· Ce qu’il promet aux Ivoiriens
Le président de la Commission électorale indépendante (Cei) et son équipe se sont remis à la tâche après les élections présidentielles. Objectif : organiser les élections générales dont la porte d’entrée est la députation. Dans l’entretien qu’il a bien voulu accorder à la presse le vendredi 10 juin 2011, au siège de son Institution, Youssouf Bakayoko fait le grand déballage.
Présidentielle passée, législatives à venir, nouveaux majeurs, reconstitution de la Cei…, le président de la Cei parle sans détour.
Le scrutin présidentiel organisé par votre Institution a fait couler beaucoup d’encre et de salive… Au moment où votre structure reprend ses activités, quel regard rétrospectif faites-vous sur le déroulement de ce scrutin et sur la grave crise qui a suivi ?
Youssouf Bakayoko : Le tout premier enseignement que je tire de cette expérience réside dans la volonté forte des Ivoiriens, de tous horizons sociaux, ethniques et culturels, ainsi que toutes les tendances politiques confondues, de mettre fin définitivement à la crise militaro-politique voire sociale que vivait le pays depuis près de 10 ans. L’expression manifeste de cette volonté commune a été le taux de participation record à la présidentielle : 83,73% au 1er tour et 81,12% au 2ème tour ; score tout à fait exceptionnel et même unique dans les annales des élections démocratiques dans le monde. Le deuxième enseignement que je voudrais noter porte sur le soutien tout aussi exceptionnel et multiforme : politique, financier, logistique, et sécuritaire, des communautés sous-régionale (Cedeao en particulier), régionale (Union africaine) et internationale (Onu), à notre pays, pour l’aider à sortir de la crise qui pénalisait, ne l’oublions pas, l’économie et l’équilibre socio-politique de toute la sous-région ouest-africaine. Le troisième enseignement est celui de la fragilité sinon de la faiblesse de la culture démocratique d’une grande partie de notre classe politique et de nos populations ; fragilité-faiblesse ayant éclaté au grand jour lors de la crise post-électorale, et qui en a été l’une des causes profondes, à mon humble avis. Au niveau interne à la Cei par exemple, certains Commissaires, peu nombreux heureusement, ont fait prévaloir lors de nos délibérations portant sur la compilation des résultats du second tour de la présidentielle, et pendant les consultations menées par les Experts de l’Union africaine en vue du règlement de la crise post-électorale, leur inclinaison politique partisane plutôt que l’intérêt supérieur de la Nation. Cette attitude a failli annihiler le beau et gigantesque travail abattu par notre Institution. Il m’est apparu enfin, combien l’avidité du pouvoir pouvait ‘’défigurer’’ l’homme, et faire monter en puissance, dans le même temps, des ‘’écoles’’ de mysticisme et de spiritualité dévoyée qui ont amené par exemple, des hommes dits de Dieu, à vouloir ‘’instrumentaliser’’ Dieu, le Créateur. C’était effarant !... Au final, et c’est l’ultime enseignement que je puis tirer de la tenue de l’élection présidentielle de 2010, il est heureux qu’en dépit de la crise post-électorale qu’a connue, hélas, notre pays, la vérité des urnes ait été finalement sauvegardée et que le candidat choisi par la majorité des électeurs (54,1%), Son Excellence Monsieur Alassane Dramane Ouattara, puisse exercer aujourd’hui les pleins pouvoirs que lui confère notre loi fondamentale.
La démocratie ivoirienne aura triomphé finalement, quoiqu’elle mériterait d’être consolidée de jour en jour, et notre pays dispose désormais de bonnes cartes pour reprendre sa marche en avant, dans la stabilité et au bénéfice de tous.
Je ne saurais terminer sur ce chapitre, sans exprimer mes condoléances les plus attristées aux familles endeuillées par la crise post-électorale et m’incliner devant la mémoire de tous ceux et toutes celles qui ont perdu la vie. Puisse le Tout-Puissant leur accorder la grâce de sa miséricorde.
A propos de la présidentielle, vous avez offert aux Ivoiriens des élections que le pays n’a jamais connues depuis son indépendance. Quel a été votre secret pour réussir ce grand défi ?
Le secret, s’il y en a eu un, a résidé dans notre détermination à faire valoir et triompher la volonté des électeurs, sans partialité aucune.
