DUEKOUE (Côte d`Ivoire) - "On nous dit de rentrer chez nous, mais ceux qui ont tué nos frères ne vont-ils pas revenir?": comme Sébastien Gouh, les 30.000 réfugiés de la mission catholique de Duékoué (Ouest ivoirien) ont peur de nouvelles exactions après les massacres de la fin mars.
Installés sous des tentes, les réfugiés sont en proie à la malnutrition, à
la diarrhée, au paludisme, en dépit de la présence d`organisations
humanitaires comme Médecins sans frontières (MSF), la Croix-Rouge et l`Action
ivoirienne pour le bien-être de la famille (Aibef).
"Il y a aujourd`hui plus de 30.000 déplacés, qui vivent dans des conditions
inhumaines: il y a deux décès par jour", dénonce le père Cyprien, qui assure
la gestion du site.
Autour de lui, des enfants jouent dans la boue rougeâtre, après les averses
torrentielles de la nuit. Une femme pile le mil, une autre, enceinte, fait
cuire des beignets sur un feu de bois.
"Depuis le 28 mars, nous avons eu plus de 40 accouchements", raconte Koffi
Aboya, de l`Aibef. "Nous avons recensé 200 femmes enceintes. Nous n`avons plus
de médicaments. Une femme qui s`était cachée 12 jours dans la brousse était si
faible qu`elle a perdu ses jumeaux, elle n`avait plus la force de pousser"
pour les mettre au monde.
Majoritairement membres de l`ethnie guéré, considérée comme favorable au
président déchu Laurent Gbagbo, les réfugiés ont fui les massacres commis à
l`occasion de la prise de la ville le 29 mars par les Forces républicaines
(FRCI) d`Alassane Ouattara, qui ont fait des centaines de morts selon l`ONU et
des ONG.
Ils se refusent à abandonner la protection des Casques bleus marocains de
l`Opération des Nations unies en Côte d`Ivoire (Onuci), déployés autour de la
mission, pour revenir dans leurs quartiers, où leurs maisons ont été
incendiées.
"On préfère mourir de faim, en groupe, ici, plutôt qu`être tués
individuellement dehors", résume Mastien, 39 ans, enseignant.
Pour tenter de les convaincre, les Forces républicaines, pour qui une telle
concentration de réfugiés est embarrassante, ont réuni une centaine de femmes
dans la bibliothèque de la mission.
"Notre rôle est d`assurer la sécurité pour que vous puissiez rentrer chez
vous. La situation est dramatique ici, le cadre n`est pas sain, il faut dire à
vos maris que vous êtes fatiguées et qu`il faut rentrer", tente de convaincre
Ouattara Kolo, un responsable des affaires sociales des FRCI, promettant de
faire rétablir eau et électricité dans les quartiers dévastés.
Mais l`assistance reste sceptique, comme Alice, 22 ans, qui donne le sein à
sa fille âgée de deux mois.
"Au moment des combats, on est parti en brousse. On est revenu en ville
parce qu`on croyait qu`il y avait de la sécurité. Mais dans la nuit, deux
hommes se sont introduits dans ma maison, l`un d`eux avait un fusil, il m`a
violée", raconte-t-elle.
Certains réfugiés ont d`autres raisons de craindre de quitter la mission,
comme Fofana, un dioula (grand groupe ethnique du nord, majoritairement
musulman), une exception parmi les guéré catholiques qui l`entourent.
"Je suis musulman, mais j`étais pour Gbagbo, j`ai participé à la campagne
électorale, j`ai pris le micro... Si je sors, on va m`abattre car je suis
considéré comme un traître", soupire-t-il.
Pour un employé de la mission, les réfugiés ne sont cependant pas tous des
enfants de choeur. "Il y a des centaines de miliciens parmi eux", assure-t-il.
Ces miliciens sont accusés de nombreuses exactions visant leurs voisins dioula
- dont certains sont aussi réfugiés dans un camp proche - lorsqu`ils
contrôlaient la région.
