Il y a un humanisme de la profondeur qui veut que l’homme soit vide quand il ne s’intéresse qu’à son "moi". Et il ne devient profond que quand il met son "moi" au service du bien-être collectif. L’élite humaine en tant qu’elle est celle qui existe a à promouvoir, à faire fructifier et à veiller sur l’édifice commun. Elle en est la bergère, si je peux me permettre de paraphraser le philosophe de la Forêt-Noire, Martin Heidegger.
Qu’il nous plaise ou non d’en convenir, nous sommes des plantes qui, s’appuyant sur leurs racines, doivent sortir de terre, pour pouvoir fleurir dans l’éther et y porter ses fruits. En clair, pour le poète Johann Peter Hebel, c’est à partir des profondeurs du sol natal que l’homme doit pouvoir s’élever dans l’éther. "Ether" entendu comme l’air libre qui est celui des hauteurs du ciel, le domaine ouvert de l’esprit. Autrement dit, c’est sur la terre-patrie, dans le pays d’origine, c’est bien là qu’une oeuvre humaine vraiment vigoureuse et saine, devrait se former et se parfaire. Comme quoi, on peut tout avoir dans une nation d’accueil mais tant qu’on ne s’est pas réalisé dans son pays d’origine, notre œuvre reste inachevée.
C’est cette belle intuition qui a, certainement, visité le Président Alassane OUATTARA le 26 mai 2011 à Paris. En effet, en route pour la 37ème réunion du G8 à Deauville (Calvados), les 26 et 27 mai 2011, le président Alassane Ouattara, pour sa première visite en France depuis son investiture du samedi 21/05/2011 à Yamoussoukro, a profité de son escale parisienne pour rencontrer la communauté ivoirienne de France, la plus importante à l’étranger et estimée à 720.000 personnes, le 26/05/2011 dans l’un des salons feutrés de l’Hôtel Pullman, au pied de la tour Eiffel. Dans son allocution, le président Ouattara a appelé la diaspora ivoirienne à rentrer au pays pour participer à son développement. «Je vous demande de vous remettre au travail et avant toute chose, je vous demande de rentrer massivement au pays», a-t-il dit en substance. «(...) Revenez au pays et vous verrez un pays en pleine expansion où il y aura du travail pour tous, a-t-il renchéri, devant des centaines de personnes et dans une ambiance surchauffée. (...) Je voudrais que vous sachiez qu’avant la fin de mon mandat, la Côte d’Ivoire retrouvera sa place de troisième puissance économique d’Afrique subsaharienne. Ma deuxième ambition c’est qu’à l’orée de 2020, la Côte d’Ivoire sera un pays émergent...», a-t-il ajouté.
Avant de glisser vers des promesses de croissance économique : «Nous allons brûler les étapes !». Un message lui aussi bien ciblé. Les membres les plus aisés de la diaspora étant souvent des relais-clés dans certains milieux d’affaires. Les autres s’avèrent être des investisseurs potentiels à ne pas négliger. Le faisant, monsieur Ouattara n’exprimait pas un vœu utopiste de voir tous les ivoiriens résidant à l’étranger retourner sur les bords de la lagune Ebrié. En réalité, cet appel hexagonien du 26/05/2011 est une invitation à participation. C’est la sollicitation d’un Chef d’État certain des potentialités des siens vivant dans les différents pays du monde, à joindre leurs compétences, expériences et expertises à sa vision de rénovation de la Côte d’Ivoire. Oui, permettre aux ivoiriens de l’étranger d’apporter leurs contributions à la construction de l’avenir de la Côte d’Ivoire par leurs réflexions et leur savoir-faire.
Et la seule manière efficace d’organiser un transfert réussi et bénéfique des diverses compétences des populations diasporiques au service socio-économique de la Côte d’Ivoire, c’est de leur donner l’opportunité historique de se choisir des représentants légitimes et légaux, par le biais du suffrage universel. Autoriser les ivoiriens de l’étranger à désigner librement en leur sein des députés, ce serait leur permettre de mieux se structurer en fédérant leurs différents projets en faveur de leur pays d’origine autour de leurs futurs élus, tout en mettant en synergie des pratiques innovantes d’intégration dans les pays d’accueil et qui rehaussent l’image de la Côte d’Ivoire en faisant sa promotion.
