Le procès de l’assassinat du général Robert Guéi est dans sa phase d’instruction au tribunal d’Abidjan. Jean Blé Guirao, vice-président de l’UDPCI, qui a connu le général Guéi, était avec la famille du défunt pour apporter son soutien et sa solidarité à la famille biologique de l’ancien chef de l’Etat au premier jour de l’instruction. Dans cette interview, il revient sur les circonstances de l’assassinat du président fondateur de l’UDPCI et commente l’actualité politique. Entretien.
Le Patriote : Président, vous étiez au Palais de la justice mardi dernier, lors de l’ouverture du procès sur l’assassinat du général Robert Guéi, pour apporter le soutien de votre parti, l’UDPCI, à la famille de l’ancien chef d’Etat. Que représente ce procès pour vous ?
Jean Blé Guirao : L’ouverture de ce procès me procure une joie indicible pour l’importance particulière que j’accorde à cette affaire. Le général Robert Guéi a été chef d’état-major et chef d’Etat dans ce pays. Son assassinat ne peut donc rester impuni. Tout pays a une mémoire. L’histoire du général Robert Guéi demeure dans la mémoire collective et fait partie de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Il est donc important que la lumière soit faite sur son assassinat. Le président de la République, alors candidat du RDR, puis du RHDP au second tour, avait promis lors sa campagne électorale, que la lumière sera faite sur son assassinat s’il était élu. C’est cette promesse électorale qui est en train d’être tenue. Même si c’est en fin de mandat, ce n’est pas grave, car il n’est jamais tard quand il s’agit de rendre justice. Je suis heureux aujourd’hui de constater qu’après le tribunal militaire, le palais de justice d’Abidjan se saisisse du dossier suite à une plainte de la famille biologique du général Robert Guéi, amenée par son fils Guéi Rufin. J’étais au tribunal militaire et civil pour deux raisons. D’abord pour marquer toute la solidarité de mon parti l’UDPCI à la famille. Ensuite, en tant que personne attachée au général Guéi, pour montrer toute ma volonté de voir l’impunité s’estomper en Côte d’Ivoire. Le président de la République parle aujourd’hui de l’émergence. Mais l’émergence, c’est aussi l’éclatement de la vérité. C’est toute ma joie de voir enfin l’instruction commencer dans ce procès. Parce que nous avons encore tous en mémoire le 19 septembre 2002. J’étais dans une clinique ce 19 septembre, après avoir été agressé par des individus la veille, le 18 septembre 2002. Diomandé Soualio, ex-secrétaire général adjoint au niveau de la jeunesse (paix à son âme) et Gueu Sévérin, actuel chargé de mission du ministre d’Etat Mabri Toikeusse, m’ont envoyé les moyens remis par le général Guéi pour mes soins. C’est dans ces circonstances que j’ai entendu à la radio l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’Guessan, le ministre Lida Kouassi Moïse et Alain Toussaint, ancien porte-parole de Laurent Gbagbo, dire que « le général Guéi s’en allait à la télévision pour prendre le pouvoir. Et il a eu une altercation avec les forces restées loyales au président Laurent Gbagbo. On ne sait pas si en ce moment, il est vivant ou mort ». Nous avons encore les enregistrements.
LP : Chaque fois que vous revenez sur les circonstances de la mort du général Robert Guéi, vous citez le nom de ces trois proches de Laurent Gbagbo. A vous entendre, ce sont eux les coupables désignés…
JBG : Je ne suis un juge. Et je veux véritablement que les juges fassent leur travail pour que la vérité éclate. Mais pour le moment, en tant que profane, je fais un simple constat. Le 19 septembre 2002, Affi N’Guessan, à l’époque Premier ministre, Lida Kouassi, ministre de la Défense et Alain Toussaint, conseiller spécial de Laurent Gbagbo, qui ont dit sur RFI que le général Guéi a été tué au moment où il allait faire une déclaration annonçant un coup d’Etat à la télévision. C’est Pascal Affi N’Guessan qui a même déclaré : « A l’heure ainsi, je ne sais pas s’il est vivant ou mort, mais la situation est sous contrôle ». Nous avons encore les enregistrements. Je me dis que les auteurs de ces phrases ne sont pas étrangers à son assassinat. Je vous rappelle que lorsque nous sommes sortis de la clandestinité, le bureau national de la jeunesse de l’UDPCI que je dirigeais, est allé voir le cardinal Bernard Agré à son bureau, à la cathédrale. Entouré de tous les curés et du curé qui était là au moment des faits, il nous a dit : « Voici la pièce où ils ont pris le général Robert Guéi. Ils sont venus le chercher une première fois, ils ne l’ont pas trouvé. Ils sont revenus une deuxième fois, ils l’ont pris et ils l’ont tué ». Ils nous disent que : « je souhaite que vous viviez longtemps pour que vous voyez la manifestation de la vérité ». Ce que Monseigneur Agré a dit et ce qu’Affi et Lida Kouassi Moïse ont dit, il y a une contradiction. Et cette contradiction que nous souhaitons voir la justice élucider.
