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Politique Publié le samedi 15 septembre 2012 | Le Patriote

Interview Blé Guirao (SGA Chargé de l’organisation et de la mobilisation de l’UDPCI) : “La mort de Gueï a été planifiée par le FPI”

Dix ans après la mort du général Robert Gueï, le tribunal militaire a enfin décidé d’ouvrir une enquête pour faire la lumière sur cette affaire. Tout en se réjouissant de ce signal fort, qui a été possible grâce à la volonté du Président Ouattara d’instaurer un Etat de droit, Blé Guirao, secrétaire général adjoint chargé de l’organisation et de la mobilisation de l’UDPCI, plaide pour que son défunt président soit rétabli dans ses droits.

Le Patriote : M. le secrétaire général adjoint, on pourrait dire ‘’enfin !’’, puisque le parquet
militaire vient de décider d’ouvrir une enquête sur la mort du général Robert Gueï. Votre réaction après l’annonce de cette nouvelle ?

Blé Guirao : c’est une joie immense pour nous de savoir que, de manière officielle, le tribunal militaire se soit saisi du dossier de l’assassinat du Général Robert Gueï. C’est un véritable motif d’espoir de voir levé enfin le voile sur l’identité des commentaires, des auteurs de ce terrible assassinat. Mais vous savez, je ne suis pas très euphorique, seul l’aboutissement de cette enquête compte pour moi. Je n’ai pas oublié que par deux fois déjà, on nous avait promis de faire la lumière sur cet assassinat. En vain. Bon ! Je peux comprendre que celui qui faisait ces promesses – et qui les a répétées lors de l’enterrement du Général à Kabacouma – s’appelait Laurent Gbagbo. Tout le monde sait ce que vaut la parole de l’ancien chef de l’Etat. Je prie Dieu que l’enquête ouverte par le procureur militaire aboutisse cette fois-ci. Parce que, avant lui, il y a eu l’ONU qui est venu faire une enquête, à la suite des évènements de 2002. Une enquête qui devait prendre en compte l’assassinat de Robert Gueï. Jusque-là, cela est resté lettre morte.
Ce qui me comble cependant de joie aujourd’hui, c’est que le Président Ouattara veut respecter sa parole. Vous vous rappelez que pendant sa campagne, il avait promis que s’il était élu, il ferait tout pour que la lumière soit faite sur cette affaire. Mieux, il a promis réhabiliter le défunt.

LP : Pensez-vous que les choses sont en bonne voie ?

BG : je pense qu’aujourd’hui, avec l’ouverture de l’enquête par le tribunal militaire, les choses sont en bonne voie. Je peux dire que le Président est en train de respecter sa parole. Ce qui a manqué dans notre pays, c’est que la parole et les actes étaient trop distants.

LP : D’aucuns pourrait parler d’une incursion de l’Exécutif dans le Judiciaire ?

BG : Ils auraient totalement tort ! Le chef de l’Etat ne fait qu’autoriser l’ouverture des enquêtes. Le reste du travail appartient à la Justice. Le problème avec l’ancien chef de l’Etat, c’est qu’il autorisait l’enquête le jour et la bloquait la nuit. L’ouverture de l’enquête aujourd’hui se fait sous un homme qui a montré jusque-là qu’il a une seule parole. Nous sommes donc heureux, parce que nous savons qu’il ne l’entravera pas. Car il faut que nous sachions enfin qui a assassiné Robert Guéi. Vous vous rappelez certainement ce 19 septembre 2002, de très triste mémoire pour nous, où des déclarations tapageuses ont été faites. D’abord par l’ancien Premier ministre, Affi N’Guessan, suivi par la suite par celles de Lida Kouassi Moïse, ministre de la Défense et de la Protection Civile, Alain Toussaint, Conseiller de Gbagbo, qui disaient de manière récurrente sur les antennes des chaines étrangères que Gueï était à la base du coup d’Etat qui se préparait et que c’est en se rendant à la télévision pour proclamer la chute du régime Gbagbo qu’il a été fauché. Ces gens-là, vous conviendrez avec moi, sont de véritables sachants. Mais il y a aussi d’autres personnes, qu’on ne pourrait même pas qualifier de sachants, mais des exécutants. Ce sont le commandant Seka Seka, le capitaine Sery, le commandant Abehi, et j’en passe.