En effet, à l’instar des grandes Démocraties, des Nations fortes, des États en émergence vigoureuse, des pays en voie de développement en tentative éprouvante mais fructueuse vers le progrès, la Côte d’Ivoire qui se projette émergente en 2020, ne peut faire l’économie des réformes institutionnelles modernisatrices nécessaires devant propulser son développement et sa contenance administrative en bond qualitatif, un peu comme la poussée d’Archimède. Il faut à notre pays une révision constitutionnelle qui introduit la représentation à l’Assemblée Nationale des Ivoiriens de l’étranger, comme c’est le cas en France depuis le 23 juillet 2008 et aussi ailleurs notamment en Algérie. En France, les premières élections législatives pour les Français de l’étranger se sont déroulées en juin 2012. Ce sera bientôt le cas au Niger, ce pays voisin où l’Assemblée nationale a voté le 02/12/2013 le projet de loi modifiant le code électoral permettant ainsi la création de circonscription électorale pour les Nigériens de la Diaspora dans le cadre des législatives 2016. Et la Côte d’Ivoire en chantier d’émergence pour 2020 ne doit pas rater ce train de la modernisation fonctionnelle de ses Institutions et de la Gouvernance participative. Il nous faut une modification du code électoral en 2014 pour des élections devant désigner les députés des ivoiriens de l’étranger fin 2015 voire début 2016.
(…) Ces députés seront, comme ceux des métropoles, élus au scrutin majoritaire. Par contre, il devra avoir tout de même quelques spécificités à cette élection. Contrairement à la métropole, les Ivoiriens de l’étranger pourront voter à l’urne, bien entendu, mais aussi par correspondance ou par voie électronique. Les deux tours de l’élection peuvent être espacés non pas d’une mais de deux semaines pour permettre aux candidats de parcourir des circonscriptions parfois très étendues. On pourra débuter en 2015/2016 avec une circonscription-mère, la France qui regorge les 2/3 des ivoiriens de l’étranger. Les autres circonscriptions, constituées d’un ensemble de pays, entreront en lice lors des législatives de 2020. La Circonscription de France servira de test pour une liste de 5 députés en 2015/2016. Car, en analysant les estimations fournies par l’Institut National de la Statistique de Côte d’Ivoire lors des dernières législatives, on se rend compte vite que la population diasporique ivoirienne de France qui fait en moyenne 720.000 personnes, est plus importante que la population de la 2ème ville de Côte d’Ivoire, Bouaké avec 695.000 habitants (Bouaké ville ayant 4 députés). Les ivoiriens qui résident en France sont également plus nombreux que l’ensemble des populations de Daloa (261.789 habitants-3 députés), Yamoussoukro (256.373 habitants-2 députés) et San-Pedro (195.873 habitants-2 députés).
Le travail parlementaire en sera plus efficace. Je vois en ces nouveaux députés, la possibilité pour les Ivoiriens de l’étranger d’être mieux représentés et suffisamment structurés. Le député, comme il est de nature juridique, représente à l’Assemblée Nationale, les citoyens de sa circonscription. Le rôle du député de Côte d’Ivoire est à la fois national et local. National lorsqu’il s’agit de débattre sur les orientations que doit prendre la société ivoirienne, principalement à travers des lois. C’est le rôle principal du député, qui, au regard de la Constitution, est le représentant de la Nation, avant d’être le relais des électeurs de sa circonscription. Relai local lorsqu’il peut être l’écho auprès du gouvernement, des instances de l’exécutif national ou des administrations centrales, des préoccupations spécifiques du territoire où il a été élu. Le député des ivoiriens de l’étranger aura lui aussi ces deux fonctions. La particularité du rôle local, pour le député des ivoiriens de l’étranger, tiendra dans la diversité de la circonscription. Surtout pour ce qui concerne la circonscription regroupant les citoyens ivoiriens installés dans plusieurs pays. L’autre particularité essentielle est que la Loi ivoirienne n’a pas cours sur ces territoires, d’où des domaines d’interventions plus limités qu’en Côte d’Ivoire. Le rôle national du député des ivoiriens de l’étranger est donc prédominant car il pourra s’occuper de tous les aspects de la vie quotidienne pour lesquels les représentations diplomatiques n’ont que peu de possibilité de réalisation. Il ne s’agit pas de l’élection du maire de Paris, d’Oslo, de Vilnius, de Ouagadougou ni de Londres, mais d’un député au Parlement ivoirien.
