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Art et Culture Publié le jeudi 30 septembre 2010 | Nord-Sud

Vieux Gazeur (artiste-chanteur zouglou) : “La piraterie m’a sauvé...”

‘’Sogeho…phiaaaa’’. Vous avez sans doute entendu ce refrain de Bléhidé Lehéroux Hilaire alias Vieux Gazeur, qui crée le buzz sur les chaînes de radios nationales. Relancé sur la scène musicale, le chanteur zouglou perçoit ce nouveau succès avec philosophie. Dans cette interview, il revient sur les circonstances de la composition du titre tant adulé.


•Votre chanson ‘’Sogefiha’’ rencontre actuellement un vrai succès. Quelle est son histoire ?

C’est un fait que j’ai vécu avec une fille qui habitait une cité Sogefihaa. J’avais décidé de le raconter dans une chanson. Le refrain, à l’origine, n’était pas ‘’Sogefiha’’. C’était ‘’chérie-coco’’. Je suis entré en studio et j’ai fait la chanson. Un jour, je me suis retrouvé avec des amis à Yopougon. En pleine distraction, je me suis mis à chanter. Comme je ne voulais pas faire connaître la version originale, j’ai dû changer de refrain. Ce qui est devenu « Sogehoo…phiaaa ». Juste pour m’amuser. C’était une autre manière d’interpréter cette chanson car j’ai plusieurs versions de chacune de mes chansons.


•Comment la chanson s’est-elle retrouvée sur les chaînes de radios ?

C’est au cours de cette animation que des gens l’ont enregistrée. C’est malheureux car c’est de la piraterie. Tout ce que vous entendez à travers la ville est une version piratée. A quelque chose aussi, malheur est bon. Cela me fait une publicité supplémentaire. J’ai été obligé d’annuler la version enregistrée au studio pour m’en tenir à ce que les gens connaissent déjà. Je
l’ai retravaillée et elle sortira sur l’album qui verra le jour le 18 octobre prochain. Tous les enregistrements sont finis. L’album est en usine. Bientôt, nous procéderons à sa présentation officielle.


•Percevez-vous des droits d’auteur, car des radios commerciales diffusent la
chanson?

Je ne sais rien de tout cela. Toutes les radios jouent la chanson. C’est ce que j’appelle aussi la force de Dieu. La piraterie tue. Mais, en voulant toujours nuire à quelqu’un, on le sauve un jour. Dans mon cas, la piraterie m’a sauvé bien que je ne souhaite pas qu’elle continue.


•C’était d’abord Sicogi (précédent album), aujourd’hui c’est Sogefiha. Avez-vous une histoire particulière avec ces cités ?

Sicogi, c’était ce que je vivais. Dans la chanson, je disais que jusqu’à 45 ans certaines personnes se retrouvaient chez leurs parents. Pour ne pas que cet âge me trouve, moi aussi, chez les miens, j’ai dû partir. Lorsqu’on se sent mature, capable de se défendre (débrouiller), il faut savoir partir.


•Et la Sogephia ?
C’est juste un fait qui m’est arrivé. Par coïncidence, la fille en question venait d’une cité Sogefiha.


•Comment parvenez-vous à être aussi inspiré ?

De nature, je suis une personne qui s’énerve difficilement. De ce fait, j’échange avec tout le monde. Quel que soit le niveau social. C’est de cet entourage que je tire l’essentiel de mon inspiration. L’analphabète a une façon différente de voir et de raconter les choses de celle de l’intellectuel et vice-versa. Mais, les deux explications vont faire rire. Moi en tant qu’artiste,
j’essaie d’être le juste milieu entre ces deux mondes. Je pense aussi qu’un bon artiste est celui qui sait copier, tricher pour le mieux. A ce niveau aussi, il doit être capable d’ajouter son grain de sel. Façonner la chose à son goût. A la Sicogi, nous avons notre façon de nous exprimer entre nous. Il faut vivre dans le peuple pour avoir une inspiration que le peuple aime.


•Vous êtes un vieux loup du zouglou. Qu’est-ce qui explique qu’au plan discographique vous ne produisez pas beaucoup ?

Je dirais peut-être que j’évolue comme Bob Marley. Car, c’est à son troisième album qu’il a été véritablement révélé au public. Lui qui est mondialement connu aujourd’hui a vu son premier et deuxième albums passer inaperçus. Aussi, disons qu’il y a le facteur chance. Je reconnais que pour mes premiers albums, je n’ai pas pris certaines choses au sérieux. J’ai un peu trop plaisanté. Je suis convaincu que c’est lorsqu’on fait des erreurs qu’on apprend à ne plus en faire.
En zouglou, nous ne faisons pas de single.


•Pourquoi ?

En tout cas, moi Vieux Gazeur je ne suis pas prêt à faire un single. Si je dois chanter, c’est au moins douze ou quatorze titres. Ce sont des chansons que les gens vont écouter pour analyser les textes. Chanter, pour moi, c’est faire une introduction, un développement et une conclusion. Un vrai exercice de réflexion. Aussi, faudra-t-il veiller à ce que le texte soit en harmonie avec une certaine musique et une tonalité. Tout le monde doit être capable de fredonner mes chansons.


•Quel est le titre de votre dernier album et à quoi, doit-on s’attendre?

Le titre sera Sogefiha. C’est déjà lancé. Il faut donner aux gens ce qu’ils apprécient. J’avais banalisé cette version de la chanson. Dieu a voulu m’interpeller. C’est pourquoi, il a permis que des personnes enregistrent mon tour de chant. Grâce à cette chanson, on m’appelle à travers le monde (Canada, Brésil, France, Usa…), des pays auxquels je ne m’attends pas pour me demander quand est-ce que j’irai en spectacle.


•Avec combien de titres ?

Douze titres. Il y a des titres comme Ziguéhi, dans lequel je rends hommage aux gros bras (hommes musclés). Ces masses humaines qui, dans le fond, ont un cœur tendre. Je parle de moi dans une chanson, de mon temps : ‘’Le temps de Vieux Gazeur’’. Dans cette chanson, je dis qu’à chaque époque ses hommes, à chaque homme son époque. Le pire ennemi de l’homme c’est le temps. Il faut toujours savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent à toi. Mais, il ne
faut pas être trop pressé. Chacun doit pouvoir attendre son tour. Toutefois, il ne faut pas s’asseoir et croiser les bras.


•Vous étiez deux au départ. Où est votre compère Posso ?

Il a une autre vision. Nous sommes toujours ensemble. Avant mon entrée en studio, je lui en ai parlé. Il m’a accompagné pour les enregistrements et m’a aidé à écrire certaines chansons et à corriger certains textes. Il a aussi fait les chœurs.


•Que pensez-vous du retour des jeunes chanteurs au zouglou originel?

Pour moi, la vie se résume à la forme et au mouvement de la terre. La terre est ronde et elle tourne sur elle-même. C’est le même cycle que suit la vie. En 1950, les gens avaient une façon de s’habiller qui est revenue, aujourd’hui.

Tout tourne. Le zouglou est né brut et les jeunes ne font que revenir à la
source.


•En somme, que faire devant une fille Sogefiha ?

Utiliser mon remède. Essayer de noyer le poisson dans son eau. Ça marche
toujours.

Entretien réalisé par Sanou A.
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