Le secret ? C’est aussi la qualité du code électoral ivoirien ; l’un des meilleurs au monde, en termes de transparence. Le secret ? C’est le sens élevé du devoir et du travail bien accompli manifesté par la majorité de nos collaborateurs et de nos équipes techniques. Le secret ?
C’est enfin, comme je viens de le souligner, la mobilisation exceptionnelle dont nous avons bénéficié de la part de la communauté internationale : appui financier, logistique voire politique, ainsi que de nos autorités administratives et coutumières locales. Je voudrais saisir l’opportunité que vous m’offrez pour renouveler notre reconnaissance à toutes les bonnes volontés d’ici et d’ailleurs : commissaires centraux et locaux de la Cei, agents administratifs et techniques, autorités préfectorales et traditionnelles, partenaires nationaux et internationaux, pour leur contribution remarquable à la réussite des scrutins présidentiels d’octobre et de novembre 2010.
Votre sens du courage et d’intégrité a été reconnu, salué et encouragé par bon nombre d’observateurs nationaux et internationaux. Cela vous a même valu des ovations nourries lors de la cérémonie d’investiture du Président de la République, le 21 mai dernier à Yamoussoukro. Comment l’avez-vous ressenti ?
Je l’ai ressenti comme la reconnaissance du travail exemplaire abattu par notre Institution, qui, malgré les pressions extrêmement fortes qu’elle a subies, a su tenir bon et faire éclater la vérité des urnes. C’est une fierté pour toute la Cei et la Côte d’Ivoire, car c’est aussi et surtout le triomphe de la démocratie.
Après l’organisation réussie de l’élection présidentielle en 2010, la Cei doit mettre maintenant, comme vous le disiez vous-même, le cap sur les élections législatives. Le Président de la République a annoncé la tenue de celles-ci « avant la fin de l’année 2011». Etes-vous prêt pour cet autre défi ? Qu’est ce qui est fait au niveau de la Cei en attendant que la date officielle de ces élections soit connue ?
L’objectif fixé par le Président de la République, à savoir la tenue des législatives avant fin 2011, est tout à fait réalisable. C’est un nouveau challenge que la Cei est prête à relever, avec le concours de tous ses partenaires nationaux et internationaux. Notre Institution s’attèle en ce moment à réunir les conditions préalables et nécessaires à l’atteinte de cet objectif, et notamment, l’équipement de ses locaux et services ayant subi des pillages et/ou destructions lors des évènements malheureux consécutifs à la crise postélectorale qu’a connue notre pays. Le coût des dégâts enregistrés est évalué à 1,2 milliard de Fcfa environ (mobiliers, matériel informatique et de bureautique, véhicules, motos, etc.) ; le renouvellement de ses instances délibératives c'est-à-dire la désignation des mandataires de certaines entités membres de l’Institution, rendu nécessaire par la nouvelle donne politique résultant de l’élection présidentielle. La finalisation du chronogramme et d’un plan opérationnel détaillé des préparatifs des législatives. Nous mettrons tout en œuvre pour doter notre pays de son nouveau Parlement dans le délai fixé par le Chef de l’Etat.
Sur le plan purement technique, la liste électorale va-t-elle être revue et corrigée ?
La liste électorale ayant servi pour l’élection présidentielle sera complétée et consolidée, par la prise en compte des pétitionnaires, au nombre de 20.000 environ, dont les dossiers avaient été l’objet de rejets techniques, non imputables à ceux-ci, lors de la phase initiale de l’opération d’identification générale de la population. Ces pétitionnaires seront re-enrôlés et intégrés à la liste électorale dans le respect du mode opératoire précédent, conformément aux décisions arrêtées en 2009 par le Cadre Permanent de Concertation (Cpc) de l’Accord politique de Ouagadougou. Par ailleurs, le cas des 55 000 pétitionnaires figurant sur la liste blanche, qui avaient été ‘’recalés’’ à l’issue des vérifications du statut des requérants par l’état civil, sera tranché définitivement (intégration ou non à la liste électorale définitive). Il y a, en outre, le dossier de la prise en compte éventuelle des nouveaux majeurs (18 ans au 31 mars 2011) qui est en cours d’examen et sera purgé en concertation avec le Gouvernement.
La Cei a connu, comme plusieurs structures administratives et privées de la place, le saccage de certains de ses locaux et matériels. Quelle est la situation exacte de votre Institution, et notamment pour ce qui est du matériel électoral (urnes, isoloirs, encres indélébiles et autres) ?