LP : Ce sont des accusations graves que vous portez contre ces militaires. D’où vous viennent ces certitudes ?

BG : Rappelez-vous qu’en son temps, avec plusieurs membres du bureau national de la JUDPCI, nous avions été reçus à la cathédrale d’Abidjan par Monseigneur Agré. En ce moment-là, la jeunesse de notre parti voulait avoir le c?ur net sur l’implication ou non du président Robert Gueï dans cette affaire de rébellion. Nous avions été reçus par Monsieur Agré, qui était entouré de plusieurs de ses collaborateurs. Ce jour-là, il nous a dit que Gueï avait été pris au sein de la cathédrale.

LP : L’a-t-il vraiment confirmé en ces termes ?
BG : Il a confirmé que Gueï avait été pris dans la cathédrale.

LP : Vous a-t-il donné des noms de ceux qui sont venus le prendre ?
BG : Tout le monde connait l’identité de ceux qui y étaient.

LP : Pas nous. Voudriez-vous nous la faire connaître ?

BG : Personne n’ignore qu’Il y a eu un détachement de la gendarmerie, conduite par Séka Séka, qui était venu en premier sur les lieux. Cette équipe est retournée parce qu’elle n’avait pas trouvé les traces de Gueï sur les lieux. Mais elles sont revenues par la suite après un appel confirmant la présence du Général au sein de la cathédrale. C’est au deuxième tour qu’ils ont pris le Général. Monseigneur Agré nous a même montré la pièce dans laquelle le Général avait été pris, il nous a aussi montré le carton dans lequel il se serait caché. C’est vous dire qu’aujourd’hui, nous avons des indices de ceux qui ont tué Gueï et sa femme. Mais je ne suis pas juge, je ne suis pas procureur, je ne veux pas brouiller les pistes. C’est à la justice de mener ses enquêtes et de dire pourquoi Gueï a été assassiné.

LP : Mgr Agré vous a vraiment dit ça ?

BG : Absolument ! De toute façon, je crois qu’aujourd’hui, le plus important, c’est qu’il faut qu’on sache ce qui s’est passé réellement. Et l’église catholique a un devoir de témoignage. Son silence n’est plus raisonnable à ce stade de l’affaire. Depuis notre rencontre avec Agré, en en janvier 2004, l’église catholique ne s’est plus jamais prononcée sur la situation. Je suis moi-même catholique, ça nous a gênés à un moment donné que notre église, qui est une église de défense de la vérité, se soit tue sur cet assassinat. Et cela est d’autant plus regrettable que c’était visiblement pour protéger l’ancien pouvoir.

LP : Voulez vous dire que toutes ces choses, y compris le blocage de l’enquête, ont été faites à dessein ?

BG : Je pense que cela a été fait à dessein. Parce que les premiers qui sont impliqués dans cette affaire, sont des personnes proches de Gbagbo. Vous Savez bien que Seka Seka Anselme, Abehi et les autres jouaient un rôle important dans le dispositif des escadrons de la mort de Laurent Gbagbo. Vous savez les crimes qu’ils ont commis. Moi, j’ai eu à vivre 11 mois de clandestinité pour leur échapper. D’autres n’ont pas eu la même chance que moi. Je pense à Diomandé Souleymane et Coulibaly Souleymane, qui ont été pris en plein Plateau, à 13 heures, pour être retrouves deux jours plus tard, criblés de balles. Il y a beaucoup d’autres cas de personnes qui ont été assassinées. Il faut que la lumière soit faite sur tous ces assassinats. Il faut qu’on sache pourquoi ces actes.

LP : Revenons au cas du Général Robert Gueï. Pourquoi selon vous son inhumation a été entourée de tant de mystère ?

BG : Je sais qu’il a été enterré à Kabakouman. Ce que je sais aussi, c’est qu’on n’a pas pu ouvrir le cercueil. Je sais aussi que ce complot a été ourdi par Laurent Gbagbo, soutenus par la suite par les propres enfants du Général, dont Rosine et Franck. Vous savez qu’avant d’être membre d’une famille politique comme l’UDPCI, Robert Gueï avait une famille biologique. L’UDPCI en ce qui la concerne est restée constante dans sa position : celle qui voulait que la lumière soit absolument faite dans cette affaire. Au moment où on menait cette lutte, certains de ses enfants étaient avec Gbagbo. Ce sont eux qui nous ont empêchés d’ouvrir le cercueil. Ce sont eux qui ont voulu humilier le président Mabri à Kabakouman au moment de la lecture de l’oraison funèbre.