La modernité́ ivoirienne en construction et qui serait centrée sur la satisfaction des besoins du peuple et des individus doit encore relever plusieurs défis majeurs. Les diasporas ivoiriennes à travers le monde, pourront, par le canal de leurs députés, s’investir davantage en Côte d’Ivoire pour apporter leurs différentes expertises et construire ensemble une Nation réconciliée, paisible et émergente, dans sa diversité cosmopolite. Ce qui permettra de connaître, reconnaître, valoriser et vulgariser les bonnes pratiques des diasporas ivoiriennes au sein du tissu "Ivoire" pour le co-développement Côte d’Ivoire-Europe, Côte d’Ivoire-Asie, Côte d’Ivoire-Amérique, ... , l’une des clés du développement propulsif. La Diaspora ivoirienne est un vivier important de cadres compétents et d’experts dans le secteur informel. Ils ont fait leurs preuves ailleurs et méritent confiance. Le président Ouattara n’est-il pas lui-même un pur produit de la diaspora pour avoir servi et séduit amplement au FMI et à la BCEAO...?
Notre pays a besoin d’un groupe parlementaire pour défendre les intérêts de ses expatriés ou émigrés afin de faciliter leur participation d’envergure aux activités socio-économiques. Les populations diasporiques mènent des activités qui sont extrêmement diverses. On fait 1000 choses à la fois, un peu comme dans une épicerie. Il faut impliquer activement la diaspora talentueuse dans la gestion et la modernisation de la Côte d’Ivoire afin de rendre vigoureusement sûre la marche merveilleuse de notre pays vers l’émergence. Et la seule façon de bien le faire et surtout, le réussir, c’est de lui permettre de se choisir des élus capables d’organiser, de conduire et de réaliser ses aspirations d’entraide, de développement et de participation socio-économique en Côte d’Ivoire, dans la communion des intelligences, en fédérant ses forces vives. Les ambitions personnelles prennent trop souvent le pas sur les actions communes qui ont fait la force de communautés fortes telles que les communautés juive, chinoise, pakistanaise, malienne et sénégalaise pour ne citer que celles-là. Or, l’économie ivoirienne ne sera impactée efficacement que si des projets porteurs sont soutenus par un collectif de personnes aux compétences diverses pour réduire les risques individuels et renforcer l’endurance dans l’effort. Ce sera l’une des tâches des députés des ivoiriens de l’étranger qui seront investis de légitimité républicaine; ce qui facilitera leur travail de rassemblement des populations diasporiques dans un élan de cohésion patriotique professionnelle et projective.
Si définir la diaspora ivoirienne revient à lister le nombre d’Ivoiriens vivant en dehors du territoire ivoirien, alors, oui, il existe une diaspora ivoirienne de forme. Mais si la diaspora se définit comme étant une entité communautaire élargie qui travaille en corrélation directe ou indirecte, de façon concertée, afin d’atteindre un objectif commun, alors je crois que les ressortissants Ivoiriens vivant à l’étranger constituent seulement un melting pot de citoyens que l’on pourrait difficilement regrouper sous le label “diaspora”, sauf par absence d’une sémantique appropriée. À ce titre, je considère qu’il existe non pas une véritable “diaspora ivoirienne”, mais plutôt une simple communauté d’Ivoiriens vivant à l’étranger, à savoir un groupe d’individus qui partage une même citoyenneté. Cela ne constituerait qu’une différenciation mineure si cette communauté n’était pas une des moins homogènes du continent africain. Pléthorique et désorientée, elle évolue en dehors de tout continuum clairement identifiable, sauf pour constituer des groupes ponctuels de divertissements, à valeur ajoutée négligeable. Or, pour qu’une communauté soit capable d’influencer l’essor économique d’un pays (et spécifiquement d’une Côte d’Ivoire éprouvée par les récentes crises militaire, politique et postélectorale), elle se doit d’avoir un minimum d’organisation qui tienne compte du type d’influence qu’elle pourrait avoir au niveau local. En clair, elle se doit d’intégrer dans son fonctionnement la notion basique de solidarité citoyenne. Mission qui sera dévolue aux futurs députés de la diaspora ivoirienne. Favoriser un climat de solidarité susceptible de formater un cadre approprié de valorisation des ressources humaines ivoiriennes vivant à l’étranger.
