Abidjan - M. Adama Diomandé est un militant du Rdr résidant en Fr a n c e . P ré s i d e n t - f o n d a teur de l'Association pour la défense de la démocratie et des libertés (Addl), il figure parmi les ''Alassanistes '' les plus dogmatiques. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, à l'occasion de son passage en Côte d 'Iv oi re , il se prononce sur tous les sujets politiques de l'heure. Les é l e c t i o n s présidentielles d'octobre 2015, l'appel de Daoukro, le procès des pro - G b a g b o , la crise au Fp i, etc.
Vous êtes de passage au pays où vous avez participé au 3ème congrès du Rdr qui s'est tenu le dimanche 22 mars. Comment avez-vous vécu cette mobilisation, après des années d'une quasi-hibernation de ce parti ?
Cette mobilisation des militants a été pour moi une surprise agréable. Parce que, pour nous qui sommes en Europe, il se disait que le Rdr était en perte de vitesse. Mais, le constat a été le contraire. Les militants ont démontré que la machine du Rdr peut se mettre en marche à tout moment. Le congrès a prouvé que Alassane reste populaire au sein du Rdr. Malgré les frustrations, les gens savent qu'il n'y a pas d'autre pièce de rechange pour enraciner le combat qu'ils ont mené avec lui. Donc, démonstration a été faite que la machine Rdr reste intacte Ce sont de bons prémices pour les élections à venir.
Ne craignez-vous pas les réactions de bien de militants qui crient leur indignation et se disent avoir été abandonnés par les cadres depuis leur accession au pouvoir ?
Le parti doit résoudre ce problème, notamment les cadres. Mais, je peux vous dire que la personnalité de Ouattara, pour les élections à venir, ne pose pas problème. Maintenant, pour les élections futures, en ce qui concerne les législatives, les municipales et autres, il faut craindre les sanctions des militants contre des cadres. A ce niveau, la direction du parti doit savoir mettre la machine en route. Sinon, la personnalité d'Alassane Ouattara est devenue nationale. Elle ne pose pas de problème. C'est pour cela qu'il faut tout faire pour aller rapidement au parti unifié. Il faut analyser l'appel de Daoukro d'une manière favorable pour qu'en dehors des élections présidentielles, le Pdci, le Rdr et les autres partis alliés donnent une assise démocratique à l'élection au premier tour, de M. Alassane Ouattara.
Justement, comment avez-vous compris l'appel lancé aux dirigeants du Rdr par le secrétaire exécutif du Pdci-Rda, qui les invite à analyser l'appel de Daoukro?
En politique, il faut toujours surveiller et poursuivre ses idées. L'appel de Daoukro a une partie qui commande une alliance vers un parti unifié. Jusqu'à présent, le Rdr n'a pas fait le débat et n'a pas donné de l'écho à l'appel. Chose que je trouve normale, parce qu'il faut l'étudier. En plus, dans cet appel, il y a une partie qui parle d'alternance. A ce sujet, je pense que le Rdr doit réfléchir et mener le débat en son sein. C'est ma position en tant que simple militant. Je pense que, pour la Côte d'Ivoire, il serait bon d'- analyser l'appel de Daoukro et aller à une formation unifiée.
A propos de l'alternance 2020, qu'attend le Rdr pour rassurer le Pdci, dont les dirigeants même attendent la position du parti au pouvoir?
Je pense que les dirigeants du Pdci et du Rdr ont dépassé ce stade de vision de la chose. Ce qui est important, ce sont les élections d'octobre 2015, la réélection au premier tour du président Alassane Ouattara. Après, les combinaisons politiques, les alliances et les arrangements peuvent se faire. Chacun peut défendre sa position. Il est tout à fait normal que le Pdci, qui prône une alliance pour élire Alassane Ouattara, fondateur du Rdr, demande en contrepartie une situation politiquement en sa faveur. Maintenant, au Rdr de savoir dans quel contexte l'alliance peut se faire. Moi, dans ma philosophie, il faut d'abord que les Houphouétistes arrivent à consolider ce qui est en place. C'est-à-dire le Rassemblement des Houphouétistes (Rhdp) et le transformer en parti unifié avec toutes ses composantes. Mais, ce débat ne peut pas se faire avant les présidentielles. Cependant, il devra être conséquent pendant les législatives et les autres scrutins locaux.
