Réunis à Yamoussoukro les 21 et 22 novembre 2011, le Patronat ivoirien a adopté, dans le cadre d`un atelier, son plan stratégique Côte d`Ivoire 2040. Participant à cette rencontre, le Coordinateur national de la Convention de la société civile ivoirienne donne les conditions de succès de ces nouveaux défis.
Que pensez-vous de cet atelier de projection sur l`avenir du développement de la Côte d`Ivoire organisé par le Patronat ivoirien?
Je pense que ce que le secteur privé est en train de faire en terme de projection est vraiment fondamental pour notre pays. Dans les pays d`Asie, parfois on fait des projections sur 50 ans. Dans les pays européens, c`est la même chose. En Côte d`Ivoire, nous n`avons pas l`expertise et les instruments pour le faire, mais on peut au moins essayer de prospecter sur les 30 années à venir. Et le gouvernement vient de le faire par le ministère du Plan et du Développement, au niveau de la commission nationale de prospective. Donc, c`est normal aussi que le secteur privé de son côté fasse un travail parallèle pour après voir comment on peut trouver des moyens de convergence. Au niveau de la Société civile, nous avons en 2009, tenté une telle expérience. En mars 2012, nous allons faire une mise à jour. Toutes ces expériences seront plus tard confortées pour qu`on puisse dégager un futur souhaitable pour le pays. C`est vraiment fondamental pour que nous puissions nous insérer avec succès dans la mondialisation. Tout ce qui a été fait au niveau de l`agriculture, de l`industrie, des mines et de l`énergie, au niveau du tertiaire avec les services et par rapport à la démarche transversale sur tous ces secteurs, je pense que c`est une bonne initiative. Le secteur privé a eu une très bonne idée de faire venir un expert de l`île Maurice, pays considéré comme pays phare en matière de développement dans tous les domaines.
Comme vous le dites, le ministère du Plan est en train de faire un travail similaire. On peut espérer donc une volonté politique réelle d`accompagner ce travail?
Oui, ce n`est pas la première fois qu`on fait les prospectives en Côte d`Ivoire. On en a fait en 1995-1996. J`ai participé en tant que représentant de la jeunesse, président de la fédération des mouvements et associations de la jeunesse de Côte d`Ivoire à l`époque. Sous le président Bédié, il y a eu une commission nationale de prospective qui avait projeté la Côte d`Ivoire jusqu`en l`an 2025. C`était en 1995. C`est de là qu`est sortie l`idée de l`Eléphant d`Afrique. On avait fait un ensemble de projections, de scénaris qui n`ont pas été suivis par les pouvoirs publics. En 2005 à Accra (Ghana), nous avons également fait avec le secteur privé et d`autres partenaires, grâce à un financement de l`Ambassade de Suisse, des projections, des scénaris de sortie de crise qui n`ont pas été non plus suivis par les décideurs. Donc, cette expérience est la troisième du genre faite par le gouvernement, qui a commencé depuis 2005 avec le bureau national de la prospective qui est logé au ministère du Plan. Pour Côte d`Ivoire en 2040, nos experts chaque fois font des projections, des propositions. Il va falloir prendre des lois pour que toutes ces propositions soient fixées dans la loi. Sinon, on fait toutes ces propositions et ces belles projections, et nos décideurs parfois naviguent à vu. Parce que, parfois, ils ne sont pas très conscients de l`enjeu et de l`importance des projections sur le long terme.
Le président Alassane Ouattara peut-il être l`homme de la situation pour relever ces différents défis?
Je ne fais pas ce genre d`analyse. Pour nous au niveau de la société civile, il ne faut pas viser des personnes. Il faut viser des systèmes. Il faut qu`on mette en place en Côte d`Ivoire des systèmes qui contraignent chaque gouvernement, chaque président quel qu`il soit. Et qu`on ne mette pas le destin d`un pays dans la main d`un individu.
Vous êtes économiste, n`est-ce pas le système qui ne permet pas de telles projections d`aboutir, d`autant plus que l`Europe tient l`Afrique, aux Africains?
Une bonne projection doit prendre cela en compte. J`ai toujours dit au FPI lorsqu`il était au pouvoir, à commencer par Affi N`Guessan lui-même, prenez la domination européenne depuis l`esclavage jusqu`au néocolonialisme comme une donnée internationale. Intégrez cela dans les projections. Et, un bon prospectiviste doit pouvoir intégrer cela dans les projections. Si vous n`intégrez pas cela, vous faites de fausses projections.
Nous sommes à la troisième projection, il y a eu deux projections qui n`ont pas abouti. Est-ce qu`on peut croire à cette troisième ou avoir des réserves?
