Monsieur Souleymane Diarrassouba, président de l’Association des professionnels des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire, président du conseil d’administration de la Banque Atlantique Côte d’Ivoire (BACI), était le mercredi 14 mai dernier sur le plateau du direct d’Abidjan.net. Au cours des échanges auxquels ont pris part des représentants du Patriote et du Nouveau Courrier, il explique le bien-fondé de la décision portant suppression de 19 postes de frais et commissions bancaires.
Il a été fait écho, à l’issue d’une rencontre entre le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) et l’Association des professionnels de banques et établissements financiers (APBEF) des Etats de l’Uemoa, de l’examen et de l’approbation d’une liste définitive de services bancaires à offrir de façon gratuite à la clientèle. Quelle est votre sentiment sur cette mesure ?
Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez en ma qualité de président de l’Association des professionnels et établissements financiers de Côte d’Ivoire de m’adresser pour la première fois aux internautes à travers un portail qui est le plus visité en Côte d’Ivoire : Abidjan.net. Je me félicite de participer à cet exercice et j’espère être à la hauteur de vos attentes. Depuis novembre 2012, il y a eu le lancement des concertations entre la banque centrale et les établissements financiers de l’UEMOA afin d’échanger sur différents mécanismes ou décisions qui devraient permettre de renforcer l’inclusion financière, de promouvoir la bancarisation, et renforcer la protection des consommateurs tout en préservant la résilience du système bancaire et financier de l’union. De nombreuses rencontres ont été initiées depuis 2012 et le 8 mai dernier à Dakar, les banques et la banque centrale se sont accordées sur une série de 19 postes de frais et commissions qu’elles ont décidé d’abandonner au profit des clients. Tout ceci, afin de rendre accessibles les services bancaires à la majorité des populations de la zone UEMOA, notamment de la Côte d’Ivoire et aussi améliorer le taux de bancarisation de l’union qui est autour de 7% et environ de 14 % en Côte d’Ivoire .Vu tous ces sacrifices, nous espérons que tout ceci aura un impact sur le taux de bancarisation en Côte d’Ivoire. En prenant ces mesures, nous avons regardé ce qui se passe dans le monde, au niveau international. On a pris l’exemple du Maroc qui, en 2010, a supprimé 16 postes de commission. Lorsqu’elles ont pris cette décision, les autorités du Maroc ont vu le taux de bancarisation dans le royaume passé de 49% en 2010 à 55% en 2012, c’est-à-dire 2 ans après. Nous avons fait mieux en supprimant 19 postes de commissions dans l’espoir de l’amélioration de notre taux. Nous n’espérons pas un taux de 5 points mais d’au moins 10 points au cours des deux ou trois prochaines années, compte tenu du fait que notre taux de bancarisation reste encore faible dans la zone. C’est un sentiment de joie, de fierté qui nous anime, d’autant plus que c’est une décision historique. Depuis la libéralisation de notre système bancaire en 1989, c’est la première fois que les banques, sous l’égide de la banque centrale, prennent une telle décision historique qui, mécaniquement, impacte le quotidien des populations parce que ça leur permet d’avoir des gains au niveau de nos différentes banques. C’est vrai que ça fait un manque à gagner pour les banques, mais cette décision leur offre l’occasion d’élargir leur base clientèle, également de faire preuve d’imagination, d’innovation au niveau des produits et services qui sont proposés à la clientèle. Cette décision constitue en fait une opportunité de faire plus dans le marché et de couvrir les besoins et offrir une meilleure qualité de service à nos clients.
19 postes, comme vous le dites, seront désormais gratuits, c’est beaucoup. On s’interroge alors que serait l’impact sur vos activités en termes de produit net bancaire, chiffre d’affaires et résultat financier du système bancaire ?
