L’Etat de Côte d’Ivoire vient d’annoncer le retrait de sa déclaration de compétence prévue au protocole relatif à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples suite à la décision prise par la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dans l’affaire GUillaume Soro. Afin de mieux appréhender la question, Abidjan.net publie, ci-dessous, en intégralité, le contenu de la Charte ratifiée par plus d’une trentaine de pays africains dont la Côte d’Ivoire.
Les Etats membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (ci-après dénommée « OUA »), Etats parties à la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, Considérant la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, aux termes de laquelle la liberté, l’égalité, la justice, la paix et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des peuples africains ;
Notant que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples réaffirme l’attachement aux principes des droits de l’Homme et des Peuples, aux libertés ainsi qu’aux devoirs contenus dans les déclarations, conventions et autres instruments adoptés par l’Organisation de l’Unité Africaine et d’autres organisations internationales ;
Reconnaissant le double objectif de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui est de garantir, d’une part, la promotion, d’autre part, la protection des droits de l’Homme et des Peuples, des libertés et des devoirs ;
Reconnaissant en outre les progrès accomplis par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, depuis sa création en 1987, en matière de promotion et de protection des droits de l’Homme et des Peuples ;
Rappelant la résolution AHG/Res.230(XXX) par laquelle la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement réunie en juin 1994 à Tunis (Tunisie) a demandé au Secrétaire Général de convoquer une réunion d’experts gouvernementaux, pour procéder, en consultation avec la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à l’examen des possibilités de renforcer l’efficacité de la Commission et notamment de la question de création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;
Notant les 1ère et 2ème réunions d’experts juristes gouvernementaux tenues respectivement au Cap, Afrique du Sud (septembre 1995), à Nouakchott, Mauritanie (avril 1997) et la 3ème réunion élargie aux diplomates, tenue à Addis Abéba, Ethiopie (décembre 1997) ;
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Fermement convaincus que la réalisation des objectifs de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples nécessite la création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
ARTICLE 1 : CREATION DE LA COUR
Il est créé, au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine, une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée « la Cour »), dont l’organisation, la compétence et le fonctionnement sont régis par le présent Protocole.
ARTICLE 2 : RELATIONS ENTRE LA COUR ET LA COMMISSION
La Cour, tenant dûment compte des dispositions du présent Protocole, complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée « la Charte ») a conférées à la CommissionAfricaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée « la Commission »).
ARTICLE 3 : COMPETENCE DE LA COUR
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
ARTICLE 4 : AVIS CONSULTATIFS
1. A la demande d’un Etat membre de l’OUA, de l’OUA, de tout organe de l’OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l’OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme, à condition que
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l’objet de l’avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission.
2. Les avis consultatifs de la Cour sont motivés. Un juge peut y joindre une opinion individuelle ou dissidente.
ARTICLE 5 : SAISINE DE LA COUR
1. Ont qualité pour saisir la Cour :
a) la Commission ;
b) l’Etat partie qui a saisi la Commission ;
c) l’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ;
d) l’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des
droits de l’homme ;
e) les organisations inter-gouvernementales africaines.
2. Lorsqu’un Etat partie estime avoir un intérêt dans une affaire, il peut
adresser à la Cour une requête aux fins d’intervention.
3. La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non- gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la
Commission d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34(6) de ce Protocole.
ARTICLE 6 : RECEVABILITE DES REQUETES
1. La Cour, avant de statuer sur la recevabilité d’une requête introduite en application de l’article 5(3) du présent Protocole, peut solliciter l’avis de la Commission qui doit le donner dans les meilleurs délais.
2. La Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte.
3. La Cour peut connaître des requêtes ou les renvoyer devant la Commission.
ARTICLE 7 : DROIT APPLICABLE
La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’Etat concerné.
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ARTICLE 8 : EXAMEN DES REQUETES
La Cour fixe dans son Règlement Intérieur les conditions d’examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de la complémentarité entre elle et la Commission.
ARTICLE 9 : REGLEMENT A L’AMIABLE
La Cour peut tenter de régler à l’amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte.
ARTICLE 10 : AUDIENCES DE LA COUR ET REPRESENTATION
1. Les audiences de la Cour sont publiques. La Cour peut cependant tenir ses audiences à huis clos, dans les conditions prévues par le Règlement Intérieur.