N'empêche que le débat a déjà commencé avec les dirigeants du Pdci qui semblent attendre d'avoir la certitude que 2020 se fera avec un cadre du ''Pdci actuel'' avant de se déterminer formellement pour l'appel de Daoukro. Alors que dans le camp du président Ouattara, on estime que tout le monde est Pdci, ou du moins sera Pdci dans le cadre du parti unifié ? Cela ne vous intrigue-t-il pas?
Non, pas du tout! Je pense que l'appel de Daoukro a été entendu. Quand on gagne un tel projet dans son parti politique à plus de 80%, c'est une réalité, quelque soient les commentaires qu'on va en faire après. L'appel de Daoukro est rentré dans le cœur des militants du Pdci, qui veulent la paix dans notre union. En réalité, au sein de la famille houphouétiste, on n'a pas le choix, si nous voulons consolider la paix. Puisque la réconciliation confiée à M. Banny n'a pas pu se faire. Cette réconciliation va se faire au sein de cette alliance. Le Pdci et le Rdr donneront un pouvoir égal à Ouattara pour solidifier cette réconciliation. Tout le monde sera gagnant, que ce soit le Rdr ou le Pdci. En ce qui concerne 2020, de toutes les façons, ce sera une alternance de génération. Le meilleur dans la formation qui va être unifié sera le candidat du Pdci et du Rdr. Nous ne savons pas comment nous allons appeler cette formation unifiée que Bédié et Ouattara demandent. Mais, ils mettent la Côte d'Ivoire au-dessus de tout intérêt partisan. Maintenant, ceux qui se sentiront capables d'être des héritiers de Bédié et de Ouattara, il faut qu'ils se valident au sein de cette formation unifiée. Celui qui sera le garant de la stabilité, après tout ce que Ouattara aura fait au sein du Rhdp pour consolider ce que Houphouët et Bédié ont laissé - puisque Gbagbo n'a rien fait, ça a été une parenthèse, celui qui sera capable de s'imposer au sein de cette formation unifiée sera le candidat idéal. Il n'y a pas de débat. Dans tout parti politique, il y a accord, arrangement. Donc, il est tout à fait normal que le Pdci, après avoir été aux côtés du président Ouattara au Golf, demande un retour en 2020. Je trouve cette demande normale.
Est-ce que ça va se faire?
Je pense que, si nous voulons continuer cette stabilité, et s'il y a un candidat qui assure cette stabilité au sein d'un parti unifié, je ne suis pas contre. Cest mon avis personnel. Maintenant, le débat aussi se pose au Rdr. Plusieurs cadres ne sont pas pressés pour aller vers le parti unifié. Donc, ne croyez pas que le débat est au sein du Pdci seulement.
En tout état de cause, je pense les président Bédié et Ouattara sont assez avertis pour guider les personnes qui aspirent à leur succession, tant au sein du Rdr que du Pdci.
Qu'est-ce qui freinent les cadres du Rdr, qui trainent les pieds vers le parti unifié?
Chacun se positionne avant l'heure. Moi, je ne suis pas dans ce camp-là. Je suis profondément Alassaniste et je pense d'abord à mon pays. Celui qui sera capable de penser d'abord à la stabilité de la Côte d'Ivoire à travers un parti unifié qui consolide l'émergence de 2020 dont je suis persuadé, c'est à la disposition de celui-là que je me mettrai, sans état d'âme, si Dieu me prête longue vie. Je soutiendrai celui qui va refléter la vision de Bédié et de Ouattara, qu'il soit du Pdci ou d'un autre parti du Rhdp.
Comment appréhendez-vous le silence et l'inaction des cadres du Pdci-Rda sur le terrain, un mois après le congrès qui a endossé la candidature unique du président Ouattara?
