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Société Publié le samedi 7 juillet 2012 | Boigny Express

Hôpital psychiatrique de Bingerville : Les fous maltraités et négligés

Négligence, mauvais traitement des malades, racket, bâtiments en ruine, l’hôpital psychiatrique de Bingerville est devenu un véritable calvaire pour ses pensionnaires et leurs parents.

Créé en 1962 pour accueillir les malades mentaux, l’hôpital psychiatrique de Bingerville est actuellement dans un piteux état. Bâtiments en ruine, toilettes crasseuses et nauséabondes, la cour de cette structure sanitaire est assaillie par les herbes et sert de lieu de labeur où l’on cultive le maïs. Aux alentours et à l’intérieur de l’hôpital, petits commerçants et parents de malades déambulent. Les derniers, l’air attristé, scrutent l’horizon dans l’attente d’un jour meilleur. Ici, avoir un malade, est un véritable casse-tête chinois, surtout quand l’argent fait défaut. Une vieille dame, T.Z. dont le fils âgé de 26 ans souffre de troubles mentaux ne cache pas sa colère, ahurie par les conditions de vie en ce lieu.

« C’est une véritable mafia ici. Il faut payer 20 000Fcfa à l’entrée alors que les malades ne sont ni soignés ni suivis », grogne-t-elle. Pire, la nourriture servie aux pensionnaires laisse à désirer. « On ne mange pas, et quand c’est le cas, c’est un morceau de pain ou une poignée de riz » lance un ex-journaliste venu accompagner son frère atteint de troubles mentaux. Au départ, les malades mentaux étaient soignés et nourris correctement sans grande contribution des parents. Mais ce temps est révolu. Les parents doivent nécessairement faire face à des frais dès leur arrivée. Venue de Gbéléban accompagner son fils il y a un peu plus d’un mois, D.M, une vieille qui souffre d’hypertension artérielle, dort à même le sol. Et son fils D.L qui souffre d’un début de démence n’a toujours pas été pris en charge. Depuis leur arrivée à Abidjan, il ne lui a été seulement administré qu’une dose de somnifère. « Je n’ai pas d’argent donc mon fils n’est pas soigné. On lui a fait une piqûre qui le fait dormir seulement. On me demande de payer 20 000Fcfa. Où vais-je trouver cet argent». Amère, la vieille dame se recouche, son fils assis face à elle. Un solide gaillard de 28 ans qui jette des coups d’œil furtifs dans tous les sens tout en souriant comme si la complainte des nombreux accompagnateurs des malades l’amusait.

A l’hôpital psychiatrique de Bingerville, on y rencontre des femmes, des hommes, des enfants qui souffrent de déficience psychiques. Alpha Blondy, Ayano, Rougeot, des artistes chanteurs bien connus y ont été internés pour des cas de folie liée à la consommation de la drogue. Et selon nos informations, les ¾ des jeunes internés dans cet hôpital le sont du fait de la consommation de la drogue.

A côté de ces malades affectés par la drogue, il y a d’autres catégories de fous. A l’hôpital psychiatrique de Bingerville, il y a aussi des malades issus de milieu aisé. Ces « boss » sont gardés dans la clinique à l’entrée de l’établissement. Contre payement de 8000 Fcfa par jour. Ils bénéficient d’une télé et de la climatisation et sont aux petits soins des médecins. Malgré le manque de soins appropriés dans cet hôpital et qui est dénoncé par les nombreux parents, des malades mentaux recouvrent heureusement la guérison. C’est le cas de Marie, une jeune dame qui y était internée pendant un mois en 2000. Dix ans après, en mars 2011, elle a rechuté pour faute de suivi. Totalement guérie aujourd’hui, elle fait du commerce tout en respectant ses rendez-vous de consultations. Idem pour le jeune Tadet, âgé de 18 ans déglingué par la drogue. Certes il est guéri et il doit rejoindre son domicile. Mais les parents n’ayant pas payé les 20 000Fcfa exigés par la direction de l’hôpital, il demeure maintenu à l’hôpital.

Dans cet univers de fous, les problèmes sont nombreux. Les travailleurs de cette structure sanitaire, peu soucieux de leurs hôtes, sont divisés en clans politiques. Il y a les pro-Lmp et les pro-Rhdp. Dans l’exercice de leur fonction, la politique les oppose au point que chacun en fait à sa tête. Cet esprit qui y règne fait de l’hôpital psychiatrique de Bingerville une sorte de moulin où l’on rentre et en ressort comme bon lui semble. Cette situation entraîne que certains parents sont habités par la peur de voir leurs malades subir les conséquences de cette bataille politique inutile.

Par ailleurs, la porosité des entrées inquiète plus d’un parent de malade. « On vend même de la drogue aux malades », affirme la mère d’un malade sans frémir. Une accusation que rejettent les responsables de l’établissement sans véritablement convaincre. Face aux nombreuses difficultés des parents et malades dans cet asile de fous qui ploie sous le coup de la misère et de la désolation, les services sociaux et l’Ong Caritas, font de leur mieux pour leur permettre de connaître une bouffée d’oxygène. Face à la dégradation des lieux et aux conditions de vie exécrables dans cet hôpital, les autorités sont interpellées. Il y a le feu en la demeure. L’hôpital psychiatrique de Bingerville au même titre que les autres centres de santé méritent beaucoup plus d’attention. Voulant en savoir un peu plus sur les réalités de l’hôpital auprès des responsables, ceux-ci ont décliné l’appel pour des raisons d’ordre administratives, notamment l’autorisation préalable de la tutelle.

Frédéric Konaté O.
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