Les hommes de Ban Ki-moon fatiguent les journalistes
Un journaliste américain ou occidental désigné pour couvrir une réunion à l'Onu doit-il obligatoirement avoir l'aval de son gouvernement ou disposer d'une lettre d'accréditation des services officiels de son pays d'origine ? A la lumière de ce que nous avons constaté sur le terrain, l'Onu semble disposer de procédures mettant à mal l'indépendance de la presse et constituant des entraves sérieuses à l'exercice des initiatives professionnelles indépendantes et autonomes pour la presse. Conformément aux procédures et usages, une demande d'accréditation en ligne pour la 66e Assemblée Générale de l'Onu, a été faite par l'Intelligent d'Abidjan qui a produit tous les documents demandés, y compris un ordre de mission faxé et scanné par e-mail. Arrivé à New York, nous nous rendons au centre de presse, muni du mail disant que la demande d'accréditation a été bien reçue. Nous présentons le mail. Notre demande d'accréditation est bien enregistrée avec toutes les références de notre passeport et les contacts téléphoniques et adresses à Abidjan. Mais il y a un problème, selon le service des accréditations, parce que nous ne figurons pas sur la liste des noms communiqués pour les accréditations de la presse par la mission ivoirienne à l'Onu. Nous sommes donc interdits de badge. Nous sortons une copie de notre ordre de mission. Il n'est pas valable car il n'a pas été transmis avant notre arrivée, réplique notre interlocutrice. Nous démontrons avoir bel et bien envoyé un mail de l'ordre de mission et l'avoir également faxé. Rien n'y fit ! Lucien Pouamon régulièrement inscrit sur la liste par la mission ivoirienne monte au créneau. Un fax arrive avec notre nom et le badge est délivré dans la minute qui suit. Juste une lettre avec ! Sans laquelle, les milliers de kilomètres parcourus auraient été vains, sans aucune possibilité de recours: "je comprends que vous soyez impatient et exigeant car vous venez de loin, mais je ne retrouve pas votre nom sur la liste de la mission de votre pays, et nous n'avons pas de traces de votre ordre de mission. Vous savez, nous recevons des milliers de demandes. Ce n'est pas évident pour nous", explique un agent. Il est vrai qu'il n'est pas possible à l'Onu de satisfaire toutes les demandes d’accréditation et de permettre à l’ensemble des journalistes d'accéder à tous les espaces. Mais quand c’est le cas, on prévoit bien des dispositions à prendre. Sinon il ne sert à rien d'obtenir un badge pour se balader dans le hall ou pour se contenter de la salle de presse, hyper équipée fut-elle, afin de suivre la retransmission en direct. Est-ce que le département d'Etat ou les missions diplomatiques des pays dont sont originaires tous les journalistes occidentaux devant couvrir les activités de l'Onu, leur fournissent les facilités d'accréditation ? S'agit-il d'une procédure pour l'Afrique seulement ? Pourquoi est-il difficile, voire impossible pour un journaliste ivoirien de suivre l'Assemblée générale de l'Onu de façon autonome et indépendante ? Si le chef de l'Etat ivoirien n'assistait pas à la 66e session et que la mission diplomatique ivoirienne à l'Onu n'était pas mobilisée pour la circonstance, la presse ivoirienne serait-elle restée loin de la célèbre maison de verre ? Une fois obtenu, après les diligences des services de SEM Youssoufou Bamba, le badge ne permet pas l'accès au GA HALL, la grande salle de l'Assemblée générale où Obama et Sarkozy devaient parler hier, à la suite du secrétaire général et où le président Ouattara devait se présenter lui-même à la tribune ce Jeudi. C'est un autre badge qui permet d’accéder à la salle. Et quand on y accède, il faut encore, des badges spéciaux pour accéder à certains périmètres. La délégation officielle ivoirienne a eu droit à deux badges spéciaux. Là encore c'est la mission diplomatique qui a fait les diligences. Si l'IA a pu obtenir par le biais de la mission le badge, l'Onu est-elle sûre que dans tous les pays, les journaux d'opposition comme ceux proches du pouvoir peuvent en bénéficier ? En clair, dans le contexte actuel ivoirien, la mission diplomatique de notre pays, même si elle est au service de tous les citoyens sans exclusive, peut-elle valablement et sereinement endosser la responsabilité de faire un badge pour Notre Voie et Le Temps par exemple ? Moralité : à l'Onu, la presse non "embedded", n'est pas la bienvenue. Mais s'agit-il d'une procédure spécifique pour la presse africaine, ou d'une procédure applicable à tous les médias du monde ? A Washington, les procédures d'accréditation pour la Banque mondiale et le Fmi sont plus réalistes et conformes à la liberté