Le cinq-majeur des acteurs et martyrs du changement
Dans quelques heures, l’année 2011 tire sa révérence. Ces douze derniers mois ont été particulièrement chargés d’événements, alternant douleur et joie, aussi importants les uns que les autres. A l’origine de l’histoire récente de notre pays, se trouvent des hommes et des femmes qui ont particulièrement marqué l’année 2011. Qui sont-ils ? Après plusieurs mois de réflexions, d’arguments et de contre-arguments, la rédaction du Patriote a abouti à la désignation, par un large consensus, de cinq personnes physiques et/ou morales qui, par leurs actions, ont contribué à l’instauration d’un nouvel ordre politique dans notre pays.
1-Le capitaine Alla Kouakou Léon : Le visage du soldat républicain
Tout remonte au 11 février 2011. A l’occasion d’une conférence de presse, le Premier ministre, Guillaume Soro, a assis à ses côtés, un officier de l’armée ivoirienne commandée par Laurent Gbagbo. La recrue est de taille. Et, la nouvelle du ralliement du capitaine Alla Kouakou Léon est tombée comme un coup de massue pour les sécurocrates du régime. Les jours qui ont suivi sa présentation officielle ont permis de comprendre l’émoi et l’embarras qu’il y avait au sein du pouvoir régnant. Certain que ses rangs sont plus que serrés, l’état-major des Fds-Ci avait fait dire, par exemple, le 9 janvier, qu’aucun de ses hommes n’avait rallié le camp Ouattara. Allusion faite au colonel-major à la retraite Gaston Mian, présenté quelques jours plus tôt. Si ce dernier ne faisait plus partie des rangs, ce ne fut pas le cas pour le capitaine Alla. C’était là, le symbole éloquent que l’armée ivoirienne ne leur était pas totalement acquise. Ils reconnaissaient en l’homme, un charisme. Les hauts faits d’armes du Capitaine Alla étaient probants, et qui connaît cet intrépide guerrier peut estimer l’ampleur de la peur chez ses frères d’armes. Le Capitaine Alla fut l’une des pièces maîtresses du système défensif de Laurent Gbagbo. L’ancien chef de l’Etat l’honorait même publiquement. Ex-patron des « Forces spéciales », il lui revient d’avoir réussi le repli des bandes armées libériennes qui avaient envahi l’Ouest ivoirien, au plus fort de la guerre. Les Ivoiriens retiennent de lui qu’il était sous-préfet militaire de Zouan-Hounien. Officier très respecté, Alla Kouakou Léon venait de répondre favorablement à l’appel au ralliement lancé par Guillaume Soro sur les écrans. Nommé porte-parole du ministère de la Défense, il a permis à la population ivoirienne d’échapper à la machine de l’intoxication et de la propagande de la RTI d’alors. Ses points de situation quotidiens donnaient, en temps réel, les nouvelles du front, l’ampleur des combats, le bilan des affrontements et surtout, l’identité des commanditaires des exactions contre les populations civiles. Mais, il y a lieu ici, de souligner le courage d’un homme qui a été l’un des premiers à risquer, c’est le cas de le dire, sa vie pour la cause de la démocratie en Côte d’Ivoire. Rares, en ce moment-là, étaient les soldats, bénéficiant d’une fonction auprès de Gbagbo qui aurait agi comme Alla l’a fait. Pour cela, votre quotidien lui décerne la Palme d’Or de cette révolution ivoirienne qui, après avoir pris les allures civiles, s’est terminée par la victoire militaire des Forces Républicaines sur les miliciens et autres mercenaires.
