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Art et Culture Publié le mardi 7 décembre 2010 | Nord-Sud

Paul Dakéyo, poète camerounais : “Que les Etats africains soutiennent l’édition”

Poète d’origine camerounaise, Paul Dakéyo, était l’invité d’honneur d’Akwaba Culture pour la remise du Prix Ivoire pour la littérature africaine d’expression francophone. Entre engagement et lutte pour que son peuple ‘’vive de lumière et de rêve’’, il se fait l’avocat de l’industrie du livre en Afrique.


Pensez-vous qu’il est important aujourd’hui que l’Afrique ait d’autres prix littéraires ?
Oui. Dans la mesure où nous n’avions que le grand Prix de l’Afrique noire, le Prix du président de la République au Sénégal et ici et là, quelques prix méconnus. En mettant sur pied le Prix Ivoire, Akwaba culture vient donner la chance aux auteurs du continent de pouvoir participer à leur éclosion. C’est un moyen de promouvoir le livre et la littérature africaine en Afrique et au-delà du continent.

En tant que poète africain, que recherchez-vous aujourd’hui dans vos textes ?
J’ai commencé à écrire comme tout africain au lycée. J’ai pu publier quand j’étais à l’université à Paris. J’écris, aujourd’hui, pour dire l’Afrique, tout simplement. Pour dire ce qui se passe, pour chanter l’amour, pour vanter l’amitié, chanter la fraternité. C’est le but de l’écriture pour moi.

Quel rôle doit jouer l’écriture en Afrique ?
C’est dire son continent. Que son continent ne reste pas à la traîne des autres continents. Qu’il prenne la marche du monde comme les autres. S’il y a développement et démocratie chez les autres, il n’y a pas de raison qu’il n’y en ait pas ici. Si un éditeur français est capable de faire un livre, il n’y a pas de raison qu’en Afrique nous ne soyons pas en mesure d’en faire pareil dans la même qualité graphique. L’écrivain doit avoir une parole qui participe à l’éducation du peuple. Il exprime l’économie, l’imaginaire du peuple africain. Il transmet au monde actuel contemporain ce qu’il sait, ce qu’il a appris, ce qui nous appartient.

Etes-vous écoutez par les dirigeants africains ?
Certainement que non. Parce que, j’ai quelques personnes que j’ai côtoyées quand elles étaient dans l’opposition. Et maintenant qu’elles sont aux affaires, il y a une bifurcation. Moi, j’attends un chef d’Etat me dire: il faut soutenir la maison d’édition. Je n’attends pas qu’on me donne un chèque. Qu’on prenne en compte le travail qui est fait. Qu’on me dise, par exemple, qu’une pièce de théâtre de Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature 1986, soit mise au programme scolaire. Ce serait un soutien important pour la survie de la maison d’édition.

Finalement, ne pensez-vous pas que ce qui détourne les africains du livre, c’est la question de la langue ?
Au Cameroun dans les années d’indépendance, il y avait des enseignements en langue locale régionale. Moi qui suis Bamiléké, j’étais dans le littoral en pays Douala. J’ai appris à compter et à conjuguer en Douala. Malheureusement, l’expérience n’a pas duré. C’est une volonté politique. Ce n’est pas le peuple qui doit imposer cela. Quand on va dans une école publique, le programme n’est pas établi par les parents, mais par le gouvernement.

Quel est votre actualité littéraire et que faites-vous concrètement pour le livre en Afrique ?
J’ai écrit sur Soweto en 1976, publié en 1977. J’ai écrit d’autres textes amoureux. J’ai un volet engagé, un volet personnel, autobiographique. Je suis surtout dans l’édition. J’ai un projet pour la création d’une grande maison d’édition panafricaine avec des possibilités de diffusion. Je pratique une politique de vente de livre à prix réduit pour l’Afrique. J’ai installé une maison d’édition à Dakar. C’est un combat. On ne peut le mener ailleurs que chez soi. J’ai ramené le prix de tous les gros livres d’auteurs sénégalais à 5.000 Fcfa.

Quel conseil donnez-vous pour une meilleure vulgarisation du livre en Afrique ?
Il y a eu, en Afrique, des centres culturels africains. Tous ces centres ont disparu. Les seuls lieux où nous pouvons aller nous ressourcer, c’est l’inévitable centre culturel français. Nous devons avoir nos lieux, où on peut trouver nos productions.

Quel regard portez-vous sur la littérature à l’eau de rose qui envahit le continent ?
C’est une question d’éducation et intellectuelle. Chacun produit ce qu’il veut. Moi, j’écrirai sur ce que je vois, ce que je vis, ce que je souhaite vivre. Mais, je n’irai pas écrire sur la pluie et le temps. Le livre est un produit comme une boîte de sardine. Donc, si on peut vendre cette littérature à l’eau de rose, why not (pourquoi pas).

Entretien réalisé par Sanou A.
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