Comme je vous l’ai indiqué plus haut, plusieurs locaux de notre Institution ont été pillés et/ou saccagés, notre Siège et notre Secrétariat général à Abidjan, notamment, ainsi que des bureaux de certaines commissions locales à l’intérieur du pays. Un inventaire exhaustif des dégâts subis est en cours, avec l’appui logistique de l’Onuci, afin d’établir le point précis du matériel électoral (urnes, isoloirs, kits électoraux, encres indélébiles), ainsi que celui des mobiliers, du matériel de bureaux (ordinateurs, serveurs, imprimantes, etc.) et du matériel roulant (véhicules et motos) en bon état d’utilisation.
Ces dégâts ne vont-ils pas retarder l’organisation des législatives, si d’aventure, rien n’est fait pour les réparer au plus vite ?
La tenue effective des législatives, avant la fin de l’année 2011, reste tributaire effectivement du rééquipement de nos services dans les plus brefs délais. Nous avons déjà saisi les autorités gouvernementales compétentes de nos besoins, et nous sommes persuadés que le Gouvernement traitera notre requête avec toute la diligence requise. Nous avons également sollicité le concours de nos partenaires extérieurs, bailleurs de fonds du processus électoral, et nous osons espérer qu’ils nous appuieront, comme ils l’ont toujours fait par le passé.
A combien pouvez-vous estimer les dégâts enregistrés par votre Institution ?
Selon nos estimations préliminaires, le coût du rééquipement de nos différentes entités ayant subi des pillages et des destructions est de 1,2 milliard de Fcfa environ.
Quelles sont les garanties que vous promettez aux Ivoiriens afin que les législatives qui sont aussi importantes que la présidentielle soient moins mouvementées ?
Je voudrais tout d’abord préciser que les deux tours de l’élection présidentielle se sont déroulés dans le calme, d’une manière générale, à l’exception de quelques incidents très marginaux du reste, comme l’ont souligné tous les observateurs nationaux et internationaux crédibles, ainsi que la quasi-totalité des Autorités administratives locales, préfets et sous-préfets. La crise que nous avons connue, après la proclamation des résultats, résulte essentiellement, comme vous le savez, de la décision rendue le 03 décembre 2010 par le Conseil Constitutionnel qui n’était conforme ni aux résultats issus des urnes, ni à l’esprit et à la lettre des lois ivoiriennes en la matière ; décision corrigée, tardivement hélas, par le Conseil Constitutionnel en date du 06 mai 2011. Afin d’assurer la tenue des élections législatives dans un climat apaisé, la Cei mettra tout en œuvre pour maîtriser au mieux les différents paramètres relevant de sa compétence : logistique, sensibilisation des électeurs, renforcement des capacités des commissaires et des agents électoraux, traitement rapide et transparent des résultats du scrutin, respect strict du code électoral. C’est la garantie que nous sommes en mesure de promettre aux Ivoiriens. Cela ne suffira certainement pas. Il faudra aussi, en effet, qu’à l’instar de la Cei, les partenaires de notre Institution dans la gestion de ces élections, et notamment les formations politiques et leurs militants, les candidats, les organisations de la société civile, les médias et les forces de sécurité voire les électeurs jouent pleinement leur partition, en veillant notamment à éviter la violence sous toutes ses formes : verbales, physiques, morales, et à promouvoir plutôt l’esprit de convivialité et de civisme, voire de fraternité. Toutes les énergies et les bonnes volontés doivent être mobilisées et fédérées pour la réussite de ce nouveau challenge tout aussi essentiel pour une sortie définitive de notre pays de la crise qu’il subit depuis une dizaine d’années.
Pourriez-vous indiquer d’ores et déjà aux futurs candidats aux législatives, quelques points saillants du Code électoral portant sur les conditions qu’ils devront satisfaire pour être éligibles ?
Les dispositions du Code électoral relatives à l’élection des députés que je voudrais rappeler dès à présent aux futurs candidats à ce scrutin, portent sur quelques points saillants du mode de scrutin, de l’éligibilité et de la présentation des dossiers de candidature. En ce qui concerne le mode du scrutin, les circonscriptions électorales comptent chacune un ou plusieurs sièges. Pour celles en comportant plusieurs, les candidats doivent fournir des listes complètes.
