Elles ont donné leur vie pour libérer le pays de l’imposture. Aujourd’hui, elles sont appelées martyres. Et quoi d’autres ? Les familles des sept braves femmes tuées lors d’une marche pacifique dans la commune d’Abobo, le 3 mars dernier, qui contestaient contre la velléité de confiscation du pouvoir par Laurent Gbagbo, sont doublement sous le choc. Finies les déclarations politiciennes, finies les nominations, l’heure est à la réalité. « Pour le moment, personne ne nous a approchés pour nous expliquer quoi que ce soit. Aux dernières nouvelles, il nous a été rapporté que les corps ont déjà été enterrés », s’offusque Yacouba Ouattara, beau-frère de Fatoumata Coulibaly, tombée à Abobo ce jeudi-là. Selon le jeune homme qui joue le rôle de porte-parole des familles des victimes, aucune information officielle ne leur est parvenue. « J’ai envoyé un sms le 14 juin dernier au ministre Guikahué pour lui dire que nous voulons les corps de nos parents. Il m’a rappelé immédiatement. Il a fait savoir que le dossier devait faire l’objet d’une communication en Conseil de ministres. Après, plus rien », explique-t-il. L’impatience de Yacouba est aussi partagée par le vieux Ouattara. Géniteur de Ouattara Rokia, assassinée, le vieux prévoit d’organiser des cérémonies de sacrifice de 7e jour symbolique, demain à Abobo Derrière-rail, 21e arrondissement. « Nous avons décidé d’honorer la mémoire de notre fille. Où qu’elle se trouve, qu’elle repose en paix », se lamente le vieux. Quant aux parents de Sylla Malô, une autre victime, ils s’en remettent à Allah. « Jusqu’à samedi dernier, aucun des parents de cette femme ne nous avait approchés. Selon eux, c’est la volonté de Dieu et qu’il en soit ainsi », explique Yacouba Ouattara. Parmi ces femmes, une « a eu la chance », pour utiliser les mots du jeune homme à travers lequel se reconnaissent toutes les autres familles des victimes. Elle a été portée en terre, le jour-même du massacre. Et de préciser : « nous allons nous réunir ces jours-ci pour adopter une conduite commune à tenir et sur la question des sacrifices de 7e et 40e jours symboliques ». A ce sujet, toutes les familles soutiennent ne rien savoir sur la conduite à tenir et n’avoir pas été approchées dans ce sens. Même la mission du bureau du procureur de la Cour pénale internationale (Cpi), actuellement en Côte d’Ivoire, n’a pas rencontré les familles. « Pour le moment, personne ne nous a approchés pour une démarche judiciaire. C’est l’Onuci qui a interrogé toutes les familles des victimes pour savoir leurs versions des faits. Elle nous a posés des questions sur les conditions de la tuerie et nous a encouragés à prendre des avocats. Mais, nous avons estimé qu’on ne pouvait pas le faire de façon unilatérale. Nous avons fait savoir qu’on attend que le Rhdp nous donne le ok », soutient-il. Quant aux organisations de la société civile, elles restent muettes sur le sujet. Pour Mamadou Touré de la Coalition pour le changement (Cpc), les plaintes très médiatisées qui ont été déposées au tribunal ces derniers jours, ne concernent que les personnes membres de son organisation qui en ont exprimé le besoin. Les sept femmes d’Abobo ne sont donc pas prises en compte. Mais, soutient-il, « au mois d’avril, une plainte a été déposée à Paris par des gens directement ou indirectement liés à ces femmes. La procédure suit son cours en France ». Selon lui, les portes de sa structure leur sont grandement ouvertes à tous les plaignants. Une source proche du parquet, jointe au téléphone, soutient qu’une procédure civile est en cours. « Même s’il n’y a pas de plainte des parents, le procureur peut s’autosaisir du dossier », reconnaît-elle. Et de continuer : « actuellement, il y a une procédure qui couvre tous les évènements allant du 28 novembre au 11 avril 2011. Un appel à témoin sera lancé. Les parents au cours de l’interrogatoire pourront porter plainte sur place». « Une enquête est bien ouverte », a-t-elle rassuré. En attendant que justice soit faite, les parents des victimes ont besoin de soutien, et leur cas ne semble préoccuper personne.
Sanou A.
Sanou A.