La liste n’a été arrêtée que le jeudi ; toutes les banques sont en train de faire l’exercice. Ça sera difficile pour moi de vous donner les chiffres mais mécaniquement, c’est une perte à l’instant T pour les banques même si j’ai signifié que cette décision doit constituer une opportunité pour continuer d’élargir la base clientèle pour que cette perte puisse être diluée et soit un catalyseur pour leur permettre d’avoir des possibilités d’amélioration du Produit Net Bancaire (PNB) dès lors que la décision sera effective. Au moment opportun, de façon très précise, on pourra vous montrer l’impact sur le bilan et les comptes d’exploitation des banques. Mais lorsqu’on parcourt la liste des services qui seront gratuits, mécaniquement vous constatez que ce sont des frais que nous n’allons plus percevoir. Je prends un seul exemple, au niveau de la banque à distance, beaucoup de personnes, que ce soient les salariés du public ou du privé, consultent souvent deux à trois fois leurs comptes dans la journée, pour des raisons qui leur sont propres. Tout ceci sera désormais gratuit. Et comme vous le savez, les banques ont des réseaux sur toute l’étendue du territoire ivoirien, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays où nous n’avons par forcement des représentations de la banque centrale. Tous les fonds qui sont déposé à Odienné, Soubré, à Man ou dans d’autres localités du pays, aujourd’hui tous ces fonds sont convoyés sur Abidjan, Daloa ou San Pedro. Tout cela, ce sont des frais généraux importants que les banques supportent. Notamment en termes de frais de convoyage mais aussi de frais de sécurité. De sorte que par le passé, lorsque des versements étaient faits dans certaines villes très loin d’Abidjan, les banques percevaient quelques frais. Aujourd’hui, nous abandonnons tout cela pour le bien-être des clients. Je pense que c’est vraiment une bonne nouvelle pour les populations.
C’est bien mais pour vous-même, quelle stratégie mettez-vous en place pour rattraper ce manque à gagner ?
La stratégie, je pense qu’elle a été déjà discutée au cours des réunions de concertation et comme je l’ai déjà indiqué, pour moi c’est une opportunité que les banques ont pour améliorer leur qualité de service. Deuxièmement, nous souhaitons que l’environnement continue de se consolider en termes de stabilité et que l’environnement des affaires continue de s’améliorer, afin que les banques continuent d’élargir les bases clientèles et d’offrir d’autres produits innovants aux populations pour rattraper le manque à gagner et gagner plus par rapport à l’évolution de leur PNB, aussi bien en termes de distribution de crédits et par rapport aux commissions prélevées sur les prix des produits innovants qui seront proposés à notre clientèle.
C’est une bonne nouvelle pour la clientèle qui attend sa mise en vigueur. Alors, monsieur le président, à quand donc l’application de cette mesure ?
Je pense que cette mesure importante va rentrer en application dans les semaines à venir mais cette prérogative relève de la BCEAO et le gouverneur de la banque centrale, en temps opportun, fera une communication sur la date d’application de ces mesures. Et dès lors que cette instruction sera reçue au niveau des banques, l’application se fera effective, conformément aux décisions qui seront prises. Compte tenu de l’importance de la question et de l’urgence, je pense que nous aurons ces instructions au cours des prochaines semaines et la date d’application sera communiquée de façon immédiate à l’ensemble des populations.
Président, je voudrais savoir de façon concrète, est-ce qu’il s’agit aujourd’hui de se présenter à une banque, puisque ce service est désormais gratuit, pour qu’on m’ouvre un compte sans savoir si je suis solvable ?
Aujourd’hui, ce que nous demandons aux personnes repose sur un certain nombre de principes. Il y a le principe du droit au compte que avons décidé de remettre sur la table et de l’exercer dans les faits, c’est-à-dire permettre à toute personne qui le souhaite de pouvoir ouvrir des comptes dans nos livres. Mais on souhaite que les comptes qui sont ouverts soient alimentés. Troisième point, où les conditions sont posées en termes de solvabilité, c’est lorsque le client va solliciter un financement au niveau de la banque, là nous nous assurons que le client a le profil qu’il faut pour pouvoir emprunter, soit une avance sur salaire, soit un crédit d’investissement, soit un crédit d’équipements, soit un crédit immobilier. Je pense que les études se feront en conséquence. Mais ces mesures doivent pousser les populations à courir vers les banques pour sécuriser leurs avoirs, les faire fructifier et aussi bénéficier des produits et services offerts par les banques, notamment la distribution des crédits.
L’une des raisons évoquées par la BCEAO pour justifier la prise de ces mesures, c’est bien pour améliorer le taux de bancarisation. Voyez-vous vraiment un rapport ?