d'initiatives auxquelles a droit tout média. Qu'il soit africain ou non ! Les contraintes administratives que l'Onu impose aux medias, et n’ont rien à voir avec la sensible question de sécurité, constituent des entraves sérieuses à la liberté de travail pour les journalistes. La liberté d'initiatives et l'autonomie dans le choix des enjeux éditoriaux, sont des instruments essentiels de la liberté. Cela dit, l'Organisation reste libre de ses choix, critères et procédures mais elle a l'obligation de donner toutes les informations aux médias afin qu'en arrivant à New York, ils sachent à quoi s'en tenir, et ne se retrouvent pas désappointés, pour appeler à la rescousse au dernier moment les missions diplomatiques, déjà débordées et dont la vocation première n'est pas de s'occuper des journalistes. Les procédures visant à restreindre le travail des cameramen et photographes au profit des services propres de l'Onu suscitent également la grogne. Avec le système d’accréditation par l’ONU, on assiste à un partage des tâches et une infantilisation au détriment des moins nantis. On oblige l’Ivoirien à ne suivre que Président, le Sénégalais que son Président. Et personne ne s’en plaint. Les autres qui se foutent pas mal du Continent, sauf en cas de crise, peuvent grands thèmes du monde. Venir couvrir les affaires du monde, là où elles se décident, ne doit pas être un luxe, ni relever du parcours du combattants pour des medias du Sud. Si on en juge par le nombre d’accréditations non missionnées, non officielles, et non gouvernementales, le déséquilibre pour le Sud et l’Afrique est réelle. Une réalité à corriger. En le faisant, l’ONU redeviendra fidèle à sa vocation de promotion de la paix, de la justice et de l’équité, entre les peuples du monde. Un grand défi en cette période de vives critiques au sujet des dernières interventions de l’organisation dans le monde. Seule bonne nouvelle : après toutes les difficultés, les commodités offertes au niveau de la salle de presse. Facilités qui permettent de faire le travail dans d'excellentes conditions. De quoi faire oublier le petit parcours de combattant pour journaliste espiègle, refusant de s'accommoder de la routine et cherchant toujours les failles du système ou la petite bête. L’homme qui mord le chien et les trains qui ne partent pas à l'heure. Bienvenue à l'Onu!
Alafé Wakili
Un journaliste américain ou occidental désigné pour couvrir une réunion à l'Onu doit-il obligatoirement avoir l'aval de son gouvernement ou disposer d'une lettre d'accréditation des services officiels de son pays d'origine ? A la lumière de ce que nous avons constaté sur le terrain, l'Onu semble disposer de procédures mettant à mal l'indépendance de la presse et constituant des entraves sérieuses à l'exercice des initiatives professionnelles indépendantes et autonomes pour la presse. Conformément aux procédures et usages, une demande d'accréditation en ligne pour la 66e Assemblée Générale de l'Onu, a été faite par l'Intelligent d'Abidjan qui a produit tous les documents demandés, y compris un ordre de mission faxé et scanné par e-mail. Arrivé à New York, nous nous rendons au centre de presse, muni du mail disant que la demande d'accréditation a été bien reçue. Nous présentons le mail. Notre demande d'accréditation est bien enregistrée avec toutes les références de notre passeport et les contacts téléphoniques et adresses à Abidjan. Mais il y a un problème, selon le service des accréditations, parce que nous ne figurons pas sur la liste des noms communiqués pour les accréditations de la presse par la mission ivoirienne à l'Onu. Nous sommes donc interdits de badge. Nous sortons une copie de notre ordre de mission. Il n'est pas valable car il n'a pas été transmis avant notre arrivée, réplique notre interlocutrice. Nous démontrons avoir bel et bien envoyé un mail de l'ordre de mission et l'avoir également faxé. Rien n'y fit ! Lucien Pouamon régulièrement inscrit sur la liste par la mission ivoirienne monte au créneau. Un fax arrive avec notre nom et le badge est délivré dans la minute qui suit. Juste une lettre avec ! Sans laquelle, les milliers de kilomètres parcourus auraient été vains, sans aucune possibilité de recours: "je comprends que vous soyez impatient et exigeant car vous venez de loin, mais je ne retrouve pas votre nom sur la liste de la mission de votre pays, et nous n'avons pas de traces de votre ordre de mission. Vous savez, nous recevons des milliers de demandes. Ce n'est pas évident pour nous", explique un agent. Il est vrai qu'il n'est pas possible à l'Onu de satisfaire toutes les demandes d’accréditation et de permettre à l’ensemble des journalistes