Pour que la diaspora ivoirienne puisse jouer un rôle défini, dans le cadre de fenêtres de financement avec comme exemple les obligations-diaspora, il doit y avoir au niveau étatique un minimum de confiance dans les institutions gouvernementales. Confiance qui sera recherchée, entretenue et renforcée par la présence de députés des ivoiriens de l’étranger, à travers la mise en place, notamment, de structures appropriées pour une utilisation efficace des ressources et augmentera la confiance de la diaspora, ses efforts de développement étant convertis et utilisés de façon productive.
Avoir un rôle efficace sur le développement socio-économique de la Côte d’Ivoire, tel que souhaité par le président Ouattara en 2011, implique pour la diaspora ivoirienne, de se donner les moyens d’une représentativité fiable sur le terrain en Côte d’Ivoire. Car, mener des actions de nature à revigorer la situation économique du pays sous-entend y avoir un pied-à-terre. C’est-à-dire un moyen de suivre rigoureusement les projets initiés. Cette diaspora ivoirienne est demandeuse d’informations utiles pour entreprendre au pays. Pour cela, les députés des ivoiriens de l’étranger auront un rôle important à jouer dans la mise à disposition d’informations utiles pour des investisseurs ivoiriens vivant à l’étranger. Ce qui, manifestement, est dans bien des cas encore défaillant au sein de nos représentations consulaires. La diaspora ivoirienne regorge de personnalités de poids dans divers secteurs d’activités et de cadres internationaux compétents qui ont fait leurs preuves dans les plus grandes multinationales. Mais lorsqu’il s’agit de projets de développement, il est question de se définir une vision de long terme, de fédérer des forces vives et de penser collectif. S’il y a un travail à faire pour que des initiatives privées aient une incidence déterminante sur l’économie ivoirienne, c’est bien au niveau de l’esprit collectif. Le ferment du collectif réside dans la légitimité du ou des meneur (s). Et le milieu associatif peut être un laboratoire grandeur nature pour explorer ce phénomène. Mais l’élection des députés en est le gage. Comment se mettre ensemble pour travailler et développer des projets porteurs qui bénéficieront à la collectivité? Cette question sera l’un des chantiers des futurs députés des populations diasporiques.
(…)
Pour peser vraiment sur la vie économique et politique du pays, cette diaspora doit se structurer au-delà des clivages politiques. Et cela peut se faire par une représentativité axée sur la légitimité et la légalité, à travers le vote. L’émergence ne se fera pas seulement dans l’attente de l’arrivée massive des investissements étrangers lesquels ne créent pas forcement d’emplois locaux durables et dont les profits ne se réinvestissent pas toujours localement. L’émergence, c’est d’abord la capacité à faire travailler ensemble et durablement dans la paix l’ensemble des Ivoiriens y compris ceux de l’étranger qui regorgent une belle dose de ressources humaines tant en quantité qu’en qualité. Et l’un des rôles des députés consistera à créer les conditions pour susciter le retour ou l’implication professionnelle de cette manne humaine. Favoriser une économie de proximité par le développement des capacités productives et l’introduction de contenus technologiques. C’est à ce titre que les diasporas ivoiriennes ont un rôle important à jouer et une chance à saisir dans une Côte d’Ivoire qui reste un creuset de croissance économique durable, de création de valeurs ajoutées et d’emplois, de transformation économique et sociale et de distribution intelligente du pouvoir d’achat. Rôle qui ne peut être bien outillé et porteur que par la représentation et autour de leurs députés. (…)
Les grands hommes sont des individus qui, dans un certain état supérieur, ont été à même de réaliser l’Esprit de leur nation jusqu’à son terme. En ce sens, un grand homme est un héros, qui se fait souvent inconsciemment agent d’un but supérieur, dans notre cas, celui d’un état émergent à forte participation diasporique. Laquelle participation passe nécessairement par l’élection de députés diasporiques si nous voulons qu’elle soit efficace et déterminante. J’ose croire que c’est le vœu secret du docteur Alassane OUATTARA. Monsieur notre président, posez l’acte nécessaire de modification du code électoral pour que les ivoiriens de l’étranger rentrent avec vous dans l’histoire émergente de la Côte d’Ivoire...!
Œuvrons pour traverser ce défi avec le sentiment que nous savons où nous allons.
Sortons ensemble de l’immersion pour aller à l’émergence..., avec la Diaspora!