Pour l’éligibilité, tout Ivoirien qui a la qualité d’électeur, c'est-à-dire qui est inscrit sur la liste électorale, peut se présenter dans toute circonscription électorale de son choix, sous les réserves ci-après : être âgé de 25 ans au moins ;
être Ivoirien de naissance (sinon avoir acquis la nationalité ivoirienne depuis plus 10 ans) ; n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Quant à la présentation des candidatures, chaque candidat à l’élection législative est tenu de produire une déclaration de candidature, revêtue de sa signature dûment légalisée. La déclaration de candidature doit mentionner : les nom et prénoms du candidat ; la date et le lieu de naissance ; sa filiation ; son domicile et sa profession. S’il s’agit d’une liste de candidats, la déclaration doit, en outre, indiquer l’ordre de présentation des candidats. La déclaration de candidature doit être obligatoirement accompagnée, pour chaque candidat, des pièces ci-après, datées de moins de trois mois : une déclaration personnelle revêtue de sa signature dûment légalisée ; un extrait de l’acte de naissance ou du jugement supplétif en tenant lieu ; un certificat de nationalité ; une déclaration sur l’honneur de non renonciation à la nationalité ivoirienne ; un extrait du casier judiciaire ; un certificat de résidence ; une attestation de régularité fiscale.
La déclaration doit en outre être accompagnée, le cas échéant, d’une lettre d’investiture du ou des Partis ou Groupements politiques qui parrainent la candidature. Aucune liste de candidatures ne peut être acceptée si elle ne comprend un nombre de candidats égal à celui des sièges à pourvoir dans la circonscription électorale considérée. Le cautionnement est fixé à cent mille francs Cfa par candidat. Les candidatures doivent être transmises à la Commission électorale indépendante, au plus tard quarante-cinq (45) jours avant le début du scrutin. La Cei dispose d’un délai de sept (07) jours à compter de la date de dépôt pour arrêter et publier la liste des candidats retenus.
Je voudrais souligner enfin, que le nouveau découpage du territoire en circonscriptions électorales, nombre et étendue, ainsi que le calendrier des prochaines législatives sont en cours d’élaboration par la Cei, et seront communiqués très prochainement au Gouvernement pour décision, après leur adoption par le Bureau et la Commission centrale de notre Institution.
Dans une interview accordée récemment à un confrère, Koulibaly Mamadou, Président de l’Assemblée nationale et Président par intérim du Fpi, évoquant les prochaines élections législatives, a souligné les préoccupations de son parti et de ses alliés du Cnrd. Elles portent sur la composition actuelle de la Cei au sein de laquelle le Cnrd se sent sous-représenté, sur le futur découpage des circonscriptions électorales. Quelle réaction?
Je voudrais tout d’abord rappeler que la configuration actuelle de la Cei résulte des différents accords, et notamment les accords de Pretoria 2005 signés par les formations politiques ivoiriennes pour la résolution de la crise politico-militaire survenue dans notre pays en 2002 et 2004, ainsi que de la décision prise en février 2006, à Yamoussoukro, par le Cadre permanent de concertation (Cpc) de l’Accord politique de ouagadougou (Apo). Le mandat conféré à cette Cei-là, par les accords et décision susvisés, couvre l’organisation des élections générales dites de sortie de crise, et en particulier la présidentielle et les législatives ; élections devant permettre de doter notre pays des deux pouvoirs centraux dont dispose tout système démocratique comme le nôtre, à savoir le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. La seconde préoccupation exprimée par Monsieur le Président intérimaire du Fpi portant sur le découpage des circonscriptions électorales et le nombre de députés pour la prochaine législative, s’inscrit dans le portefeuille de projets de textes juridiques liés aux législatives que notre Institution soumettra prochainement au Gouvernement, pour appréciation et décision. Il nous parait judicieux et essentiel de créer les conditions d’un encadrement efficace de nos populations par leurs élus locaux, et en particulier leurs représentants à l’Assemblée nationale, en opérant notamment un découpage optimal et équilibré du territoire en circonscriptions électorales, tenant compte de l’évolution démographique qu’a connue notre pays ces douze dernières années. Le dernier recensement général de la population remonte à 1998. Il y va du renforcement de notre démocratie et de la solidarité nationale.
