choix. De cette définition du concept de la santé de la reproduction qui est générale à la personne humaine, le concept de la SR des adolescents, notamment des jeunes de 15 à 24 ans qui sont dans les établissements scolaires, mérite qu’on s’y attarde pour traiter de façon spécifique la question de la santé de la reproduction. Les grossesses non désirées et les avortements à risque menacent la jeunesse Selon les statistiques disponibles au ministère de l’Education nationale de la Côte d’Ivoire, notamment le rapport du programme national de santé scolaire et universitaire, il est avéré qu’au cours de l’année scolaire 2006/2007, 5000 cas de grossesses non désirées ont été enregistrés avec 2/3 d’abandon scolaire. Par ailleurs, toujours chez les jeunes, à en croire une autre étude (Repci 2006), la pratique de l’avortement à risque courante est de l’ordre de 8% pour les jeunes filles de 15 à 19 ans et de 18% pour celles qui ont entre 20 à 24 ans. Aussi, 49% des garçons auteurs d’une grossesse encourageraient-ils l’interruption volontaire de grossesse, selon une étude menée par l’Ecole nationale de statistiques et d’économie appliquée (ENSEA) en 2005. De ces chiffres, on déduit que les grossesses non désirées et les avortements à risque menacent le devenir scolaire des enfants ivoiriens. D’où la nécessité d’explorer des solutions pour mettre fin ou tout le moins réduire le phénomène des grossesses non désirées et des avortements à risque. Introduire la contraception d’urgence (CU) en milieu scolaire Une des solutions serait d’introduire la contraception d’urgence (CU) en milieu scolaire chez les jeunes de 15 à 24 ans. Il s’agit d’une méthode contraceptive utilisée après un rapport sexuel non ou mal protégé et à n’importe quel moment du cycle menstruel. Elle consiste pour la jeune fille à avaler dans les cinq jours qui suivent le rapport sexuel non ou mal protégé, des pilules en une prise ou en deux. C’est ce qu’on appelle la pilule du lendemain. Ou à se faire insérer dans les sept jours qui suivent le rapport sexuel non ou mal protégé un dispositif intra utérin (DIU). Dans les deux cas, le mode d’action de ces méthodes est de bloquer l’ovulation et de détruire les spermatozoïdes. Et le résultat est efficace selon les études réalisées. Mais le problème, c’est que la CU est peu connue en milieu scolaire parce que sans aucun doute, il y a une absence de campagne de communication sur la contraception d’urgence. Selon une enquête terrain menée par l’Agence ivoirienne de marketing social (AIMAS) en 2009 dans le district d’Abidjan (Centre Carine’N Couture d’Adjamé ; Institut William Ponty de Yopougon ; CBCG Treichville ; CBCG Cocody), et dans la commune d’Agboville (à 80 km d’Abidjan) au CET, dans le cadre d’un projet de promotion de la CU chez les jeunes de 15 à 24 ans dans cinq établissements scolaires, il ressort que seuls 38% de l’échantillon des 200 élèves et étudiants choisis ont dit au moins connaîre une méthode de la CU. C’était au début de l’enquête. C’est dire qu’il y a un véritable travail de communication à faire si l’on veut réduire les grossesses non désirées et les avortements à risque en milieu scolaire. Le projet de l’AIMAS (qui fait la promotion de la pilule du lendemain Pregnon, déjà vendue en pharmacie) selon Dr. Kouakou Alphonse, chef de produits planification familiale dans cette ONG, vise à “améliorer, au bout d’un an, l’acceptabilité de la CU par les jeunes de 15 à 24 ans dans cinq établissements de 2 villes de la Côte d’Ivoire (Abidjan et Agboville)”. A la fin du projet, “l’on a noté, en un an, un accroissement de certains indicateurs de connaissance”, indique Dr. Kouakou. A titre d’exemple, à la question de savoir si la CU est une méthode de contraception régulière, 9% des jeunes de 15-24 ans interrogés ont répondu “non”. Bien plus, après les campagnes de communication faites dans les cinq établissements, 82% des jeunes de 15-24 ans ont répondu que la CU n’est pas une méthode de contraception régulière. Soit un bond de 72% en termes d’amélioration de la connaissance sur la CU. Sur l’utilisation d’au moins une méthode de la CU, 13% des enquêtés ont déclaré utiliser une au début du projet. A la fin, ce pourcentage est passé à 21. Au terme de cette étude, Dr. Kouakou a affirmé à Notre Voie avoir tiré trois leçons : “1- la CU est peu connue et très peu utilisée en milieu scolaire notamment dans les écoles cibles du projet ; 2- la promotion de la CU en milieu scolaire est perçue par les responsables d’établissement comme un ouf de soulagement face aux nombreux cas de grossesses et d’abandons scolaires. Ils ont unanimement souhaité la prorogation du projet ; 3 - les partenaires rencontrés (UNFPA, FHI, Ministère de la femme et des affaires sociales…) ont reconnu l’originalité du projet et ont manifesté leur soutien”. Pour lui, la SR des adolescents est un problème de santé publique. “Les besoins en SR chez les jeunes sont manifestes. L’introduction de la CU en milieu scolaire et la promotion des comportements à moindre risque sont une tentative de réponse aux problèmes de grossesses non désirées et de recours à l’IVG”, pense le chef de produit de la planification familiale. En outre, associer cette promotion avec celle du préservatif apparaîtra comme une opportunité efficace (double protection) pour prévenir les grossesses non désirées et leurs conséquences. De la nécessité d’une bonne promotion de la CU Les autorités ivoiriennes gagneraient à suivre le modèle français. En France, la pilule du lendemain, dans le cadre de l’accès à la CU chez les adolescents, a été autorisée dans les écoles depuis 2000 grâce à une loi. Toutefois, cela mérite des études plus poussées afin de tenir compte des spécificités de la Côte d’Ivoire avant de décider de l’introduction de la pilule du lendemain en milieu scolaire. Car en France, selon le site liberté politique, qui reprend une phrase du rapport sur l’avortement en milieu scolaire du député UMP Bérengère Poletti, “le développement de la contraception d’urgence n’a eu donc aucun impact significatif sur le recours à l’IVG”. En effet, il a été constaté une augmentation de 9% des IGV chez les moins de 18 ans entre 2005 et 2006. Ce député préconise une intensification de la promotion de la CU en direction des jeunes. Coulibaly Zié Oumar
Société Publié le mercredi 15 septembre 2010 | Notre Voie