Les élections apaisées, un vœu pieu du président ivoirien, serons-nous tentés de dire. Mardi dernier, à Paris devant les cameras, le président candidat par jurisprudence à sa propre succession, Alassane Ouattara en a fait la promesse. Mais au regard de la réalité sur le terrain, l’on se rend à l’évidence que le chef de l’Etat dit une chose et fait son contraire. Il conduit seul le processus, comme s’il était l’unique candidat déclaré. Faisant fi des observations et remarques pertinentes de l’opposition. A preuve, le président de la CEI (Commission électorale indépendante), Youssouf Bakayoko acteur et auteur de la crise postélectorale de 2010 est maintenu à son poste envers et contre tous. Quand on sait que cette crise a fait plus de 3000 morts l’on est en droit de se demander ce que fait encore cette personnalité à ce poste ? Surtout que son parti pris flagrant en faveur du président sortant est de notoriété publique et lui-même ne s’en cache pas auprès de ses collaborateurs. De plus, il est récusé par tous les candidats déclarés. Dans les faits, la loi organique de la CEI, adoptée le 05 juin 2014, a permis la mise en place d’une CEI déséquilibrée dans laquelle l’Exécutif est surreprésentés. Cette situation entache fortement l’indépendance de la Commission électorale. Dans la composition actuelle de la CEI, l’exécutif a 9 membres sur les 17, qui lui sont clairement acquis, sans compter l’acquisition à coup de billets de banques d’autres membres au sein de cette Commission. Cela s’observe déjà avec les partis politiques. La révision de la liste électorale ne suscite aucun engouement au sein des populations. Plusieurs partis politiques ont même appelé à boycotter la révision de la liste électorale. Le recensement électoral constitue l’une des pièces maitresses de notre système électorale. Son élaboration est ainsi chargée d’enjeu pour le déroulement et l’issue du scrutin. Elle doit être transparente et ne doit souffrir d’aucune contestation, afin de permettre la tenue d’élections libres, transparentes et démocratiques. A cet effet, elle ne doit faire l’objet d’aucun tripatouillage au profit d’un bétail électoral instrumentalisé pour assurer la victoire d’un candidat. Il importe de jouer le jeu de la transparence pour rassurer tous les Ivoiriens, tous les acteurs de la vie politique nationale et en particulier les candidats déclarés aux prochaines élections. Malheureusement, les cartes d’identité sont fabriquées à la pelle sans que cela n’émeuve le pouvoir en place. A cela s’ajoute, la démission par contrainte de Monsieur Francis Wodié le 03 février 2015 et son remplacement par Monsieur Mamadou Koné, un militant du RDR et proche d’Alassane Ouattara n’est pas non plus de nature à garantir des élections libres, transparentes et démocratiques dans notre pays. Nul n’ignore le rôle central que joue le Conseil constitutionnel dans notre système électoral. En effet, conformément à l’article 94 de notre Constitution, le Conseil constitutionnel contrôle la régularité des opérations électorales et en proclame les résultats. En amont et en aval, le Conseil constitutionnel est juge des élections. Au regard de ce qui précède, il ne serait pas surprenant de voir se répéter le scenario de 2010, avec son cortège de morts, de déplacés et d’exilés. Et l’interpellation lancée par KKB est fort à propos, « Si Ouattara veut des élections apaisées, qu’il crée les conditions ». Sinon en l’état actuel, nous sommes en pleine dérive et il ne fait de doute, Ouattara le sait mieux que quiconque. Mais qu’il ne s’y trompe pas, les Ivoiriens le suivent à la lettre et ne lui pardonneront pas de vivre à nouveau le cauchemar de la présidentielle précédente.
Par Michel Beta
Par Michel Beta