Les retraités du privé rencontrent aujourd’hui d’énormes difficultés à se soigner. En cause, l’absence de couverture médicale.
Enquête-express sur un phénomène aux conséquences dramatiques.
« Si vous êtes un retraité du privé et que vous n’avez pas une bonne pension, vous allez crever chez vous en cas de maladie». Les propos de Georges K. peuvent paraître graves. Mais pour cet ancien banquier à la retraite, la situation l’impose. Souffrant d’un myélome des os (un cancer hématologique), le sexagénaire a vu sa retraite se transformer petit à petit en cauchemar. Ne bénéficiant pas de prise en charge médicale, Georges avait pourtant eu le nez creux en cotisant dès sa retraite en 2008, 190.000 CFA par an, histoire de bénéficier d’une assurance maladie. Mais après ses deux premières opérations, sa maison d’assurance n’a pas voulu couvrir les autres frais médicaux. «Elle m’a dit que j’avais atteint le plafond. Je suis donc obligé de me soigner avec ma pension. Mon traitement coûte environ 200.000 FCFA par mois. Et quand je fais la soustraction, il ne me reste plus grand-chose pour vivre», déplore-t-il. Pourtant, Georges était un haut cadre, avec un salaire conséquent. On peut donc imaginer le sort de ces nombreux agents du privé à la retraite qui n’ont pas les moyens de souscrire à une assurance. En cas de maladie, ils sont « grillés ». Et Moussa Bamba illustre parfaitement leur situation. Après trente années de dur labeur au sein d’une entreprise de produits alimentaires, cet homme a été terrassé par une tumeur malicieuse au foie. A la différence de Georges qui habite aujourd’hui sa propre maison, Moussa doit faire face au loyer et à cette infection qui nécessite 80.000 FCFA comme traitement mensuel. Avec une maigre pension de 150.000 FCFA, le retraité n’a pu souscrire à une assurance maladie. Que faire ? Moussa a décidé de se soigner à l’indigénat avec tout ce que cela comporte comme risques. «Il faut régler le problème de prise en charge des retraités du privé. Ailleurs, ces personnes sont bien traitées avec une bonne couverture médicale. En Côte d’Ivoire, une fois à la retraite, il faut prier pour ne pas tomber malade», se plaint Moussa. La situation est d’autant plus préoccupante que les maisons d’assurance refusent leurs cotisations lorsqu’elles découvrent qu’ils souffrent d’une maladie compliquée. « Plusieurs de nos camarades sont décédés parce qu’ils n’avaient pas une forte pension », peste Bilé Diakité, ancien agent agricole dans une entreprise cotonnière du pays. Mais les faibles pensions ne sont pas le seul problème. Il faut en amont une mutuelle qui puisse épauler ces braves travailleurs une fois à la retraite. Comme c’est le cas à la Fonction publique. Grâce à la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’ Ivoire (Mugefci), les anciens travailleurs inscrits à la Caisse générale des retraités et agents de l’Etat (Cgrae) jouissent d’une couverture médicale de 70%. Pour Konan Kouassi Denis, secrétaire général du Collectif des fonctionnaires retraités après trente années de services (Cofrtas), c’est carrément inconcevable ! Il ne comprend pas que des personnes qui ont tout donné pour leurs entreprises et partant pour leur pays souffrent autant à la retraite. Là où beaucoup se la coule douce avec une bonne prise en charge médicale. « Cependant, une fois j’ai voulu comprendre le mode de fonctionnement des retraités du privé à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Je me suis rendu sur les lieux mais j’ai été presque refoulé. Cela m’a fait de la peine », déplore M. Kouassi. Pour lui, c’est le signe que l’organisation au niveau de ces retraités du privé n’est pas encore bien au point. Pour bénéficier des mêmes privilèges que leurs homologues du public, dit-il, il faut d’abord une bonne association où tous les retraités seront solidaires. Et, le secrétaire général du Cofrtas n’a pas tout à fait tort. Le syndicat des retraités du privé qui avait été mis en place depuis quelques années bat de l’aile en ce moment. La structure est plus préoccupée par les querelles internes que par le sort de ses membres. Comme en témoigne Dosso Valy, le secrétaire général de cette organisation. «Les retraités du privé souffrent énormément parce qu’ils ne bénéficient pas de prise en charge médicale comme les fonctionnaires. Nous avons créé une union pour défendre le droit des salariés. Malheureusement, certains ont abandonné la lutte. C’est notre problème aujourd’hui. Et pendant ce temps-là, nos vrais problèmes restent sans solution», regrette M. Dosso. Toutefois, il existe une lueur d’espoir. Beaucoup de travailleurs du privé l’ignorent sûrement, mais une organisation a été mise sur pied en leur nom depuis environ trois ans. C’est la Mutuelle des travailleurs du privé. Selon Joseph Ebagnerin, le président du conseil d’administration de la Cnps, cette mutuelle prend en compte et les travailleurs et les retraités de ce secteur. Beaucoup ignorent son existence, reconnaît M. Ebagnerin. «C’est d’ailleurs l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci) qui en a eu l’idée», précise le Pca de la Cnps, par ailleurs secrétaire général de cette centrale syndicale.