Propos recueillis par
BAMBA Idrissa
Le président de la Commission électorale indépendante (Cei) et son équipe se sont remis à la tâche après les élections présidentielles. Objectif : organiser les élections générales dont la porte d’entrée est la députation. Dans l’entretien qu’il a bien voulu accorder à la presse le vendredi 10 juin 2011, au siège de son Institution, Youssouf Bakayoko fait le grand déballage.
Présidentielle passée, législatives à venir, nouveaux majeurs, reconstitution de la Cei…, le président de la Cei parle sans détour.
Le scrutin présidentiel organisé par votre Institution a fait couler beaucoup d’encre et de salive… Au moment où votre structure reprend ses activités, quel regard rétrospectif faites-vous sur le déroulement de ce scrutin et sur la grave crise qui a suivi ?
Youssouf Bakayoko : Le tout premier enseignement que je tire de cette expérience réside dans la volonté forte des Ivoiriens, de tous horizons sociaux, ethniques et culturels, ainsi que toutes les tendances politiques confondues, de mettre fin définitivement à la crise militaro-politique voire sociale que vivait le pays depuis près de 10 ans. L’expression manifeste de cette volonté commune a été le taux de participation record à la présidentielle : 83,73% au 1er tour et 81,12% au 2ème tour ; score tout à fait exceptionnel et même unique dans les annales des élections démocratiques dans le monde. Le deuxième enseignement que je voudrais noter porte sur le soutien tout aussi exceptionnel et multiforme : politique, financier, logistique, et sécuritaire, des communautés sous-régionale (Cedeao en particulier), régionale (Union africaine) et internationale (Onu), à notre pays, pour l’aider à sortir de la crise qui pénalisait, ne l’oublions pas, l’économie et l’équilibre socio-politique de toute la sous-région ouest-africaine. Le troisième enseignement est celui de la fragilité sinon de la faiblesse de la culture démocratique d’une grande partie de notre classe politique et de nos populations ; fragilité-faiblesse ayant éclaté au grand jour lors de la crise post-électorale, et qui en a été l’une des causes profondes, à mon humble avis. Au niveau interne à la Cei par exemple, certains Commissaires, peu nombreux heureusement, ont fait prévaloir lors de nos délibérations portant sur la compilation des résultats du second tour de la présidentielle, et pendant les consultations menées par les Experts de l’Union africaine en vue du règlement de la crise post-électorale, leur inclinaison politique partisane plutôt que l’intérêt supérieur de la Nation. Cette attitude a failli annihiler le beau et gigantesque travail abattu par notre Institution. Il m’est apparu enfin, combien l’avidité du pouvoir pouvait ‘’défigurer’’ l’homme, et faire monter en puissance, dans le même temps, des ‘’écoles’’ de mysticisme et de spiritualité dévoyée qui ont amené par exemple, des hommes dits de Dieu, à vouloir ‘’instrumentaliser’’ Dieu, le Créateur. C’était effarant !... Au final, et c’est l’ultime enseignement que je puis tirer de la tenue de l’élection présidentielle de 2010, il est heureux qu’en dépit de la crise post-électorale qu’a connue, hélas, notre pays, la vérité des urnes ait été finalement sauvegardée et que le candidat choisi par la majorité des électeurs (54,1%), Son Excellence Monsieur Alassane Dramane Ouattara, puisse exercer aujourd’hui les pleins pouvoirs que lui confère notre loi fondamentale.
La démocratie ivoirienne aura triomphé finalement, quoiqu’elle mériterait d’être consolidée de jour en jour, et notre pays dispose désormais de bonnes cartes pour reprendre sa marche en avant, dans la stabilité et au bénéfice de tous.
Je ne saurais terminer sur ce chapitre, sans exprimer mes condoléances les plus attristées aux familles endeuillées par la crise post-électorale et m’incliner devant la mémoire de tous ceux et toutes celles qui ont perdu la vie. Puisse le Tout-Puissant leur accorder la grâce de sa miséricorde.
A propos de la présidentielle, vous avez offert aux Ivoiriens des élections que le pays n’a jamais connues depuis son indépendance. Quel a été votre secret pour réussir ce grand défi ?
Le secret, s’il y en a eu un, a résidé dans notre détermination à faire valoir et triompher la volonté des électeurs, sans partialité aucune.