LP : Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous avez un problème particulier avec ces personnes que vous incriminez, notamment Pascal Affi N'Guessan?
JBG : Je n’ai aucun problème avec Pascal Affi N’Guessan. Comment voulez-vous que je laisse le manguier pour aller m’attaquer à la mangue ? Vous m’avez vu combattre Laurent Gbagbo sans descendre dans la bassesse, mais à la loyale. Affi N’Guessan est certes un adversaire politique, mais qu’est-ce qu’il a de plus que Laurent Gbagbo pour que j’en fasse un problème particulier ? J’ai un problème avec l’impunité, parce que je veux que toute la lumière soit faite autour de l’assassinat odieux du général Robert Guéi. Je suis jaloux d’une Côte d’Ivoire émergente où l’impunité n’a pas sa place. S’il y a un ancien Premier ministre qui a fait des accusations graves à l’issue desquelles un ancien chef d’Etat a été assassiné, il y a de quoi à s’inquiéter. Rappelez-vous ! Le 11 avril 2011, lorsque Laurent Gbagbo devait être arrêté, le président de la République s’est impliqué personnellement pour qu’il soit protégé. Vous avez vu lorsqu’il est arrivé au Golf hôtel comment il a été protégé pour que rien ne lui arrive. C’est cela la responsabilité. Dans un pays, nos actes et nos discours doivent être marqués du sceau de la responsabilité. Mais lorsque lui, Affi N’Guessan, affirme qu’il est venu juste lire un communiqué et que l’ordre est venu d’en haut, c’est vraiment décevant.
LP : Justement, est-ce à dire que l’ordre est venu directement du palais ?
JBG : C’est ce que la justice va démontrer. Pascal Affi N’Guessan affirme aujourd’hui que l’ordre est venu d’en haut. Lui, à l’époque, il était Premier ministre. Qui était donc au-dessus de lui? C’est ce que la justice va démontrer. Il dit également qu’il n’a fait que lire un communiqué. Mais le Premier ministre ne peut pas se contenter de lire un communiqué qui envoie directement à la mort un ancien chef d’Etat. Certains journalistes nous accusent, parce que nous avons rendu public ses déclarations au cours de l’instruction, de vouloir fomenter un complot contre Pascal Affi N’Guessan. Quel complot ? Nous avons combattu Laurent Gbagbo avec tous les moyens de l’Etat et un FPI dans son entièreté, ce n’est pas un Pascal Affi N’Guessan avec un FPI émietté qui a des problèmes qui va nous effrayer. Pour qu’il y ait la démocratie, il faut que Pascal Affi N’Guessan, s’il a posé des actes condamnables, en réponde. Il doit assumer. Nous n’avons donc pas de problème avec sa candidature.
LP : Mais est-ce que vous n’avez pas trahi le secret de l’instruction en relatant ce qu’il a dit au juge ?
JBG : Nous n’avons trahi aucune instruction. Rappelez-vous que dans ce pays, rien ne peut se cacher. Félix Houphouët-Boigny était malade en 1990. Mais, sa maladie qui était tenue au secret à l’époque, a fini par être sue. Au point qu’il a ironisé à l’époque, en disant que « radio Treichville l’avait déjà enterré ». C’est pour vous dire qu’en Côte d’Ivoire rien ne se cache. On ne peut s’appuyer sur que nous avons dévoilé pour faire des extrapolations. Si Pascal Affi N’Guessan estime que ce que nous avons dit est faux, il est libre de porter plainte contre nous. C’est ainsi que cela se passe dans un Etat de droit. Pour résumer sur cette affaire, je veux tout simplement dire Pascal Affi N’Guessan, Lida Kouassi Moïse et Alain Toussaint ont prononcé des phrases le 19 septembre 2002 qui peuvent intéresser les juges.
LP : Selon vous, qu’est-ce qui s’est réellement passé ce jour-là?
