Anaky Kobena, président du Mouvement des Forces d’Avenir a adressé un courrier à Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié pour les interpeller sur le danger qu’une élection organisée dans ce contexte d’insécurité peut engendrer.
Depuis le début de cette année 2015, année d’élections, ô combien importantes pour notre pays et ses populations – point sur lequel les avis de tous convergent , tant au plan national qu’international -vous avez pris la noble et généreuse initiative d’offrir aux Ivoiriennes et aux Ivoiriens des séquences festives dansées pour clore toutes vos importantes rencontres politiques sur le chemin de ce qui ne doit être autre chose, pour vous, qu’une victoire aussi historique qu’éclatante, à l’élection présidentielle d’octobre 2015, dont rien ne semble pouvoir vous détourner. L’apothéose électorale et politique donc pour le RHDP et son président candidat, dans quelques jours… !! Mais, chers ainés et frères, vous arrive-t-il, au moment où tous vos proches et vous-mêmes développez des chorégraphies que les populations et l’histoire de notre pays retiendront certainement, vous arrive-t-il de vous demander si, quelque part, vous êtes dans la bonne et saine joie ? Car que pourrait-il advenir de pire aux éminents fils d’Eburnie que vous êtes de rire là où tout indique que vous devriez être les premiers à geindre et à pleurer ?
Faisons l’économie de tout ce qui est objet de débat et de contestation au quotidien, entre votre pouvoir RHDP qui se vante de réussite et de performance sur tous les plans, et l’opposition politique ivoirienne avec à ses côtés une bonne majorité de la société civile qui eux insistent sur :
-La difficulté de vie au quotidien de la majorité des citoyens
-Le non accès à l’emploi pour des millions d’Ivoiriens en attente d’activité
-La corruption généralisée que les institutions internationales dénonçant à l’envi
-Le piétinement au quotidien des libertés publiques les plus élémentaires, les médias d’Etat étant par ailleurs monopolisés par votre camp -Et,enfin et surtout, l’insuffisance de volonté de rassemblement et de réconciliation de tous les fils et filles du pays qui est le reflet le plus spectaculaire de l’échec de votre gouvernance qui s’entête pourtant à s’autocélébrer sans retenue.
Oui, nous sommes ce jour le 30 septembre 2015, les élections se feront dans 25 jours, mais au lieu de nous trémousser, avec vous, sur les estrades de cérémonies d’investiture, nous sommes soucieux, pour ne pas dire inquiets et tristes, par rapport à deux constats majeurs.
A-LA COMMISSION ELECTORALE INDEPENDANTE
Le président Ouattara a imposé au forceps un organe à la direction duquel les voix délibératives sont pratiquement de 12 aux ordres de l’exécutif sur un total de 18. Un tel organe n’a aucune vocation à l’autonomie ou à l’indépendance, et ne sera dans les faits qu’un démembrement du ministère de l’Intérieur et de l’Administration territoriale. Cette anomalie choquante a été dénoncée dès l’origine par pratiquement tous les partis politiques, les organes de la société civile et Les organisations internationales.
Au sein même de l’alliance politique du RHDP au pouvoir, le PDCI s’y était opposé, et un groupe de 25 de ses jeunes députés avait courageusement mené croisade pour la correction des choses.
Mais c’était comme aller contre un oukase du tsar Ouattara qui sut comment faire plier ses alliés et partenaires ; un Ouattara qui aurait d’ailleurs été scandalisé de ce que les décideurs du PDCI, ses partenaires et alliés au gouvernement, auxquels il avait bien voulu confier la charge de la primature, aient pu penser autrement que lui et le faire publiquement savoir ! L’autre partenaire de l’alliance RHDP, le MFA qui persista dans son refus d’accepter l’inacceptable, paya son outrecuidance par son exclusion des vice-présidences de la CEI. Toutes les représentations diplomatiques et les partenaires au développement déplorèrent cet état de fait, même si depuis peu, à l’approche des élections auxquelles tous tiennent peut-être plus que les Ivoiriens, l’on entend une partie des mêmes observateurs internationaux célébrer la CEI et lui trouver toutes les vertus des cieux. Mais justement, chers ainés, les faits sont les faits, ils sont têtus, et même rigides dans leur obstination.
