A partir du 2 avril 2014, le prix du journal papier va connaître une hausse. Les quotidiens vendus jusqu’ici à 200 FCFA vont passer à 300 F, soit une variation de 50 %. Les journaux-magazines passent quant à eux de 300 F à 500 FCFA (66,66 % d’augmentation). La décision est déjà prise part le Gepci qui est à la phase de la sensibilisation avec une publicité diffusée quotidiennement dans les journaux. Le pari est risqué. Mais pour les responsables de la structure patronale, il n’y a pour l’instant pas une autre alternative. C’est un impératif économique et financier, selon la plupart de ceux qui réagissent sur la question.
200 FCFA pour un journal depuis 22 ans
En Côte d’Ivoire, il faut partir de la période qualifiée de printemps de la presse (année de référence : 1990) pour comprendre l’environnement économique dans lequel baigne tout le secteur aujourd’hui. Ici aussi comme dans bien d’autres branches de l’économie ivoirienne, le temps a passé sans que les méthodes, les pratiques et l’encadrement ne connaissent un changement notable de nature à déboucher sur une sorte de ‘’big push’’. Dans l’impression, la diffusion, la distribution et l’encadrement juridique des journaux, les méthodes sont restées rudimentaires faute d’investissement privé ou public conséquent. Bientôt 25 ans que la pluralité des organes a vu le jour. Des entreprises se créent et disparaissent comme elles sont nées faute d’une connaissance réelle du marché par des promoteurs plus préoccupés par le ponctuel que le durable. Aujourd’hui, en mars 2014, près de 15 quotidiens paraissent régulièrement mais aucun d’eux ne peut franchir la barre de 30 mille exemplaires confectionnés par jour. Même le quotidien pro-gouvernemental, entreprise à capitaux publics, possédant sa propre imprimerie oscille entre 20 mille et 25 mille exemplaires par jour dans un pays qui compte près de 14 millions d’habitants. Le taux d’analphabétisme n’y est pas si lamentable et il existe un bon potentiel de lecteurs. Mais combien sont-ils prêts à débourser 200 FCFA pour un journal ? Même les enseignants qui devaient être les premiers partenaires de la presse en raison de la nature même de leur métier sont aussi abonnés comme les autres couches de la population au phénomène de la ‘’titrologie’’ (néologisme ivoirien qui désigne l’attitude qui consiste à se contenter des titres des tabloïds).
C’est toujours le monopole dans la distribution
Au niveau de la distribution, c’est toujours le monopole d’Edipresse quelques années seulement après l’expérience infructueuse de Distrilibre qui n’a pu tenir la route. Le Gepci a mené le combat de la défiscalisation. L’Etat a dû renoncer à quelques taxes mais cela n’a pas suffi à établir l’équilibre du secteur. Les déficits sont allés croissants obligeant des entreprises à fermer les unes après les autres. Aujourd’hui, le patron de presse doit avoir la double qualité d’administrateur et de démarcheur de fonds additionnels, tellement les gains sur la vente des journaux ne suffisent plus à faire marcher les entreprises. Cette attitude n’est pas particulière aux patrons ivoiriens. Récemment dans une interview à propos de son départ de Libération ( le journal proche du PS français) Nicolas Demorand le directeur sortant disait : ‘’être patron de Libé, c'est passer son temps à chercher de l'argent pour faire les fins de mois, payer les salaires et les fournisseurs, et parfois embaucher des journalistes, ce que j'ai pu faire. Cela a été une très grosse partie de mon travail auprès des annonceurs, des mécènes, de la puissance publique, pour éviter que le journal ne mette la clé sous la porte. Ce qui a failli arriver à plusieurs reprises depuis trois ans.’’
Dans l’industrie de l’imprimerie c’est un monopsone, un conglomérat de quelques entrepreneurs privés qui tiennent le marché, chacun pratiquant son prix. Selon des patrons, le coût de confection d’un journal de 12 pages varie entre 50 et 60 FCFA, l’équivalent de 25 à 30 % du prix de vente du journal. C’est excessif. Près de 22 ans après le changement du prix (de 150 F à 200 F), tout le secteur doit être repensé. Les plus forts parmi les journaux sur le marché sont en moyenne à 60 % de vente, les plus faibles à 3 %. Or pour rentabiliser le seul coup d’impression d’un journal il faut arriver à écouler au moins la moitié de la production de journaux.