Pascal ROY
Docteur en Philosophie-Docteur en Droit-Médiateur dans les Organisations-Analyste juridique des Institutions modernes et contemporaines-Expert des droits de l’Homme et des situations de crises-Diplômé de Sciences Politiques-Enseignant-Chercheur à l’Université et Consultant en RH
Paris (France)
Qu’il nous plaise ou non d’en convenir, nous sommes des plantes qui, s’appuyant sur leurs racines, doivent sortir de terre, pour pouvoir fleurir dans l’éther et y porter ses fruits. En clair, pour le poète Johann Peter Hebel, c’est à partir des profondeurs du sol natal que l’homme doit pouvoir s’élever dans l’éther. "Ether" entendu comme l’air libre qui est celui des hauteurs du ciel, le domaine ouvert de l’esprit. Autrement dit, c’est sur la terre-patrie, dans le pays d’origine, c’est bien là qu’une oeuvre humaine vraiment vigoureuse et saine, devrait se former et se parfaire. Comme quoi, on peut tout avoir dans une nation d’accueil mais tant qu’on ne s’est pas réalisé dans son pays d’origine, notre œuvre reste inachevée.
C’est cette belle intuition qui a, certainement, visité le Président Alassane OUATTARA le 26 mai 2011 à Paris. En effet, en route pour la 37ème réunion du G8 à Deauville (Calvados), les 26 et 27 mai 2011, le président Alassane Ouattara, pour sa première visite en France depuis son investiture du samedi 21/05/2011 à Yamoussoukro, a profité de son escale parisienne pour rencontrer la communauté ivoirienne de France, la plus importante à l’étranger et estimée à 720.000 personnes, le 26/05/2011 dans l’un des salons feutrés de l’Hôtel Pullman, au pied de la tour Eiffel. Dans son allocution, le président Ouattara a appelé la diaspora ivoirienne à rentrer au pays pour participer à son développement. «Je vous demande de vous remettre au travail et avant toute chose, je vous demande de rentrer massivement au pays», a-t-il dit en substance. «(...) Revenez au pays et vous verrez un pays en pleine expansion où il y aura du travail pour tous, a-t-il renchéri, devant des centaines de personnes et dans une ambiance surchauffée. (...) Je voudrais que vous sachiez qu’avant la fin de mon mandat, la Côte d’Ivoire retrouvera sa place de troisième puissance économique d’Afrique subsaharienne. Ma deuxième ambition c’est qu’à l’orée de 2020, la Côte d’Ivoire sera un pays émergent...», a-t-il ajouté.
Avant de glisser vers des promesses de croissance économique : «Nous allons brûler les étapes !». Un message lui aussi bien ciblé. Les membres les plus aisés de la diaspora étant souvent des relais-clés dans certains milieux d’affaires. Les autres s’avèrent être des investisseurs potentiels à ne pas négliger. Le faisant, monsieur Ouattara n’exprimait pas un vœu utopiste de voir tous les ivoiriens résidant à l’étranger retourner sur les bords de la lagune Ebrié. En réalité, cet appel hexagonien du 26/05/2011 est une invitation à participation. C’est la sollicitation d’un Chef d’État certain des potentialités des siens vivant dans les différents pays du monde, à joindre leurs compétences, expériences et expertises à sa vision de rénovation de la Côte d’Ivoire. Oui, permettre aux ivoiriens de l’étranger d’apporter leurs contributions à la construction de l’avenir de la Côte d’Ivoire par leurs réflexions et leur savoir-faire.
Et la seule manière efficace d’organiser un transfert réussi et bénéfique des diverses compétences des populations diasporiques au service socio-économique de la Côte d’Ivoire, c’est de leur donner l’opportunité historique de se choisir des représentants légitimes et légaux, par le biais du suffrage universel. Autoriser les ivoiriens de l’étranger à désigner librement en leur sein des députés, ce serait leur permettre de mieux se structurer en fédérant leurs différents projets en faveur de leur pays d’origine autour de leurs futurs élus, tout en mettant en synergie des pratiques innovantes d’intégration dans les pays d’accueil et qui rehaussent l’image de la Côte d’Ivoire en faisant sa promotion.