Avoir imposé avec hauteur et mépris la CEI dans sa forme actuelle ne vous profitera pas, et ne fera que nuire à la Côte d’Ivoire et à ses populations ; Car ne vous faites pas d’illusions, aucun candidat sérieux, ayant un minimum de connaissance, de culture et de pratique des affaires politiques et électorales, n’ira à des élections avec cette CEI formatée pour une victoire de Ouattara au premier tour !
Tous ceux, parmi les neufs candidats, qui sont de véritables prétendants à l’exercice du pouvoir d’Etat, sont condamnés à s’unir pour refuser cette iniquité , cette forfaiture, cette piraterie politique au grand jour ! Et même pour ceux qui auraient pu hésiter, les apparitions de Youssouf Bakayoko, véritable spectre du commandeur, les auront vite libérés ! Si cette concertation qui s’impose n’a pas pu voir le jour avant le dépôt des candidatures pour des raisons d’ordre pratique évidentes, son heure est maintenant arrivée et la roue va tourner de manière inéluctable…
B-LE DIALOGUE POLITIQUE ET SOCIAL
Par ailleurs, comment comprendre qu’en Côte d’Ivoire, pays de Félix Houphouët Boigny, sous la gouvernance du RHDP qui revendique son héritage politique et se proclame son descendant biologique historique, les échanges entre les partis politiques de l’opposition et le pouvoir n’arrivent vraiment pas à prendre corps ?
Côté pouvoir, on a, de toute évidence , privilégié le côté subventions ou contributions de l’Etat, et même fait miroiter le statut d’organisation des partis de l’opposition en institution , avec bien sûr des avantages à la clef ;l’on a donc d’abord pensé séduction, corruption et musellement, au détriment du sujet fondamental qui doit constituer l’échine de toute relation entre pouvoir et opposition dans un Etat moderne , à savoir que, sur tous les sujets de la vie nationale, l’on accepte le débat contradictoire pour tendre vers le maximum de démocratie par un cycle d’incessantes concessions réciproques. La présente visite d’Etat du président, en cours dans le centre ouest, l’aura amplement édifié sur l’ardente nécessité de réconciliation par rapport à la crise postélectorale dont les séquelles restent vives; il a, de toute évidence, compris la douleur et les attentes profondes de ces populations, tout comme il a su leur traduire ce que lui-même et les siens ont eu à endurer par le passé. Sauf qu’il se trouve que pour une cause aussi vitale pour la nation ivoirienne, la balle est d’abord et avant tout dans son camp à lui, le chef de l’Etat. Mais, là encore, que demandent ou sollicitent toutes les formations politiques de l’opposition et une bonne partie de la société civile, depuis des années ? Que l’on échange, que l’on discute, que l’on arrive à tracer ensemble le cadre de la cohabitation nécessaire. Là aussi, il y a des solutions , certaines même de simple bon sens, et la Côte d’Ivoire en entrouvrira les portes le jour où le chef de l’Etat s’appropriera le fait que l’importance de l’enjeu ne se prête pas à délégation de sa part, sinon que confier cela à des collaborateurs, même aux qualités reconnues de tous, vaut véto. Il faut discuter, il faut échanger et avec l’opposition politique, et aves tous les candidats retenus à la présidentielle. En résumé, chers présidents Ouattara et Bédié, je n’ai consenti à sortir de mon mutisme militant que dans l’espoir de vous rendre la vue sur l’impasse dans laquelle vous nous avez conduits.
Car ne pas tenir d’élections est grave au regard de notre loi fondamentale, pour un Etat qui se veut démocratique et moderne ; mais tenir une élection présidentielle avec un seul candidat, le président sortant, serait la chose la plus ahurissante et la plus inacceptable ; et pour sa victoire, qui n’en serait pas une, et pour son mandat à venir, entaché, dès l’origine, d’illégitimité.
La Côte d’Ivoire vous regarde.