2- Les femmes d’Abobo : martyres du « jeudi noir »
« Horreur! », « Ils ont osé tirer sur des femmes », « Des gens sans cœurs, sans raisons », « Ce pouvoir devient fou ». La presse nationale et internationale n’a pas trouvé de mots suffisamment forts pour traduire son émotion et sa révolte au lendemain du mitraillage des femmes d’Abobo le 3 mars 2011. Plusieurs centaines de femmes s’étaient donné rendez-vous à Abobo en vue d’une marche pacifique pour réclamer le respect du verdict des urnes. Les hommes du Général Dogbo Blé Bruno en patrouille à bord de véhicules militaires dans le secteur, ont ouvert le feu. Le bilan fut très lourd. Sept femmes ont été tuées sur le coup. Cet acte ignoble a suscité indignation et colère. Les Etats-Unis dénonçaient, "La faillite morale de Laurent Gbagbo ». Cette expression du porte-parole du département d’Etat, Philip Crowley a résumé l’ensemble des réactions de la communauté internationale et des conclusions auxquelles elle parvenait. Pour tout dire, Gbagbo venait de franchir le Rubicon. La ligne rouge de l’ignominie. Toutefois, il fallait y lire, plutôt les derniers soubresauts d’un régime finissant. Le régime Gbagbo qui a poussé le cynisme jusqu’à parler de « complot du bissap » et de « mise en scène », venait, définitivement, de dévoiler à la face du monde, son vrai visage. Le jeudi noir à Abobo, incontestablement, est l’une des pages noires de l’histoire récente de notre pays. Ces femmes (Nachiami Bamba, Gnon Rokia Ouattara, Malô Sylla, Moyamou Koné, Fatoumata Coulibaly, Amy Coulibaly et Adjara Touré) ont été élevées au grade de Chevaliers de l’ordre national ivoirien à titre posthume, en présence du Président de la République, Alassane Ouattara, le 2 août dernier. Baptisées les « artisanes de la paix » par la Grande chancelière de l’Ordre national, Henriette Dagri Diabaté, elles sont entrées dans l’histoire pour «démontrer que la démocratie et la paix sont des causes qui méritent qu’on se batte pour elles ».
3- Le Patriote : écrire, même sous les bombes
La victoire a plusieurs pères, a-t-on coutume de dire. Mais l’histoire, elle, saura témoigner. Le Patriote, votre quotidien, sans verser dans l’autocélébration, peut être fier de sa partition dans le combat pour l’avènement de la Côte d’Ivoire nouvelle. Constant dans ses prises de position et inflexible sur sa ligne éditoriale, ce journal a subi les foudres de la dictature de Gbagbo. Son siège et son personnel étaient sous menace constante. Pressions militaires, menaces, convocations policières, suspensions, déchirages d’exemplaires … Toutes sortes de manœuvres d’intimidation y passaient. Fallait-il pour autant abandonner le Président élu et son gouvernement, reclus au Golf Hôtel, sous un blocus ? Non ! Le journal a dû s’éloigner de ses installations juste avant le premier tour de l’élection présidentielle. Un programme de travail allégé a permis à une équipe souple de travailler au domicile d’un des patrons, bravant toute sorte de menaces dont le couvre-feu sous lequel, l’équipe technique devrait sortir pour mettre le journal sous presse. Les barrages policiers et militaires étaient franchis, la peur au ventre. Les soldats de Gbagbo n’hésitaient pas à pointer le bout de leurs kalachnikovs sur les chauffeurs, techniciens et journalistes. Le lundi 21 février, nous avons vécu à deux pas du siège de fortune, l’impensable. Un véhicule blindé de la gendarmerie de Koumassi venait de lancer un lance-roquette de type RPG7 sur une foule de manifestant du RHDP, répondant au mot d’ordre du Premier ministre pour la révolution Orange, faisant trois morts. L’horreur était à son comble. Mais, cela n’a pas empêché le Patriote de poursuivre le combat. Jusqu’à l’entrée à Abidjan des Forces Républicaines, empêchant la distribution de tous les titres de la presse, le journal a poursuivi son travail et sa mission d’informer et d’analyser et de commenter l’actualité. Le 12 avril, quelques heures après la chute de la tyrannie bleue, le Patriote a été le seul journal de la presse national à être sur le marché. Dribblant les balles et les affrontements encore violents dans les rues, la rédaction a pu mettre sur le marché un titre (« Quel gâchis ! ») de 12 pages de comptes-rendus, d’analyses et de photos sur l’arrestation de Laurent Gbagbo. Le Patriote pouvait alors regagner son siège social sis en Zone 4. Soit, six mois après avoir délocalisé ses activités et gelé certains services comme le commercial. Ce journal qui s’est fait le serment de ne jamais reculer devant l’arbitraire et de ne jamais fuir ses responsabilités pour le contrat qui le lie à ses lecteurs, devait tenir. Et nous croyons, il a tenu. L’histoire jugera.