JBG : Moi, j’étais alité dans une clinique suite à une agression. Tout ce que je sais, c’est que la Côte d’Ivoire a été attaquée. C’était la débandade. Il y a beaucoup de personnes qui ont été tuées ce jour-là. Le général Robert Guéi, son épouse Rose Doudou, sa garde rapprochée, les membres de sa famille, Boga Doudou, Marcellin Yacé et bien d’autres personnes. Ensuite, la terreur s’est installée avec les escadrons de la mort. Nous-même, nous avons vécu 11 ans dans la clandestinité. Nos amis, Soualio Diomandé et Coulibaly ont été kidnappés en plein Plateau à 13 heures, par des hommes armés, vers la cathédrale et retrouvés vers Agou criblés de balles. Il y a eu beaucoup de morts dans des conditions floues. C’est tout cela que la justice doit élucider. Il y a déjà eu des enquêtes où j’ai été interrogé par les agents de l’ONU au niveau de l’hôtel Ivoire. Nous attendons les résultats de ces enquêtes et la justice qui doit faire la lumière sur cette affaire.
LP : Certaines personnes affirment que le général Robert Guéi a été tué par des rebelles venus attaquer Abidjan ...?
JBG : Je ne sais pas. Mais à ceux-là, je pose la question suivante : « est-ce que les rebelles répondaient au nom d’Affi N’Guessan qui a dit le général Guéi était sur le terrain ? Est-ce que c’est un détachement de rebelles qui a indiqué à Affi N’Guessan que le général Guéi était sur le terrain ? ». C’est tout cet imbroglio que nous voulons voir élucider par les juges.
LP : On vous a vu à la pointe du combat pour la candidature unique au sein du RHDP. Aujourd’hui, le président Alassane Ouattara est le candidat unique du RHDP. Comment appréciez-vous cette victoire ?
JBG : Je voudrais d’abord vous remercier, vous nos amis de la presse, qui nous ont aidé dans ce combat au moment où beaucoup d’Ivoiriens n’y croyaient pas. Lorsque nous nous sommes engagés en mai 2014 dans ce combat, beaucoup d’Ivoiriens n’y croyaient pas. Certains ne se sont pas gênés de nous traiter d’antidémocrate, parce que nous voulions cette candidature unique au RHDP. Pour nous, le RHDP devait unir autour d’un candidat, dès le premier tour, pour ne pas tomber dans des considérations inutiles qui allaient nous retarder. Avant nous déjà au GRACU-ADO, l’UDPCI, avait au cours de son congrès, demandé au ministre d’Etat Mabri Toikeusse de ne pas se présenter et laisser le président Alassane Ouattara être le candidat du RHDP. Il y avait également le MFA et le PDCI-RDA qui voulaient voir le président Alassane Ouattara défendre leurs couleurs à la prochaine élection présidentielle. Aujourd’hui, c’est chose faite. C’est une fierté pour nous. Mais nous ne devons pas dormir sur nos lauriers. Il faut que notre candidat soit réélu dès le premier tour avec un large score. Car il serait aberrant que le candidat de quatre partis comme l’UDPCI, le RDR, le PDCI-RDA et le MFA aient un candidat unique et qu’il ne réalisé pas un score au-delà des 80%. Pour que vers 18 heures, le jour du vote, au lieu que les gens se barricadentcomme par le passé, il y ait une fête. Car rappelez-vous en 1995, il y a eu des élections. Il y a eu des troubles, il y a eu des morts. En 2000, le même scénario s’est reproduit. En 2010, il y a eu plus de 3000 morts à l’issue de l’élection présidentielle. Nous voulons que cela ne se reproduise pas. C’est pourquoi, il faut massivement sortir pour plébisciter le président Alassane Ouattara en octobre 2015. Il nous appartient donc d’aller vers nos compatriotes pour les sensibiliser à participer à cette élection présidentielle dans un climat apaisé. Nous comptons faire des tournées, des conférences de presse et des meetings pour les amener à donner leur voix massivement au chef de l’Etat.
LP : Mais en face, il y a les irréductibles. On se rappelle que vous avez mené des médiations pour les sensibiliser à revenir à la maison, notamment Kouadio Konan Bertin. Où en est-on avec cette affaire ?
JBG : Nous sommes Houphouétistes. Et comme le président de la République, récemment à Odienné l’a si bien dit, nous ne fermons pas la porte du dialogue. Elle est toujours ouverte. Nous allons continuer de discuter avec nos frères. Nous pensons que les choses vont bouger d’ici le mois d’octobre. Mais moi, ce qui me préoccupe, c’est mon propre camp le RHDP. Si on est prêt, l’adversaire importera peu. Il faut donc que nous soyons prêts ; il faut que nous fassions le travail correctement sans chercher à tricher. Si nous le faisons, nous allons réussir à faire réélire le chef de l’Etat à plus de 80% des suffrages exprimés. Ce qui doit nous préoccuper. Il faut donc aller vers nos frères qui n’ont pas encore compris pour leur expliquer tout ce qui se fait en Côte d’ivoire sous l’impulsion du président Alassane O0uattara. Vous avez ce qui s’est passé au grand rassemblement de Duékoué; des jeunes patriotes, séduits par le travail du président de la République, qui ont décidé de voter pour lui à la prochaine élection présidentielle. Le problème aujourd’hui, ce n’est donc pas nos adversaires. Car, tous nos camarades qui ont décidé de nous quitter temporairement, il n’y a pas un bastion qui a viré avec eux. Ensuite, il y a le FPI. Or le FPI est en miettes. Le problème, c’est nous. Il faut que nous fassions correctement notre travail sur le terrain. Moi, je discute avec des partisans de Charles Konan Banny et d’Amara Essy. Ils disent qu’ils ne sont pas fâchés contre le président Alassane Ouattara. Mais contre le président Henri Konan Bédié pour des questions de partage et d’intérêt. Mais, nous essayons de leur faire comprendre qu’on n’a pas besoin de quitter son parti et se présenter contre Ouattara pour cela. Car le candidat, c’est Alassane Ouattara et non le président Henri Konan Bédié. Ceux qui ont des problèmes à nous reprocher, c’est en interne qu’on peut en discuter. Nous leur demandons de revenir à la maison.
