Fondé sur la solidarité intergénérationnelle, le régime ivoirien de sécurité sociale en faveur des
personnes retraitées traverse une période d’essoufflement qui appelle à des réformes judicieuses.
Le gouvernement ivoirien soucieux des conditions de vie de ses travailleurs tant du secteur public que privé a pris, dans les années 60, des mesures juridiques et réglementaires en matière de sécurité sociale, dont la mise en place de pensions de retraites. Ainsi, en 1962 la loi 62-405 du 7 novembre 1962 organisant le régime des pensions civiles a-t-elle été votée. Aujourd’hui, le régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs du secteur privé et assimilé est régie par les lois 99-476 du 02 Août 1999, portant définition et organisation des Institutions de prévoyance sociale et n°99-477 de la même date portant modification du Code de prévoyance sociale. Grâce à ces lois, l’institution de Prévoyance Sociale CNPS (Caisse nationale de prévoyance Sociale) dans sa forme actuelle, a été reamenagée le 12 juillet 2000 afin de gérer la sécurité sociale au profit des travailleurs du privé. Dans le public, la Caisse Générale des Retraités et Agents de l’Etat (CGRAE) a été mise en place par le décret n° 97-674 du 3 décembre 1997, afin de répondre aux besoins financiers des fonctionnaires de l’Etat en cessation d’activités. Si la CGRAE s’occupe exclusivement de l’assurance vieillesse, la CNPS en tant qu’institution de prévoyance sociale s’occupe d’autres branches de sécurité sociale dont des prestations familiales, les accidents de travail et maladies professionnelles.
Un système de retraite basé sur la répartition et la solidarité
Qu’on soit à la CNPS ou à la CGRAE, le système de retraite en vigueur utilise la répartition fondée sur le principe de la solidarité intergénérationnelle comme technique de distribution. Cette technique qui s’oppose à celui de la capitalisation, consiste à financer les retraites par des prélèvements obligatoires auprès des actifs et redistribués ensuite aux retraités sous forme de pension. Ainsi, les actifs ne cotisent pas pour eux-mêmes, mais pour les « inactifs » d’aujourd’hui, leurs retraites à eux, étant assurées par les actifs de demain. La capitalisation fonctionne comme les assurances. Le travailleur cotise et constitue un capital qui lui est reversé sous forme de rente viagère avec des intérêts, à la fin de son activité professionnelle. La différence entre la branche retraite de la CNPS et le système de retraite de la CGRAE se voit à travers l’écart entre les taux de cotisations imposés aux travailleurs. A la CGRAE, le taux s’élève à 18% du salaire de l’employé contre 8% à la CNPS répartie entre l’entreprise (4,80%) et l’employé (3,20%). Pour ce qui concerne la CNPS, les cotisations sont prélevées sur l’ensemble des salaires y compris tous les avantages en nature et indemnités diverses versées par l’employeur à son personnel à l’exception des indemnités ayant caractère de remboursement de frais. Les conditions que le travailleur doit remplir pour bénéficier des pensions sont identiques dans les deux entreprises sauf pour ce qui concerne l’âge de départ à la retraite. Au public, le travailleur doit avoir atteint 57 ans voire 60 ou même plus pour certains corps de métiers. Alors que dans le privé, l’âge en vigueur en ce moment est de 55 ans. En outre, il faut avoir accompli au moins 15 ans d’activité salarié ayant donné lieu à des cotisations dans une ou plusieurs entreprises affiliés à la CNPS et avoir cessé toute activité salariée. La pension du travailleur est déterminée à l’issue d’un calcul complexe qui prend en compte le salaire moyen d’activité et le taux de remplacement. Le premier est déterminé sur la base des salaires soumis à cotisation des 10 meilleures années et le deuxième est acquis par année d’activité tout le long de la carrière du travailleur. Les deux indicateurs sont multipliés entre eux pour obtenir la pension mensuelle du travailleur. Ainsi un ex salarié qui touchait la somme de 100 000 F CFA peut se retrouver avec une pension de 40 000 F environ en respectant les conditions ci-dessus.