d'accéder à tous les espaces. Mais quand c’est le cas, on prévoit bien des dispositions à prendre. Sinon il ne sert à rien d'obtenir un badge pour se balader dans le hall ou pour se contenter de la salle de presse, hyper équipée fut-elle, afin de suivre la retransmission en direct. Est-ce que le département d'Etat ou les missions diplomatiques des pays dont sont originaires tous les journalistes occidentaux devant couvrir les activités de l'Onu, leur fournissent les facilités d'accréditation ? S'agit-il d'une procédure pour l'Afrique seulement ? Pourquoi est-il difficile, voire impossible pour un journaliste ivoirien de suivre l'Assemblée générale de l'Onu de façon autonome et indépendante ? Si le chef de l'Etat ivoirien n'assistait pas à la 66e session et que la mission diplomatique ivoirienne à l'Onu n'était pas mobilisée pour la circonstance, la presse ivoirienne serait-elle restée loin de la célèbre maison de verre ? Une fois obtenu, après les diligences des services de SEM Youssoufou Bamba, le badge ne permet pas l'accès au GA HALL, la grande salle de l'Assemblée générale où Obama et Sarkozy devaient parler hier, à la suite du secrétaire général et où le président Ouattara devait se présenter lui-même à la tribune ce Jeudi. C'est un autre badge qui permet d’accéder à la salle. Et quand on y accède, il faut encore, des badges spéciaux pour accéder à certains périmètres. La délégation officielle ivoirienne a eu droit à deux badges spéciaux. Là encore c'est la mission diplomatique qui a fait les diligences. Si l'IA a pu obtenir par le biais de la mission le badge, l'Onu est-elle sûre que dans tous les pays, les journaux d'opposition comme ceux proches du pouvoir peuvent en bénéficier ? En clair, dans le contexte actuel ivoirien, la mission diplomatique de notre pays, même si elle est au service de tous les citoyens sans exclusive, peut-elle valablement et sereinement endosser la responsabilité de faire un badge pour Notre Voie et Le Temps par exemple ? Moralité : à l'Onu, la presse non "embedded", n'est pas la bienvenue. Mais s'agit-il d'une procédure spécifique pour la presse africaine, ou d'une procédure applicable à tous les médias du monde ? A Washington, les procédures d'accréditation pour la Banque mondiale et le Fmi sont plus réalistes et conformes à la liberté d'initiatives auxquelles a droit tout média. Qu'il soit africain ou non ! Les contraintes administratives que l'Onu impose aux medias, et n’ont rien à voir avec la sensible question de sécurité, constituent des entraves sérieuses à la liberté de travail pour les journalistes. La liberté d'initiatives et l'autonomie dans le choix des enjeux éditoriaux, sont des instruments essentiels de la liberté. Cela dit, l'Organisation reste libre de ses choix, critères et procédures mais elle a l'obligation de donner toutes les informations aux médias afin qu'en arrivant à New York, ils sachent à quoi s'en tenir, et ne se retrouvent pas désappointés, pour appeler à la rescousse au dernier moment les missions diplomatiques, déjà débordées et dont la vocation première n'est pas de s'occuper des journalistes. Les procédures visant à restreindre le travail des cameramen et photographes au profit des services propres de l'Onu suscitent également la grogne. Avec le système d’accréditation par l’ONU, on assiste à un partage des tâches et une infantilisation au détriment des moins nantis. On oblige l’Ivoirien à ne suivre que Président, le Sénégalais que son Président. Et personne ne s’en plaint. Les autres qui se foutent pas mal du Continent, sauf en cas de crise, peuvent grands thèmes du monde. Venir couvrir les affaires du monde, là où elles se décident, ne doit pas être un luxe, ni relever du parcours du combattants pour des medias du Sud. Si on en juge par le nombre d’accréditations non missionnées, non officielles, et non gouvernementales, le déséquilibre pour le Sud et l’Afrique est réelle. Une réalité à corriger. En le faisant, l’ONU redeviendra fidèle à sa vocation de promotion de la paix, de la justice et de l’équité, entre les peuples du monde. Un grand défi en cette période de vives critiques au sujet des dernières interventions de l’organisation dans le monde. Seule bonne nouvelle : après toutes les difficultés, les commodités offertes au niveau de la salle de presse. Facilités qui permettent de faire le travail dans d'excellentes conditions. De quoi faire oublier le petit parcours de combattant pour journaliste espiègle, refusant de s'accommoder de la routine et cherchant toujours les failles du système ou la petite bête. L’homme qui mord le chien et les trains qui ne partent pas à l'heure. Bienvenue à l'Onu!
Alafé Wakili