4-Télé Côte d’Ivoire : Pour brouiller l’intoxication
Abusant de sa position à la tête de l’Etat, Laurent Gbagbo et ses hommes contrôlaient les ondes. Ils avaient réussi, bon an mal an, à inonder l’espace audiovisuel de leurs vérités et mensonges jusqu’à ce 22 janvier 2011, jour où furent lancés les programmes de Télé Côte d’Ivoire (TCI), « la Chaîne de la paix ». Le ministre de la Communication par intérim d’alors, Hamed Bakayoko, y était apparu en compagnie de Brou Aka Pascal, présentateur vedette de la télévision nationale, fraichement sorti du débat (le face-à-face) de l’élection présidentielle qu’il avait animé avec brio. C’était le top départ d’un espace médiatique ouvert. TCI, même si elle n’était pas une chaîne professionnelle au sens du Code de déontologie, a réussi à exploser l’audimat. L’indicateur pour mesurer cette affirmation, est que pendant deux semaines, le marché de vente des décodeurs permettant de déchiffrer les émissions de cette chaîne par le satellite, a connu un véritable boom. Du jamais vu. TCI a joué sa partition, principalement par des animateurs dont le plus célèbre, connu sous le nom d’emprunt, Soro Jean, de la radio de la paix. Dans son émission, très prisée, « Couvre-feu », cet animateur, resté énigmatique pour beaucoup d’Ivoiriens et Ivoiriennes, avait réussi à captiver les attentions en dénonçant en direct, les dérives du régime Gbagbo. Mais surtout une émission interactive qui aura permis aux auditeurs de se prononcer et d’entendre un son de cloche nouveau que celui, enivrant, que distillaient les médias de la haine. Il est aussi à saluer, la partition des autres animateurs dont Colette Pellaud Lakpé qui est apparue à plusieurs reprises pour parler en langue vernaculaire à ses parents Bété, intoxiqués par leur fils Laurent Gbagbo. Si la région du Centre-Ouest a pacifiquement vécu la période ayant suivi l’arrestation de Gbagbo, cela est, sans doute dû, en partie, aux apparitions et explications de la fille du terroir.
« TCI, c’est d’abord la télévision de la paix. C’est une télé pour équilibrer l'information. Dire la vérité aux Ivoiriens. La télévision de la honte, vous la voyez tous les jours. Ils mentent, ils mentent. Ils divisent la Côte d'Ivoire. Il ne faut pas accepter cela », avait dit Hamed Bakayoko au lancement de la chaîne. Les fruits, pour paraphraser le poète François de Malherbe, ont passé la promesse des fleurs.
5- Le commando invisible : Bouclier contre les exactions sur les civils.
L’histoire ne verra certainement jamais son visage. Les faits présents nous ont, par contre, montré son impact et sa célébrité. Plusieurs camps, souvent antagonistes se sont réclamés de lui : le commando invisible. Sans entrer dans cette guerre de paternité qui a fini par emporter certains soldats de notre armée, il faut saluer la partition de cette force militaro-civile qui a résisté aux assauts des chars de Laurent Gbagbo. Abobo, commune martyre, a vécu l’enfer pendant des semaines avant que n’apparaisse ce groupe d’hommes et de femmes rompus à la stratégie militaire et à la guérilla urbaine pour mettre fin au supplice. L’on retiendra surtout, le nom d’un certain « Fongnon » (le vent, en Malinké) surnom donné par la presse au chef présumé de ce « Commando invisible » qui frappait nuitamment et qui a fini par se dévoiler lors des affrontements violents dans la commune.
Abobo et son commando invisible ont permis à la Côte d’Ivoire de comprendre que des populations s’étaient dressées contre les chars de Laurent Gbagbo et que plus jamais, elles ne se laisseraient écraser comme des cafards. La résistance fut farouche. En fin de compte, le combat a été payant. Puisque les chars de la mort qui ont mitraillé les femmes, déversé des obus dans un marché, faisant plus d’une quarantaine de morts, ont été, pour la plupart, neutralisés et incendiés. Abobo a fait corps avec ses libérateurs pour affronter la dictature.
Toutefois, la palme de la lutte, la vraie, celle qui est loin du symbole, revient à tous les Ivoiriens, célèbres et anonymes, chrétiens ou musulmans, du Nord comme du Sud, de l’Est, du Centre ou de l’Ouest qui se sont dressés contre l’imposture d’un homme grisé par les délices du pouvoir. Toutes et toutes ont refusé, comme l’a dit Guillaume Soro, d’accepter « que l’on assassine la démocratie en Côte d’Ivoire ». « L’enjeu, d’ailleurs, nous dépasse. Si nous nous soumettons à l’arbitraire, c’est toute l’Afrique qui risque d’en revenir aux présidences à vie_», expliquait-il.