Bien respectueusement et fraternellement.
Le Président du MFA
Kobena I.Anaky
Depuis le début de cette année 2015, année d’élections, ô combien importantes pour notre pays et ses populations – point sur lequel les avis de tous convergent , tant au plan national qu’international -vous avez pris la noble et généreuse initiative d’offrir aux Ivoiriennes et aux Ivoiriens des séquences festives dansées pour clore toutes vos importantes rencontres politiques sur le chemin de ce qui ne doit être autre chose, pour vous, qu’une victoire aussi historique qu’éclatante, à l’élection présidentielle d’octobre 2015, dont rien ne semble pouvoir vous détourner. L’apothéose électorale et politique donc pour le RHDP et son président candidat, dans quelques jours… !! Mais, chers ainés et frères, vous arrive-t-il, au moment où tous vos proches et vous-mêmes développez des chorégraphies que les populations et l’histoire de notre pays retiendront certainement, vous arrive-t-il de vous demander si, quelque part, vous êtes dans la bonne et saine joie ? Car que pourrait-il advenir de pire aux éminents fils d’Eburnie que vous êtes de rire là où tout indique que vous devriez être les premiers à geindre et à pleurer ?
Faisons l’économie de tout ce qui est objet de débat et de contestation au quotidien, entre votre pouvoir RHDP qui se vante de réussite et de performance sur tous les plans, et l’opposition politique ivoirienne avec à ses côtés une bonne majorité de la société civile qui eux insistent sur :
-La difficulté de vie au quotidien de la majorité des citoyens
-Le non accès à l’emploi pour des millions d’Ivoiriens en attente d’activité
-La corruption généralisée que les institutions internationales dénonçant à l’envi
-Le piétinement au quotidien des libertés publiques les plus élémentaires, les médias d’Etat étant par ailleurs monopolisés par votre camp -Et,enfin et surtout, l’insuffisance de volonté de rassemblement et de réconciliation de tous les fils et filles du pays qui est le reflet le plus spectaculaire de l’échec de votre gouvernance qui s’entête pourtant à s’autocélébrer sans retenue.
Oui, nous sommes ce jour le 30 septembre 2015, les élections se feront dans 25 jours, mais au lieu de nous trémousser, avec vous, sur les estrades de cérémonies d’investiture, nous sommes soucieux, pour ne pas dire inquiets et tristes, par rapport à deux constats majeurs.
A-LA COMMISSION ELECTORALE INDEPENDANTE
Le président Ouattara a imposé au forceps un organe à la direction duquel les voix délibératives sont pratiquement de 12 aux ordres de l’exécutif sur un total de 18. Un tel organe n’a aucune vocation à l’autonomie ou à l’indépendance, et ne sera dans les faits qu’un démembrement du ministère de l’Intérieur et de l’Administration territoriale. Cette anomalie choquante a été dénoncée dès l’origine par pratiquement tous les partis politiques, les organes de la société civile et Les organisations internationales.
Au sein même de l’alliance politique du RHDP au pouvoir, le PDCI s’y était opposé, et un groupe de 25 de ses jeunes députés avait courageusement mené croisade pour la correction des choses.
Mais c’était comme aller contre un oukase du tsar Ouattara qui sut comment faire plier ses alliés et partenaires ; un Ouattara qui aurait d’ailleurs été scandalisé de ce que les décideurs du PDCI, ses partenaires et alliés au gouvernement, auxquels il avait bien voulu confier la charge de la primature, aient pu penser autrement que lui et le faire publiquement savoir ! L’autre partenaire de l’alliance RHDP, le MFA qui persista dans son refus d’accepter l’inacceptable, paya son outrecuidance par son exclusion des vice-présidences de la CEI. Toutes les représentations diplomatiques et les partenaires au développement déplorèrent cet état de fait, même si depuis peu, à l’approche des élections auxquelles tous tiennent peut-être plus que les Ivoiriens, l’on entend une partie des mêmes observateurs internationaux célébrer la CEI et lui trouver toutes les vertus des cieux. Mais justement, chers ainés, les faits sont les faits, ils sont têtus, et même rigides dans leur obstination.