Le secret ? C’est aussi la qualité du code électoral ivoirien ; l’un des meilleurs au monde, en termes de transparence. Le secret ? C’est le sens élevé du devoir et du travail bien accompli manifesté par la majorité de nos collaborateurs et de nos équipes techniques. Le secret ?
C’est enfin, comme je viens de le souligner, la mobilisation exceptionnelle dont nous avons bénéficié de la part de la communauté internationale : appui financier, logistique voire politique, ainsi que de nos autorités administratives et coutumières locales. Je voudrais saisir l’opportunité que vous m’offrez pour renouveler notre reconnaissance à toutes les bonnes volontés d’ici et d’ailleurs : commissaires centraux et locaux de la Cei, agents administratifs et techniques, autorités préfectorales et traditionnelles, partenaires nationaux et internationaux, pour leur contribution remarquable à la réussite des scrutins présidentiels d’octobre et de novembre 2010.
Votre sens du courage et d’intégrité a été reconnu, salué et encouragé par bon nombre d’observateurs nationaux et internationaux. Cela vous a même valu des ovations nourries lors de la cérémonie d’investiture du Président de la République, le 21 mai dernier à Yamoussoukro. Comment l’avez-vous ressenti ?
Je l’ai ressenti comme la reconnaissance du travail exemplaire abattu par notre Institution, qui, malgré les pressions extrêmement fortes qu’elle a subies, a su tenir bon et faire éclater la vérité des urnes. C’est une fierté pour toute la Cei et la Côte d’Ivoire, car c’est aussi et surtout le triomphe de la démocratie.
Après l’organisation réussie de l’élection présidentielle en 2010, la Cei doit mettre maintenant, comme vous le disiez vous-même, le cap sur les élections législatives. Le Président de la République a annoncé la tenue de celles-ci « avant la fin de l’année 2011». Etes-vous prêt pour cet autre défi ? Qu’est ce qui est fait au niveau de la Cei en attendant que la date officielle de ces élections soit connue ?
L’objectif fixé par le Président de la République, à savoir la tenue des législatives avant fin 2011, est tout à fait réalisable. C’est un nouveau challenge que la Cei est prête à relever, avec le concours de tous ses partenaires nationaux et internationaux. Notre Institution s’attèle en ce moment à réunir les conditions préalables et nécessaires à l’atteinte de cet objectif, et notamment, l’équipement de ses locaux et services ayant subi des pillages et/ou destructions lors des évènements malheureux consécutifs à la crise postélectorale qu’a connue notre pays. Le coût des dégâts enregistrés est évalué à 1,2 milliard de Fcfa environ (mobiliers, matériel informatique et de bureautique, véhicules, motos, etc.) ; le renouvellement de ses instances délibératives c'est-à-dire la désignation des mandataires de certaines entités membres de l’Institution, rendu nécessaire par la nouvelle donne politique résultant de l’élection présidentielle. La finalisation du chronogramme et d’un plan opérationnel détaillé des préparatifs des législatives. Nous mettrons tout en œuvre pour doter notre pays de son nouveau Parlement dans le délai fixé par le Chef de l’Etat.
Sur le plan purement technique, la liste électorale va-t-elle être revue et corrigée ?
La liste électorale ayant servi pour l’élection présidentielle sera complétée et consolidée, par la prise en compte des pétitionnaires, au nombre de 20.000 environ, dont les dossiers avaient été l’objet de rejets techniques, non imputables à ceux-ci, lors de la phase initiale de l’opération d’identification générale de la population. Ces pétitionnaires seront re-enrôlés et intégrés à la liste électorale dans le respect du mode opératoire précédent, conformément aux décisions arrêtées en 2009 par le Cadre Permanent de Concertation (Cpc) de l’Accord politique de Ouagadougou. Par ailleurs, le cas des 55 000 pétitionnaires figurant sur la liste blanche, qui avaient été ‘’recalés’’ à l’issue des vérifications du statut des requérants par l’état civil, sera tranché définitivement (intégration ou non à la liste électorale définitive). Il y a, en outre, le dossier de la prise en compte éventuelle des nouveaux majeurs (18 ans au 31 mars 2011) qui est en cours d’examen et sera purgé en concertation avec le Gouvernement.
La Cei a connu, comme plusieurs structures administratives et privées de la place, le saccage de certains de ses locaux et matériels. Quelle est la situation exacte de votre Institution, et notamment pour ce qui est du matériel électoral (urnes, isoloirs, encres indélébiles et autres) ?
