Ajourné à ce mardi 6 septembre 2011, le procès du présumé coup d'Etat contre le président Faure Gnassingbé sera suivi par des Togolais peu passionnés par l'affaire, mais plutôt curieux de connaître l'issue de cette bagarre autour de l'héritage familial que constitue le pouvoir togolais.
Il y a deux ans, dans la nuit du 12 au 13 avril 2009, alors que le président togolais s'apprêtait à se rendre en visite en Chine, des éléments de l'armée soupçonnant Kpatcha Gnassingbé son demi-frère, de vouloir perpétrer un putsch, investissent son domicile qu'ils détruisent en partie. Le principal suspect, lui, sera interpellé deux jours plus tard, le 15 avril, alors qu'il cherchait à se réfugier à l'ambassade des Etats- Unis. L'ex- ministre de la Défense n'est pas le seul à être arrêté. Un autre de ses frères, Essolizam Gnassingbé ainsi que trois cousins du chef de l'Etat sont également pris. Au total, 32 personnes dont l'ex- chef d'Etat- major des Forces Armées Togolaises (FAT), le Général à la retraite Assani Tidjani, sont accusées de « tentative d'attentat contre la sûreté de l'Etat, groupement de malfaiteurs, rébellion, violences et complicité ». C'est ce beau monde qui a comparu brièvement devant la Cour suprême de Lomé le 1er septembre dernier, avant de retourner à leurs lieux de détention. Mais que sortira-t-il du jugement de cette affaire, que les Togolais appellent « coup d'Etat familial »? A la vérité, pas grand-chose, car ce présumé putsch n'est que le point paroxystique de la lutte pour le partage du pouvoir entre les nombreux enfants de feu le Général Gnassingbé Eyadéma, qui a gouverné le Togo sans discontinuer du 13 janvier 1967 jusqu'à sa mort en février 2005. Imposé par l'Armée, le même jour pour succéder à son père, Faure Gbassingbé a dû se lever du fauteuil devant le tollé général causé par cette succession d'un autre âge. Mais ce n'est que partie remise, il reviendra cette même année par les « urnes » après une présidentielle très contestée qui a fini dans un bain de sang. En 2010, il a été réélu après un scrutin tout aussi contesté que celui de 2005. C'est ce pouvoir, véritable legs familial, que gère Faure Gnassingbé depuis la mort du père, qui est convoité par ses autres frères, notamment Kpatcha. Du vivant du Général Eyadéma, il s'est constitué une immense fortune, grâce aux juteux postes qu'il avait occupés à la tête des plus grosses sociétés d'Etat. Frustré de n'avoir pas hérité du fauteuil paternel qu'il lorgnait pourtant, il s'est vu attribuer l'important portefeuille de la Défense par Faure Gnassingbé. Plus qu'un simple lot de consolation, c'était en réalité les manettes du pouvoir que Faure venait, sans sûrement s'en rendre compte, de remettre entre les mains de son rival de demi-frère. Cet homme au physique massif, à la fois redouté et adulé par la troupe, va vite s'imposer comme le vrai patron de l'Armée, véritable détenteur du pouvoir politique au Togo depuis le coup d'Etat du 13 janvier 1963 dirigé par le même Gnassingbé Eyadéma, à l'époque Etienne, et qui a coûté la vie à Sylvanus Olympio, le père de l'indépendance du Togo. Cette montée en puissance de Kpatcha ne pouvait qu'inquiéter Faure, qui profitera d'un remaniement du gouvernement pour le mettre sous l'éteignoir. La présumée tentative de putsch de la nuit du 12 au 13 avril 2009 serait-elle un acte de vengeance de Kpatcha contre Faure? C'est possible, tout comme ce coup « d'Etat familial » pourrait être un auto-complot de Faure, pour liquider politiquement un co-héritier devenu son plus redouté adversaire. Si le procès qui reprend ce matin arrive à son terme, il y a fort à parier qu'il se terminera par une condamnation, suivie certainement d'une grâce présidentielle. Entre-temps, les frères Gnassingbé auront lavé, s'ils ne l'ont déjà fait avant ce « procès », le linge sale dans leur fief familial de Pya, dans la région de Kara, à quelque 400 km dans le nord du pays.
Charles d'Almeida
Code Photo: « Kpatchatribunal »
Légende: Kpatcha Gnassingbé, arrivant au palais de justice de Lomé, le 1er septembre dernier. Bien que souriant devant l'accueil de ses nombreux sympathisants, l'ex- tout puissant ministre de la Défense a perdu de sa superbe, après un peu plus de deux années passées sous les verrous.