C`est pour cela que la volonté politique ne suffira pas. L`action de la société civile, du secteur privé, c`est-à-dire des acteurs non étatiques, est vraiment fondamentale. Je reviens sur l`idée que les propositions que nous faisons, c`est ça l`enjeux des journées de consensus nationale auxquelles la presse ne donne pas assez d`échos. En 2009, nous avons arrêté avec le secteur privé, les religieux, les partis politiques, un ensemble de principes pour relancer la Côte d`Ivoire sur les 30 ans à venir. Nous voulons actualiser ces recommandations qui ont été signées par tout le monde, pour que une fois que c`est adopté, ça puisse être fixé dans la loi. De cette manière, quelque soit celui qui viendra au pouvoir, il n`a pas à apprécier ou à prendre de décisions de manière unilatérale. Parce qu`aujourd`hui, la Côte d`Ivoire est dirigée de manière unilatérale par celui qui est au pouvoir. Voilà pourquoi notre destin est dans les mains d`un individu. Il fait le beau jour comme la nuit. Il faut dépersonnaliser le développement de la Côte d`Ivoire. Il faut dépersonnaliser l`avenir de la Côte d`Ivoire. Il faut dépersonnaliser le destin de la Côte d`Ivoire. Il ne faut pas mettre le destin de tout un peuple dans les mains d`un individu. Or, depuis Houphouet-Boigny jusqu`à Ouattara, c`est dans cette mouvance que nous sommes.
Avec les bases juridiques que vous demandez qu`on donne à cette action, vous pensez qu`on pourrait arriver à l`horizon 2040?
Par exemple, si nous disons que nous voulons que la recherche scientifique représente un certain pourcentage dans le budget de l`Etat, ce n`est plus au ministère de l`Enseignement supérieur ou au Premier ministre d`apprécier. Ça sera fixé dans la loi. S`il ne le fait pas, c`est comme s`il va contre la loi. Nous disons que pour que la Côte d`Ivoire puisse se développer, il y a un minimum de principes impersonnels qu`il faut fixer dans la loi. Et nous devons nous efforcer d`amener nos dirigeants à exécuter ces mandats-là. Voilà comment nous voyons cela. Il faut arracher notre destin des mains d`un président. Il faut le confier ça à la loi et aux principes. Je veux que la Côte d`Ivoire soit dirigée par les principes, non pas par des humeurs d`un président, aussi génial, aussi prophète, aussi messianique soit-il. Si on ne fait pas cette rupture, on ne va jamais se développer. Je vais demander qu`on crée un Conseil national de la recherche scientifique et du développement technologique, qui va occuper une bonne partie du budget de l`Etat de manière obligatoire pour que ce conseil puisse voir comment affecter de l`argent à la recherche fondamentale et appliquée. C`est les conditions pour qu`on puisse développer l`agriculture, l`industrie et les services.
Propos recueillis par Félix Bony et Irène BATH
Que pensez-vous de cet atelier de projection sur l`avenir du développement de la Côte d`Ivoire organisé par le Patronat ivoirien?
Je pense que ce que le secteur privé est en train de faire en terme de projection est vraiment fondamental pour notre pays. Dans les pays d`Asie, parfois on fait des projections sur 50 ans. Dans les pays européens, c`est la même chose. En Côte d`Ivoire, nous n`avons pas l`expertise et les instruments pour le faire, mais on peut au moins essayer de prospecter sur les 30 années à venir. Et le gouvernement vient de le faire par le ministère du Plan et du Développement, au niveau de la commission nationale de prospective. Donc, c`est normal aussi que le secteur privé de son côté fasse un travail parallèle pour après voir comment on peut trouver des moyens de convergence. Au niveau de la Société civile, nous avons en 2009, tenté une telle expérience. En mars 2012, nous allons faire une mise à jour. Toutes ces expériences seront plus tard confortées pour qu`on puisse dégager un futur souhaitable pour le pays. C`est vraiment fondamental pour que nous puissions nous insérer avec succès dans la mondialisation. Tout ce qui a été fait au niveau de l`agriculture, de l`industrie, des mines et de l`énergie, au niveau du tertiaire avec les services et par rapport à la démarche transversale sur tous ces secteurs, je pense que c`est une bonne initiative. Le secteur privé a eu une très bonne idée de faire venir un expert de l`île Maurice, pays considéré comme pays phare en matière de développement dans tous les domaines.
Comme vous le dites, le ministère du Plan est en train de faire un travail similaire. On peut espérer donc une volonté politique réelle d`accompagner ce travail?