LP : L’opposition pose des conditions pour participer à ces élections, notamment la Coalition nationale pour le Changement. Cette coalition parle de la recomposition de la CEI, de la révision de la liste électorale et de la libération de Laurent Gbagbo…
JBG : Moi, je m’intéresse à ce qui concerne mon camp. Nous, notre rôle est d’aller expliquer sur le terrain le processus électoral pour permettre à nos militants de participer massivement à la prochaine élection présidentielle. Ceux qui ne veulent pas prendre part au vote nous rejoindrons certainement au moment opportun.
LP : Apparemment, ils n’entendent pas croiser calmement les bras. Car, selon eux, ils utiliseront « tous les moyens légaux » au cas où le gouvernement n’accède pas à leur requête.
JBG : Cela dépend de ce qu’ils entendent par les « moyens légaux ». Si c’est protester à travers les meetings, les conférences de presse et des rencontres, il n’y a pas de problème. Mais si c’est pour autre chose ; le président de la République l’a dit : aucune dérive ne sera tolérée. Si l’opposition déraille, force sera donnée à la loi. Les moyens légaux ne peuvent empêcher la tenue des élections. La Côte d’Ivoire est dirigée. Vous avez vu au niveau de la sécurité, les choses ont largement évolué. Les gens circulent à toute heure et partout en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens aujourd’hui aspirent à vivre en paix. Ils ne veulent plus revivre ce qu’ils ont vécu en 2010. Ils veulent des élections apaisées. Tout ce qu’on demande aux opposants, c’est de se présenter devant les populations pour leur dire ce qu’ils comptent faire pour la Côte d’Ivoire. Et le peuple décidera. Mais nous, nous sommes confiants que nous avons le meilleur candidat. Il a un bilan qui parle de lui-même. Nous sommes convaincus que les Ivoiriens voteront pour lui.
LP : Mais à ce sujet, les opposants estiment que la vie est chère ; les Ivoiriens sont devenus plus pauvres et que la réconciliation nationale a échoué…
JBG : Moi, je suis du Conseil régional du Cavally. Le premier point que le président Dagobert Banzio, président du Conseil régional du Cavally, a mis en œuvre, c’est la réconciliation nationale. Mais nous savons tous que la réconciliation nationale est un processus. Même si tu n’aimes pas le lièvre, il faut reconnaitre qu’il court vite. En termes de réconciliation, le président de la République a déjà fait beaucoup. Il y eu le dégel des avoirs des pro-Gbagbo, le retour des exilés, la libération de beaucoup de prisonniers politiques. Il y a eu des procès à l’issue desquels beaucoup ont regagné leur domicile. Le dialogue politique continue et donne des résultats probants. La réconciliation nationale est donc en marche. Pour ce qui est de la cherté de la vie, est-ce qu’un homme comme Affi N’Guessan est bien placé pour en parler, lui qui a été Premier ministre et qui connait les facteurs de la croissance ? Le président de la République et son gouvernement se battent chaque jour pour que les fruits de l’émergence se ressentent dans le panier de la ménagère. Mais, cela ne se fait pas en un jour. C’est un processus. La démographie galopante fait qu’on ne le ressent pas actuellement. Mais il y a une volonté politique de bien faire les choses qui finira par payer. Le Gouvernement chaque jour est à la tâche pour régler la question de la cherté de la vie et du chômage des jeunes. Et les choses iront de mieux en mieux. Pour ce qui concerne la recomposition de la CEI et la révision de la liste électorale, j’aimerais dire à ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui qu’ils sont mieux placés pour savoir qu’on ne gagne pas une élection à la CEI. Sinon Laurent Gbagbo qui avait tous les moyens de l’Etat n’aurait pas perdu les élections. L’actuel président de la CEI, Youssouf Bakayoko, a été choisi par Laurent Gbagbo lui-même. Certes, il est du PDCI-RDA, mais il a été choisi par Gbagbo. Cependant tout cela ne l’a pas empêché de perdre les élections.