Dans mon propos introductif, j’ai pris l’exemple du Maroc dont le taux de bancarisation est passé de 49% à 55% en deux ans. Toute chose égale par ailleurs, il peut avoir corrélation entre cette gratuité qui va encourager les populations à venir ouvrir des comptes et l’amélioration du taux de bancarisation. Ce n’est pas le seul élément mais c’est l’un des éléments qui permettent d’encourager les populations à venir ouvrir des comptes dans les banques parce qu’elles savent dorénavant que pour certains services de base, ce sont des services qui sont offerts gratuitement par les banques. Je pense que cet élément important sera un catalyseur pour les banques au niveau de l’amélioration du taux de bancarisation.
Monsieur le Président, lors de 6ème édition du salon de la monétique en avril dernier, vous avez déclaré en substance que la Côte d’Ivoire se veut la locomotive de la sous région en matière de transaction monétique. Est-ce que ces décisions de la BCEAO vont contribuer à améliorer les services de la monétique en Côte d’Ivoire?
Nécessairement. Aucune industrie de service ne peut se soustraire du développement des TIC, notamment du développement de la monétique et nos populations deviennent de plus en plus exigeantes. Aujourd’hui, on souhaite avoir tous des cartes bancaires pour faire des opérations au niveau des distributeurs automatiques de billets. On souhaite faire des achats dans les supermarchés à travers tout ce qui concerne les terminaux de paiement, faire des achats et paiement sur internet, etc. La classe moyenne est en train de devenir de plus en plus importante, les gens ont une certaine habitude parce qu’ils n’ont pas beaucoup de temps et les banques ne peuvent pas se permettent d’être en dehors de ce processus. Il faut donner des cartes aux clients pour leur permettre de faire leurs opérations sans avoir à se déplacer forcement aux guichets. Ces mesures viennent encourager ce type de comportement en demandant aux banques de mettre l’accent sur d’autres produits à valeur ajoutée concernant la monétique. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, en termes de stratégie, ce qu’il faut faire pour rattraper le gap que nous avons aujourd’hui compte tenu de la prise immédiate de ces décisions, c’est de développer des produits innovants liés à la monétique. De sorte à créer d’autres produits à valeur ajoutée qui seront naturellement tarifés de façon modérée ; pour qu’on puisse couvrir le besoin du client mais aussi continuer d’améliorer notre niveau de produit net bancaire.
Monsieur le président, améliorer le taux de bancarisation des produits c’est bien mais donner du crédit, c’est mieux. Est-ce que ces nouvelles mesures vont contribuer à accorder plus de crédits aux clients?
Mais bien sûr, je pense que ça va dans ce sens. Lorsqu’on dit qu’on améliore le niveau de bancarisation, on essaie d’améliorer le niveau d’inclusion financière, c’est pour que l’ensemble des Ivoiriens, sinon au moins 50% à 60% de la population, puisse avoir des comptes bancaires et profiter des services des banques. Les banques, dans le cadre de leur stratégie de développement, ne peuvent pas faire autrement que faire du crédit parce que le crédit est généralement notre première source de revenus. Maintenant la question est de savoir comment est-ce qu’on fait le crédit. Je pense qu’à ce niveau, il y a de l’évolution. A l’analyse des résultats financiers de 2012 et 2013, il apparait que le niveau de financement des banques ivoiriennes, en ce qui concerne le crédit à moyen et long terme, c’est-à-dire tout ce qui concerne les crédits liés au financement des outils d’investissement et à la promotion immobilière, a évolué de plus de 40% d’une année à l’autre. C’est dire donc que nous sommes dans cette dynamique-là. Et il y a un projet important qui est piloté par la banque centrale : la création au plus tard en juin 2015 des bureaux de crédits, qui vont nous permettre de disposer de l’antériorité de crédit des populations. Et d’avoir toutes les informations dans ce sens auprès des banques et des grands facturiers tels que les sociétés d’eau et d’électricité. Lorsque quelqu’un va se présenter à la banque, sur la base du score qu’il affichera par rapport aux actes qu’ils posent dans sa vie quotidienne auprès des banques, l’analyse de ces informations permettra aux banques de faire plus de crédits. Au niveau macroéconomique, il y a ces décisions qui sont en train d’être prises et qui vont faciliter l’octroi de crédit à l’ensemble des populations. C’est un point qui fait partie des exigences du doing business et qui sont prises en charge aussi bien par la banque centrale que les Etats. Ce sont des choses qui nous permettront de faire plus de crédit au cours des prochaines années.
