«Si vous êtes pauvre monsieur, si vous n’avez pas d’argent comme vous me le dites, je ne vous conseille pas d’engager quelque action judiciaire que ce soit contre votre adversaire.
En tout cas pas devant la justice ivoirienne». Ce sage conseil a été donné par un avocat à un homme soulagé de son terrain dans des conditions traumatisantes et vidé des lieux par un Libanais. Avec l’aimable et désintéressée contribution des agents du ministère de la Construction. Cet homme s’était mis dans la tête l’affreuse idée de poursuivre et le ministère et l’opérateur économique, devant la justice. Pour espérer un rétablissement dans ses droits.
Comme si dans ce pays, les pauvres avaient quelque droit devant la justice. Son incroyable idée dans la tête, il est allé se lamenter dans un cabinet d’avocat en expliquant par le menu, sa mésaventure. Après l’avoir religieusement écouté, l’avocat, sans lui garantir un quelconque succès, (puisque l’avocat n’a qu’une obligation de moyens, bien sûr), lui a donné une idée de l’ampleur des honoraires qu’il devait payer pour voir son affaire « plaidée efficacement devant le tribunal » et surtout, « hors du tribunal ». Le montant, évidemment, était hors de portée de notre chercheur de justice. Calmement, l’avocat lui a expliqué la situation : «Monsieur, ne faites pas comme si vous ne savez pas dans quel genre de pays nous vivons. Les honoraires que je vous ai demandés de payer ne vont pas entièrement dans les caisses de mon cabinet. Je vais défendre votre dossier sur le plan du droit pur, mais je vais le défendre également sur le plan de la pratique du droit dans notre pays. Ça fait deux choses absolument différentes. L’application du droit, tout le monde s’en fiche dans nos tribunaux. C’est la pratique du droit selon la consistance des avoirs financiers des parties en conflit qui compte. Quand on fixe le montant des honoraires, c’est y compris toutes ces réalités, mais on ne peut pas toujours vous expliquer cela. Monsieur, les juges, dans ce pays, sont des dieux au-dessus de nos lois. Ils font ce qu’ils veulent, ils ruinent qui ils veulent, ils emprisonnent qui ils veulent, même en l’absence de la moindre preuve matérielle.
Ils téléphonent à nos clients pour leur dire de ne pas gaspiller leur argent avec les avocats que nous sommes et que c’est eux qui décident. Donc il vaut mieux passer les voir directement. Ils mettent notre métier en danger, ils nous réduisent à la mendicité, ils nous poussent à bafouer notre serment, à courir après l’argent parce qu’ils nous mènent une concurrence déloyale ; ils sont jaloux des avocats qui ont du succès et se liguent contre eux.
Monsieur, il n’y a plus de justice dans ce pays. Vous voulez engager une action contre un opérateur économique libanais et contre le ministère de la Construction ? C’est une action au civile. Elle peut durer plusieurs années et à chaque étape il faudra payer parce que votre adversaire n’hésitera pas à arroser tout le palais de justice s’il le faut. Il est déjà en train d’investir des millions sur le terrain comme vous me le dites ? Il ne lésinera donc pas sur les moyens pour s’y maintenir et vous tenir très loin de ce terrain. On peut gagner en première Instance, mais il se trouvera toujours quelqu’un à la Cour d’appel pour faire traîner les choses et finir par remettre tout en cause. Sans aucun fondement juridique valable. Et ce n’est même pas la peine de compter sur la Cour suprême, vous y serez dégoûté. Même si par extraordinaire nous gagnons au bout de toute la chaîne, il se trouvera toujours quelqu’un dans un ministère pour empêcher l’application de la décision sur le terrain en faisant débarquer des policiers sortis d’on ne sait où pour s’opposer à d’autres policiers commis par le procureur. Et il ne se passera plus rien. La décision ne sera jamais exécutée. Vous avez entendu parler de l’affaire Hydrochem ?
Cette affaire est le symbole de la ruine de notre justice, une justice qui assassine les opérateurs économiques ivoiriens qui ont le malheur de lui faire confiance. Une justice dont les rares décisions éclairées sont impunément piétinées par des ministres. Monsieur, si vous n’avez pas d’argent, je vous conseille de laisser tomber. Vous m’avez dit que vous êtes à la retraite ? Utilisez vos économies et votre pension pour manger à votre faim et vous soigner si vous êtes malade et vous occuper de votre famille. Si vous n’avez pas d’argent, je ne vous conseille même pas d’engager une quelconque action judiciaire contre votre adversaire. Laissez tomber, rentrez chez vous et oubliez cette histoire. C’est triste, c’est affreux, mais c’est comme ça». Evidemment, devant les propos de cet avocat honnête que « L’Eléphant » a rencontré, notre chercheur de justice est ressorti du cabinet, vaincu et écœuré. Des amis à qui il avait parlé de son projet d’engager des poursuites contre son adversaire lui avaient vivement déconseillé une telle «folie». Il avait pensé qu’ils exagéraient.
Mais là… Les partisans de Laurent Gbagbo qui crient quotidiennement à «la justice des vainqueurs» devant la pluie de mandats d’arrêt qui s’abat sur eux, ont tort. Cette justice n’a rien d’une justice des vainqueurs. C’est la justice des « vaincus ». Celle qui effraie les pauvres et devant laquelle ils sont toujours vaincus, même quand elle leur donne raison, par charité. Allez, messieurs les pauvres, circulez ! Y a rien à voir au palais d’injustice !