2. Toute partie à une affaire a le droit de se faire représenter par le conseil juridique de son choix. Une représentation ou une assistance judiciaire peut être gratuitement assurée dans les cas où l’intérêt de la justice l’exige.
3. Toutes personnes, témoins ou représentants des parties appelés à comparaître devant la Cour jouissent de la protection et des facilités
reconnues par le Droit International et nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, de leurs devoirs et de leurs obligations en rapport avec la Cour.
ARTICLE 11 : COMPOSITION DE LA COUR
1. La Cour se compose de onze juges, ressortissants des Etats Membres de l’OUA, élus à titre personnel parmi des juristes jouissant d’une très haute autorité morale, d’une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
2. La Cour ne peut comprendre plus d’un juge de la même nationalité.
ARTICLE 12 : CANDIDATURES
1. Chaque Etat partie au Protocole peut présenter jusqu’à trois candidats dont au moins deux doivent être ressortissants de l’Etat qui les présente.
2. Lors de la présentation des candidatures, il sera dûment tenu compte de la représentation adéquate des deux sexes.
ARTICLE 13 : LISTE DES CANDIDATS
1. Dès l’entrée en vigueur du présent Protocole, le Secrétaire Général de
l’OUA invite les Etats parties au Protocole à procéder, dans un délai de
quatre-vingt-dix (90) jours, à la présentation des candidatures au poste de
juge à la Cour.
2. Le Secrétaire Général de l’OUA dresse la liste alphabétique des candidats
présentés et la communique aux Etats membres de l’OUA, au moins
trente (30) jours avant la session suivante de la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement de l’OUA (ci-après dénommée “la
Conférence”).
ARTICLE 14 : ELECTIONS
1. Les juges à la Cour sont élus au scrutin secret par la Conférence sur la
liste visée à l’article 13(2) du présent Protocole.
2. La Conférence veille à ce que la composition de la Cour reflète une
répartition géographique équitable ainsi que les grands systèmes
juridiques.
3. Lors des élections, la Conférence veille à ce que la représentation
adéquate des deux sexes soit assurée.
ARTICLE 15 : MANDAT DES JUGES
1. Les juges à la Cour sont élus pour une période de six ans et sont
rééligibles une seule fois. Toutefois, le mandat de quatre juges élus lors
de la première élection prend fin au bout de deux ans et le mandat de
quatre autres prend fin au bout de quatre ans.
2. Les juges dont le mandat prend fin au terme des périodes initiales de deux
et quatre ans sont tirés au sort par le Secrétaire Général de l’OUA,
immédiatement après la première élection.
3. Le juge élu pour remplacer un autre juge dont le mandat n’est pas arrivé à
terme achève la portion du mandat de son prédécesseur qui reste à courir.
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4. Tous les juges, à l’exception du Président, exercent leurs fonctions à
temps partiel. Cependant, la Conférence peut modifier cette décision si
elle le juge nécessaire.
ARTICLE 16 : SERMENT
Après leur élection, les juges prêtent serment d’exercer leurs fonctions en toute
impartialité et loyauté.
ARTICLE 17 : INDEPENDANCE DES JUGES
1. L’ indépendance des juges est pleinement assurée conformément au Droit
International.
2. Les juges ne peuvent siéger dans une affaire dans laquelle ils sont
antérieurement intervenus comme agents, conseils, ou avocats de l’une
des parties, membre d’un tribunal national ou international, d’une
commission d’enquête, ou à tout autre titre. En cas de doute sur la réalité
de cette intervention, la Cour tranche.
3. Dès leur élection et pendant toute la durée de leur mandat, les juges à la
Cour jouissent des privilèges et immunités reconnus en Droit
International au personnel diplomatique.
4. Les juges à la Cour ne peuvent, à aucun moment, même après l’expiration
de leur mandat, être poursuivis en raison des votes ou des opinions émis
dans l’exercice de leurs fonctions.
ARTICLE 18 : INCOMPATIBILITE
Les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles avec toutes autres activités
de nature à porter atteinte aux exigences d’indépendance ou d’impartialité liées
à la fonction et telles que stiupulées dans le Règlement Intérieur.
ARTICLE 19 : FIN DU MANDAT DU JUGE
1. Un juge ne peut être suspendu ou relevé de ses fonctions que si, de l’avis
unanime des autres juges à la Cour, il a cessé de répondre aux conditions
requises.