Comme vous l’aviez reconnu tout à l’heure, il y a des localités ou le service bancaire est rare, il quasiment existant dans certaines régions du pays où il n’y a pratiquement pas de banques. Les fonctionnaires parcourent des kilomètres pour pouvoir faire des opérations. Aujourd’hui est-ce qu’avec cette mesure, on peut envisager une plus grande couverture nationale au niveau des banques ?
C’est une question qui est pertinente mais qui demande beaucoup d’effort de la part de l’Etat. Comme vous le constatez, d’année en année, les banques continuent d’ouvrir des agences dans les différents quartiers d’Abidjan et également dans des régions du pays même si on n’est pas partout. Mais pour créer une banque, on a beaucoup d’exigence en termes d’existence d’un minimum d’infrastructures. On souhaite que les efforts se poursuivent au niveau des autorités par rapport à la réalisation d’un minimum d’infrastructures. Je veux dire dans les différentes villes ou bien des les contrées les plus lointaines, afin que les banques y soient. L’un des points les plus importants abordés à chaque fois que nous rencontrons la banque centrale, c’est de voir dans quelle mesure nous pouvons rouvrir les agences centrales qui existaient à Bouaké, à Man et à Korhogo. Vu l’évolution de l’économie ivoirienne et dans les autres pays de l’Uemoa, nous pensons même qu’il faudrait qu’il y ait d’autres succursales ici et là. Mais c’est quelque chose qui doit se faire en lien avec le programme d’équipement et de développement des infrastructures des Etats, pour que la banque centrale et les banques puissent être dans des régions dotées d’un minimum d’infrastructures.
Les banques ont des exigences parce que lorsqu’on construit des agences bancaires, c’est souvent des montants importants : 150 millions à 300 millions qui sont investis. Mais à coté des banques, on doit également améliorer la couverture du pays au niveau des SFD, les structures de microfinance qui ont des structures plus légères que les banques et qui peuvent être présentes dans certaines contrées de la Côte d’Ivoire. C’est ensemble que nous allons améliorer le niveau de financiarisation de nos différentes économies ; nous devons faire en sorte que personne ne soit en rade. Il faut que toutes les populations soient financiarisées : soit vous avez un compte bancaire, soit vous avez un compte dans une institution de microfinance.
Le constat est que sur le marché bancaire en Côte d’Ivoire il y a une floraison de banques. Est-ce que cette situation est avantageuse pour les clients et vous aussi les banques ?
Pour un client, c’est un avantage d’avoir plusieurs banques parce que cela lui donne le choix. Aujourd’hui, nous voyons des clients qui passent d’une banque à une autre selon les conditions qui sont offertes. Mieux, avec les nouvelles décisions que nous venons de prendre, il y a la libre circulation des clients, étant donné que les frais de clôture sont supprimés. L’effet de la concurrence est toujours profitable au client. Aujourd’hui, sur le marché, on constate une tendance baissière des taux d’intérêt. Il y a un mécanisme d’attractivité du système bancaire qui a été mis en place depuis quelques années. Lorsque vous regardez à fin 2012, vous constatez la baisse du ratio de transformation de 75% à 50% au niveau des banques. En septembre dernier, il y a une décision très importante qui a été prise qui a contribué à la baisse du taux d’usure qui est passé de 18% à 15%. Quelques mois après, on a cette décision concernant la gratuité des services bancaires. Tout ceci dans l’intérêt des populations, pour qu’elles puissent avoir accès librement aux services bancaires. Du fait de la concurrence, il y a une tendance baissière au niveau du taux d’intérêt que ça soit au niveau des entreprises, des PME, que des particuliers.
Concernant les perspectives au niveau du système bancaire, que pouvez-vous nous dire suite à la prise de ces décisions ?
Les banques attendent l’instruction de la banque centrale sur la date d’application effective de ces ses décisions. Je rassure les internautes que les banques vont continuer à les accompagner, vont continuer d’être présentes dans leur quotidien, vont continuer de financer l’économie mais nous disons que la banque ne peut être en dehors de l’environnement des affaires et demandons que les décisions commerciales puissent être discutées au niveau du tribunal du commerce dont nous avions salué l’avènement. Nous saluons la création prochaine des chambres spécialisées de commerce concernant le traitement des litiges et nous demandons que la lutte contre la cybercriminalité soit plus intense car souvent les banques font l’objet d’attaques au niveau cybercriminel par rapport au phénomène des brouteurs. Nous souhaitons que les autorités y accordent une attention particulière parce qu’il y va de la survie et de la pérennité de nos établissements.