Les limites du système et la nécessité d’une réforme
Le système de retraite par répartition présente certaines limites. Selon Berté Abdrahamane, Directeur qualité à la CNPS, ‘‘le régime de retraite géré par la CNPS est arrivé à maturité et connait un déficit structurel dû principalement au taux de cotisation actuel relativement très faible et le rapport cotisant/retraité qui tend à être défavorable vu l’augmentation du nombre de retraités aujourd’hui…le principe de solidarité de base a atteint ses limites et ne peut permettre d’offrir à lui seul un revenu de remplacement aux retraités proches ou meilleur à celui de son salaire d’activité’’. La situation financière de la branche retraite est en effet préoccupante et en la matière, les chiffres sont plus éloquents. On assiste à ‘‘une évolution divergente des recettes et des dépenses, de sorte que le solde technique de la branche vieillesse de la Cnps passera d’un excédent légèrement positif en 2005 à un déficit de près de 7,14 milliards en 2010 et de près de 398 milliards en 2055», expliquait ainsi Traoré Adama, responsable de la cellule étude et développement, intervenant lors des premières journées de la sécurité sociale tenues en milieu d’année à Abidjan. Le fait est que le régime retraite promet plus qu’il ne collecte. Par ailleurs, le nombre de départs à la retraite annuelle va être multiplié par plus de 3 entre 2010 et 2055 et le nombre d’années pendant lesquelles un retraité perçoit sa pension ne cesse d’augmenter à cause de l’amélioration des conditions de vie. Enfin, le nombre de cotisants pour un retraité qui est de 4 en 2010 passera progressivement à 1,5 en 2050. Les mêmes difficultés sont évoquées à la CGRAE, elle qui a organisé dans le courant de l’année 2008, un séminaire interministériel à l’IAAO de Grand-Bassam afin de trouver des solutions pour reformer le système public des retraites en Côte d’Ivoire. Pour Berté Abdrahamane, il faut absolument réformer le système pour que ‘‘la retraite revête aujourd’hui le caractère d’un véritable revenu de remplacement propre à assurer aux retraités une sécurité et une sérénité aux plans financiers et psychologiques’’.
Les points clés des réformes envisagées
Vu l’urgence de la situation critique de la branche de retraite à la CNPS, une étude de faisabilité a été réalisée et remise au gouvernement. La CNPS espère le changement de certaines lois et décrets par les décideurs politiques. Pour le moment cela n’est pas encore fait, mais on sait plus ou moins la teneur des propositions de la Caisse. Elles sont principalement au nombre de 5 dont l’augmentation de l’âge de la retraite. Au vue des études actuarielles, il est proposé de porter l’âge de 55 à 60 ans de manière progressive sur une période transitoire de 5 ans ou en tout état de cause à un niveau jugé judicieux par l’Etat. Au public cela est déjà une réalité. Par ailleurs, la CNPS préconise le relèvement du taux de cotisation de 8 à 12% en 2013 puis à 14% en 2014, le relèvement de l’âge de l’enfant donnant droit à bonification de la pension de 16 à 21 ans, l’augmentation de la base de calcul de la pension de 10 aux 15 meilleurs années et la suppression de la condition d’âge du conjoint survivant non remarié pour bénéficier de l’allocation unique. Pour la CNPS, l’acceptation de ces réformes par l’Etat lui permettra d’assurer une bien meilleure condition de vie aux retraités. A la CGRAE, les priorités portent sur le cadre juridique et du régime de pension de retraite ainsi que sur la politique sociale en faveur des retraités. Ainsi le séminaire de 2008 recommande entre autre la mutation de la CGRAE en institution de prévoyance sociale, la définition légale de la pension de retraite, La revalorisation des pensions de retraite indexées sur l’évolution des salaires ou l’indice des prix à la consommation en tenant compte de l’équilibre financier, l’exonération des pensions de retraite de tout impôt (Impôt Général sur le Revenu, Contribution Nationale, Impôt sur Salaire), l’institution de tarifs préférentiels aux retraités pour l’accès à certains services sociaux (logement, santé, transport….) et l’amélioration du système par répartition actuel. En outre, dans le secteur privé et dans le public, les responsables s’accordent à dire qu’il faut instaurer des régimes de retraites volontaires et complémentaires. ‘‘En Côte d’Ivoire, la logique des réformes initié au niveau du secteur privé est d’aboutir au même schéma de retraite par palier en mettant en place un système complémentaire obligatoire ou facultatif par répartition et/ou capitalisation’’ souligne Berté Abdrahamane de la CNPS.
Il est peut-être temps d’emboiter le pas à la France qui vient d’opérer une réforme de son régime de retraite. Ici au moins, on ne risque pas des mouvements sociaux de grande ampleur. Certains pays africains comme le Mali et le Sénégal ont déjà réussi de telles reformes.
