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Art et Culture Publié le mercredi 5 janvier 2011 | Le Patriote

Entretien / Dj Volcano (artiste-chanteur): “On m’a arrêté parce que je suis artiste RHDP”

© Le Patriote Par Guy Lasme
Campagne du Dr Alassane Ouattara : Di Caprio, Don Mike le Gourou, Abou Nidal, Le Molaré et Lino Versace en concert à Bouaké
Samedi 23 octobre 2010. Bouaké, Place de la paix, Air France. Les artistes Di Caprio, Don Mike le Gourou et la Jet Set (Abou Nidal, Le Molaré et Lino Versace) en campagne pour le candidat du RDR, Alassane Ouattara, avec le directeur départemental adjoint Dr Diomandé
Le chouchou des enfants, Miezan Kouatrin dit DJ Volcano était devenu un bagnard. Pendant plusieurs jours, il a séjourné dans les geôles de la Préfecture de Police d’Abidjan. C’est à la veille de la marche du 16 décembre dernier qu’il a été arrêté. Dans cet entretien, il s’explique.

Le Patriote : Comment se porte DJ Volcano ?
DJ Volcano : DJ Volcano va bien et toujours bien.

LP : Vous avez été arrêté et emprisonné à la préfecture de Police d’Abidjan, que s’est-il passé ?
DJV : Aujourd’hui, un artiste du RHDP est vu différemment de celui de LMP (coalition a soutenu la candidature de Laurent Gbagbo). Depuis cette crise post-élection, il est difficile pour un artiste, quel que soit son camp, de décrocher un contrat. Notre grande traite, c’est le mois de décembre. Moi, DJ Volcano, j’ai choisi le Président Mabri Toikeusse, président de l’UDPCI. Depuis son investiture, je suis avec lui. Il a accepté de nous accompagner avec variétoscope. Et il a bien voulu aider mes danseurs qui ont obtenu le baccalauréat. C’est l’une des rares fois qu’un parrain nous a aidés ainsi.

LP : Vous ne répondez pas à la question.
DJV : J’ai été arrêté le mercredi 15 décembre à la veille de la marche du Premier ministre, Guillaume Soro sur la RTI. Derrière ma moto, j’ai écrit : «A chacun son tour». Certaines personnes ont interprété mal mon écriteau. Au niveau de la Riviera 2, alors que je me rendais chez mon manager, j’ai été arrêté par des policiers en faction. J’ai cru à un contrôle de routine. Mais le sous-officier s’est mis à crier : «Couche-toi ! Descends de ta moto ! Arrête de téléphoner. On te connaît. Tu te promènes pour donner la position des FDS. Puis l’agent de m’interroger : «Tu fais quoi dans la vie ?». Je lui ai répondu que j’étais un artiste. Il a demandé : «Quel est ton parti politique ?». Je lui ai répondu calmement que j’étais RHDP. L’agent de police est alors entré en colère et lâche : «Au lieu de faire le bon choix, tu es avec les rebelles». Dès lors, les échanges sont devenus virulents. Je leur ai dit que je revendiquais ma liberté de pensée et de choix. J’ai expliqué à ce policier que j’ai entraîné le groupe de variétoscope parrainé par Dr Issa Malick, DNC de Laurent Gbagbo. Mais que ce dernier ne m’avait pas rejeté parce que j’animais les meetings du Président Mabri Toikeusse. Les agents se sont tout de même résolus à me bastonner. L’officier de police qui visiblement était le chef du dispositif a voulu m’administrer une paire de gifle. Je m’y suis opposé. Ses subordonnés et lui se sont rués sur moi. Une foule de passants indignés regardait la scène. Un officier togolais de l’ONUCI de passage s’est arrêté à notre niveau pour en savoir davantage. L’officier, sans gêne ni preuve, a déclaré que je suis un indicateur de la marche du lendemain. Moi, j’ai expliqué que mon malheur est que je me réclame artiste RHDP. J’ai été ensuite embarqué pour la préfecture de police par la Garde Républicaine.

