x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Editorial Publié le mercredi 6 juin 2012 | Débats Courrier d’Afrique

La crise malienne : islamisation ou sécession ?

La crise malienne, précisément la rébellion touarègue qui a provoqué la chute inattendue du président Amadou Toumani Touré, soulève un certain nombre d’interrogations et d’inquiétudes quant à l’avenir de l’Afrique. Du Soudan au Mali en passant par la République Démocratique du Congo et le Maroc, on assiste à des revendications plus ou moins sécessionnistes. Est-ce une remise en cause des frontières nationales actuelles héritées de la colonisation ? Devrait-on y voir l’aspiration de certains peuples ou des communautés à l’auto-détermination ?
D’aucuns n’hésitent plus à parler d’une nouvelle balkanisation de l’Afrique. Lorsqu’on évoque les conflits sociopolitiques de la RDC, la division du pays est souvent évoquée comme l’une des solutions à la crise que connaît ce pays depuis une dizaine d’années. Si en RDC, la balkanisation demeure un vœu pieux, si au Maroc, les revendications des indépendantistes sahraoui ne sont pas encore satisfaites, au Mali, la division est, dans une certaine mesure, effective. La faillite de l’État avec pour conséquence le putsch et la chute du régime libyen qui a entraîné la libre circulation d’armes et de mercenaires, ont plongé le Mali dans une crise sociopolitique sans précédent. Toute la région du nord, la partie la plus riche du pays avec la découverte de minerais et de gaz, est devenue un couloir propice au trafic d’armes et de drogue ; elle est occupée et proclamée indépendante par rapport à la partie sud du pays.
En effet, les Touaregs sont à leur cinquième insurrection depuis l’indépendance en 1960, avec toujours les mêmes désirs d’autonomie et de développement. En 1963, au lendemain des indépendances, les Touaregs de l’Adrar des Ifoghas entrent en dissidence contre les nouvelles autorités maliennes. Après plusieurs affrontements, l’armée nationale réussit à pacifier la région1. La dernière insurrection qui a commencé le 17 janvier 2012 semblait lutter pour la même cause. Le leader du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) a décrété unilatéralement la création de l’État de l’Azawad le 6 avril 2012, et appelé la communauté internationale à reconnaître immédiatement, « dans un esprit de justice et de paix », l’indépendance de l’État de l’Azawad. Cette aspiration à l’indépendance est l’aboutissement d’une longue lutte pour l’auto-détermination et la reconnaissance de la « nation » touarègue. Dans cette perspective, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) reste un interlocuteur de référence. Des voies de négociation sont, de toute évidence, envisageables pour trouver une solution à ses revendications, qui sont très larges et nombreuses.
En outre, l’on s’aperçoit que des mouvements et des revendications se multiplient sur le terrain. Le MNLA qui bénéficie de l’aide des Touaregs venus de Tripoli après la chute de Kadhafi, n’est plus le seul interlocuteur et semble être marginalisé par la présence des islamistes qui ne cherchent qu’à imposer de gré ou de force la charia. Il y a de quoi réfléchir sur le principe de liberté de religion en Afrique de l’Ouest. En fait, la présence remarquable et inquiétante d’Ansar Dine et d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) montre que la crise malienne est profonde et comporte de multiples facettes. Le MNLA qui, dit-on, n’a aucune ambition religieuse, devra faire face au groupe islamique. Considéré comme une source de la présence terroriste dans le nouvel État, ce groupe constitue, pour le MNLA, une fâcheuse épine au pied. Le MNLA n’est donc pas à l’abri de conflits internes qui, s’ils ne sont pas bien gérés et à temps, entraîneraient un carnage dont les premières victimes seraient les populations civiles.
En plus, tandis que le monde entier refuse de reconnaître l’État de l’Azawad et que les pays de la sous-région cherchent l’unité territoriale du Mali, Mahmoud Ag Aghaly, président du Bureau Politique du MNLA affirme que seules les modalités d’organisation du référendum d’auto-détermination sont à négocier. On constate également qu’au Nord, certaines communautés (les Bérabish – communauté arabe) réaffirment leur appartenance à la République du Mali. C’est dire que toutes les communautés du Nord ne se sentent pas concernées par la sécession. Il y a donc un ver dans le fruit. Dans cette perspective, les Touaregs gagneraient à négocier les modalités de leur auto-détermination et à renoncer à leur désir de création d’un nouvel État dans une Afrique déjà balkanisée. Le durcissement de leur position pourrait entraîner un conflit sanglant, ce qu’on ne souhaite pas pour les Maliens qui souffrent déjà des conséquences économiques de la crise.
En fin de compte, tout porte à croire que la solution à la crise malienne sera politique. L’autonomie ou le fédéralisme certes, mais pas la sécession ou la création d’un nouvel État indépendant. A l’heure du regroupement des forces pour le développement durable, il est difficile de co,mprendre la proclamation d’un nouvel État en Afrique.

Hyacinthe Loua, sj
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Titrologie

Toutes les vidéos Titrologie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