2. La décision de la Cour est définitive à moins que la Conférence n’en
décide autrement lors de sa session suivante.
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ARTICLE 20 : VACANCE DE SIEGE
1. En cas de décès ou de démission d’un juge à la Cour, le Président de la
Cour informe immédiatement le Secrétaire Général de l’OUA qui déclare
le siège vacant à partir de la date du décès ou de celle à laquelle la
démission prend effet.
2. La Conférence procède au remplacement du juge dont le siège est devenu
vacant à moins que le mandat restant soit inférieur à cent quatre-vingt
(180) jours.
3. La même procédure et les mêmes considérations définies aux articles 12,
13 et 14 du présent Protocole sont applicables pour pourvoir aux sièges
vacants.
ARTICLE 21 : PRESIDENCE DE LA COUR
1. La Cour élit sont Président et son Vice-Président pour une période de
deux ans renouvelable une seule fois.
2. Le Président exerce ses fonctions à plein temps. Il réside au lieu du siège
de la Cour.
3. Les fonctions du Président ainsi que celles du Vice-Président sont
déterminées dans le Règlement Intérieur de la Cour.
ARTICLE 22 : RECUSATION
Au cas où un juge possède la nationalité d’un Etat partie à une affaire, il se
récuse.
ARTICLE 23 : QUORUM
Pour l’examen de chaque affaire portée devant elle, la Cour siège avec un
quorum d’au moins sept juges.
ARTICLE 24 : GREFFE DE LA COUR
1. La Cour désigne son Greffier et les autres fonctionnaires du Greffe parmi
les ressortissants des Etats membres de l’OUA, conformément aux
dispositions de son Règlement Intérieur.
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2. Le Greffier réside au lieu du siège de la Cour.
ARTICLE 25 : SIEGE DE LA COUR
1. Le siège de la Cour est établi dans un Etat partie au Protocole par la
Conférence. La Cour peut toutefois siéger sur le territoire de tout Etat
membre de l’OUA sur décision de la majorité de ses membres et avec
l’agrément préalable de l’Etat concerné.
2. La Conférence peut décider, après avis de la Cour, de changer le siège de
celle-ci.
ARTICLE 26 : PREUVES
1. La Cour procède à l’examen contradictoire des requêtes qui lui sont
soumises et, s’il y a lieu, à une enquête. Les Etats intéressés fournissent
toutes les facilités nécessaires à la conduite efficace de l’affaire.
2. La Cour reçoit tous moyens de preuves (écrites ou orales) qu’elle juge
appropriées et sur lesquelles elle fonde ses décisions.
ARTICLE 27 : DECISIONS DE LA COUR
1. Lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des
peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier
à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi
d’une réparation.
2. Dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu’il s’avère
nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour
ordonne les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes.
ARTICLE 28 : ARRET DE LA COUR
1. La Cour rend son arrêt dans les quatre-vingt (90) jours qui suivent la
clôture de l’instruction de l’affaire.
2. L’arrêt de la Cour est pris à la majorité ; il est définitif et ne peut faire
l’objet d’appel.
3. La Cour peut, sans préjudice des dispositions de l’alinéa (2) qui précède,
réviser son arrêt, en cas de survenance de preuves dont elle n’avait pas
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connaissance au moment de sa décision et dans les conditions
déterminées dans le Règlement Intérieur.
4. La Cour peut interpréter son arrêt.
5. L’arrêt de la Cour est prononcé en audience publique, les parties étant
dûment prévenues.
6. L’arrêt de la Cour est motivé.
7. Si l’arrêt de la Cour n’exprime pas, en tout ou en partie, l’opinion
unanime des juges, tout juge a le droit d’y joindre une opinion
individuelle ou dissidente.
ARTICLE 29 : SIGNIFICATION DE L’ARRET
1. L’arrêt de la Cour est signifié aux parties en cause et transmis aux Etats
membres de l’OUA ainsi qu’à la Commission.
2. Les arrêts de la Cour sont aussi notifiés au Conseil des Ministres qui
veille à leur exécution au nom de la Conférence.
ARTICLE 30 : EXECUTION DES ARRETS DE LA COUR
Les Etats parties au présent Protocole s’engagent à se conformer aux décisions
rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer
l’exécution dans le délai fixé par la Cour.