En effet, à l’instar des grandes Démocraties, des Nations fortes, des États en émergence vigoureuse, des pays en voie de développement en tentative éprouvante mais fructueuse vers le progrès, la Côte d’Ivoire qui se projette émergente en 2020, ne peut faire l’économie des réformes institutionnelles modernisatrices nécessaires devant propulser son développement et sa contenance administrative en bond qualitatif, un peu comme la poussée d’Archimède. Il faut à notre pays une révision constitutionnelle qui introduit la représentation à l’Assemblée Nationale des Ivoiriens de l’étranger, comme c’est le cas en France depuis le 23 juillet 2008 et aussi ailleurs notamment en Algérie. En France, les premières élections législatives pour les Français de l’étranger se sont déroulées en juin 2012. Ce sera bientôt le cas au Niger, ce pays voisin où l’Assemblée nationale a voté le 02/12/2013 le projet de loi modifiant le code électoral permettant ainsi la création de circonscription électorale pour les Nigériens de la Diaspora dans le cadre des législatives 2016. Et la Côte d’Ivoire en chantier d’émergence pour 2020 ne doit pas rater ce train de la modernisation fonctionnelle de ses Institutions et de la Gouvernance participative. Il nous faut une modification du code électoral en 2014 pour des élections devant désigner les députés des ivoiriens de l’étranger fin 2015 voire début 2016.
(…) Ces députés seront, comme ceux des métropoles, élus au scrutin majoritaire. Par contre, il devra avoir tout de même quelques spécificités à cette élection. Contrairement à la métropole, les Ivoiriens de l’étranger pourront voter à l’urne, bien entendu, mais aussi par correspondance ou par voie électronique. Les deux tours de l’élection peuvent être espacés non pas d’une mais de deux semaines pour permettre aux candidats de parcourir des circonscriptions parfois très étendues. On pourra débuter en 2015/2016 avec une circonscription-mère, la France qui regorge les 2/3 des ivoiriens de l’étranger. Les autres circonscriptions, constituées d’un ensemble de pays, entreront en lice lors des législatives de 2020. La Circonscription de France servira de test pour une liste de 5 députés en 2015/2016. Car, en analysant les estimations fournies par l’Institut National de la Statistique de Côte d’Ivoire lors des dernières législatives, on se rend compte vite que la population diasporique ivoirienne de France qui fait en moyenne 720.000 personnes, est plus importante que la population de la 2ème ville de Côte d’Ivoire, Bouaké avec 695.000 habitants (Bouaké ville ayant 4 députés). Les ivoiriens qui résident en France sont également plus nombreux que l’ensemble des populations de Daloa (261.789 habitants-3 députés), Yamoussoukro (256.373 habitants-2 députés) et San-Pedro (195.873 habitants-2 députés).
Le travail parlementaire en sera plus efficace. Je vois en ces nouveaux députés, la possibilité pour les Ivoiriens de l’étranger d’être mieux représentés et suffisamment structurés. Le député, comme il est de nature juridique, représente à l’Assemblée Nationale, les citoyens de sa circonscription. Le rôle du député de Côte d’Ivoire est à la fois national et local. National lorsqu’il s’agit de débattre sur les orientations que doit prendre la société ivoirienne, principalement à travers des lois. C’est le rôle principal du député, qui, au regard de la Constitution, est le représentant de la Nation, avant d’être le relais des électeurs de sa circonscription. Relai local lorsqu’il peut être l’écho auprès du gouvernement, des instances de l’exécutif national ou des administrations centrales, des préoccupations spécifiques du territoire où il a été élu. Le député des ivoiriens de l’étranger aura lui aussi ces deux fonctions. La particularité du rôle local, pour le député des ivoiriens de l’étranger, tiendra dans la diversité de la circonscription. Surtout pour ce qui concerne la circonscription regroupant les citoyens ivoiriens installés dans plusieurs pays. L’autre particularité essentielle est que la Loi ivoirienne n’a pas cours sur ces territoires, d’où des domaines d’interventions plus limités qu’en Côte d’Ivoire. Le rôle national du député des ivoiriens de l’étranger est donc prédominant car il pourra s’occuper de tous les aspects de la vie quotidienne pour lesquels les représentations diplomatiques n’ont que peu de possibilité de réalisation. Il ne s’agit pas de l’élection du maire de Paris, d’Oslo, de Vilnius, de Ouagadougou ni de Londres, mais d’un député au Parlement ivoirien.