Voici l’état du secteur où l’amateurisme n’a pas sa place. C’est donc un pari risqué pour les patrons de presse de passer de 200 F à 300 F et de 300 F à 500 FCFA pour le prix de vente des journaux. Mais c’est peut-être un passage obligé au regard de l’environnement de précarité dans lequel pataugent les entreprises de presse.
S. Debailly
200 FCFA pour un journal depuis 22 ans
En Côte d’Ivoire, il faut partir de la période qualifiée de printemps de la presse (année de référence : 1990) pour comprendre l’environnement économique dans lequel baigne tout le secteur aujourd’hui. Ici aussi comme dans bien d’autres branches de l’économie ivoirienne, le temps a passé sans que les méthodes, les pratiques et l’encadrement ne connaissent un changement notable de nature à déboucher sur une sorte de ‘’big push’’. Dans l’impression, la diffusion, la distribution et l’encadrement juridique des journaux, les méthodes sont restées rudimentaires faute d’investissement privé ou public conséquent. Bientôt 25 ans que la pluralité des organes a vu le jour. Des entreprises se créent et disparaissent comme elles sont nées faute d’une connaissance réelle du marché par des promoteurs plus préoccupés par le ponctuel que le durable. Aujourd’hui, en mars 2014, près de 15 quotidiens paraissent régulièrement mais aucun d’eux ne peut franchir la barre de 30 mille exemplaires confectionnés par jour. Même le quotidien pro-gouvernemental, entreprise à capitaux publics, possédant sa propre imprimerie oscille entre 20 mille et 25 mille exemplaires par jour dans un pays qui compte près de 14 millions d’habitants. Le taux d’analphabétisme n’y est pas si lamentable et il existe un bon potentiel de lecteurs. Mais combien sont-ils prêts à débourser 200 FCFA pour un journal ? Même les enseignants qui devaient être les premiers partenaires de la presse en raison de la nature même de leur métier sont aussi abonnés comme les autres couches de la population au phénomène de la ‘’titrologie’’ (néologisme ivoirien qui désigne l’attitude qui consiste à se contenter des titres des tabloïds).
C’est toujours le monopole dans la distribution
Au niveau de la distribution, c’est toujours le monopole d’Edipresse quelques années seulement après l’expérience infructueuse de Distrilibre qui n’a pu tenir la route. Le Gepci a mené le combat de la défiscalisation. L’Etat a dû renoncer à quelques taxes mais cela n’a pas suffi à établir l’équilibre du secteur. Les déficits sont allés croissants obligeant des entreprises à fermer les unes après les autres. Aujourd’hui, le patron de presse doit avoir la double qualité d’administrateur et de démarcheur de fonds additionnels, tellement les gains sur la vente des journaux ne suffisent plus à faire marcher les entreprises. Cette attitude n’est pas particulière aux patrons ivoiriens. Récemment dans une interview à propos de son départ de Libération ( le journal proche du PS français) Nicolas Demorand le directeur sortant disait : ‘’être patron de Libé, c'est passer son temps à chercher de l'argent pour faire les fins de mois, payer les salaires et les fournisseurs, et parfois embaucher des journalistes, ce que j'ai pu faire. Cela a été une très grosse partie de mon travail auprès des annonceurs, des mécènes, de la puissance publique, pour éviter que le journal ne mette la clé sous la porte. Ce qui a failli arriver à plusieurs reprises depuis trois ans.’’
Dans l’industrie de l’imprimerie c’est un monopsone, un conglomérat de quelques entrepreneurs privés qui tiennent le marché, chacun pratiquant son prix. Selon des patrons, le coût de confection d’un journal de 12 pages varie entre 50 et 60 FCFA, l’équivalent de 25 à 30 % du prix de vente du journal. C’est excessif. Près de 22 ans après le changement du prix (de 150 F à 200 F), tout le secteur doit être repensé. Les plus forts parmi les journaux sur le marché sont en moyenne à 60 % de vente, les plus faibles à 3 %. Or pour rentabiliser le seul coup d’impression d’un journal il faut arriver à écouler au moins la moitié de la production de journaux.
Voici l’état du secteur où l’amateurisme n’a pas sa place. C’est donc un pari risqué pour les patrons de presse de passer de 200 F à 300 F et de 300 F à 500 FCFA pour le prix de vente des journaux. Mais c’est peut-être un passage obligé au regard de l’environnement de précarité dans lequel pataugent les entreprises de presse.
S. Debailly