Avoir imposé avec hauteur et mépris la CEI dans sa forme actuelle ne vous profitera pas, et ne fera que nuire à la Côte d’Ivoire et à ses populations ; Car ne vous faites pas d’illusions, aucun candidat sérieux, ayant un minimum de connaissance, de culture et de pratique des affaires politiques et électorales, n’ira à des élections avec cette CEI formatée pour une victoire de Ouattara au premier tour !
Tous ceux, parmi les neufs candidats, qui sont de véritables prétendants à l’exercice du pouvoir d’Etat, sont condamnés à s’unir pour refuser cette iniquité , cette forfaiture, cette piraterie politique au grand jour ! Et même pour ceux qui auraient pu hésiter, les apparitions de Youssouf Bakayoko, véritable spectre du commandeur, les auront vite libérés ! Si cette concertation qui s’impose n’a pas pu voir le jour avant le dépôt des candidatures pour des raisons d’ordre pratique évidentes, son heure est maintenant arrivée et la roue va tourner de manière inéluctable…
B-LE DIALOGUE POLITIQUE ET SOCIAL
Par ailleurs, comment comprendre qu’en Côte d’Ivoire, pays de Félix Houphouët Boigny, sous la gouvernance du RHDP qui revendique son héritage politique et se proclame son descendant biologique historique, les échanges entre les partis politiques de l’opposition et le pouvoir n’arrivent vraiment pas à prendre corps ?
Côté pouvoir, on a, de toute évidence , privilégié le côté subventions ou contributions de l’Etat, et même fait miroiter le statut d’organisation des partis de l’opposition en institution , avec bien sûr des avantages à la clef ;l’on a donc d’abord pensé séduction, corruption et musellement, au détriment du sujet fondamental qui doit constituer l’échine de toute relation entre pouvoir et opposition dans un Etat moderne , à savoir que, sur tous les sujets de la vie nationale, l’on accepte le débat contradictoire pour tendre vers le maximum de démocratie par un cycle d’incessantes concessions réciproques. La présente visite d’Etat du président, en cours dans le centre ouest, l’aura amplement édifié sur l’ardente nécessité de réconciliation par rapport à la crise postélectorale dont les séquelles restent vives; il a, de toute évidence, compris la douleur et les attentes profondes de ces populations, tout comme il a su leur traduire ce que lui-même et les siens ont eu à endurer par le passé. Sauf qu’il se trouve que pour une cause aussi vitale pour la nation ivoirienne, la balle est d’abord et avant tout dans son camp à lui, le chef de l’Etat. Mais, là encore, que demandent ou sollicitent toutes les formations politiques de l’opposition et une bonne partie de la société civile, depuis des années ? Que l’on échange, que l’on discute, que l’on arrive à tracer ensemble le cadre de la cohabitation nécessaire. Là aussi, il y a des solutions , certaines même de simple bon sens, et la Côte d’Ivoire en entrouvrira les portes le jour où le chef de l’Etat s’appropriera le fait que l’importance de l’enjeu ne se prête pas à délégation de sa part, sinon que confier cela à des collaborateurs, même aux qualités reconnues de tous, vaut véto. Il faut discuter, il faut échanger et avec l’opposition politique, et aves tous les candidats retenus à la présidentielle. En résumé, chers présidents Ouattara et Bédié, je n’ai consenti à sortir de mon mutisme militant que dans l’espoir de vous rendre la vue sur l’impasse dans laquelle vous nous avez conduits.
Car ne pas tenir d’élections est grave au regard de notre loi fondamentale, pour un Etat qui se veut démocratique et moderne ; mais tenir une élection présidentielle avec un seul candidat, le président sortant, serait la chose la plus ahurissante et la plus inacceptable ; et pour sa victoire, qui n’en serait pas une, et pour son mandat à venir, entaché, dès l’origine, d’illégitimité.
La Côte d’Ivoire vous regarde.
Bien respectueusement et fraternellement.
Le Président du MFA
Kobena I.Anaky