Par Marius Nouza
Marius.nouza@jde-ci.com
personnes retraitées traverse une période d’essoufflement qui appelle à des réformes judicieuses.
Le gouvernement ivoirien soucieux des conditions de vie de ses travailleurs tant du secteur public que privé a pris, dans les années 60, des mesures juridiques et réglementaires en matière de sécurité sociale, dont la mise en place de pensions de retraites. Ainsi, en 1962 la loi 62-405 du 7 novembre 1962 organisant le régime des pensions civiles a-t-elle été votée. Aujourd’hui, le régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs du secteur privé et assimilé est régie par les lois 99-476 du 02 Août 1999, portant définition et organisation des Institutions de prévoyance sociale et n°99-477 de la même date portant modification du Code de prévoyance sociale. Grâce à ces lois, l’institution de Prévoyance Sociale CNPS (Caisse nationale de prévoyance Sociale) dans sa forme actuelle, a été reamenagée le 12 juillet 2000 afin de gérer la sécurité sociale au profit des travailleurs du privé. Dans le public, la Caisse Générale des Retraités et Agents de l’Etat (CGRAE) a été mise en place par le décret n° 97-674 du 3 décembre 1997, afin de répondre aux besoins financiers des fonctionnaires de l’Etat en cessation d’activités. Si la CGRAE s’occupe exclusivement de l’assurance vieillesse, la CNPS en tant qu’institution de prévoyance sociale s’occupe d’autres branches de sécurité sociale dont des prestations familiales, les accidents de travail et maladies professionnelles.
Un système de retraite basé sur la répartition et la solidarité
Qu’on soit à la CNPS ou à la CGRAE, le système de retraite en vigueur utilise la répartition fondée sur le principe de la solidarité intergénérationnelle comme technique de distribution. Cette technique qui s’oppose à celui de la capitalisation, consiste à financer les retraites par des prélèvements obligatoires auprès des actifs et redistribués ensuite aux retraités sous forme de pension. Ainsi, les actifs ne cotisent pas pour eux-mêmes, mais pour les « inactifs » d’aujourd’hui, leurs retraites à eux, étant assurées par les actifs de demain. La capitalisation fonctionne comme les assurances. Le travailleur cotise et constitue un capital qui lui est reversé sous forme de rente viagère avec des intérêts, à la fin de son activité professionnelle. La différence entre la branche retraite de la CNPS et le système de retraite de la CGRAE se voit à travers l’écart entre les taux de cotisations imposés aux travailleurs. A la CGRAE, le taux s’élève à 18% du salaire de l’employé contre 8% à la CNPS répartie entre l’entreprise (4,80%) et l’employé (3,20%). Pour ce qui concerne la CNPS, les cotisations sont prélevées sur l’ensemble des salaires y compris tous les avantages en nature et indemnités diverses versées par l’employeur à son personnel à l’exception des indemnités ayant caractère de remboursement de frais. Les conditions que le travailleur doit remplir pour bénéficier des pensions sont identiques dans les deux entreprises sauf pour ce qui concerne l’âge de départ à la retraite. Au public, le travailleur doit avoir atteint 57 ans voire 60 ou même plus pour certains corps de métiers. Alors que dans le privé, l’âge en vigueur en ce moment est de 55 ans. En outre, il faut avoir accompli au moins 15 ans d’activité salarié ayant donné lieu à des cotisations dans une ou plusieurs entreprises affiliés à la CNPS et avoir cessé toute activité salariée. La pension du travailleur est déterminée à l’issue d’un calcul complexe qui prend en compte le salaire moyen d’activité et le taux de remplacement. Le premier est déterminé sur la base des salaires soumis à cotisation des 10 meilleures années et le deuxième est acquis par année d’activité tout le long de la carrière du travailleur. Les deux indicateurs sont multipliés entre eux pour obtenir la pension mensuelle du travailleur. Ainsi un ex salarié qui touchait la somme de 100 000 F CFA peut se retrouver avec une pension de 40 000 F environ en respectant les conditions ci-dessus.