Emmanuel Akani
Il a été fait écho, à l’issue d’une rencontre entre le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) et l’Association des professionnels de banques et établissements financiers (APBEF) des Etats de l’Uemoa, de l’examen et de l’approbation d’une liste définitive de services bancaires à offrir de façon gratuite à la clientèle. Quelle est votre sentiment sur cette mesure ?
Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez en ma qualité de président de l’Association des professionnels et établissements financiers de Côte d’Ivoire de m’adresser pour la première fois aux internautes à travers un portail qui est le plus visité en Côte d’Ivoire : Abidjan.net. Je me félicite de participer à cet exercice et j’espère être à la hauteur de vos attentes. Depuis novembre 2012, il y a eu le lancement des concertations entre la banque centrale et les établissements financiers de l’UEMOA afin d’échanger sur différents mécanismes ou décisions qui devraient permettre de renforcer l’inclusion financière, de promouvoir la bancarisation, et renforcer la protection des consommateurs tout en préservant la résilience du système bancaire et financier de l’union. De nombreuses rencontres ont été initiées depuis 2012 et le 8 mai dernier à Dakar, les banques et la banque centrale se sont accordées sur une série de 19 postes de frais et commissions qu’elles ont décidé d’abandonner au profit des clients. Tout ceci, afin de rendre accessibles les services bancaires à la majorité des populations de la zone UEMOA, notamment de la Côte d’Ivoire et aussi améliorer le taux de bancarisation de l’union qui est autour de 7% et environ de 14 % en Côte d’Ivoire .Vu tous ces sacrifices, nous espérons que tout ceci aura un impact sur le taux de bancarisation en Côte d’Ivoire. En prenant ces mesures, nous avons regardé ce qui se passe dans le monde, au niveau international. On a pris l’exemple du Maroc qui, en 2010, a supprimé 16 postes de commission. Lorsqu’elles ont pris cette décision, les autorités du Maroc ont vu le taux de bancarisation dans le royaume passé de 49% en 2010 à 55% en 2012, c’est-à-dire 2 ans après. Nous avons fait mieux en supprimant 19 postes de commissions dans l’espoir de l’amélioration de notre taux. Nous n’espérons pas un taux de 5 points mais d’au moins 10 points au cours des deux ou trois prochaines années, compte tenu du fait que notre taux de bancarisation reste encore faible dans la zone. C’est un sentiment de joie, de fierté qui nous anime, d’autant plus que c’est une décision historique. Depuis la libéralisation de notre système bancaire en 1989, c’est la première fois que les banques, sous l’égide de la banque centrale, prennent une telle décision historique qui, mécaniquement, impacte le quotidien des populations parce que ça leur permet d’avoir des gains au niveau de nos différentes banques. C’est vrai que ça fait un manque à gagner pour les banques, mais cette décision leur offre l’occasion d’élargir leur base clientèle, également de faire preuve d’imagination, d’innovation au niveau des produits et services qui sont proposés à la clientèle. Cette décision constitue en fait une opportunité de faire plus dans le marché et de couvrir les besoins et offrir une meilleure qualité de service à nos clients.
19 postes, comme vous le dites, seront désormais gratuits, c’est beaucoup. On s’interroge alors que serait l’impact sur vos activités en termes de produit net bancaire, chiffre d’affaires et résultat financier du système bancaire ?