La modernité́ ivoirienne en construction et qui serait centrée sur la satisfaction des besoins du peuple et des individus doit encore relever plusieurs défis majeurs. Les diasporas ivoiriennes à travers le monde, pourront, par le canal de leurs députés, s’investir davantage en Côte d’Ivoire pour apporter leurs différentes expertises et construire ensemble une Nation réconciliée, paisible et émergente, dans sa diversité cosmopolite. Ce qui permettra de connaître, reconnaître, valoriser et vulgariser les bonnes pratiques des diasporas ivoiriennes au sein du tissu "Ivoire" pour le co-développement Côte d’Ivoire-Europe, Côte d’Ivoire-Asie, Côte d’Ivoire-Amérique, ... , l’une des clés du développement propulsif. La Diaspora ivoirienne est un vivier important de cadres compétents et d’experts dans le secteur informel. Ils ont fait leurs preuves ailleurs et méritent confiance. Le président Ouattara n’est-il pas lui-même un pur produit de la diaspora pour avoir servi et séduit amplement au FMI et à la BCEAO...?
Notre pays a besoin d’un groupe parlementaire pour défendre les intérêts de ses expatriés ou émigrés afin de faciliter leur participation d’envergure aux activités socio-économiques. Les populations diasporiques mènent des activités qui sont extrêmement diverses. On fait 1000 choses à la fois, un peu comme dans une épicerie. Il faut impliquer activement la diaspora talentueuse dans la gestion et la modernisation de la Côte d’Ivoire afin de rendre vigoureusement sûre la marche merveilleuse de notre pays vers l’émergence. Et la seule façon de bien le faire et surtout, le réussir, c’est de lui permettre de se choisir des élus capables d’organiser, de conduire et de réaliser ses aspirations d’entraide, de développement et de participation socio-économique en Côte d’Ivoire, dans la communion des intelligences, en fédérant ses forces vives. Les ambitions personnelles prennent trop souvent le pas sur les actions communes qui ont fait la force de communautés fortes telles que les communautés juive, chinoise, pakistanaise, malienne et sénégalaise pour ne citer que celles-là. Or, l’économie ivoirienne ne sera impactée efficacement que si des projets porteurs sont soutenus par un collectif de personnes aux compétences diverses pour réduire les risques individuels et renforcer l’endurance dans l’effort. Ce sera l’une des tâches des députés des ivoiriens de l’étranger qui seront investis de légitimité républicaine; ce qui facilitera leur travail de rassemblement des populations diasporiques dans un élan de cohésion patriotique professionnelle et projective.
Si définir la diaspora ivoirienne revient à lister le nombre d’Ivoiriens vivant en dehors du territoire ivoirien, alors, oui, il existe une diaspora ivoirienne de forme. Mais si la diaspora se définit comme étant une entité communautaire élargie qui travaille en corrélation directe ou indirecte, de façon concertée, afin d’atteindre un objectif commun, alors je crois que les ressortissants Ivoiriens vivant à l’étranger constituent seulement un melting pot de citoyens que l’on pourrait difficilement regrouper sous le label “diaspora”, sauf par absence d’une sémantique appropriée. À ce titre, je considère qu’il existe non pas une véritable “diaspora ivoirienne”, mais plutôt une simple communauté d’Ivoiriens vivant à l’étranger, à savoir un groupe d’individus qui partage une même citoyenneté. Cela ne constituerait qu’une différenciation mineure si cette communauté n’était pas une des moins homogènes du continent africain. Pléthorique et désorientée, elle évolue en dehors de tout continuum clairement identifiable, sauf pour constituer des groupes ponctuels de divertissements, à valeur ajoutée négligeable. Or, pour qu’une communauté soit capable d’influencer l’essor économique d’un pays (et spécifiquement d’une Côte d’Ivoire éprouvée par les récentes crises militaire, politique et postélectorale), elle se doit d’avoir un minimum d’organisation qui tienne compte du type d’influence qu’elle pourrait avoir au niveau local. En clair, elle se doit d’intégrer dans son fonctionnement la notion basique de solidarité citoyenne. Mission qui sera dévolue aux futurs députés de la diaspora ivoirienne. Favoriser un climat de solidarité susceptible de formater un cadre approprié de valorisation des ressources humaines ivoiriennes vivant à l’étranger.
Pour que la diaspora ivoirienne puisse jouer un rôle défini, dans le cadre de fenêtres de financement avec comme exemple les obligations-diaspora, il doit y avoir au niveau étatique un minimum de confiance dans les institutions gouvernementales. Confiance qui sera recherchée, entretenue et renforcée par la présence de députés des ivoiriens de l’étranger, à travers la mise en place, notamment, de structures appropriées pour une utilisation efficace des ressources et augmentera la confiance de la diaspora, ses efforts de développement étant convertis et utilisés de façon productive.