Charles Sanga
Dans quelques heures, l’année 2011 tire sa révérence. Ces douze derniers mois ont été particulièrement chargés d’événements, alternant douleur et joie, aussi importants les uns que les autres. A l’origine de l’histoire récente de notre pays, se trouvent des hommes et des femmes qui ont particulièrement marqué l’année 2011. Qui sont-ils ? Après plusieurs mois de réflexions, d’arguments et de contre-arguments, la rédaction du Patriote a abouti à la désignation, par un large consensus, de cinq personnes physiques et/ou morales qui, par leurs actions, ont contribué à l’instauration d’un nouvel ordre politique dans notre pays.
1-Le capitaine Alla Kouakou Léon : Le visage du soldat républicain
Tout remonte au 11 février 2011. A l’occasion d’une conférence de presse, le Premier ministre, Guillaume Soro, a assis à ses côtés, un officier de l’armée ivoirienne commandée par Laurent Gbagbo. La recrue est de taille. Et, la nouvelle du ralliement du capitaine Alla Kouakou Léon est tombée comme un coup de massue pour les sécurocrates du régime. Les jours qui ont suivi sa présentation officielle ont permis de comprendre l’émoi et l’embarras qu’il y avait au sein du pouvoir régnant. Certain que ses rangs sont plus que serrés, l’état-major des Fds-Ci avait fait dire, par exemple, le 9 janvier, qu’aucun de ses hommes n’avait rallié le camp Ouattara. Allusion faite au colonel-major à la retraite Gaston Mian, présenté quelques jours plus tôt. Si ce dernier ne faisait plus partie des rangs, ce ne fut pas le cas pour le capitaine Alla. C’était là, le symbole éloquent que l’armée ivoirienne ne leur était pas totalement acquise. Ils reconnaissaient en l’homme, un charisme. Les hauts faits d’armes du Capitaine Alla étaient probants, et qui connaît cet intrépide guerrier peut estimer l’ampleur de la peur chez ses frères d’armes. Le Capitaine Alla fut l’une des pièces maîtresses du système défensif de Laurent Gbagbo. L’ancien chef de l’Etat l’honorait même publiquement. Ex-patron des « Forces spéciales », il lui revient d’avoir réussi le repli des bandes armées libériennes qui avaient envahi l’Ouest ivoirien, au plus fort de la guerre. Les Ivoiriens retiennent de lui qu’il était sous-préfet militaire de Zouan-Hounien. Officier très respecté, Alla Kouakou Léon venait de répondre favorablement à l’appel au ralliement lancé par Guillaume Soro sur les écrans. Nommé porte-parole du ministère de la Défense, il a permis à la population ivoirienne d’échapper à la machine de l’intoxication et de la propagande de la RTI d’alors. Ses points de situation quotidiens donnaient, en temps réel, les nouvelles du front, l’ampleur des combats, le bilan des affrontements et surtout, l’identité des commanditaires des exactions contre les populations civiles. Mais, il y a lieu ici, de souligner le courage d’un homme qui a été l’un des premiers à risquer, c’est le cas de le dire, sa vie pour la cause de la démocratie en Côte d’Ivoire. Rares, en ce moment-là, étaient les soldats, bénéficiant d’une fonction auprès de Gbagbo qui aurait agi comme Alla l’a fait. Pour cela, votre quotidien lui décerne la Palme d’Or de cette révolution ivoirienne qui, après avoir pris les allures civiles, s’est terminée par la victoire militaire des Forces Républicaines sur les miliciens et autres mercenaires.