ARTICLE 31 : RAPPORT
La Cour soumet à chaque session ordinaire de la Conférence un rapport annuel
sur ses activités. Ce rapport fait état en particulier des cas où un Etat n’aura pas
exécuté les décisions de la Cour.
ARTICLE 32 : BUDGET
Les dépenses de la Cour, les émoluments et les indemnités des juges, y compris
les dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par l’OUA, conformément
aux critères arrêtés par celle-ci en consultation avec la Cour.
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ARTICLE 33 : REGLEMENT INTERIEUR
La Cour établit son Règlement Intérieur et détermine sa propre procédure. La
Cour consulte la Commission chaque fois que de besoin.
ARTICLE 34 : RATIFICATION
1. Le présent Protocole est ouvert à la signature, à la ratification ou à
l’adhésion des Etats parties à la Charte.
2. Les instruments de ratification ou d’adhésion au présent Protocole sont
déposés auprès du Secrétaire Général de l’OUA.
3. Le présent Protocole entre en vigueur trente (30) jours après le dépôt de
quinze instruments de ratification ou d’adhésion.
4. Pour chacun des Etats parties qui le ratifient ou y adhèrent
ultérieurement, le présent Protocole prend effet à la date du dépôt de
l’instrument de ratification ou d’adhésion.
5. Le Secrétaire Général de l’OUA informe les Etats membres de l’entrée en
vigueur du présent Protocole.
6. A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’Etat doit
faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les
requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit
aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie
qui n’a pas fait une telle déclaration.
7. Les déclarations faites en application de l’alinéa (6) ci-dessus sont déposées auprès du Secrétaire Général de l’OUA qui transmet une copie aux Etats parties.
ARTICLE 35 : AMENDEMENTS
1. Le présent Protocole peut être amendé si un Etat partie adresse à cet effet une demande écrite au Secrétaire Général de l’OUA. La Conférence peut approuver, à la majorité absolue, le projet d’amendement lorsque tous les Etats parties au présent Protocole en auront été dûment avisés et après avis de la Cour.
2. La Cour peut également, si elle juge nécessaire, par l’intermédiaire du Secrétaire Général de l’OUA, proposer des amendements au présent Protocole.
3. L’amendement entre en vigueur pour chaque Etat qui l’aura accepté trente (30) jours après la notification de cette acceptation au Secrétaire Général de l’OUA.
Les Etats membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (ci-après dénommée « OUA »), Etats parties à la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, Considérant la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, aux termes de laquelle la liberté, l’égalité, la justice, la paix et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des peuples africains ;
Notant que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples réaffirme l’attachement aux principes des droits de l’Homme et des Peuples, aux libertés ainsi qu’aux devoirs contenus dans les déclarations, conventions et autres instruments adoptés par l’Organisation de l’Unité Africaine et d’autres organisations internationales ;
Reconnaissant le double objectif de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui est de garantir, d’une part, la promotion, d’autre part, la protection des droits de l’Homme et des Peuples, des libertés et des devoirs ;
Reconnaissant en outre les progrès accomplis par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, depuis sa création en 1987, en matière de promotion et de protection des droits de l’Homme et des Peuples ;
Rappelant la résolution AHG/Res.230(XXX) par laquelle la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement réunie en juin 1994 à Tunis (Tunisie) a demandé au Secrétaire Général de convoquer une réunion d’experts gouvernementaux, pour procéder, en consultation avec la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à l’examen des possibilités de renforcer l’efficacité de la Commission et notamment de la question de création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;
Notant les 1ère et 2ème réunions d’experts juristes gouvernementaux tenues respectivement au Cap, Afrique du Sud (septembre 1995), à Nouakchott, Mauritanie (avril 1997) et la 3ème réunion élargie aux diplomates, tenue à Addis Abéba, Ethiopie (décembre 1997) ;
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Fermement convaincus que la réalisation des objectifs de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples nécessite la création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
ARTICLE 1 : CREATION DE LA COUR
Il est créé, au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine, une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée « la Cour »), dont l’organisation, la compétence et le fonctionnement sont régis par le présent Protocole.
ARTICLE 2 : RELATIONS ENTRE LA COUR ET LA COMMISSION
La Cour, tenant dûment compte des dispositions du présent Protocole, complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée « la Charte ») a conférées à la CommissionAfricaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée « la Commission »).
ARTICLE 3 : COMPETENCE DE LA COUR
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
ARTICLE 4 : AVIS CONSULTATIFS
1. A la demande d’un Etat membre de l’OUA, de l’OUA, de tout organe de l’OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l’OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme, à condition que
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l’objet de l’avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission.
2. Les avis consultatifs de la Cour sont motivés. Un juge peut y joindre une opinion individuelle ou dissidente.
ARTICLE 5 : SAISINE DE LA COUR
1. Ont qualité pour saisir la Cour :
a) la Commission ;
b) l’Etat partie qui a saisi la Commission ;
c) l’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ;
d) l’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des
droits de l’homme ;
e) les organisations inter-gouvernementales africaines.
2. Lorsqu’un Etat partie estime avoir un intérêt dans une affaire, il peut
adresser à la Cour une requête aux fins d’intervention.
3. La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non- gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la
Commission d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34(6) de ce Protocole.
ARTICLE 6 : RECEVABILITE DES REQUETES
1. La Cour, avant de statuer sur la recevabilité d’une requête introduite en application de l’article 5(3) du présent Protocole, peut solliciter l’avis de la Commission qui doit le donner dans les meilleurs délais.
2. La Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte.
3. La Cour peut connaître des requêtes ou les renvoyer devant la Commission.
ARTICLE 7 : DROIT APPLICABLE
La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’Etat concerné.
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ARTICLE 8 : EXAMEN DES REQUETES
La Cour fixe dans son Règlement Intérieur les conditions d’examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de la complémentarité entre elle et la Commission.
ARTICLE 9 : REGLEMENT A L’AMIABLE
La Cour peut tenter de régler à l’amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte.
ARTICLE 10 : AUDIENCES DE LA COUR ET REPRESENTATION
1. Les audiences de la Cour sont publiques. La Cour peut cependant tenir ses audiences à huis clos, dans les conditions prévues par le Règlement Intérieur.
2. Toute partie à une affaire a le droit de se faire représenter par le conseil juridique de son choix. Une représentation ou une assistance judiciaire peut être gratuitement assurée dans les cas où l’intérêt de la justice l’exige.
3. Toutes personnes, témoins ou représentants des parties appelés à comparaître devant la Cour jouissent de la protection et des facilités
reconnues par le Droit International et nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, de leurs devoirs et de leurs obligations en rapport avec la Cour.
ARTICLE 11 : COMPOSITION DE LA COUR
1. La Cour se compose de onze juges, ressortissants des Etats Membres de l’OUA, élus à titre personnel parmi des juristes jouissant d’une très haute autorité morale, d’une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
2. La Cour ne peut comprendre plus d’un juge de la même nationalité.
ARTICLE 12 : CANDIDATURES
1. Chaque Etat partie au Protocole peut présenter jusqu’à trois candidats dont au moins deux doivent être ressortissants de l’Etat qui les présente.
2. Lors de la présentation des candidatures, il sera dûment tenu compte de la représentation adéquate des deux sexes.
ARTICLE 13 : LISTE DES CANDIDATS
1. Dès l’entrée en vigueur du présent Protocole, le Secrétaire Général de
l’OUA invite les Etats parties au Protocole à procéder, dans un délai de
quatre-vingt-dix (90) jours, à la présentation des candidatures au poste de
juge à la Cour.
2. Le Secrétaire Général de l’OUA dresse la liste alphabétique des candidats
présentés et la communique aux Etats membres de l’OUA, au moins
trente (30) jours avant la session suivante de la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement de l’OUA (ci-après dénommée “la
Conférence”).
ARTICLE 14 : ELECTIONS
1. Les juges à la Cour sont élus au scrutin secret par la Conférence sur la
liste visée à l’article 13(2) du présent Protocole.
2. La Conférence veille à ce que la composition de la Cour reflète une
répartition géographique équitable ainsi que les grands systèmes
juridiques.
3. Lors des élections, la Conférence veille à ce que la représentation
adéquate des deux sexes soit assurée.
ARTICLE 15 : MANDAT DES JUGES
1. Les juges à la Cour sont élus pour une période de six ans et sont
rééligibles une seule fois. Toutefois, le mandat de quatre juges élus lors
de la première élection prend fin au bout de deux ans et le mandat de
quatre autres prend fin au bout de quatre ans.
2. Les juges dont le mandat prend fin au terme des périodes initiales de deux
et quatre ans sont tirés au sort par le Secrétaire Général de l’OUA,
immédiatement après la première élection.
3. Le juge élu pour remplacer un autre juge dont le mandat n’est pas arrivé à
terme achève la portion du mandat de son prédécesseur qui reste à courir.
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4. Tous les juges, à l’exception du Président, exercent leurs fonctions à
temps partiel. Cependant, la Conférence peut modifier cette décision si
elle le juge nécessaire.
ARTICLE 16 : SERMENT
Après leur élection, les juges prêtent serment d’exercer leurs fonctions en toute
impartialité et loyauté.
ARTICLE 17 : INDEPENDANCE DES JUGES
1. L’ indépendance des juges est pleinement assurée conformément au Droit
International.
2. Les juges ne peuvent siéger dans une affaire dans laquelle ils sont
antérieurement intervenus comme agents, conseils, ou avocats de l’une
des parties, membre d’un tribunal national ou international, d’une
commission d’enquête, ou à tout autre titre. En cas de doute sur la réalité
de cette intervention, la Cour tranche.
3. Dès leur élection et pendant toute la durée de leur mandat, les juges à la
Cour jouissent des privilèges et immunités reconnus en Droit
International au personnel diplomatique.
4. Les juges à la Cour ne peuvent, à aucun moment, même après l’expiration
de leur mandat, être poursuivis en raison des votes ou des opinions émis
dans l’exercice de leurs fonctions.
ARTICLE 18 : INCOMPATIBILITE
Les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles avec toutes autres activités
de nature à porter atteinte aux exigences d’indépendance ou d’impartialité liées
à la fonction et telles que stiupulées dans le Règlement Intérieur.
ARTICLE 19 : FIN DU MANDAT DU JUGE
1. Un juge ne peut être suspendu ou relevé de ses fonctions que si, de l’avis
unanime des autres juges à la Cour, il a cessé de répondre aux conditions
requises.
2. La décision de la Cour est définitive à moins que la Conférence n’en
décide autrement lors de sa session suivante.
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ARTICLE 20 : VACANCE DE SIEGE
1. En cas de décès ou de démission d’un juge à la Cour, le Président de la
Cour informe immédiatement le Secrétaire Général de l’OUA qui déclare
le siège vacant à partir de la date du décès ou de celle à laquelle la
démission prend effet.
2. La Conférence procède au remplacement du juge dont le siège est devenu
vacant à moins que le mandat restant soit inférieur à cent quatre-vingt
(180) jours.
3. La même procédure et les mêmes considérations définies aux articles 12,
13 et 14 du présent Protocole sont applicables pour pourvoir aux sièges
vacants.
ARTICLE 21 : PRESIDENCE DE LA COUR
1. La Cour élit sont Président et son Vice-Président pour une période de
deux ans renouvelable une seule fois.
2. Le Président exerce ses fonctions à plein temps. Il réside au lieu du siège
de la Cour.
3. Les fonctions du Président ainsi que celles du Vice-Président sont
déterminées dans le Règlement Intérieur de la Cour.
ARTICLE 22 : RECUSATION
Au cas où un juge possède la nationalité d’un Etat partie à une affaire, il se
récuse.
ARTICLE 23 : QUORUM
Pour l’examen de chaque affaire portée devant elle, la Cour siège avec un
quorum d’au moins sept juges.
ARTICLE 24 : GREFFE DE LA COUR
1. La Cour désigne son Greffier et les autres fonctionnaires du Greffe parmi
les ressortissants des Etats membres de l’OUA, conformément aux
dispositions de son Règlement Intérieur.
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2. Le Greffier réside au lieu du siège de la Cour.
ARTICLE 25 : SIEGE DE LA COUR
1. Le siège de la Cour est établi dans un Etat partie au Protocole par la
Conférence. La Cour peut toutefois siéger sur le territoire de tout Etat
membre de l’OUA sur décision de la majorité de ses membres et avec
l’agrément préalable de l’Etat concerné.
2. La Conférence peut décider, après avis de la Cour, de changer le siège de
celle-ci.
ARTICLE 26 : PREUVES
1. La Cour procède à l’examen contradictoire des requêtes qui lui sont
soumises et, s’il y a lieu, à une enquête. Les Etats intéressés fournissent
toutes les facilités nécessaires à la conduite efficace de l’affaire.