LP : Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
DJV : A la préfecture, ils m’ont retiré mon portable cellulaire dans lequel ils ont découvert des numéros de proches du Président Mabri Toikeusse. Ils ont conclu que je suis un «rebelle». Le cellulaire a été présenté à un Commissaire de police, sympathique, dont j’ignore le nom. Il a demandé qu’on m’auditionne. Là encore, des agents ont commencé à me bastonner mais ce commissaire de police les a stoppés en leur indiquant que je suis un artiste. Mais dès qu’il a tourné le dos, ma bastonnade a continué. Mes bourreaux m’ont dit qu’ils ont frappé des personnes arrêtées qui n’ont pas survécu. Moi, je n’y comprenais rien. La marche n’a pas encore lieu et on m’arrête pour m’attribuer tous les délits. Etais-ce parce que je portais un tee-shirt avec l’effigie de Mabri Toikeusse ?
Quand j’arrivais à la préfecture, nous étions 5 personnes dans notre cellule. Le jour de la marche – jeudi 16 décembre à 20h, on dénombrait 300 personnes arrêtées. Ce qui m’a paru bizarre, ils avaient tous les noms musulmans et nordiques. Nous étions seulement deux akans, pas quelqu’un de l’ouest. Sinon le reste, c’étaient des Coulibaly, des Fofana, des Camara, des Koné… et des ressortissants de la CEDEAO. Quand j’interrogeais les uns et les autres, ils expliquaient qu’ils ont été arrêtés soit pendant un contrôle de routine, soit dans une ruelle, soit à leur domicile. Ça m’a fait bizarre. Pendant dix jours, on m’a arrêté et je n’ai pas mangé. Au troisième jour de ma détention, une équipe de la Croix Rouge m’a interrogé à la demande de mes co-détenus. J’ai voulu savoir les raisons de ma détention. J’ai expliqué à cette équipe dans ma cellule que des policiers venaient me menacer. Après huit jours de détention, un groupe de 65 personnes a été déféré devant le Parquet, puis à la MACA.

LP : Et vous ?
DJV : Quand j’ai comparu devant un juge, des personnes qui m’ont reconnu ont plaidé ma cause. Elles ont expliqué que j’étais un artiste aimé des enfants, leur chouchou. Voici comment j’ai échappé à la MACA. Le mobile de mon arrestation est très grave et je me l’explique difficilement : indicateur des positions des FDS. Imaginez un instant qu’un FDS me reconnaisse dans la rue et qui a perdu un parent dans cette crise, quelle peut être sa réaction ? S’il n’a pas un esprit de discernement, je deviens sa cible. Je suis un artiste du RHDP et je le resterai.

LP : Revenons sur vos conditions de détention…
DJV : Pour une cellule de 30 personnes, nous étions entre 90 et 100. Il y avait trois groupes, le box de ceux qui auraient été arrêtés avec des armes blanches, le box des détenteurs des gris-gris et le box des manifestants. Les conditions de vie étaient assimilables à celle des animaux. Les agents qui y pénétraient se couvraient le nez à l’aide de mouchoirs. Les manifestants étaient traités comme de grands criminels. Certains ont fait cinq jours avant de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Moi, j’ai fait deux jours. Parmi les femmes arrêtées, se trouvaient une de 70 ans. C’était scandaleux. Il faut que les Ivoiriens se ressaisissent. Si on n’y prend garde, même les notes de classe seront données en fonction des origines ethniques, des partis politiques. J’ai été trop choqué. Nous étions seulement deux Akan, tout le reste des détenus étaient des nordistes ou des musulmans. A chaque fois qu’un surveillant devait passer le témoin, il faisait l’appel des détenus et on se rendait compte de l’origine des détenus. Même le repas emmené par les parents, il n’était aisé d’entrer en possession. Des détenus m’ont signifié que leurs parents avaient envoyé leur repas qu’il n’avait jamais reçu. Moi, mes parents sont venus me voir deux à trois fois, mais l’accès leur a été refusé. Des détenus m’ont donc encouragé à regarder de près leurs conditions pour enfin traduire cela en chanson. Les conditions étaient très difficiles. Des agents qui ont encore un peu d’égard pour les artistes me ramenaient des pains fourrés.

Entretien réalisé par Coulibaly Brahima
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