Chez les Kassi, le problème de la vue est héréditaire. « Mon père porte des lunettes pharmaceutiques, ma mère aussi à des problèmes d’yeux », explique Anicette Kassi, une jeune femme dans la vingtaine et employée d’une entreprise de communication. Anicette a commencé à porter des verres depuis la classe de seconde. « Je me suis traitée à l’hôpital et même à l’indigénat. Mais le mal persistait. Puis, le médecin est finalement parvenu à la conclusion que je devais porter des lunettes », relate la jeune dame. Quatre- vingt-dix-mille, c’est la somme qu’elle a déboursée pour l’achat de cet outil. Selon Anicette, ses parents, relativement pauvres, ont dû se saigner à blanc pour lui offrir des lunettes. « J’ai pleuré un jour, quand une amie, par inadvertance, s’est assise sur ma paire de lunettes. Une autre fois, je les ai moi-même oubliées dans un taxi », note-t-elle. La cherté des montures, dit-elle, les rend si précieuses qu’elle ne peut s’imaginer en train de les perdre. « Parce que si c’est le cas, vous retournez en consultation pour un nouveau diagnostic», fait-elle remarquer. De plus, ces lunettes sont constamment renouvelées soit pour s’adapter au travail soit parce qu’elles sont périmées. Les siennes sont hors service après deux ans. Et les verres qu’elle porte en ce moment lui ont coûté près de 150.000 F. Tout comme Anicette, Mlle Liliane Abinan porte des lunettes pharmaceutiques. Liliane est myope. Ses problèmes d’yeux ont débuté quand elle était en classe de quatrième. « J’ai porté des lunettes grâce à la couverture maladie de mon père qui est médecin », confie-t-elle. Et au lieu de 258.000 F, les verres lui ont été vendus un peu moins chers. Avec le nouveau créneau des revendeurs optiques, la myope ne se fatigue plus. « Les revendeurs sont aussi reconnus que les spécialistes de la lunetterie. Ils vendent pratiquement les mêmes articles de qualité moins chers», relève-t-elle. Car, le problème des lunettes pharmaceutiques, ce sont les montures, critique la jeune femme. Celles-ci font parfois le triple du prix des verres. « Depuis que j’ai l’astuce du marché, je prends les montures là-bas à un prix étudié et je fais le montage chez l’opticien», se réjouit-elle. Elle lance un appel aux autorités compétentes à œuvrer pour que les lunettes reviennent relativement moins chères. M. Georges, professeur de biochimie dans un lycée professionnel de la place, la soutient. Chez lui, les problèmes d’yeux sont une affaire de famille. Il existe des circuits, souligne-t-il, pour se procurer des lunettes à des prix imbattables. Mais, pense-t-il, l’Etat peut mieux faire pour faciliter l’accès des populations pauvres à ces produits. Pourquoi ces prix exorbitants ? Pour Nicolas M. qui travaille avec plusieurs cabinets d’opticiens, c’est parce que les matières qu’ils utilisent pour les montures sont importées des pays comme la France, l’Italie, la Chine ou des Emirats arabes unis notamment de Dubaï. Aussi ajoute le médecin ophtalmologue, plusieurs paramètres entrent en ligne de compte dans la fixation du prix global de la lunette : le carreau, la monture, la main-d’œuvre, le fourreau… « En général, les montures sont vendues chères, mais c’est le client qui fait le choix de sa monture ». Il n’oublie pas de souligner que le type de verre utilisé compte. Parmi ces verres, il y a le « photogrey », l’ « antireflet », le « double foyer(Iab) », le « progressif blanc(Tab) », le « progressif photogrey », le « photogrey antireflet », etc. Généralement, le médecin prescrit un type de verre en fonction des besoins du patient, note-t-il. Pour certains, c’est par rapport au soleil. « D’autres clients peuvent présenter des difficultés au contact avec l’écran de l’ordinateur, du poste téléviseur ou les phares de voiture », détaille M. Nicolas. Le « double foyer », par exemple, est prescrit aux personnes qui ne voient ni de près ni de loin. C’est la lunette des personnes âgées en général. Et les prix des lunettes tournent autour de 250.000 F dans les cabinets avec lesquels il travaille. Il reconnaît qu’avec les maisons d’assurances, les lunettes coûtent beaucoup plus cher. Selon lui, c’est parce que l’opération d’achat se fait à crédit. A la question de savoir si les prix seront revus à la baisse un jour, il répond : « le marché est libéralisé et chaque opticien fait le prix de son choix. Certains opticiens se déplacent à l’étranger, d’autres font leurs achats sur place. Revoir les prix à la baisse, ce n’est pas à l’ordre du jour ». Ophtalmologue au Chu de Treichville, B.A ajoute que les prescriptions qu’ils font aux patients n’ont rien à voir avec le prix. Elles tiennent uniquement compte de la puissance des verres. Celles-ci varient de -0,5 à -6 pour les hypermétropies négatives. Et de +0,5 à +6, pour les hypermétropies positives. Ce sont les montures, précise le toubib, qui amènent le client à débourser de l’argent. Alors, vivement l’application d’une politique véritablement sociale pour les malades des yeux.
Par H.A. (stagiaire)
Par H.A. (stagiaire)
