Un crime n’est jamais parfait. Et ce n’est pas au cinéma seulement que cet adage est vrai. Il se vérifie dans le monde réel. Quand, en plus, l’on sait que tout se paie ici-bas, tous ceux qui commettent des crimes devraient y regarder par deux fois avant de passer aux actes. C’est en avril 2004 que le journaliste franco-canadien a été enlevé à Abidjan, dans un parking d’un supermarché. Depuis, la refondation qui était aux affaires, n’a fait aucun effort pour le retrouver mort ou vivant. Le couple présidentiel avait même trouvé là matière à plaisanter. Quand Laurent Gbagbo invitait les Ivoiriens à l’aider à trouver le journaliste disparu, son épouse Simone suggérait qu’il pouvait être parti se cacher au Ghana. Des propos qui démontraient que le couple présidentiel d’alors, riait de la douleur des parents de la victime. Mais, comme la roue de l’histoire tourne et qu’un crime laisse toujours des traces, voilà qu’un squelette retrouvé dans l’ouest du pays, notamment dans la sous-préfecture de Saïoua, dans le département d’Issia, pourrait être celui de Guy André Kieffer. Partout ailleurs, dans les sociétés où l’on respecte la vie humaine, pour faire taire un journaliste (encore que…), on l’expulse du pays si l’on ne réussit pas à le faire taire par des menaces. Ici, semble-t-il, les princes régnant ont choisi la solution extrême. Tuer pour ne pas être dénoncé, pour ne pas voir étalés en public, les faits et méfaits dont on s’est rendu coupable au détriment de l’Etat, du pays, est encore plus ignoble que tout. Si les actes posés étaient si honteux ou dangereux pour soi, pourquoi ne pas éviter de les commettre ? Au lieu de parier sur le fait que personne ne le saura, pourquoi ne pas penser au « qu’en dira-t-on » avant d’agir ? Malheureusement, les refondateurs ont vécu leur règne, en tuant en eux, cette petite voix de sagesse qui, de l’intérieur, permet à tout un chacun, de ne pas quitter le chemin de la droiture. Ils franchissaient toutes les limites. Ils se permettaient tout. Ils n’avaient crainte, ni du gendarme, ni du juge, et leur conscience s’était endormie. Ils avaient le pouvoir, ils l’utilisaient à tort. Ils s’étaient octroyé un droit de vie ou de mort sur leurs concitoyens. Seulement, ils avaient oublié une chose : tout ce qui commence, finit un jour. Un pouvoir n’est jamais éternel. A l’échelle de l’humanité, sa durée ne représente rien du tout. C’est pourquoi, il est conseillé de vivre ou de gouverner en faisant des efforts pour nuire le moins à son prochain. En faisant disparaître Guy -André Kieffer, les commanditaires de ce forfait ne se sont octroyé qu’un moment de répit. Jamais, ils n’auront la paix totale et définitive. La preuve : avec l’exhumation de ce squelette, leur crime remonte à la surface. Pour eux, recommence alors, le cycle infernal des jugements et de la tourmente. A quoi aura donc servi cette énième tuerie du règne des refondateurs ? A rien, bien sûr ! Malheureusement pour la Côte d’Ivoire, pendant les dix dernières années, ceux qui la gouvernaient, ont fait beaucoup de choses qui ne courraient pas à son développement. Ils ont pensé que se gaver c’était rassasié le peuple, s’amuser, c’était rendre le peuple heureux, tuer pour se protéger, c’était débarrasser le pays de la pègre, se remplir les poches, c’était garnir les caisses de l’Etat. Tout ce qui était bon pour eux, affirmaient-ils, était indispensable à la nation. Heureusement, leur règne a pris fin. Le squelette retrouvé à Issia est bien la preuve que les temps sont en train de changer. Une fois l’affaire Kieffer élucidée, le reste suivra. Le pays saura qui a tué le Général Guéi et exterminé une bonne partie de sa famille et certains de ses collaborateurs. L’histoire nous apprendra également pourquoi Téhé Emile, Camara « H », Benoît Dacoury-Tabley ainsi que le Colonel Dosso Adama et le Capitaine Dosso Aboubakary ont été exécutés et par qui ? Quand les âmes de tous ces morts auront connu le repos, parce que leurs assassins retrouvés, le processus de réconciliation fera un bond de géant. Parce que, beaucoup de cœurs seront apaisés. Le candidat Alassane Ouattara avait promis, pendant le face-à-face de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, qu’il ferait faire la lumière sur tous ces crimes. Maintenant, l’on constate que ce n’était pas une promesse de campagne. Il l’avait dit et comme toujours, il le fait. Sale temps donc pour tous ceux qui ont des cadavres dans les placards. L’heure de la vérité a sonné
PAR Raphaël Lakpé
PAR Raphaël Lakpé