LP : Vous confirmez que vous n’avez pas vu le corps ?

BG : Nous avons vu un cercueil qui était plombé, couvert d’un drapeau. Il n’a jamais été ouvert comme le veut la coutume, au point où des rumeurs courraient faisant état de ce que le corps de Gueï n’y était pas. Nous retenons que le président Gueï a été enterré à Kabakouman. Ceux qui l’accusaient d’être putschiste lui ont rendu les honneurs militaires. Il reste maintenant qu’on le lave de tout soupçon sur les évènements du 19 septembre. Il faut que ses ayants-droits et son parti politique soient dédommagés.

LP : En pays Yacouba où il est issu, était-il important que le corps soit exposé ?

BG : A l’ouest, vous savez, les cérémonies d’au revoir sont des cérémonies très importantes. C’est la raison pour laquelle, les funérailles ont un caractère spécial chez nous. L’homme de l’ouest va jusqu’à conserver un corps pendant des mois à la morgue. Chez nous, quand un être humain important doit quitter la terre des hommes, c’est tout un cérémonial. Lors du départ, on expose le corps à moitié ou entièrement pour permettre aux gens d’y faire des prières, des v?ux avant de lui dire au revoir. Malheureusement, nous avons été incapables de lui dire au revoir. On nous a montré un cercueil couvert du drapeau national. On n’a même pas vu la couleur du cercueil.

LP : Pour vous, pourquoi toutes ces cachoteries ?

BG : Moi, je pense tout simplement que c’est parce que la mort de Gueï a été planifié par le FPI. Les gens parlent mais ignorent un certain nombre de chose. L’UDPCI a été créée en février 2001. L’UPDCI avait 4 députés que Gueï a mis à la disposition du FPI pour lui permettre d’avoir la majorité. Un an plus tard, Robert Gueï, alors qu’il n’était pas président de l’UDPCI, a demandé au parti dirigé par Akoto Yao et à ses députés de faire un bilan de l’alliance qu’on avait avec le FPI. Le séminaire bilan a été organisé à l’académie de la mer. Gueï a été clair en nous demandant de faire un bilan objectif de l’alliance qui lie les deux partis. Les résultats du bilan lui ont été remis.

LP : Et que disaient ces résultats?

BG : que le bilan était négatif à tout point de vue. Parce que vous ne pouvez pas être dans une alliance et ne pas être considéré par votre allié. Lequel nie tous les engagements pris en commun. Mais le président Guéi croyait que les choses allaient s’arranger jusqu’à ce qu’en mai 2002, il devienne le président de l’UDPCI. Les choses se sont dégradées avec la mort de Balla Keita, le 1er août 2002, par des personnes parties d’Abidjan, et la formation d’un gouvernement dit d’union le 5 août de la même année. Deux jours avant, Gbagbo avait proposé un nombre de poste à l’UDPCI et bouclé avec le président les noms de ceux qui devraient animer ces ministères là. Le 5 août, le gouvernement est connu et en parfait déphasage avec les engagements pris par Laurent Gbagbo. C’est ainsi que le 13 septembre à l’hôtel Sofitel, aujourd’hui Pullman, le président Gueï, au cours d’une conférence de presse, avait rompu l’alliance avec le FPI. Ce jour-là, Guéï a dit que Gbagbo était un boulanger qui allait finir par se faire enfariner lui-même. La rumeur a envahi Abidjan pour dire que le FPI allait finir avec Gueï. 13 septembre conférence de presse, 19 septembre assassinat de Gueï. Moi, je veux dire que c’était un plan savamment planifié. Ça été une mort commandité. Tous ceux qui sont impliqués sont connus.

LP : Au-delà du rétablissement de la vérité, quels sont vos souhaits ?

BG : Aujourd’hui, je souhaite que le Général soit réhabilité. Dans cette réhabilitation, il y a la réhabilitation de fait de l’UDPCI, qui ne sera plus taxé de parti dont le président est qualifié de putschiste. Il faut aussi le dédommagement de ses ayants-droits.
TL
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