Je n'ai pas ce sentiment, parce qu'après l'appel de Daoukro, les cadres de la direction du Pdci ont sillonné tout le pays. Mais, ces cadres, il y en a qui ont des frustrations personnelles, il y en a qui n'ont pas eu de poste. C'est normal, mais je parle de la direction du Pdci, que moi je trouve plus active que les membres du Rdr dans le soutien à l'appel de Daoukro. Guikahué l'a prouvé au congrès du Rdr, après avoir sillonné tout le pays pour aller démontrer le bienfait de cet appel. Je pense que le Pdci sera à 80% derrière Ouattara. Ceux qui critiquent l'appel de Daoukro, et je cite Charles Konan Banny, il aurait dû se faire valider au sein du Pdci avant. C'est facile de critiquer, d'utiliser KKB (Bertin Kouadio Konan) quand on n'est pas courageux. Avez vous vu en politique que des gens mijotent le plat pour quelqu'un-autre? Voilà la réalité. Je dis que les critiques de Banny ne sont pas fondées. Si il était ''garçon'', comme on le dit ici à Abidjan, il allait faire capoter l'appel de Daoukro. Mais, il n'a même pas été capable d'aller au congrès du Pdci-Rda. C'est facile d'aller revendiquer sa positon sur des antennes de radio et autres mais ce n'est pas là-bas qu'on l'attend. On l'attendait au sein du Pdci. J'ai beaucoup d'estime pour le grand frère Banny, mais il est en train de déborder. Il a fait des déclarations que j'ai suivies. Mais, c'est lui qui a été Premier ministre de réconciliation désigné par la communauté internationale. Il a fait tandem avec le pire ennemi d'Houphouët-Boigny et il a été renvoyé comme un malpropre, remplacé par Soro Guillaume. C'est lui qui le traite de rebelle aujourd'hui. Mais, qu'il se souvienne un peu, Soro Guillaume qui l'a remplacé à la Primature, Gbagbo l'a félicité devant la Côte d'Ivoire à Bouaké. Il a dit que c'est le meilleur Premier ministre qu'il avait eu. Donc, le grand frère Banny, qui se réclame de l'héritage d'Houphouët-Boigny, avec l'appui de la communauté internationale, n'a pas pu stabiliser la Côte d'Ivoire. Avec tous les moyens dont il dispose, il est allé rendre sa démission sur l'affaire des déchets toxiques, alors qu'il avait toute la possibilité de renvoyer toutes les personnes qui étaient impliquées dans cette affaire. Au lieu de faire son travail, il a préféré aller rendre sa démission. Du pain bénit qu'il avait donné à Gbagbo pour continuer sans lui. S'il n'a pas pu faire ce boulot, ce n'est pas la Côte d'Ivoire qu'il pourra gouverner.
Justement, avec Charles Konan Banny, il y a jusqu'à 4 candidats qui se sont déclarés du Pdci-Rda, malgré l'appel lancé par le président Bédié. Ces candidats, appelés aujourd'hui les '' irréductibles'', qui réclament l'application des résolutions du congrès de 2013, comment les appréhendez-vous ?
Il n'y a pas d'appréhension, ils ne pèsent que 3%. Il n'y a pas de discussions là-dessus. La motion de Bédié a gagné à 97%, donc il n'y a pas d'appréhension à se faire. Ils font du bruit, c'est normal en démocratie, mais je ne les trouve pas conséquents envers eux mêmes. Quand on ne veut pas de quelque chose, on se bat dans son parti pour pouvoir renverser la tendance. Ont-ils renversé la tendance ? Non. C'est cela la réalité. C'est cela les faits politique. KKB, je ne vais pas m'attarder sur son cas, mais il est jeune, et je pense qu'il a été un pion de Banny. Mais, il va payer les conséquences, parce que Banny l'a lancé et il ne l'a pas soutenu. Je suis persuadé qu'il est en train de lancer des personnes, mais il n'ira pas jusqu'au bout, puisque la logique aurait été de s'imposer lui-même. Et même, quand il a été remercié par Laurent Gbagbo, s'il voulait vraiment faire de la politique, s'il avait l'intention d'être président de la République un jour, il se serai battu pour récupérer le Pdci. Qu'est-ce qu'il a fait? Il s'est planqué.