Il y a deux ans, dans la nuit du 12 au 13 avril 2009, alors que le président togolais s'apprêtait à se rendre en visite en Chine, des éléments de l'armée soupçonnant Kpatcha Gnassingbé son demi-frère, de vouloir perpétrer un putsch, investissent son domicile qu'ils détruisent en partie. Le principal suspect, lui, sera interpellé deux jours plus tard, le 15 avril, alors qu'il cherchait à se réfugier à l'ambassade des Etats- Unis. L'ex- ministre de la Défense n'est pas le seul à être arrêté. Un autre de ses frères, Essolizam Gnassingbé ainsi que trois cousins du chef de l'Etat sont également pris. Au total, 32 personnes dont l'ex- chef d'Etat- major des Forces Armées Togolaises (FAT), le Général à la retraite Assani Tidjani, sont accusées de « tentative d'attentat contre la sûreté de l'Etat, groupement de malfaiteurs, rébellion, violences et complicité ». C'est ce beau monde qui a comparu brièvement devant la Cour suprême de Lomé le 1er septembre dernier, avant de retourner à leurs lieux de détention. Mais que sortira-t-il du jugement de cette affaire, que les Togolais appellent « coup d'Etat familial »? A la vérité, pas grand-chose, car ce présumé putsch n'est que le point paroxystique de la lutte pour le partage du pouvoir entre les nombreux enfants de feu le Général Gnassingbé Eyadéma, qui a gouverné le Togo sans discontinuer du 13 janvier 1967 jusqu'à sa mort en février 2005. Imposé par l'Armée, le même jour pour succéder à son père, Faure Gbassingbé a dû se lever du fauteuil devant le tollé général causé par cette succession d'un autre âge. Mais ce n'est que partie remise, il reviendra cette même année par les « urnes » après une présidentielle très contestée qui a fini dans un bain de sang. En 2010, il a été réélu après un scrutin tout aussi contesté que celui de 2005. C'est ce pouvoir, véritable legs familial, que gère Faure Gnassingbé depuis la mort du père, qui est convoité par ses autres frères, notamment Kpatcha. Du vivant du Général Eyadéma, il s'est constitué une immense fortune, grâce aux juteux postes qu'il avait occupés à la tête des plus grosses sociétés d'Etat. Frustré de n'avoir pas hérité du fauteuil paternel qu'il lorgnait pourtant, il s'est vu attribuer l'important portefeuille de la Défense par Faure Gnassingbé. Plus qu'un simple lot de consolation, c'était en réalité les manettes du pouvoir que Faure venait, sans sûrement s'en rendre compte, de remettre entre les mains de son rival de demi-frère. Cet homme au physique massif, à la fois redouté et adulé par la troupe, va vite s'imposer comme le vrai patron de l'Armée, véritable détenteur du pouvoir politique au Togo depuis le coup d'Etat du 13 janvier 1963 dirigé par le même Gnassingbé Eyadéma, à l'époque Etienne, et qui a coûté la vie à Sylvanus Olympio, le père de l'indépendance du Togo. Cette montée en puissance de Kpatcha ne pouvait qu'inquiéter Faure, qui profitera d'un remaniement du gouvernement pour le mettre sous l'éteignoir. La présumée tentative de putsch de la nuit du 12 au 13 avril 2009 serait-elle un acte de vengeance de Kpatcha contre Faure? C'est possible, tout comme ce coup « d'Etat familial » pourrait être un auto-complot de Faure, pour liquider politiquement un co-héritier devenu son plus redouté adversaire. Si le procès qui reprend ce matin arrive à son terme, il y a fort à parier qu'il se terminera par une condamnation, suivie certainement d'une grâce présidentielle. Entre-temps, les frères Gnassingbé auront lavé, s'ils ne l'ont déjà fait avant ce « procès », le linge sale dans leur fief familial de Pya, dans la région de Kara, à quelque 400 km dans le nord du pays.
Charles d'Almeida
Code Photo: « Kpatchatribunal »
Légende: Kpatcha Gnassingbé, arrivant au palais de justice de Lomé, le 1er septembre dernier. Bien que souriant devant l'accueil de ses nombreux sympathisants, l'ex- tout puissant ministre de la Défense a perdu de sa superbe, après un peu plus de deux années passées sous les verrous.