Oui, ce n`est pas la première fois qu`on fait les prospectives en Côte d`Ivoire. On en a fait en 1995-1996. J`ai participé en tant que représentant de la jeunesse, président de la fédération des mouvements et associations de la jeunesse de Côte d`Ivoire à l`époque. Sous le président Bédié, il y a eu une commission nationale de prospective qui avait projeté la Côte d`Ivoire jusqu`en l`an 2025. C`était en 1995. C`est de là qu`est sortie l`idée de l`Eléphant d`Afrique. On avait fait un ensemble de projections, de scénaris qui n`ont pas été suivis par les pouvoirs publics. En 2005 à Accra (Ghana), nous avons également fait avec le secteur privé et d`autres partenaires, grâce à un financement de l`Ambassade de Suisse, des projections, des scénaris de sortie de crise qui n`ont pas été non plus suivis par les décideurs. Donc, cette expérience est la troisième du genre faite par le gouvernement, qui a commencé depuis 2005 avec le bureau national de la prospective qui est logé au ministère du Plan. Pour Côte d`Ivoire en 2040, nos experts chaque fois font des projections, des propositions. Il va falloir prendre des lois pour que toutes ces propositions soient fixées dans la loi. Sinon, on fait toutes ces propositions et ces belles projections, et nos décideurs parfois naviguent à vu. Parce que, parfois, ils ne sont pas très conscients de l`enjeu et de l`importance des projections sur le long terme.
Le président Alassane Ouattara peut-il être l`homme de la situation pour relever ces différents défis?
Je ne fais pas ce genre d`analyse. Pour nous au niveau de la société civile, il ne faut pas viser des personnes. Il faut viser des systèmes. Il faut qu`on mette en place en Côte d`Ivoire des systèmes qui contraignent chaque gouvernement, chaque président quel qu`il soit. Et qu`on ne mette pas le destin d`un pays dans la main d`un individu.
Vous êtes économiste, n`est-ce pas le système qui ne permet pas de telles projections d`aboutir, d`autant plus que l`Europe tient l`Afrique, aux Africains?
Une bonne projection doit prendre cela en compte. J`ai toujours dit au FPI lorsqu`il était au pouvoir, à commencer par Affi N`Guessan lui-même, prenez la domination européenne depuis l`esclavage jusqu`au néocolonialisme comme une donnée internationale. Intégrez cela dans les projections. Et, un bon prospectiviste doit pouvoir intégrer cela dans les projections. Si vous n`intégrez pas cela, vous faites de fausses projections.
Nous sommes à la troisième projection, il y a eu deux projections qui n`ont pas abouti. Est-ce qu`on peut croire à cette troisième ou avoir des réserves?
C`est pour cela que la volonté politique ne suffira pas. L`action de la société civile, du secteur privé, c`est-à-dire des acteurs non étatiques, est vraiment fondamentale. Je reviens sur l`idée que les propositions que nous faisons, c`est ça l`enjeux des journées de consensus nationale auxquelles la presse ne donne pas assez d`échos. En 2009, nous avons arrêté avec le secteur privé, les religieux, les partis politiques, un ensemble de principes pour relancer la Côte d`Ivoire sur les 30 ans à venir. Nous voulons actualiser ces recommandations qui ont été signées par tout le monde, pour que une fois que c`est adopté, ça puisse être fixé dans la loi. De cette manière, quelque soit celui qui viendra au pouvoir, il n`a pas à apprécier ou à prendre de décisions de manière unilatérale. Parce qu`aujourd`hui, la Côte d`Ivoire est dirigée de manière unilatérale par celui qui est au pouvoir. Voilà pourquoi notre destin est dans les mains d`un individu. Il fait le beau jour comme la nuit. Il faut dépersonnaliser le développement de la Côte d`Ivoire. Il faut dépersonnaliser l`avenir de la Côte d`Ivoire. Il faut dépersonnaliser le destin de la Côte d`Ivoire. Il ne faut pas mettre le destin de tout un peuple dans les mains d`un individu. Or, depuis Houphouet-Boigny jusqu`à Ouattara, c`est dans cette mouvance que nous sommes.
Avec les bases juridiques que vous demandez qu`on donne à cette action, vous pensez qu`on pourrait arriver à l`horizon 2040?
Par exemple, si nous disons que nous voulons que la recherche scientifique représente un certain pourcentage dans le budget de l`Etat, ce n`est plus au ministère de l`Enseignement supérieur ou au Premier ministre d`apprécier. Ça sera fixé dans la loi. S`il ne le fait pas, c`est comme s`il va contre la loi. Nous disons que pour que la Côte d`Ivoire puisse se développer, il y a un minimum de principes impersonnels qu`il faut fixer dans la loi. Et nous devons nous efforcer d`amener nos dirigeants à exécuter ces mandats-là. Voilà comment nous voyons cela. Il faut arracher notre destin des mains d`un président. Il faut le confier ça à la loi et aux principes. Je veux que la Côte d`Ivoire soit dirigée par les principes, non pas par des humeurs d`un président, aussi génial, aussi prophète, aussi messianique soit-il. Si on ne fait pas cette rupture, on ne va jamais se développer. Je vais demander qu`on crée un Conseil national de la recherche scientifique et du développement technologique, qui va occuper une bonne partie du budget de l`Etat de manière obligatoire pour que ce conseil puisse voir comment affecter de l`argent à la recherche fondamentale et appliquée. C`est les conditions pour qu`on puisse développer l`agriculture, l`industrie et les services.
Propos recueillis par Félix Bony et Irène BATH