2- Les femmes d’Abobo : martyres du « jeudi noir »
« Horreur! », « Ils ont osé tirer sur des femmes », « Des gens sans cœurs, sans raisons », « Ce pouvoir devient fou ». La presse nationale et internationale n’a pas trouvé de mots suffisamment forts pour traduire son émotion et sa révolte au lendemain du mitraillage des femmes d’Abobo le 3 mars 2011. Plusieurs centaines de femmes s’étaient donné rendez-vous à Abobo en vue d’une marche pacifique pour réclamer le respect du verdict des urnes. Les hommes du Général Dogbo Blé Bruno en patrouille à bord de véhicules militaires dans le secteur, ont ouvert le feu. Le bilan fut très lourd. Sept femmes ont été tuées sur le coup. Cet acte ignoble a suscité indignation et colère. Les Etats-Unis dénonçaient, "La faillite morale de Laurent Gbagbo ». Cette expression du porte-parole du département d’Etat, Philip Crowley a résumé l’ensemble des réactions de la communauté internationale et des conclusions auxquelles elle parvenait. Pour tout dire, Gbagbo venait de franchir le Rubicon. La ligne rouge de l’ignominie. Toutefois, il fallait y lire, plutôt les derniers soubresauts d’un régime finissant. Le régime Gbagbo qui a poussé le cynisme jusqu’à parler de « complot du bissap » et de « mise en scène », venait, définitivement, de dévoiler à la face du monde, son vrai visage. Le jeudi noir à Abobo, incontestablement, est l’une des pages noires de l’histoire récente de notre pays. Ces femmes (Nachiami Bamba, Gnon Rokia Ouattara, Malô Sylla, Moyamou Koné, Fatoumata Coulibaly, Amy Coulibaly et Adjara Touré) ont été élevées au grade de Chevaliers de l’ordre national ivoirien à titre posthume, en présence du Président de la République, Alassane Ouattara, le 2 août dernier. Baptisées les « artisanes de la paix » par la Grande chancelière de l’Ordre national, Henriette Dagri Diabaté, elles sont entrées dans l’histoire pour «démontrer que la démocratie et la paix sont des causes qui méritent qu’on se batte pour elles ».
3- Le Patriote : écrire, même sous les bombes
La victoire a plusieurs pères, a-t-on coutume de dire. Mais l’histoire, elle, saura témoigner. Le Patriote, votre quotidien, sans verser dans l’autocélébration, peut être fier de sa partition dans le combat pour l’avènement de la Côte d’Ivoire nouvelle. Constant dans ses prises de position et inflexible sur sa ligne éditoriale, ce journal a subi les foudres de la dictature de Gbagbo. Son siège et son personnel étaient sous menace constante. Pressions militaires, menaces, convocations policières, suspensions, déchirages d’exemplaires … Toutes sortes de manœuvres d’intimidation y passaient. Fallait-il pour autant abandonner le Président élu et son gouvernement, reclus au Golf Hôtel, sous un blocus ? Non ! Le journal a dû s’éloigner de ses installations juste avant le premier tour de l’élection présidentielle. Un programme de travail allégé a permis à une équipe souple de travailler au domicile d’un des patrons, bravant toute sorte de menaces dont le couvre-feu sous lequel, l’équipe technique devrait sortir pour mettre le journal sous presse. Les barrages policiers et militaires étaient franchis, la peur au ventre. Les soldats de Gbagbo n’hésitaient pas à pointer le bout de leurs kalachnikovs sur les chauffeurs, techniciens et journalistes. Le lundi 21 février, nous avons vécu à deux pas du siège de fortune, l’impensable. Un véhicule blindé de la gendarmerie de Koumassi venait de lancer un lance-roquette de type RPG7 sur une foule de manifestant du RHDP, répondant au mot d’ordre du Premier ministre pour la révolution Orange, faisant trois morts. L’horreur était à son comble. Mais, cela n’a pas empêché le Patriote de poursuivre le combat. Jusqu’à l’entrée à Abidjan des Forces Républicaines, empêchant la distribution de tous les titres de la presse, le journal a poursuivi son travail et sa mission d’informer et d’analyser et de commenter l’actualité. Le 12 avril, quelques heures après la chute de la tyrannie bleue, le Patriote a été le seul journal de la presse national à être sur le marché. Dribblant les balles et les affrontements encore violents dans les rues, la rédaction a pu mettre sur le marché un titre (« Quel gâchis ! ») de 12 pages de comptes-rendus, d’analyses et de photos sur l’arrestation de Laurent Gbagbo. Le Patriote pouvait alors regagner son siège social sis en Zone 4. Soit, six mois après avoir délocalisé ses activités et gelé certains services comme le commercial. Ce journal qui s’est fait le serment de ne jamais reculer devant l’arbitraire et de ne jamais fuir ses responsabilités pour le contrat qui le lie à ses lecteurs, devait tenir. Et nous croyons, il a tenu. L’histoire jugera.