JCC
Le Patriote : Président, vous étiez au Palais de la justice mardi dernier, lors de l’ouverture du procès sur l’assassinat du général Robert Guéi, pour apporter le soutien de votre parti, l’UDPCI, à la famille de l’ancien chef d’Etat. Que représente ce procès pour vous ?
Jean Blé Guirao : L’ouverture de ce procès me procure une joie indicible pour l’importance particulière que j’accorde à cette affaire. Le général Robert Guéi a été chef d’état-major et chef d’Etat dans ce pays. Son assassinat ne peut donc rester impuni. Tout pays a une mémoire. L’histoire du général Robert Guéi demeure dans la mémoire collective et fait partie de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Il est donc important que la lumière soit faite sur son assassinat. Le président de la République, alors candidat du RDR, puis du RHDP au second tour, avait promis lors sa campagne électorale, que la lumière sera faite sur son assassinat s’il était élu. C’est cette promesse électorale qui est en train d’être tenue. Même si c’est en fin de mandat, ce n’est pas grave, car il n’est jamais tard quand il s’agit de rendre justice. Je suis heureux aujourd’hui de constater qu’après le tribunal militaire, le palais de justice d’Abidjan se saisisse du dossier suite à une plainte de la famille biologique du général Robert Guéi, amenée par son fils Guéi Rufin. J’étais au tribunal militaire et civil pour deux raisons. D’abord pour marquer toute la solidarité de mon parti l’UDPCI à la famille. Ensuite, en tant que personne attachée au général Guéi, pour montrer toute ma volonté de voir l’impunité s’estomper en Côte d’Ivoire. Le président de la République parle aujourd’hui de l’émergence. Mais l’émergence, c’est aussi l’éclatement de la vérité. C’est toute ma joie de voir enfin l’instruction commencer dans ce procès. Parce que nous avons encore tous en mémoire le 19 septembre 2002. J’étais dans une clinique ce 19 septembre, après avoir été agressé par des individus la veille, le 18 septembre 2002. Diomandé Soualio, ex-secrétaire général adjoint au niveau de la jeunesse (paix à son âme) et Gueu Sévérin, actuel chargé de mission du ministre d’Etat Mabri Toikeusse, m’ont envoyé les moyens remis par le général Guéi pour mes soins. C’est dans ces circonstances que j’ai entendu à la radio l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’Guessan, le ministre Lida Kouassi Moïse et Alain Toussaint, ancien porte-parole de Laurent Gbagbo, dire que « le général Guéi s’en allait à la télévision pour prendre le pouvoir. Et il a eu une altercation avec les forces restées loyales au président Laurent Gbagbo. On ne sait pas si en ce moment, il est vivant ou mort ». Nous avons encore les enregistrements.
LP : Chaque fois que vous revenez sur les circonstances de la mort du général Robert Guéi, vous citez le nom de ces trois proches de Laurent Gbagbo. A vous entendre, ce sont eux les coupables désignés…
JBG : Je ne suis un juge. Et je veux véritablement que les juges fassent leur travail pour que la vérité éclate. Mais pour le moment, en tant que profane, je fais un simple constat. Le 19 septembre 2002, Affi N’Guessan, à l’époque Premier ministre, Lida Kouassi, ministre de la Défense et Alain Toussaint, conseiller spécial de Laurent Gbagbo, qui ont dit sur RFI que le général Guéi a été tué au moment où il allait faire une déclaration annonçant un coup d’Etat à la télévision. C’est Pascal Affi N’Guessan qui a même déclaré : « A l’heure ainsi, je ne sais pas s’il est vivant ou mort, mais la situation est sous contrôle ». Nous avons encore les enregistrements. Je me dis que les auteurs de ces phrases ne sont pas étrangers à son assassinat. Je vous rappelle que lorsque nous sommes sortis de la clandestinité, le bureau national de la jeunesse de l’UDPCI que je dirigeais, est allé voir le cardinal Bernard Agré à son bureau, à la cathédrale. Entouré de tous les curés et du curé qui était là au moment des faits, il nous a dit : « Voici la pièce où ils ont pris le général Robert Guéi. Ils sont venus le chercher une première fois, ils ne l’ont pas trouvé. Ils sont revenus une deuxième fois, ils l’ont pris et ils l’ont tué ». Ils nous disent que : « je souhaite que vous viviez longtemps pour que vous voyez la manifestation de la vérité ». Ce que Monseigneur Agré a dit et ce qu’Affi et Lida Kouassi Moïse ont dit, il y a une contradiction. Et cette contradiction que nous souhaitons voir la justice élucider.