A.T.
En tout cas pas devant la justice ivoirienne». Ce sage conseil a été donné par un avocat à un homme soulagé de son terrain dans des conditions traumatisantes et vidé des lieux par un Libanais. Avec l’aimable et désintéressée contribution des agents du ministère de la Construction. Cet homme s’était mis dans la tête l’affreuse idée de poursuivre et le ministère et l’opérateur économique, devant la justice. Pour espérer un rétablissement dans ses droits.
Comme si dans ce pays, les pauvres avaient quelque droit devant la justice. Son incroyable idée dans la tête, il est allé se lamenter dans un cabinet d’avocat en expliquant par le menu, sa mésaventure. Après l’avoir religieusement écouté, l’avocat, sans lui garantir un quelconque succès, (puisque l’avocat n’a qu’une obligation de moyens, bien sûr), lui a donné une idée de l’ampleur des honoraires qu’il devait payer pour voir son affaire « plaidée efficacement devant le tribunal » et surtout, « hors du tribunal ». Le montant, évidemment, était hors de portée de notre chercheur de justice. Calmement, l’avocat lui a expliqué la situation : «Monsieur, ne faites pas comme si vous ne savez pas dans quel genre de pays nous vivons. Les honoraires que je vous ai demandés de payer ne vont pas entièrement dans les caisses de mon cabinet. Je vais défendre votre dossier sur le plan du droit pur, mais je vais le défendre également sur le plan de la pratique du droit dans notre pays. Ça fait deux choses absolument différentes. L’application du droit, tout le monde s’en fiche dans nos tribunaux. C’est la pratique du droit selon la consistance des avoirs financiers des parties en conflit qui compte. Quand on fixe le montant des honoraires, c’est y compris toutes ces réalités, mais on ne peut pas toujours vous expliquer cela. Monsieur, les juges, dans ce pays, sont des dieux au-dessus de nos lois. Ils font ce qu’ils veulent, ils ruinent qui ils veulent, ils emprisonnent qui ils veulent, même en l’absence de la moindre preuve matérielle.
Ils téléphonent à nos clients pour leur dire de ne pas gaspiller leur argent avec les avocats que nous sommes et que c’est eux qui décident. Donc il vaut mieux passer les voir directement. Ils mettent notre métier en danger, ils nous réduisent à la mendicité, ils nous poussent à bafouer notre serment, à courir après l’argent parce qu’ils nous mènent une concurrence déloyale ; ils sont jaloux des avocats qui ont du succès et se liguent contre eux.
Monsieur, il n’y a plus de justice dans ce pays. Vous voulez engager une action contre un opérateur économique libanais et contre le ministère de la Construction ? C’est une action au civile. Elle peut durer plusieurs années et à chaque étape il faudra payer parce que votre adversaire n’hésitera pas à arroser tout le palais de justice s’il le faut. Il est déjà en train d’investir des millions sur le terrain comme vous me le dites ? Il ne lésinera donc pas sur les moyens pour s’y maintenir et vous tenir très loin de ce terrain. On peut gagner en première Instance, mais il se trouvera toujours quelqu’un à la Cour d’appel pour faire traîner les choses et finir par remettre tout en cause. Sans aucun fondement juridique valable. Et ce n’est même pas la peine de compter sur la Cour suprême, vous y serez dégoûté. Même si par extraordinaire nous gagnons au bout de toute la chaîne, il se trouvera toujours quelqu’un dans un ministère pour empêcher l’application de la décision sur le terrain en faisant débarquer des policiers sortis d’on ne sait où pour s’opposer à d’autres policiers commis par le procureur. Et il ne se passera plus rien. La décision ne sera jamais exécutée. Vous avez entendu parler de l’affaire Hydrochem ?
Cette affaire est le symbole de la ruine de notre justice, une justice qui assassine les opérateurs économiques ivoiriens qui ont le malheur de lui faire confiance. Une justice dont les rares décisions éclairées sont impunément piétinées par des ministres. Monsieur, si vous n’avez pas d’argent, je vous conseille de laisser tomber. Vous m’avez dit que vous êtes à la retraite ? Utilisez vos économies et votre pension pour manger à votre faim et vous soigner si vous êtes malade et vous occuper de votre famille. Si vous n’avez pas d’argent, je ne vous conseille même pas d’engager une quelconque action judiciaire contre votre adversaire. Laissez tomber, rentrez chez vous et oubliez cette histoire. C’est triste, c’est affreux, mais c’est comme ça». Evidemment, devant les propos de cet avocat honnête que « L’Eléphant » a rencontré, notre chercheur de justice est ressorti du cabinet, vaincu et écœuré. Des amis à qui il avait parlé de son projet d’engager des poursuites contre son adversaire lui avaient vivement déconseillé une telle «folie». Il avait pensé qu’ils exagéraient.
Mais là… Les partisans de Laurent Gbagbo qui crient quotidiennement à «la justice des vainqueurs» devant la pluie de mandats d’arrêt qui s’abat sur eux, ont tort. Cette justice n’a rien d’une justice des vainqueurs. C’est la justice des « vaincus ». Celle qui effraie les pauvres et devant laquelle ils sont toujours vaincus, même quand elle leur donne raison, par charité. Allez, messieurs les pauvres, circulez ! Y a rien à voir au palais d’injustice !
A.T.