Comme je vous l’ai indiqué plus haut, plusieurs locaux de notre Institution ont été pillés et/ou saccagés, notre Siège et notre Secrétariat général à Abidjan, notamment, ainsi que des bureaux de certaines commissions locales à l’intérieur du pays. Un inventaire exhaustif des dégâts subis est en cours, avec l’appui logistique de l’Onuci, afin d’établir le point précis du matériel électoral (urnes, isoloirs, kits électoraux, encres indélébiles), ainsi que celui des mobiliers, du matériel de bureaux (ordinateurs, serveurs, imprimantes, etc.) et du matériel roulant (véhicules et motos) en bon état d’utilisation.
Ces dégâts ne vont-ils pas retarder l’organisation des législatives, si d’aventure, rien n’est fait pour les réparer au plus vite ?
La tenue effective des législatives, avant la fin de l’année 2011, reste tributaire effectivement du rééquipement de nos services dans les plus brefs délais. Nous avons déjà saisi les autorités gouvernementales compétentes de nos besoins, et nous sommes persuadés que le Gouvernement traitera notre requête avec toute la diligence requise. Nous avons également sollicité le concours de nos partenaires extérieurs, bailleurs de fonds du processus électoral, et nous osons espérer qu’ils nous appuieront, comme ils l’ont toujours fait par le passé.
A combien pouvez-vous estimer les dégâts enregistrés par votre Institution ?
Selon nos estimations préliminaires, le coût du rééquipement de nos différentes entités ayant subi des pillages et des destructions est de 1,2 milliard de Fcfa environ.
Quelles sont les garanties que vous promettez aux Ivoiriens afin que les législatives qui sont aussi importantes que la présidentielle soient moins mouvementées ?
Je voudrais tout d’abord préciser que les deux tours de l’élection présidentielle se sont déroulés dans le calme, d’une manière générale, à l’exception de quelques incidents très marginaux du reste, comme l’ont souligné tous les observateurs nationaux et internationaux crédibles, ainsi que la quasi-totalité des Autorités administratives locales, préfets et sous-préfets. La crise que nous avons connue, après la proclamation des résultats, résulte essentiellement, comme vous le savez, de la décision rendue le 03 décembre 2010 par le Conseil Constitutionnel qui n’était conforme ni aux résultats issus des urnes, ni à l’esprit et à la lettre des lois ivoiriennes en la matière ; décision corrigée, tardivement hélas, par le Conseil Constitutionnel en date du 06 mai 2011. Afin d’assurer la tenue des élections législatives dans un climat apaisé, la Cei mettra tout en œuvre pour maîtriser au mieux les différents paramètres relevant de sa compétence : logistique, sensibilisation des électeurs, renforcement des capacités des commissaires et des agents électoraux, traitement rapide et transparent des résultats du scrutin, respect strict du code électoral. C’est la garantie que nous sommes en mesure de promettre aux Ivoiriens. Cela ne suffira certainement pas. Il faudra aussi, en effet, qu’à l’instar de la Cei, les partenaires de notre Institution dans la gestion de ces élections, et notamment les formations politiques et leurs militants, les candidats, les organisations de la société civile, les médias et les forces de sécurité voire les électeurs jouent pleinement leur partition, en veillant notamment à éviter la violence sous toutes ses formes : verbales, physiques, morales, et à promouvoir plutôt l’esprit de convivialité et de civisme, voire de fraternité. Toutes les énergies et les bonnes volontés doivent être mobilisées et fédérées pour la réussite de ce nouveau challenge tout aussi essentiel pour une sortie définitive de notre pays de la crise qu’il subit depuis une dizaine d’années.
Pourriez-vous indiquer d’ores et déjà aux futurs candidats aux législatives, quelques points saillants du Code électoral portant sur les conditions qu’ils devront satisfaire pour être éligibles ?
Les dispositions du Code électoral relatives à l’élection des députés que je voudrais rappeler dès à présent aux futurs candidats à ce scrutin, portent sur quelques points saillants du mode de scrutin, de l’éligibilité et de la présentation des dossiers de candidature. En ce qui concerne le mode du scrutin, les circonscriptions électorales comptent chacune un ou plusieurs sièges. Pour celles en comportant plusieurs, les candidats doivent fournir des listes complètes.