La liste n’a été arrêtée que le jeudi ; toutes les banques sont en train de faire l’exercice. Ça sera difficile pour moi de vous donner les chiffres mais mécaniquement, c’est une perte à l’instant T pour les banques même si j’ai signifié que cette décision doit constituer une opportunité pour continuer d’élargir la base clientèle pour que cette perte puisse être diluée et soit un catalyseur pour leur permettre d’avoir des possibilités d’amélioration du Produit Net Bancaire (PNB) dès lors que la décision sera effective. Au moment opportun, de façon très précise, on pourra vous montrer l’impact sur le bilan et les comptes d’exploitation des banques. Mais lorsqu’on parcourt la liste des services qui seront gratuits, mécaniquement vous constatez que ce sont des frais que nous n’allons plus percevoir. Je prends un seul exemple, au niveau de la banque à distance, beaucoup de personnes, que ce soient les salariés du public ou du privé, consultent souvent deux à trois fois leurs comptes dans la journée, pour des raisons qui leur sont propres. Tout ceci sera désormais gratuit. Et comme vous le savez, les banques ont des réseaux sur toute l’étendue du territoire ivoirien, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays où nous n’avons par forcement des représentations de la banque centrale. Tous les fonds qui sont déposé à Odienné, Soubré, à Man ou dans d’autres localités du pays, aujourd’hui tous ces fonds sont convoyés sur Abidjan, Daloa ou San Pedro. Tout cela, ce sont des frais généraux importants que les banques supportent. Notamment en termes de frais de convoyage mais aussi de frais de sécurité. De sorte que par le passé, lorsque des versements étaient faits dans certaines villes très loin d’Abidjan, les banques percevaient quelques frais. Aujourd’hui, nous abandonnons tout cela pour le bien-être des clients. Je pense que c’est vraiment une bonne nouvelle pour les populations.
C’est bien mais pour vous-même, quelle stratégie mettez-vous en place pour rattraper ce manque à gagner ?
La stratégie, je pense qu’elle a été déjà discutée au cours des réunions de concertation et comme je l’ai déjà indiqué, pour moi c’est une opportunité que les banques ont pour améliorer leur qualité de service. Deuxièmement, nous souhaitons que l’environnement continue de se consolider en termes de stabilité et que l’environnement des affaires continue de s’améliorer, afin que les banques continuent d’élargir les bases clientèles et d’offrir d’autres produits innovants aux populations pour rattraper le manque à gagner et gagner plus par rapport à l’évolution de leur PNB, aussi bien en termes de distribution de crédits et par rapport aux commissions prélevées sur les prix des produits innovants qui seront proposés à notre clientèle.
C’est une bonne nouvelle pour la clientèle qui attend sa mise en vigueur. Alors, monsieur le président, à quand donc l’application de cette mesure ?
Je pense que cette mesure importante va rentrer en application dans les semaines à venir mais cette prérogative relève de la BCEAO et le gouverneur de la banque centrale, en temps opportun, fera une communication sur la date d’application de ces mesures. Et dès lors que cette instruction sera reçue au niveau des banques, l’application se fera effective, conformément aux décisions qui seront prises. Compte tenu de l’importance de la question et de l’urgence, je pense que nous aurons ces instructions au cours des prochaines semaines et la date d’application sera communiquée de façon immédiate à l’ensemble des populations.
Président, je voudrais savoir de façon concrète, est-ce qu’il s’agit aujourd’hui de se présenter à une banque, puisque ce service est désormais gratuit, pour qu’on m’ouvre un compte sans savoir si je suis solvable ?
Aujourd’hui, ce que nous demandons aux personnes repose sur un certain nombre de principes. Il y a le principe du droit au compte que avons décidé de remettre sur la table et de l’exercer dans les faits, c’est-à-dire permettre à toute personne qui le souhaite de pouvoir ouvrir des comptes dans nos livres. Mais on souhaite que les comptes qui sont ouverts soient alimentés. Troisième point, où les conditions sont posées en termes de solvabilité, c’est lorsque le client va solliciter un financement au niveau de la banque, là nous nous assurons que le client a le profil qu’il faut pour pouvoir emprunter, soit une avance sur salaire, soit un crédit d’investissement, soit un crédit d’équipements, soit un crédit immobilier. Je pense que les études se feront en conséquence. Mais ces mesures doivent pousser les populations à courir vers les banques pour sécuriser leurs avoirs, les faire fructifier et aussi bénéficier des produits et services offerts par les banques, notamment la distribution des crédits.
L’une des raisons évoquées par la BCEAO pour justifier la prise de ces mesures, c’est bien pour améliorer le taux de bancarisation. Voyez-vous vraiment un rapport ?
Dans mon propos introductif, j’ai pris l’exemple du Maroc dont le taux de bancarisation est passé de 49% à 55% en deux ans. Toute chose égale par ailleurs, il peut avoir corrélation entre cette gratuité qui va encourager les populations à venir ouvrir des comptes et l’amélioration du taux de bancarisation. Ce n’est pas le seul élément mais c’est l’un des éléments qui permettent d’encourager les populations à venir ouvrir des comptes dans les banques parce qu’elles savent dorénavant que pour certains services de base, ce sont des services qui sont offerts gratuitement par les banques. Je pense que cet élément important sera un catalyseur pour les banques au niveau de l’amélioration du taux de bancarisation.