Les limites du système et la nécessité d’une réforme
Le système de retraite par répartition présente certaines limites. Selon Berté Abdrahamane, Directeur qualité à la CNPS, ‘‘le régime de retraite géré par la CNPS est arrivé à maturité et connait un déficit structurel dû principalement au taux de cotisation actuel relativement très faible et le rapport cotisant/retraité qui tend à être défavorable vu l’augmentation du nombre de retraités aujourd’hui…le principe de solidarité de base a atteint ses limites et ne peut permettre d’offrir à lui seul un revenu de remplacement aux retraités proches ou meilleur à celui de son salaire d’activité’’. La situation financière de la branche retraite est en effet préoccupante et en la matière, les chiffres sont plus éloquents. On assiste à ‘‘une évolution divergente des recettes et des dépenses, de sorte que le solde technique de la branche vieillesse de la Cnps passera d’un excédent légèrement positif en 2005 à un déficit de près de 7,14 milliards en 2010 et de près de 398 milliards en 2055», expliquait ainsi Traoré Adama, responsable de la cellule étude et développement, intervenant lors des premières journées de la sécurité sociale tenues en milieu d’année à Abidjan. Le fait est que le régime retraite promet plus qu’il ne collecte. Par ailleurs, le nombre de départs à la retraite annuelle va être multiplié par plus de 3 entre 2010 et 2055 et le nombre d’années pendant lesquelles un retraité perçoit sa pension ne cesse d’augmenter à cause de l’amélioration des conditions de vie. Enfin, le nombre de cotisants pour un retraité qui est de 4 en 2010 passera progressivement à 1,5 en 2050. Les mêmes difficultés sont évoquées à la CGRAE, elle qui a organisé dans le courant de l’année 2008, un séminaire interministériel à l’IAAO de Grand-Bassam afin de trouver des solutions pour reformer le système public des retraites en Côte d’Ivoire. Pour Berté Abdrahamane, il faut absolument réformer le système pour que ‘‘la retraite revête aujourd’hui le caractère d’un véritable revenu de remplacement propre à assurer aux retraités une sécurité et une sérénité aux plans financiers et psychologiques’’.
Les points clés des réformes envisagées
Vu l’urgence de la situation critique de la branche de retraite à la CNPS, une étude de faisabilité a été réalisée et remise au gouvernement. La CNPS espère le changement de certaines lois et décrets par les décideurs politiques. Pour le moment cela n’est pas encore fait, mais on sait plus ou moins la teneur des propositions de la Caisse. Elles sont principalement au nombre de 5 dont l’augmentation de l’âge de la retraite. Au vue des études actuarielles, il est proposé de porter l’âge de 55 à 60 ans de manière progressive sur une période transitoire de 5 ans ou en tout état de cause à un niveau jugé judicieux par l’Etat. Au public cela est déjà une réalité. Par ailleurs, la CNPS préconise le relèvement du taux de cotisation de 8 à 12% en 2013 puis à 14% en 2014, le relèvement de l’âge de l’enfant donnant droit à bonification de la pension de 16 à 21 ans, l’augmentation de la base de calcul de la pension de 10 aux 15 meilleurs années et la suppression de la condition d’âge du conjoint survivant non remarié pour bénéficier de l’allocation unique. Pour la CNPS, l’acceptation de ces réformes par l’Etat lui permettra d’assurer une bien meilleure condition de vie aux retraités. A la CGRAE, les priorités portent sur le cadre juridique et du régime de pension de retraite ainsi que sur la politique sociale en faveur des retraités. Ainsi le séminaire de 2008 recommande entre autre la mutation de la CGRAE en institution de prévoyance sociale, la définition légale de la pension de retraite, La revalorisation des pensions de retraite indexées sur l’évolution des salaires ou l’indice des prix à la consommation en tenant compte de l’équilibre financier, l’exonération des pensions de retraite de tout impôt (Impôt Général sur le Revenu, Contribution Nationale, Impôt sur Salaire), l’institution de tarifs préférentiels aux retraités pour l’accès à certains services sociaux (logement, santé, transport….) et l’amélioration du système par répartition actuel. En outre, dans le secteur privé et dans le public, les responsables s’accordent à dire qu’il faut instaurer des régimes de retraites volontaires et complémentaires. ‘‘En Côte d’Ivoire, la logique des réformes initié au niveau du secteur privé est d’aboutir au même schéma de retraite par palier en mettant en place un système complémentaire obligatoire ou facultatif par répartition et/ou capitalisation’’ souligne Berté Abdrahamane de la CNPS.
Il est peut-être temps d’emboiter le pas à la France qui vient d’opérer une réforme de son régime de retraite. Ici au moins, on ne risque pas des mouvements sociaux de grande ampleur. Certains pays africains comme le Mali et le Sénégal ont déjà réussi de telles reformes.
Par Marius Nouza
Marius.nouza@jde-ci.com