Pour l’éligibilité, tout Ivoirien qui a la qualité d’électeur, c'est-à-dire qui est inscrit sur la liste électorale, peut se présenter dans toute circonscription électorale de son choix, sous les réserves ci-après : être âgé de 25 ans au moins ;
être Ivoirien de naissance (sinon avoir acquis la nationalité ivoirienne depuis plus 10 ans) ; n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Quant à la présentation des candidatures, chaque candidat à l’élection législative est tenu de produire une déclaration de candidature, revêtue de sa signature dûment légalisée. La déclaration de candidature doit mentionner : les nom et prénoms du candidat ; la date et le lieu de naissance ; sa filiation ; son domicile et sa profession. S’il s’agit d’une liste de candidats, la déclaration doit, en outre, indiquer l’ordre de présentation des candidats. La déclaration de candidature doit être obligatoirement accompagnée, pour chaque candidat, des pièces ci-après, datées de moins de trois mois : une déclaration personnelle revêtue de sa signature dûment légalisée ; un extrait de l’acte de naissance ou du jugement supplétif en tenant lieu ; un certificat de nationalité ; une déclaration sur l’honneur de non renonciation à la nationalité ivoirienne ; un extrait du casier judiciaire ; un certificat de résidence ; une attestation de régularité fiscale.
La déclaration doit en outre être accompagnée, le cas échéant, d’une lettre d’investiture du ou des Partis ou Groupements politiques qui parrainent la candidature. Aucune liste de candidatures ne peut être acceptée si elle ne comprend un nombre de candidats égal à celui des sièges à pourvoir dans la circonscription électorale considérée. Le cautionnement est fixé à cent mille francs Cfa par candidat. Les candidatures doivent être transmises à la Commission électorale indépendante, au plus tard quarante-cinq (45) jours avant le début du scrutin. La Cei dispose d’un délai de sept (07) jours à compter de la date de dépôt pour arrêter et publier la liste des candidats retenus.
Je voudrais souligner enfin, que le nouveau découpage du territoire en circonscriptions électorales, nombre et étendue, ainsi que le calendrier des prochaines législatives sont en cours d’élaboration par la Cei, et seront communiqués très prochainement au Gouvernement pour décision, après leur adoption par le Bureau et la Commission centrale de notre Institution.
Dans une interview accordée récemment à un confrère, Koulibaly Mamadou, Président de l’Assemblée nationale et Président par intérim du Fpi, évoquant les prochaines élections législatives, a souligné les préoccupations de son parti et de ses alliés du Cnrd. Elles portent sur la composition actuelle de la Cei au sein de laquelle le Cnrd se sent sous-représenté, sur le futur découpage des circonscriptions électorales. Quelle réaction?
Je voudrais tout d’abord rappeler que la configuration actuelle de la Cei résulte des différents accords, et notamment les accords de Pretoria 2005 signés par les formations politiques ivoiriennes pour la résolution de la crise politico-militaire survenue dans notre pays en 2002 et 2004, ainsi que de la décision prise en février 2006, à Yamoussoukro, par le Cadre permanent de concertation (Cpc) de l’Accord politique de ouagadougou (Apo). Le mandat conféré à cette Cei-là, par les accords et décision susvisés, couvre l’organisation des élections générales dites de sortie de crise, et en particulier la présidentielle et les législatives ; élections devant permettre de doter notre pays des deux pouvoirs centraux dont dispose tout système démocratique comme le nôtre, à savoir le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. La seconde préoccupation exprimée par Monsieur le Président intérimaire du Fpi portant sur le découpage des circonscriptions électorales et le nombre de députés pour la prochaine législative, s’inscrit dans le portefeuille de projets de textes juridiques liés aux législatives que notre Institution soumettra prochainement au Gouvernement, pour appréciation et décision. Il nous parait judicieux et essentiel de créer les conditions d’un encadrement efficace de nos populations par leurs élus locaux, et en particulier leurs représentants à l’Assemblée nationale, en opérant notamment un découpage optimal et équilibré du territoire en circonscriptions électorales, tenant compte de l’évolution démographique qu’a connue notre pays ces douze dernières années. Le dernier recensement général de la population remonte à 1998. Il y va du renforcement de notre démocratie et de la solidarité nationale.
Propos recueillis par
BAMBA Idrissa