Yopougon a été libérée après d’âpres combats. Yopougon la joie, est devenue Yopougon la martyre. Car le sang a trop coulé dans cette commune. Beaucoup de militants du RHDP sont tombés à Yopougon. La plupart d’entre eux froidement assassinés ou atrocement mutilés. Parfois, sur dénonciation de leurs amis et voisins. Aujourd’hui, les ressentiments et rancœurs s’exacerbent. Surtout lorsque les victimes et parents de victimes rencontrent leurs anciens bourreaux dans les mêmes quartiers. La tentation de la vengeance est grande. Car la présence des anciens victimaires apparait comme une torture pour ceux qui ont subi les inhumanités de ceux qu’ils considéraient, dans un passé encore récent, comme des frères. Ceux qui avec qui ils ont partagés ensemble tant d’années de peines et de joie. Ils veulent comprendre pourquoi des gens qu’ils considéraient comme des membres de leur famille ont pu en arriver là. A les traiter comme des ennemis. Comme des animaux. Comme des moins que rien. Ils s’interrogent encore et ont du mal à admettre ces actes qu’ils assimilent à la sorcellerie. Les larmes se sont à peine séchées. La douleur est encore vive. Car les dernier corps qui jonchent encore les rues de Yopougon leur rappellent le martyre qu’ils ont subi pendant plus de quatre mois. Aussi, le sentiment qui anime nombre d’entre eux est la vengeance. Du coup, dans les rues et quartiers de la grande commune de la Côte d’Ivoire, on assiste à des scènes, ces derniers jours, qui ne font pas honneur au pays de Félix Houphouët-Boigny. Des militants LMP sont pourchassés et agressés dans les quartiers. Parfois avec la complicité bienveillante de certains éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Même si l’on peut comprendre le comportement de ceux qui sont tentés de se faire justice eux-mêmes, force est de constater que leurs actes ne s’inscrivent pas dans la droiture. Car nul n’a le droit de se faire justice. Le chef de l’Etat, le docteur Alassane Dramane Ouattara a promis qu’aucun crime ne restera impuni. Il faut lui faire confiance. Le président de la République a de bonnes raisons, plus que n’importe qui, de se venger. Lui qui a vu le corps de sa mère déterré au cimetière de Williamsville. Lui qui a échappé à in extremis à la mort en septembre 2002. Lui qui, malgré sa victoire écrasante, a été confiné comme un vulgaire voleur dans une chambre de l’hôtel du Golf par son adversaire pendant près de cinq mois. Mais le président de la République sait aussi plus que tout le monde qu’on ne dirige pas un pays avec la vengeance au cœur. La reconstruction et le devenir de la Côte d’Ivoire importent plus que toutes autres considérations. Le Mahatma Gandhi, l’apôtre de la non violence, se plaisait à répéter à tous ceux qui voulaient répondre à la violence par la violence que : « Œil pour œil rend aveugle ». Le président Alassane Ouattara est donc conscient que succomber au démon de la vengeance éloignera la Côte d’Ivoire des vrais défis qui l’attendent. La Côte d’Ivoire a besoin de paix pour continuer sa marche vers le développement qui s’est brutalement arrêtée depuis maintenant plus d’une décennie. La tâche qui attend le président de la République est immense. Le pays est exsangue. Tout est pratiquement à refaire. Et ce n’est pas dans la violence qu’Alassane Ouattara arrivera à mettre en œuvre l’ambitieux programme qu’il a prévu pour la Côte d’Ivoire et pour les Ivoiriens. C’est pourquoi, il appartient à tous ceux qui se réclament de lui de s’inscrire résolument dans le processus de réconciliation nationale qu’il a décidé d’amorcer. Pour eux-mêmes d’abord et pour l’intérêt de toute la Côte d’Ivoire. Il faut donc arrêter ici et maintenant toute chasse à l’homme et laisser la justice faire son travail.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly