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Économie Publié le jeudi 16 avril 2020 | Fraternité Matin

Les micro-finances à l’épreuve du covid-19, Ali Badini, Directeur Général de CREDIT ACCESS : « Le plan de soutien économique, social et humanitaire du gouvernement est inédit en Afrique, mais ..."

© Fraternité Matin Par DR
Ali BADINI, Directeur Général de CREDIT ACCESS
M. Ali Badini, Administrateur et Directeur général de Crédit Access, institution financière distinguée meilleure microfinance de Côte d’Ivoire en 2019, fait un état de la situation des institutions de micro-finances face à la pandémie du coronavirus qui sévit dans le monde. Il se prononce, dans cet entretien, sur les mesures prises par la Bceao et le gouvernement ivoirien.



Quel est l’impact de la maladie à coronavirus sur votre activité ?

Je voudrais avant tout propos vous remercier de l’occasion que vous m’offrez de m’exprimer au sujet de l’impact de la pandémie à COVID-19 sur les activités de CREDIT ACCESS. Nous sommes un Système Financier Décentralisé communément appelée : Institution de microfinance. Nous sommes spécialisés dans la distribution de crédits, la collecte de l’épargne, la fourniture de service de monétique, d’assurance et de transferts. Nos produits et services financiers s’adressent aux micros, petites et moyennes entreprises, salariés du secteur privé et aux particuliers.

Permettez-moi de faire une clarification sur le terme « impact », car comme vous le savez, cela nécessite qu’une étude soit faite, a posteriori, d’un évènement ou d’une situation ; or la crise que nous vivons continue de faire des ravages dans plusieurs pays. Parler d’impact, c’est s’appuyer sur des hypothèses probabilistes ou prospectives et pour lesquelles des scénarios sur les conséquences économiques, sociales, humanitaires, sécuritaires ou politiques doivent être envisagés. Je ne pense pas qu’on puisse le faire à l’heure actuelle. Je serais donc plus à l’aise à parler d’« effet », plutôt que d’« impact » de la crise, et suivant cette logique, je peux affirmer que l’effet de la crise sanitaire que nous vivons est perceptible sur nos principaux domaines d’activités. Au niveau de l’épargne, nous observons une baisse du niveau de collecte auprès de notre portefeuille clientèle. Notre activité de crédit est également affectée en ce sens que nous avons été contraints de suspendre nos déboursements en raison du ralentissement voire de la fermeture totale de certaines activités pour lesquelles nos clients sont directement concernés.

De manière parallèle, on note des difficultés, voire une incapacité de certains clients emprunteurs, à honorer leurs échéances de prêts, du fait des effets de la crise à COVID-19.

Ajouté à cela, le respect des règles liées aux mesures de lutte contre le coronavirus, notamment le respect de la distanciation sociale, a limité drastiquement nos capacités de recouvrement et nous a contraint à réduire nos effectifs au sein de notre réseau d’agences.



La BCEAO a annoncé des mesures de soutien au secteur bancaire, comment l’accueillez-vous ?

La BCEAO a pris en effet une série de mesures pour soutenir le secteur bancaire dans cette période de crise. En deux semaines, ce sont trois communiqués qu’elle a diffusé et qui visent entre autres à : élargir le champ de refinancement des banques commerciales avec 340 milliards de liquidités supplémentaires afin de porter à 4750 milliards l’enveloppe de liquidités disponible pour couvrir les besoins de trésorerie des banques ; coter 1700 entreprises afin de prendre en compte leurs effets ; promouvoir les moyens de paiement électroniques ; reporter les échéances des emprunteurs en difficulté du fait de la crise sanitaire.

Globalement, les mesures qui ont été prises et qui relèvent des prérogatives de l’autorité monétaire, sont à saluer tant pour leur promptitude que pour leur capacité à accroître la liquidité et à sauvegarder la qualité du portefeuille des banques. Tout en espérant que ces mesures contribueront à atténuer les effets de la crise sanitaire sur l’activité économique des Etats de l’Union, il est bon de souligner que la BCEAO dispose de leviers supplémentaires pour renforcer son dispositif de réponse à la crise. Il s’agit notamment de la réduction des taux directeurs et du rachat de titres publics.

Il est par ailleurs à déplorer que ces mesures n’intègrent pas le secteur de la microfinance, acteur incontournable du développement de nos économies et dont les services sont majoritairement orientés vers le secteur informel. En Côte d’Ivoire, ce secteur contribue à plus de 30% dans la formation du PIB et représente plus de 93% des emplois. De mon point de vue, il convient donc de prendre des dispositions permettant de soutenir les Institutions de microfinance et de leur éviter de subir de plein fouet les effets de la crise. Accéder au guichet de refinancement de la Banque Centrale à des taux préférentiels serait la bienvenue.



Pouvez-vous nous éclairer sur le degré d’importance de la microfinance en Côte d’Ivoire et de quelle façon contribue-t-elle au développement économique des TPE et PME ?