"S`il y avait des combattants parmi nous, ils ne le sont plus", estime
Mastien, qui reconnaît toutefois que "chaque camp avait ses listes noires. Si
Gbagbo avait gagné, les représailles auraient visé l`autre côté...".
Installés sous des tentes, les réfugiés sont en proie à la malnutrition, à
la diarrhée, au paludisme, en dépit de la présence d`organisations
humanitaires comme Médecins sans frontières (MSF), la Croix-Rouge et l`Action
ivoirienne pour le bien-être de la famille (Aibef).
"Il y a aujourd`hui plus de 30.000 déplacés, qui vivent dans des conditions
inhumaines: il y a deux décès par jour", dénonce le père Cyprien, qui assure
la gestion du site.
Autour de lui, des enfants jouent dans la boue rougeâtre, après les averses
torrentielles de la nuit. Une femme pile le mil, une autre, enceinte, fait
cuire des beignets sur un feu de bois.
"Depuis le 28 mars, nous avons eu plus de 40 accouchements", raconte Koffi
Aboya, de l`Aibef. "Nous avons recensé 200 femmes enceintes. Nous n`avons plus
de médicaments. Une femme qui s`était cachée 12 jours dans la brousse était si
faible qu`elle a perdu ses jumeaux, elle n`avait plus la force de pousser"
pour les mettre au monde.
Majoritairement membres de l`ethnie guéré, considérée comme favorable au
président déchu Laurent Gbagbo, les réfugiés ont fui les massacres commis à
l`occasion de la prise de la ville le 29 mars par les Forces républicaines
(FRCI) d`Alassane Ouattara, qui ont fait des centaines de morts selon l`ONU et
des ONG.
Ils se refusent à abandonner la protection des Casques bleus marocains de
l`Opération des Nations unies en Côte d`Ivoire (Onuci), déployés autour de la
mission, pour revenir dans leurs quartiers, où leurs maisons ont été
incendiées.
"On préfère mourir de faim, en groupe, ici, plutôt qu`être tués
individuellement dehors", résume Mastien, 39 ans, enseignant.
Pour tenter de les convaincre, les Forces républicaines, pour qui une telle
concentration de réfugiés est embarrassante, ont réuni une centaine de femmes
dans la bibliothèque de la mission.
"Notre rôle est d`assurer la sécurité pour que vous puissiez rentrer chez
vous. La situation est dramatique ici, le cadre n`est pas sain, il faut dire à
vos maris que vous êtes fatiguées et qu`il faut rentrer", tente de convaincre
Ouattara Kolo, un responsable des affaires sociales des FRCI, promettant de
faire rétablir eau et électricité dans les quartiers dévastés.
Mais l`assistance reste sceptique, comme Alice, 22 ans, qui donne le sein à
sa fille âgée de deux mois.
"Au moment des combats, on est parti en brousse. On est revenu en ville
parce qu`on croyait qu`il y avait de la sécurité. Mais dans la nuit, deux
hommes se sont introduits dans ma maison, l`un d`eux avait un fusil, il m`a
violée", raconte-t-elle.
Certains réfugiés ont d`autres raisons de craindre de quitter la mission,
comme Fofana, un dioula (grand groupe ethnique du nord, majoritairement
musulman), une exception parmi les guéré catholiques qui l`entourent.
"Je suis musulman, mais j`étais pour Gbagbo, j`ai participé à la campagne
électorale, j`ai pris le micro... Si je sors, on va m`abattre car je suis
considéré comme un traître", soupire-t-il.
Pour un employé de la mission, les réfugiés ne sont cependant pas tous des
enfants de choeur. "Il y a des centaines de miliciens parmi eux", assure-t-il.
Ces miliciens sont accusés de nombreuses exactions visant leurs voisins dioula
- dont certains sont aussi réfugiés dans un camp proche - lorsqu`ils
contrôlaient la région.
"S`il y avait des combattants parmi nous, ils ne le sont plus", estime
Mastien, qui reconnaît toutefois que "chaque camp avait ses listes noires. Si
Gbagbo avait gagné, les représailles auraient visé l`autre côté...".