Depuis l’installation au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara par la coalition franco-onusienne, le 11 avril 2011, c’est la deuxième fois que Guillaume Soro Kigbafori, chef de l’ex-rébellion armée, foule le sol américain. La première fois, il avait représenté, en sa qualité de Premier ministre du régime Ouattara, la Côte d’Ivoire à l’Onu lors de la 10ème assemblée des Etats-parties du statut de Rome tenue du 12 au 19 décembre 2012. Une rencontre en marge de laquelle M. Soro avait eu des tête-à-tête avec les dirigeants de la Cour pénale internationale (Cpi) dont le procureur Luis Moreno-Ocampo et son adjointe Fatou Bensouda. On se rappelle qu’à la sortie de ces entrevues, Guillaume Soro avait assuré qu’aucun auteur des crimes relatifs à la crise postélectorale ne pouvait échapper à la Cpi. Il avait même insisté, la main sur le cœur, que « tous ceux qui seront inculpés allaient être transférés à la Cpi et que le gouvernement ivoirien n’y ferait pas obstacle». En le disant l’ancien chef de guerre était certainement sûr que le camp Ouattara ne serait jamais touché par les inculpations de la Cpi. Puisque, selon lui, les massacres perpétrés par le camp Ouattara durant la crise postélectorale sont des actes de « légitime défense ». Il l’a d’ailleurs dit sur la télévision française, France 24, le 4 juillet 2012. «J’ai dirigé en tant que Premier ministre, ministre de la Défense, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire créées par décret par le Président Ouattara et que celles-ci ont agi de concert avec la communauté internationale, en légitime défense». Evidemment Guillaume Soro n’a pas dit quand, pourquoi, comment l’armée légale de la Côte d’Ivoire, les Fds, à l’époque, sont allées attaquer les ex-rebelles devenus Frci pour que cette armée privée d’Alassane Ouattara se défende «légitimement». Soro tenait ainsi à faire comprendre à tous que, s’il tombe, Alassane Ouattara et la communauté internationale tomberont aussi. Le chef de l’ex-rébellion armée semblait d’ailleurs confiant de ne pas être inculpé par la Cpi car, pour lui, «la cour pénale internationale ne se hasarderait pas à inviter officiellement une personnalité à sa tribune à New York s’il y avait un début de soupçon sur lui ». Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. La Cpi a étendu ses enquêtes jusqu’au déclenchement de la rébellion armée en septembre 2002. La cour pénale internationale ne cesse de rappeler au régime Ouattara sa promesse de collaborer entièrement et jusqu’au bout. Dans la foulée, elle a rendu public un mandat d’arrêt contre Mme Simone Gbagbo. Cette décision est éminemment embarrassante pour le régime Ouattara qui perçoit cette attitude de la Cpi comme un « chantage ». Le gouvernement ivoirien semble avoir perdu toute sérénité. Il est de plus en plus frileux. Que se passe-t-il ? Pourquoi du coup, Ouattara n’est- il plus « chaud » pour transférer tous les inculpés par la Cpi ? Beaucoup d’observateurs estiment qu’il y a anguille sous roche. A-t-on vraiment besoin d’être dans le secret des dieux pour imaginer ce qui peut être écrit sur les autres mandats d’arrêt qui sont encore scellés ? Si Guillaume Soro échappe à la Cpi, c’est que cette juridiction internationale frise la comédie et le ridicule. En tout cas, samedi dernier à New York, devant des Ivoiriens résident aux Etats-Unis, Soro qui dit « être venu leur donner les nouvelles fraiches de Côte d’Ivoire», s’est livré à un «one man show». Insidieusement, il a emmené ses fanatiques à applaudir la rébellion armée qui a fait des milliers de morts. Il a tenté de dégommer des pans entiers de l’histoire récente de notre pays. Sans doute pour préparer ses partisans à traiter la Cpi d’injuste si demain elle décidait de son inculpation. Soro n’a eu aucune compassion pour toutes ces personnes innocentes qui n’avaient rien à voir avec l’ivoirité et la xénophobie que ses hommes ont massacrées à travers tout le pays. Ces villages rasés, ces gens étouffés dans des containers par des chefs de guerre méritaient, selon Soro, de mourir pour que «tous les enfants de ce pays soient traités avec égalité». Ces personnes massacrées par les rebelles n’étaient-elles pas aussi des enfants de ce pays? Avant les Etats-Unis, Guillaume Soro Kigbafori était, en novembre dernier, devant le sénat belge. L’homme pense, au dire de certains de ses proches, que tous ces voyages à l’extérieur pourront sceller des appuis diplomatiques capables de l’éloigner de la Cpi. Un rêve auquel eux-mêmes peinent à croire.
Une correspondance particulière depuis New York (Etat-unis).
Mathieu Bouabré
Une correspondance particulière depuis New York (Etat-unis).
Mathieu Bouabré