Par Raphaël Tanoh
Enquête-express sur un phénomène aux conséquences dramatiques.
« Si vous êtes un retraité du privé et que vous n’avez pas une bonne pension, vous allez crever chez vous en cas de maladie». Les propos de Georges K. peuvent paraître graves. Mais pour cet ancien banquier à la retraite, la situation l’impose. Souffrant d’un myélome des os (un cancer hématologique), le sexagénaire a vu sa retraite se transformer petit à petit en cauchemar. Ne bénéficiant pas de prise en charge médicale, Georges avait pourtant eu le nez creux en cotisant dès sa retraite en 2008, 190.000 CFA par an, histoire de bénéficier d’une assurance maladie. Mais après ses deux premières opérations, sa maison d’assurance n’a pas voulu couvrir les autres frais médicaux. «Elle m’a dit que j’avais atteint le plafond. Je suis donc obligé de me soigner avec ma pension. Mon traitement coûte environ 200.000 FCFA par mois. Et quand je fais la soustraction, il ne me reste plus grand-chose pour vivre», déplore-t-il. Pourtant, Georges était un haut cadre, avec un salaire conséquent. On peut donc imaginer le sort de ces nombreux agents du privé à la retraite qui n’ont pas les moyens de souscrire à une assurance. En cas de maladie, ils sont « grillés ». Et Moussa Bamba illustre parfaitement leur situation. Après trente années de dur labeur au sein d’une entreprise de produits alimentaires, cet homme a été terrassé par une tumeur malicieuse au foie. A la différence de Georges qui habite aujourd’hui sa propre maison, Moussa doit faire face au loyer et à cette infection qui nécessite 80.000 FCFA comme traitement mensuel. Avec une maigre pension de 150.000 FCFA, le retraité n’a pu souscrire à une assurance maladie. Que faire ? Moussa a décidé de se soigner à l’indigénat avec tout ce que cela comporte comme risques. «Il faut régler le problème de prise en charge des retraités du privé. Ailleurs, ces personnes sont bien traitées avec une bonne couverture médicale. En Côte d’Ivoire, une fois à la retraite, il faut prier pour ne pas tomber malade», se plaint Moussa. La situation est d’autant plus préoccupante que les maisons d’assurance refusent leurs cotisations lorsqu’elles découvrent qu’ils souffrent d’une maladie compliquée. « Plusieurs de nos camarades sont décédés parce qu’ils n’avaient pas une forte pension », peste Bilé Diakité, ancien agent agricole dans une entreprise cotonnière du pays. Mais les faibles pensions ne sont pas le seul problème. Il faut en amont une mutuelle qui puisse épauler ces braves travailleurs une fois à la retraite. Comme c’est le cas à la Fonction publique. Grâce à la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’ Ivoire (Mugefci), les anciens travailleurs inscrits à la Caisse générale des retraités et agents de l’Etat (Cgrae) jouissent d’une couverture médicale de 70%. Pour Konan Kouassi Denis, secrétaire général du Collectif des fonctionnaires retraités après trente années de services (Cofrtas), c’est carrément inconcevable ! Il ne comprend pas que des personnes qui ont tout donné pour leurs entreprises et partant pour leur pays souffrent autant à la retraite. Là où beaucoup se la coule douce avec une bonne prise en charge médicale. « Cependant, une fois j’ai voulu comprendre le mode de fonctionnement des retraités du privé à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Je me suis rendu sur les lieux mais j’ai été presque refoulé. Cela m’a fait de la peine », déplore M. Kouassi. Pour lui, c’est le signe que l’organisation au niveau de ces retraités du privé n’est pas encore bien au point. Pour bénéficier des mêmes privilèges que leurs homologues du public, dit-il, il faut d’abord une bonne association où tous les retraités seront solidaires. Et, le secrétaire général du Cofrtas n’a pas tout à fait tort. Le syndicat des retraités du privé qui avait été mis en place depuis quelques années bat de l’aile en ce moment. La structure est plus préoccupée par les querelles internes que par le sort de ses membres. Comme en témoigne Dosso Valy, le secrétaire général de cette organisation. «Les retraités du privé souffrent énormément parce qu’ils ne bénéficient pas de prise en charge médicale comme les fonctionnaires. Nous avons créé une union pour défendre le droit des salariés. Malheureusement, certains ont abandonné la lutte. C’est notre problème aujourd’hui. Et pendant ce temps-là, nos vrais problèmes restent sans solution», regrette M. Dosso. Toutefois, il existe une lueur d’espoir. Beaucoup de travailleurs du privé l’ignorent sûrement, mais une organisation a été mise sur pied en leur nom depuis environ trois ans. C’est la Mutuelle des travailleurs du privé. Selon Joseph Ebagnerin, le président du conseil d’administration de la Cnps, cette mutuelle prend en compte et les travailleurs et les retraités de ce secteur. Beaucoup ignorent son existence, reconnaît M. Ebagnerin. «C’est d’ailleurs l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci) qui en a eu l’idée», précise le Pca de la Cnps, par ailleurs secrétaire général de cette centrale syndicale.
Par Raphaël Tanoh