2. La Cour reçoit tous moyens de preuves (écrites ou orales) qu’elle juge
appropriées et sur lesquelles elle fonde ses décisions.
ARTICLE 27 : DECISIONS DE LA COUR
1. Lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des
peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier
à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi
d’une réparation.
2. Dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu’il s’avère
nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour
ordonne les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes.
ARTICLE 28 : ARRET DE LA COUR
1. La Cour rend son arrêt dans les quatre-vingt (90) jours qui suivent la
clôture de l’instruction de l’affaire.
2. L’arrêt de la Cour est pris à la majorité ; il est définitif et ne peut faire
l’objet d’appel.
3. La Cour peut, sans préjudice des dispositions de l’alinéa (2) qui précède,
réviser son arrêt, en cas de survenance de preuves dont elle n’avait pas
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connaissance au moment de sa décision et dans les conditions
déterminées dans le Règlement Intérieur.
4. La Cour peut interpréter son arrêt.
5. L’arrêt de la Cour est prononcé en audience publique, les parties étant
dûment prévenues.
6. L’arrêt de la Cour est motivé.
7. Si l’arrêt de la Cour n’exprime pas, en tout ou en partie, l’opinion
unanime des juges, tout juge a le droit d’y joindre une opinion
individuelle ou dissidente.
ARTICLE 29 : SIGNIFICATION DE L’ARRET
1. L’arrêt de la Cour est signifié aux parties en cause et transmis aux Etats
membres de l’OUA ainsi qu’à la Commission.
2. Les arrêts de la Cour sont aussi notifiés au Conseil des Ministres qui
veille à leur exécution au nom de la Conférence.
ARTICLE 30 : EXECUTION DES ARRETS DE LA COUR
Les Etats parties au présent Protocole s’engagent à se conformer aux décisions
rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer
l’exécution dans le délai fixé par la Cour.
ARTICLE 31 : RAPPORT
La Cour soumet à chaque session ordinaire de la Conférence un rapport annuel
sur ses activités. Ce rapport fait état en particulier des cas où un Etat n’aura pas
exécuté les décisions de la Cour.
ARTICLE 32 : BUDGET
Les dépenses de la Cour, les émoluments et les indemnités des juges, y compris
les dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par l’OUA, conformément
aux critères arrêtés par celle-ci en consultation avec la Cour.
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ARTICLE 33 : REGLEMENT INTERIEUR
La Cour établit son Règlement Intérieur et détermine sa propre procédure. La
Cour consulte la Commission chaque fois que de besoin.
ARTICLE 34 : RATIFICATION
1. Le présent Protocole est ouvert à la signature, à la ratification ou à
l’adhésion des Etats parties à la Charte.
2. Les instruments de ratification ou d’adhésion au présent Protocole sont
déposés auprès du Secrétaire Général de l’OUA.
3. Le présent Protocole entre en vigueur trente (30) jours après le dépôt de
quinze instruments de ratification ou d’adhésion.
4. Pour chacun des Etats parties qui le ratifient ou y adhèrent
ultérieurement, le présent Protocole prend effet à la date du dépôt de
l’instrument de ratification ou d’adhésion.
5. Le Secrétaire Général de l’OUA informe les Etats membres de l’entrée en
vigueur du présent Protocole.
6. A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’Etat doit
faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les
requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit
aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie
qui n’a pas fait une telle déclaration.
7. Les déclarations faites en application de l’alinéa (6) ci-dessus sont déposées auprès du Secrétaire Général de l’OUA qui transmet une copie aux Etats parties.
ARTICLE 35 : AMENDEMENTS
1. Le présent Protocole peut être amendé si un Etat partie adresse à cet effet une demande écrite au Secrétaire Général de l’OUA. La Conférence peut approuver, à la majorité absolue, le projet d’amendement lorsque tous les Etats parties au présent Protocole en auront été dûment avisés et après avis de la Cour.
2. La Cour peut également, si elle juge nécessaire, par l’intermédiaire du Secrétaire Général de l’OUA, proposer des amendements au présent Protocole.
3. L’amendement entre en vigueur pour chaque Etat qui l’aura accepté trente (30) jours après la notification de cette acceptation au Secrétaire Général de l’OUA.