Avoir un rôle efficace sur le développement socio-économique de la Côte d’Ivoire, tel que souhaité par le président Ouattara en 2011, implique pour la diaspora ivoirienne, de se donner les moyens d’une représentativité fiable sur le terrain en Côte d’Ivoire. Car, mener des actions de nature à revigorer la situation économique du pays sous-entend y avoir un pied-à-terre. C’est-à-dire un moyen de suivre rigoureusement les projets initiés. Cette diaspora ivoirienne est demandeuse d’informations utiles pour entreprendre au pays. Pour cela, les députés des ivoiriens de l’étranger auront un rôle important à jouer dans la mise à disposition d’informations utiles pour des investisseurs ivoiriens vivant à l’étranger. Ce qui, manifestement, est dans bien des cas encore défaillant au sein de nos représentations consulaires. La diaspora ivoirienne regorge de personnalités de poids dans divers secteurs d’activités et de cadres internationaux compétents qui ont fait leurs preuves dans les plus grandes multinationales. Mais lorsqu’il s’agit de projets de développement, il est question de se définir une vision de long terme, de fédérer des forces vives et de penser collectif. S’il y a un travail à faire pour que des initiatives privées aient une incidence déterminante sur l’économie ivoirienne, c’est bien au niveau de l’esprit collectif. Le ferment du collectif réside dans la légitimité du ou des meneur (s). Et le milieu associatif peut être un laboratoire grandeur nature pour explorer ce phénomène. Mais l’élection des députés en est le gage. Comment se mettre ensemble pour travailler et développer des projets porteurs qui bénéficieront à la collectivité? Cette question sera l’un des chantiers des futurs députés des populations diasporiques.
(…)
Pour peser vraiment sur la vie économique et politique du pays, cette diaspora doit se structurer au-delà des clivages politiques. Et cela peut se faire par une représentativité axée sur la légitimité et la légalité, à travers le vote. L’émergence ne se fera pas seulement dans l’attente de l’arrivée massive des investissements étrangers lesquels ne créent pas forcement d’emplois locaux durables et dont les profits ne se réinvestissent pas toujours localement. L’émergence, c’est d’abord la capacité à faire travailler ensemble et durablement dans la paix l’ensemble des Ivoiriens y compris ceux de l’étranger qui regorgent une belle dose de ressources humaines tant en quantité qu’en qualité. Et l’un des rôles des députés consistera à créer les conditions pour susciter le retour ou l’implication professionnelle de cette manne humaine. Favoriser une économie de proximité par le développement des capacités productives et l’introduction de contenus technologiques. C’est à ce titre que les diasporas ivoiriennes ont un rôle important à jouer et une chance à saisir dans une Côte d’Ivoire qui reste un creuset de croissance économique durable, de création de valeurs ajoutées et d’emplois, de transformation économique et sociale et de distribution intelligente du pouvoir d’achat. Rôle qui ne peut être bien outillé et porteur que par la représentation et autour de leurs députés. (…)
Les grands hommes sont des individus qui, dans un certain état supérieur, ont été à même de réaliser l’Esprit de leur nation jusqu’à son terme. En ce sens, un grand homme est un héros, qui se fait souvent inconsciemment agent d’un but supérieur, dans notre cas, celui d’un état émergent à forte participation diasporique. Laquelle participation passe nécessairement par l’élection de députés diasporiques si nous voulons qu’elle soit efficace et déterminante. J’ose croire que c’est le vœu secret du docteur Alassane OUATTARA. Monsieur notre président, posez l’acte nécessaire de modification du code électoral pour que les ivoiriens de l’étranger rentrent avec vous dans l’histoire émergente de la Côte d’Ivoire...!
Œuvrons pour traverser ce défi avec le sentiment que nous savons où nous allons.
Sortons ensemble de l’immersion pour aller à l’émergence..., avec la Diaspora!
Pascal ROY
Docteur en Philosophie-Docteur en Droit-Médiateur dans les Organisations-Analyste juridique des Institutions modernes et contemporaines-Expert des droits de l’Homme et des situations de crises-Diplômé de Sciences Politiques-Enseignant-Chercheur à l’Université et Consultant en RH
Paris (France)