LP : Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous avez un problème particulier avec ces personnes que vous incriminez, notamment Pascal Affi N'Guessan?
JBG : Je n’ai aucun problème avec Pascal Affi N’Guessan. Comment voulez-vous que je laisse le manguier pour aller m’attaquer à la mangue ? Vous m’avez vu combattre Laurent Gbagbo sans descendre dans la bassesse, mais à la loyale. Affi N’Guessan est certes un adversaire politique, mais qu’est-ce qu’il a de plus que Laurent Gbagbo pour que j’en fasse un problème particulier ? J’ai un problème avec l’impunité, parce que je veux que toute la lumière soit faite autour de l’assassinat odieux du général Robert Guéi. Je suis jaloux d’une Côte d’Ivoire émergente où l’impunité n’a pas sa place. S’il y a un ancien Premier ministre qui a fait des accusations graves à l’issue desquelles un ancien chef d’Etat a été assassiné, il y a de quoi à s’inquiéter. Rappelez-vous ! Le 11 avril 2011, lorsque Laurent Gbagbo devait être arrêté, le président de la République s’est impliqué personnellement pour qu’il soit protégé. Vous avez vu lorsqu’il est arrivé au Golf hôtel comment il a été protégé pour que rien ne lui arrive. C’est cela la responsabilité. Dans un pays, nos actes et nos discours doivent être marqués du sceau de la responsabilité. Mais lorsque lui, Affi N’Guessan, affirme qu’il est venu juste lire un communiqué et que l’ordre est venu d’en haut, c’est vraiment décevant.
LP : Justement, est-ce à dire que l’ordre est venu directement du palais ?
JBG : C’est ce que la justice va démontrer. Pascal Affi N’Guessan affirme aujourd’hui que l’ordre est venu d’en haut. Lui, à l’époque, il était Premier ministre. Qui était donc au-dessus de lui? C’est ce que la justice va démontrer. Il dit également qu’il n’a fait que lire un communiqué. Mais le Premier ministre ne peut pas se contenter de lire un communiqué qui envoie directement à la mort un ancien chef d’Etat. Certains journalistes nous accusent, parce que nous avons rendu public ses déclarations au cours de l’instruction, de vouloir fomenter un complot contre Pascal Affi N’Guessan. Quel complot ? Nous avons combattu Laurent Gbagbo avec tous les moyens de l’Etat et un FPI dans son entièreté, ce n’est pas un Pascal Affi N’Guessan avec un FPI émietté qui a des problèmes qui va nous effrayer. Pour qu’il y ait la démocratie, il faut que Pascal Affi N’Guessan, s’il a posé des actes condamnables, en réponde. Il doit assumer. Nous n’avons donc pas de problème avec sa candidature.
LP : Mais est-ce que vous n’avez pas trahi le secret de l’instruction en relatant ce qu’il a dit au juge ?
JBG : Nous n’avons trahi aucune instruction. Rappelez-vous que dans ce pays, rien ne peut se cacher. Félix Houphouët-Boigny était malade en 1990. Mais, sa maladie qui était tenue au secret à l’époque, a fini par être sue. Au point qu’il a ironisé à l’époque, en disant que « radio Treichville l’avait déjà enterré ». C’est pour vous dire qu’en Côte d’Ivoire rien ne se cache. On ne peut s’appuyer sur que nous avons dévoilé pour faire des extrapolations. Si Pascal Affi N’Guessan estime que ce que nous avons dit est faux, il est libre de porter plainte contre nous. C’est ainsi que cela se passe dans un Etat de droit. Pour résumer sur cette affaire, je veux tout simplement dire Pascal Affi N’Guessan, Lida Kouassi Moïse et Alain Toussaint ont prononcé des phrases le 19 septembre 2002 qui peuvent intéresser les juges.
LP : Selon vous, qu’est-ce qui s’est réellement passé ce jour-là?
JBG : Moi, j’étais alité dans une clinique suite à une agression. Tout ce que je sais, c’est que la Côte d’Ivoire a été attaquée. C’était la débandade. Il y a beaucoup de personnes qui ont été tuées ce jour-là. Le général Robert Guéi, son épouse Rose Doudou, sa garde rapprochée, les membres de sa famille, Boga Doudou, Marcellin Yacé et bien d’autres personnes. Ensuite, la terreur s’est installée avec les escadrons de la mort. Nous-même, nous avons vécu 11 ans dans la clandestinité. Nos amis, Soualio Diomandé et Coulibaly ont été kidnappés en plein Plateau à 13 heures, par des hommes armés, vers la cathédrale et retrouvés vers Agou criblés de balles. Il y a eu beaucoup de morts dans des conditions floues. C’est tout cela que la justice doit élucider. Il y a déjà eu des enquêtes où j’ai été interrogé par les agents de l’ONU au niveau de l’hôtel Ivoire. Nous attendons les résultats de ces enquêtes et la justice qui doit faire la lumière sur cette affaire.