Monsieur le Président, lors de 6ème édition du salon de la monétique en avril dernier, vous avez déclaré en substance que la Côte d’Ivoire se veut la locomotive de la sous région en matière de transaction monétique. Est-ce que ces décisions de la BCEAO vont contribuer à améliorer les services de la monétique en Côte d’Ivoire?
Nécessairement. Aucune industrie de service ne peut se soustraire du développement des TIC, notamment du développement de la monétique et nos populations deviennent de plus en plus exigeantes. Aujourd’hui, on souhaite avoir tous des cartes bancaires pour faire des opérations au niveau des distributeurs automatiques de billets. On souhaite faire des achats dans les supermarchés à travers tout ce qui concerne les terminaux de paiement, faire des achats et paiement sur internet, etc. La classe moyenne est en train de devenir de plus en plus importante, les gens ont une certaine habitude parce qu’ils n’ont pas beaucoup de temps et les banques ne peuvent pas se permettent d’être en dehors de ce processus. Il faut donner des cartes aux clients pour leur permettre de faire leurs opérations sans avoir à se déplacer forcement aux guichets. Ces mesures viennent encourager ce type de comportement en demandant aux banques de mettre l’accent sur d’autres produits à valeur ajoutée concernant la monétique. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, en termes de stratégie, ce qu’il faut faire pour rattraper le gap que nous avons aujourd’hui compte tenu de la prise immédiate de ces décisions, c’est de développer des produits innovants liés à la monétique. De sorte à créer d’autres produits à valeur ajoutée qui seront naturellement tarifés de façon modérée ; pour qu’on puisse couvrir le besoin du client mais aussi continuer d’améliorer notre niveau de produit net bancaire.
Monsieur le président, améliorer le taux de bancarisation des produits c’est bien mais donner du crédit, c’est mieux. Est-ce que ces nouvelles mesures vont contribuer à accorder plus de crédits aux clients?
Mais bien sûr, je pense que ça va dans ce sens. Lorsqu’on dit qu’on améliore le niveau de bancarisation, on essaie d’améliorer le niveau d’inclusion financière, c’est pour que l’ensemble des Ivoiriens, sinon au moins 50% à 60% de la population, puisse avoir des comptes bancaires et profiter des services des banques. Les banques, dans le cadre de leur stratégie de développement, ne peuvent pas faire autrement que faire du crédit parce que le crédit est généralement notre première source de revenus. Maintenant la question est de savoir comment est-ce qu’on fait le crédit. Je pense qu’à ce niveau, il y a de l’évolution. A l’analyse des résultats financiers de 2012 et 2013, il apparait que le niveau de financement des banques ivoiriennes, en ce qui concerne le crédit à moyen et long terme, c’est-à-dire tout ce qui concerne les crédits liés au financement des outils d’investissement et à la promotion immobilière, a évolué de plus de 40% d’une année à l’autre. C’est dire donc que nous sommes dans cette dynamique-là. Et il y a un projet important qui est piloté par la banque centrale : la création au plus tard en juin 2015 des bureaux de crédits, qui vont nous permettre de disposer de l’antériorité de crédit des populations. Et d’avoir toutes les informations dans ce sens auprès des banques et des grands facturiers tels que les sociétés d’eau et d’électricité. Lorsque quelqu’un va se présenter à la banque, sur la base du score qu’il affichera par rapport aux actes qu’ils posent dans sa vie quotidienne auprès des banques, l’analyse de ces informations permettra aux banques de faire plus de crédits. Au niveau macroéconomique, il y a ces décisions qui sont en train d’être prises et qui vont faciliter l’octroi de crédit à l’ensemble des populations. C’est un point qui fait partie des exigences du doing business et qui sont prises en charge aussi bien par la banque centrale que les Etats. Ce sont des choses qui nous permettront de faire plus de crédit au cours des prochaines années.
Comme vous l’aviez reconnu tout à l’heure, il y a des localités ou le service bancaire est rare, il quasiment existant dans certaines régions du pays où il n’y a pratiquement pas de banques. Les fonctionnaires parcourent des kilomètres pour pouvoir faire des opérations. Aujourd’hui est-ce qu’avec cette mesure, on peut envisager une plus grande couverture nationale au niveau des banques ?