Le secteur de la microfinance a observé une forte croissance ces dix dernières années. A titre d’illustration, les encours d’épargne et de crédits de l’ensemble des Institutions de microfinance (IMF) se situent respectivement à plus de 350 et 341 milliards en 2019 contre moins de 50 milliards pour ces deux indicateurs, dix ans en arrière. Aussi, les produits et services offerts par les IMF profitent à un portefeuille clientèle de plus de deux millions de personnes. Indirectement, ce sont près de vingt millions de personnes qui bénéficient du fruit des prestations des IMF. C’est tout simplement énorme !

Pour l’essentiel, ces bénéficiaires, dont le profil est constitué de commerçants et d’artisans, travaillent dans le secteur informel, or la contribution de ce secteur à la formation de notre PIB se situe entre 30 et 40%. Et les besoins de ce secteur en matière de financement sont largement pris en charge par les microfinances qui comprennent mieux la philosophie de travail des TPE et des PME et qui ont su, au fil des années développer une relation de proximité avec elles, ce qui leur permet de mieux mitiger les risques auxquels elles pourraient être confrontées.



La Banque mondiale a également recommandé le payement digital afin de réduire la propagation de la maladie. Les microfinances sont-elles prêtes à mettre en œuvre cette mesure ?

Le digital est une réalité et les microfinances sont obligées de l’intégrer dans leur processus au risque de disparaître. Si l’appel de la Banque mondiale est considéré comme étant une opportunité à saisir alors nous avons déjà raté le train de la digitalisation. A CREDIT ACCESS, nous avons lancé notre transformation digitale depuis maintenant cinq années, et c’est en ce sens qu’ont été développé un ensemble de solutions digitales permettant à notre portefeuille clientèle d’effectuer certaines opérations à distance. Ce sont notamment une plateforme de web Banking qui permet d’effectuer des transactions à distance et la mise à disposition de cartes bancaires prépayées valables dans les réseaux internationaux de paiement et de distribution et dont le rechargement est possible à distance.



Le Gouvernement a de son côté annoncé des mesures de soutien aux entreprises. Quels commentaires faîtes -vous de ce plan gouvernemental ?

Le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, a annoncé un Plan de soutien économique, social et humanitaire portant sur la somme de 1700 milliards de F CFA, soit environ 5% de notre Produit Intérieur Brut. Ce plan est inédit en Afrique tant par son volume que par son caractère tripartite, à savoir économique, social et humanitaire. Il vise entre autres à soutenir les PME et le secteur informel, et nous fondons à cet effet, un réel espoir dans sa mise en œuvre et espérons qu’il permettra effectivement de soutenir l’économie de masse au sein de laquelle, les microfinances jouent un rôle fondamental.

Pour permettre par ailleurs, aux entreprises de sauvegarder les emplois et d’éviter le chômage de masse de millions de personnes, il serait souhaitable que l’ensemble du secteur privé soit accompagné aussi bien aujourd’hui que dans une période post-crise afin d’éviter un pic de faillite. Bénéficier, par exemple, de mesures d’exonération de charges fiscales et sociales pourrait préserver la solvabilité des entreprises et relancer conséquemment leurs activités. Ainsi, nous renouerons avec un cercle vertueux dans lequel l’offre des entreprises et la demande des consommateurs contribueront à créer davantage de valeurs.

Toutefois, ne perdons pas de vue que nos Etats pourront sortir affaiblis de cette crise. On anticipe déjà des prévisions de baisses de croissance, voire de récession économique. Notre pays pourrait être frappé par la décroissance avec en prévision une baisse de 4% de son produit intérieur brut comme le prévoit la Banque mondiale pour l’année 2020. Ce qui veut dire, moins de richesse, moins d’investissement. Et c’est en cela que le secteur privé pourrait jouer un rôle de catalyseur dans la relance de la croissance économique à la seule condition bien évidemment, de ne pas perdre ses capacités productives et de productivité au sortir de la crise de Covid-19.



Beaucoup de vos clients pourraient avoir du mal à honorer leur créance à bonne date, du fait de la pandémie. Avez-vous la résilience nécessaires pour y faire face ?

En vue de soutenir nos clients emprunteurs dans cette période difficile, CREDIT ACCESS a assoupli ses conditions de remboursement de crédits par le report d’échéances de prêts pour ceux dont les activités ont été directement impactées par la crise sanitaire.

Cette décision aura certes un impact négatif sur nos performances, mais elle ne nous empêchera pas d’assurer la continuité de nos services. Et je peux rassurer l’ensemble de nos clients de la pertinence des mesures que nous avons prises en ce sens dès l’entame de cette crise.

Toutefois, à l’instar de la majorité des Institutions de microfinances (IMF), la distribution de crédits est fortement ralentie, voire suspendue, ce qui pénalise des millions de personnes. Un appui de nos autorités régaliennes destiné au secteur de la microfinance en vue de garantir les prêts que nous accordons permettrait de conforter les IMF dans la reprise de leurs activités de distribution de crédits. Ceci permettrait à n’en point douter de préserver le tissu productif local de nos TPE et PME qui rappelons-le, représentent le creuset de la finance inclusive de notre pays. Fragiliser l’écosystème qui la compose, contribuera à réduire tous les efforts consentis pour l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie nationale de finance inclusive et adoptée seulement l’année dernière.

GERMAINE BONE
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