LP : Certaines personnes affirment que le général Robert Guéi a été tué par des rebelles venus attaquer Abidjan ...?
JBG : Je ne sais pas. Mais à ceux-là, je pose la question suivante : « est-ce que les rebelles répondaient au nom d’Affi N’Guessan qui a dit le général Guéi était sur le terrain ? Est-ce que c’est un détachement de rebelles qui a indiqué à Affi N’Guessan que le général Guéi était sur le terrain ? ». C’est tout cet imbroglio que nous voulons voir élucider par les juges.
LP : On vous a vu à la pointe du combat pour la candidature unique au sein du RHDP. Aujourd’hui, le président Alassane Ouattara est le candidat unique du RHDP. Comment appréciez-vous cette victoire ?
JBG : Je voudrais d’abord vous remercier, vous nos amis de la presse, qui nous ont aidé dans ce combat au moment où beaucoup d’Ivoiriens n’y croyaient pas. Lorsque nous nous sommes engagés en mai 2014 dans ce combat, beaucoup d’Ivoiriens n’y croyaient pas. Certains ne se sont pas gênés de nous traiter d’antidémocrate, parce que nous voulions cette candidature unique au RHDP. Pour nous, le RHDP devait unir autour d’un candidat, dès le premier tour, pour ne pas tomber dans des considérations inutiles qui allaient nous retarder. Avant nous déjà au GRACU-ADO, l’UDPCI, avait au cours de son congrès, demandé au ministre d’Etat Mabri Toikeusse de ne pas se présenter et laisser le président Alassane Ouattara être le candidat du RHDP. Il y avait également le MFA et le PDCI-RDA qui voulaient voir le président Alassane Ouattara défendre leurs couleurs à la prochaine élection présidentielle. Aujourd’hui, c’est chose faite. C’est une fierté pour nous. Mais nous ne devons pas dormir sur nos lauriers. Il faut que notre candidat soit réélu dès le premier tour avec un large score. Car il serait aberrant que le candidat de quatre partis comme l’UDPCI, le RDR, le PDCI-RDA et le MFA aient un candidat unique et qu’il ne réalisé pas un score au-delà des 80%. Pour que vers 18 heures, le jour du vote, au lieu que les gens se barricadentcomme par le passé, il y ait une fête. Car rappelez-vous en 1995, il y a eu des élections. Il y a eu des troubles, il y a eu des morts. En 2000, le même scénario s’est reproduit. En 2010, il y a eu plus de 3000 morts à l’issue de l’élection présidentielle. Nous voulons que cela ne se reproduise pas. C’est pourquoi, il faut massivement sortir pour plébisciter le président Alassane Ouattara en octobre 2015. Il nous appartient donc d’aller vers nos compatriotes pour les sensibiliser à participer à cette élection présidentielle dans un climat apaisé. Nous comptons faire des tournées, des conférences de presse et des meetings pour les amener à donner leur voix massivement au chef de l’Etat.
LP : Mais en face, il y a les irréductibles. On se rappelle que vous avez mené des médiations pour les sensibiliser à revenir à la maison, notamment Kouadio Konan Bertin. Où en est-on avec cette affaire ?
JBG : Nous sommes Houphouétistes. Et comme le président de la République, récemment à Odienné l’a si bien dit, nous ne fermons pas la porte du dialogue. Elle est toujours ouverte. Nous allons continuer de discuter avec nos frères. Nous pensons que les choses vont bouger d’ici le mois d’octobre. Mais moi, ce qui me préoccupe, c’est mon propre camp le RHDP. Si on est prêt, l’adversaire importera peu. Il faut donc que nous soyons prêts ; il faut que nous fassions le travail correctement sans chercher à tricher. Si nous le faisons, nous allons réussir à faire réélire le chef de l’Etat à plus de 80% des suffrages exprimés. Ce qui doit nous préoccuper. Il faut donc aller vers nos frères qui n’ont pas encore compris pour leur expliquer tout ce qui se fait en Côte d’ivoire sous l’impulsion du président Alassane O0uattara. Vous avez ce qui s’est passé au grand rassemblement de Duékoué; des jeunes patriotes, séduits par le travail du président de la République, qui ont décidé de voter pour lui à la prochaine élection présidentielle. Le problème aujourd’hui, ce n’est donc pas nos adversaires. Car, tous nos camarades qui ont décidé de nous quitter temporairement, il n’y a pas un bastion qui a viré avec eux. Ensuite, il y a le FPI. Or le FPI est en miettes. Le problème, c’est nous. Il faut que nous fassions correctement notre travail sur le terrain. Moi, je discute avec des partisans de Charles Konan Banny et d’Amara Essy. Ils disent qu’ils ne sont pas fâchés contre le président Alassane Ouattara. Mais contre le président Henri Konan Bédié pour des questions de partage et d’intérêt. Mais, nous essayons de leur faire comprendre qu’on n’a pas besoin de quitter son parti et se présenter contre Ouattara pour cela. Car le candidat, c’est Alassane Ouattara et non le président Henri Konan Bédié. Ceux qui ont des problèmes à nous reprocher, c’est en interne qu’on peut en discuter. Nous leur demandons de revenir à la maison.