Que direz-vous du ministre d'État Essy Amara, d'ordinaire si discret et silencieux, qui s'est également jeté dans l'arène?
Oui, ça c'est une ambition personnelle encore. J'ai du respect pour ces grands frères, mais quand je parle de politique, je le mets de côté. Amara Essy, il se glorifie d'avoir été le meilleur ministre des Affaires étrangères d'Houphouët-Boigny. Cela est une réalité, mais sa grandeur, c'est Houphouët. Il était l'envoyé d'Houphouët-Boigny, mais dans son engagement qu'est ce qu'il a fait pour la Côte d'Ivoire au moment où elle était dans une crise? Lui qui a beaucoup de sortie, lui qu'Houphouët a envoyé ré- soudre des problèmes, il est resté silencieux. Il n'a jamais pris de position quand les deux frères, Alassane Ouattara et Bédié, se battaient. Le Pdci a été scindé en deux, Rdr et Pdci. Où était Amara Essy?
Quand on est un héritier politique, quand il y a des problèmes, on prend position. On s'engage ou on ne s'engage pas. Ces personnes-là n'ont pas de consistance politique, sauf critiquer. Mais, aimer ou ne pas aimer la personnalité d'une personne, ce n'est pas de la politique. On peut ne pas aimer quelqu'un, mais aimer sa politique. La réalité aujourd'hui est qu'en 4 ans, Alassane Ouattara est en train de transformer la Côte d'Ivoire. C'est tout à fait normal que l'allié principal qui est Bédié, en pensant à l'intérêt du pays, lui renouvelle son soutien. Dans tous les cas, en démocratie, il est tout à fait normal que des personnes qui ont atteint un certain niveau, prétendent à changer quelque chose.
Quelle lecture faites-vous des critiques de Tiburce Koffi, qui s'est montré très virulent contre l'appel de Daoukro ?
J'aime mon ami Tiburce Koffi, parce que c'est un grand dramaturge. Quand je lis ses écrits, je suis content. Mais la politique ce n'est pas sa place. S'il ne s'était pas engagé politiquement, ses paroles feraient référence. Mais, politiquement, il n'est pas stable, il n'est pas cohérent. Cela peut passer au théâtre, mais pas en politique. Il faut avoir une conduite. Tiburce Koffi a été un soutien de Gbagbo. Il l'a lâché et on l'a vu sur les antennes encenser Alassane Ouattara quand il a fait sa tournée à Yamoussoukro. Quand on arrive à ce stade, et qu'on n'est plus en phase, on a le courage de dire ''je pars''. Parce que la fonction qu'il occupait, c'est cette personne qui l'y a désigné. Donc, quand on n'est plus en phase, on dit: «Monsieur le président, je ne suis plus d'accord avec vous, merci de m'avoir confié la place que j'occupe, mais pour ne pas être en contradiction avec moi-même, je libère cette place puisque je vais vous critiquer intellectuellement». À un moment donné, les intellectuels doivent jouer leur rôle, mais en dehors de la politique. Parce qu'en politique, il y a toujours des couleuvres à avaler. Mais un intellectuel ne peut pas avaler de couleuvres. Même s'il décide de donner un coup de main quelque part, à un moment donné, s'il en a marre, il démissionne pour avoir sa liberté. Mais Tiburce Koffi n'a pas démissionné, il a pris position. Il a écrit même tout le contraire de ce qu'il disait. J'ai lu son livre. Ce livre est plein de contradictions, de contrevérités plus graves pour un intellectuel. Il soutient Banny, mais il ne lui rend pas service parce que son passé d'engagement politique est connu. Il n'est pas constant et il n'est pas stable, voila la réalité. S'il veut rendre service à la Côte d'Ivoire, qu'il ne soutienne pas un homme politique, et il verra qu'il aura beaucoup de succès parce qu'il arrive à toucher des réalités de notre société que les politiques doivent prendre en compte.
Entretien réalisé par Félix D.Bony