4-Télé Côte d’Ivoire : Pour brouiller l’intoxication
Abusant de sa position à la tête de l’Etat, Laurent Gbagbo et ses hommes contrôlaient les ondes. Ils avaient réussi, bon an mal an, à inonder l’espace audiovisuel de leurs vérités et mensonges jusqu’à ce 22 janvier 2011, jour où furent lancés les programmes de Télé Côte d’Ivoire (TCI), « la Chaîne de la paix ». Le ministre de la Communication par intérim d’alors, Hamed Bakayoko, y était apparu en compagnie de Brou Aka Pascal, présentateur vedette de la télévision nationale, fraichement sorti du débat (le face-à-face) de l’élection présidentielle qu’il avait animé avec brio. C’était le top départ d’un espace médiatique ouvert. TCI, même si elle n’était pas une chaîne professionnelle au sens du Code de déontologie, a réussi à exploser l’audimat. L’indicateur pour mesurer cette affirmation, est que pendant deux semaines, le marché de vente des décodeurs permettant de déchiffrer les émissions de cette chaîne par le satellite, a connu un véritable boom. Du jamais vu. TCI a joué sa partition, principalement par des animateurs dont le plus célèbre, connu sous le nom d’emprunt, Soro Jean, de la radio de la paix. Dans son émission, très prisée, « Couvre-feu », cet animateur, resté énigmatique pour beaucoup d’Ivoiriens et Ivoiriennes, avait réussi à captiver les attentions en dénonçant en direct, les dérives du régime Gbagbo. Mais surtout une émission interactive qui aura permis aux auditeurs de se prononcer et d’entendre un son de cloche nouveau que celui, enivrant, que distillaient les médias de la haine. Il est aussi à saluer, la partition des autres animateurs dont Colette Pellaud Lakpé qui est apparue à plusieurs reprises pour parler en langue vernaculaire à ses parents Bété, intoxiqués par leur fils Laurent Gbagbo. Si la région du Centre-Ouest a pacifiquement vécu la période ayant suivi l’arrestation de Gbagbo, cela est, sans doute dû, en partie, aux apparitions et explications de la fille du terroir.
« TCI, c’est d’abord la télévision de la paix. C’est une télé pour équilibrer l'information. Dire la vérité aux Ivoiriens. La télévision de la honte, vous la voyez tous les jours. Ils mentent, ils mentent. Ils divisent la Côte d'Ivoire. Il ne faut pas accepter cela », avait dit Hamed Bakayoko au lancement de la chaîne. Les fruits, pour paraphraser le poète François de Malherbe, ont passé la promesse des fleurs.
5- Le commando invisible : Bouclier contre les exactions sur les civils.
L’histoire ne verra certainement jamais son visage. Les faits présents nous ont, par contre, montré son impact et sa célébrité. Plusieurs camps, souvent antagonistes se sont réclamés de lui : le commando invisible. Sans entrer dans cette guerre de paternité qui a fini par emporter certains soldats de notre armée, il faut saluer la partition de cette force militaro-civile qui a résisté aux assauts des chars de Laurent Gbagbo. Abobo, commune martyre, a vécu l’enfer pendant des semaines avant que n’apparaisse ce groupe d’hommes et de femmes rompus à la stratégie militaire et à la guérilla urbaine pour mettre fin au supplice. L’on retiendra surtout, le nom d’un certain « Fongnon » (le vent, en Malinké) surnom donné par la presse au chef présumé de ce « Commando invisible » qui frappait nuitamment et qui a fini par se dévoiler lors des affrontements violents dans la commune.
Abobo et son commando invisible ont permis à la Côte d’Ivoire de comprendre que des populations s’étaient dressées contre les chars de Laurent Gbagbo et que plus jamais, elles ne se laisseraient écraser comme des cafards. La résistance fut farouche. En fin de compte, le combat a été payant. Puisque les chars de la mort qui ont mitraillé les femmes, déversé des obus dans un marché, faisant plus d’une quarantaine de morts, ont été, pour la plupart, neutralisés et incendiés. Abobo a fait corps avec ses libérateurs pour affronter la dictature.
Toutefois, la palme de la lutte, la vraie, celle qui est loin du symbole, revient à tous les Ivoiriens, célèbres et anonymes, chrétiens ou musulmans, du Nord comme du Sud, de l’Est, du Centre ou de l’Ouest qui se sont dressés contre l’imposture d’un homme grisé par les délices du pouvoir. Toutes et toutes ont refusé, comme l’a dit Guillaume Soro, d’accepter « que l’on assassine la démocratie en Côte d’Ivoire ». « L’enjeu, d’ailleurs, nous dépasse. Si nous nous soumettons à l’arbitraire, c’est toute l’Afrique qui risque d’en revenir aux présidences à vie_», expliquait-il.
Charles Sanga