LP : L’opposition pose des conditions pour participer à ces élections, notamment la Coalition nationale pour le Changement. Cette coalition parle de la recomposition de la CEI, de la révision de la liste électorale et de la libération de Laurent Gbagbo…
JBG : Moi, je m’intéresse à ce qui concerne mon camp. Nous, notre rôle est d’aller expliquer sur le terrain le processus électoral pour permettre à nos militants de participer massivement à la prochaine élection présidentielle. Ceux qui ne veulent pas prendre part au vote nous rejoindrons certainement au moment opportun.
LP : Apparemment, ils n’entendent pas croiser calmement les bras. Car, selon eux, ils utiliseront « tous les moyens légaux » au cas où le gouvernement n’accède pas à leur requête.
JBG : Cela dépend de ce qu’ils entendent par les « moyens légaux ». Si c’est protester à travers les meetings, les conférences de presse et des rencontres, il n’y a pas de problème. Mais si c’est pour autre chose ; le président de la République l’a dit : aucune dérive ne sera tolérée. Si l’opposition déraille, force sera donnée à la loi. Les moyens légaux ne peuvent empêcher la tenue des élections. La Côte d’Ivoire est dirigée. Vous avez vu au niveau de la sécurité, les choses ont largement évolué. Les gens circulent à toute heure et partout en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens aujourd’hui aspirent à vivre en paix. Ils ne veulent plus revivre ce qu’ils ont vécu en 2010. Ils veulent des élections apaisées. Tout ce qu’on demande aux opposants, c’est de se présenter devant les populations pour leur dire ce qu’ils comptent faire pour la Côte d’Ivoire. Et le peuple décidera. Mais nous, nous sommes confiants que nous avons le meilleur candidat. Il a un bilan qui parle de lui-même. Nous sommes convaincus que les Ivoiriens voteront pour lui.
LP : Mais à ce sujet, les opposants estiment que la vie est chère ; les Ivoiriens sont devenus plus pauvres et que la réconciliation nationale a échoué…
JBG : Moi, je suis du Conseil régional du Cavally. Le premier point que le président Dagobert Banzio, président du Conseil régional du Cavally, a mis en œuvre, c’est la réconciliation nationale. Mais nous savons tous que la réconciliation nationale est un processus. Même si tu n’aimes pas le lièvre, il faut reconnaitre qu’il court vite. En termes de réconciliation, le président de la République a déjà fait beaucoup. Il y eu le dégel des avoirs des pro-Gbagbo, le retour des exilés, la libération de beaucoup de prisonniers politiques. Il y a eu des procès à l’issue desquels beaucoup ont regagné leur domicile. Le dialogue politique continue et donne des résultats probants. La réconciliation nationale est donc en marche. Pour ce qui est de la cherté de la vie, est-ce qu’un homme comme Affi N’Guessan est bien placé pour en parler, lui qui a été Premier ministre et qui connait les facteurs de la croissance ? Le président de la République et son gouvernement se battent chaque jour pour que les fruits de l’émergence se ressentent dans le panier de la ménagère. Mais, cela ne se fait pas en un jour. C’est un processus. La démographie galopante fait qu’on ne le ressent pas actuellement. Mais il y a une volonté politique de bien faire les choses qui finira par payer. Le Gouvernement chaque jour est à la tâche pour régler la question de la cherté de la vie et du chômage des jeunes. Et les choses iront de mieux en mieux. Pour ce qui concerne la recomposition de la CEI et la révision de la liste électorale, j’aimerais dire à ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui qu’ils sont mieux placés pour savoir qu’on ne gagne pas une élection à la CEI. Sinon Laurent Gbagbo qui avait tous les moyens de l’Etat n’aurait pas perdu les élections. L’actuel président de la CEI, Youssouf Bakayoko, a été choisi par Laurent Gbagbo lui-même. Certes, il est du PDCI-RDA, mais il a été choisi par Gbagbo. Cependant tout cela ne l’a pas empêché de perdre les élections.
JCC