C’est une question qui est pertinente mais qui demande beaucoup d’effort de la part de l’Etat. Comme vous le constatez, d’année en année, les banques continuent d’ouvrir des agences dans les différents quartiers d’Abidjan et également dans des régions du pays même si on n’est pas partout. Mais pour créer une banque, on a beaucoup d’exigence en termes d’existence d’un minimum d’infrastructures. On souhaite que les efforts se poursuivent au niveau des autorités par rapport à la réalisation d’un minimum d’infrastructures. Je veux dire dans les différentes villes ou bien des les contrées les plus lointaines, afin que les banques y soient. L’un des points les plus importants abordés à chaque fois que nous rencontrons la banque centrale, c’est de voir dans quelle mesure nous pouvons rouvrir les agences centrales qui existaient à Bouaké, à Man et à Korhogo. Vu l’évolution de l’économie ivoirienne et dans les autres pays de l’Uemoa, nous pensons même qu’il faudrait qu’il y ait d’autres succursales ici et là. Mais c’est quelque chose qui doit se faire en lien avec le programme d’équipement et de développement des infrastructures des Etats, pour que la banque centrale et les banques puissent être dans des régions dotées d’un minimum d’infrastructures.
Les banques ont des exigences parce que lorsqu’on construit des agences bancaires, c’est souvent des montants importants : 150 millions à 300 millions qui sont investis. Mais à coté des banques, on doit également améliorer la couverture du pays au niveau des SFD, les structures de microfinance qui ont des structures plus légères que les banques et qui peuvent être présentes dans certaines contrées de la Côte d’Ivoire. C’est ensemble que nous allons améliorer le niveau de financiarisation de nos différentes économies ; nous devons faire en sorte que personne ne soit en rade. Il faut que toutes les populations soient financiarisées : soit vous avez un compte bancaire, soit vous avez un compte dans une institution de microfinance.
Le constat est que sur le marché bancaire en Côte d’Ivoire il y a une floraison de banques. Est-ce que cette situation est avantageuse pour les clients et vous aussi les banques ?
Pour un client, c’est un avantage d’avoir plusieurs banques parce que cela lui donne le choix. Aujourd’hui, nous voyons des clients qui passent d’une banque à une autre selon les conditions qui sont offertes. Mieux, avec les nouvelles décisions que nous venons de prendre, il y a la libre circulation des clients, étant donné que les frais de clôture sont supprimés. L’effet de la concurrence est toujours profitable au client. Aujourd’hui, sur le marché, on constate une tendance baissière des taux d’intérêt. Il y a un mécanisme d’attractivité du système bancaire qui a été mis en place depuis quelques années. Lorsque vous regardez à fin 2012, vous constatez la baisse du ratio de transformation de 75% à 50% au niveau des banques. En septembre dernier, il y a une décision très importante qui a été prise qui a contribué à la baisse du taux d’usure qui est passé de 18% à 15%. Quelques mois après, on a cette décision concernant la gratuité des services bancaires. Tout ceci dans l’intérêt des populations, pour qu’elles puissent avoir accès librement aux services bancaires. Du fait de la concurrence, il y a une tendance baissière au niveau du taux d’intérêt que ça soit au niveau des entreprises, des PME, que des particuliers.
Concernant les perspectives au niveau du système bancaire, que pouvez-vous nous dire suite à la prise de ces décisions ?
Les banques attendent l’instruction de la banque centrale sur la date d’application effective de ces ses décisions. Je rassure les internautes que les banques vont continuer à les accompagner, vont continuer d’être présentes dans leur quotidien, vont continuer de financer l’économie mais nous disons que la banque ne peut être en dehors de l’environnement des affaires et demandons que les décisions commerciales puissent être discutées au niveau du tribunal du commerce dont nous avions salué l’avènement. Nous saluons la création prochaine des chambres spécialisées de commerce concernant le traitement des litiges et nous demandons que la lutte contre la cybercriminalité soit plus intense car souvent les banques font l’objet d’attaques au niveau cybercriminel par rapport au phénomène des brouteurs. Nous souhaitons que les autorités y accordent une attention particulière parce qu’il y va de la survie et de la pérennité de nos établissements.
Emmanuel Akani