Un groupe de cadres Ivoiriens du FMI et de la Banque mondiale soutient les efforts du Gouvernement et le peuple de Cote d’Ivoire dans la lutte contre la COVID-19 et fait des recommandations. Ci-dessous, l’intégralité du communiqué envoyé aux autorités ivoiriennes.
COMMUNIQUÉ DU GROUPE « IVOIRE THINK TANK1 2» (ITT) EN APPUI AU GOUVERNEMENT DE CÔTE D’IVOIRE DANS LA LUTTE CONTRE LA MALADIE À CORONAVIRUS (COVID-19)
Depuis la confirmation du premier cas d’infection à coronavirus le 11 mars dernier, la Côte d’Ivoire a rejoint la longue liste des nations confrontées à la pandémie de la COVID-19. Cette crise sans précédent fragilise les systèmes de santé mondiaux, accroît le risque de morbidité et engendre d’énormes pertes en vies humaines. Au plan économique, la contraction des activités au niveau mondial a entraîné un choc majeur sur l’offre et la demande, résultant en pertes d’emplois et de revenus. Les dernières estimations suggèrent que l’économie mondiale est déjà en récession avec une contraction du PIB mondial et celui de l’Afrique sub-saharienne estimée respectivement à 3% et 1,6% en 2020 par le Fonds Monétaire International (FMI).
En Côte d’Ivoire, malgré un nombre relativement limité de personnes infectées à la date du 12 Mai 2020 (1.857 cas confirmés dont 820 guéris et 21 décès), les conséquences socio-économiques de la crise de la COVID-19 sont de plus en plus perceptibles. La croissance en 2020 devrait ralentir de façon significative, reflétant à la fois la baisse de la demande extérieure et celle de l’offre intérieure due aux mesures de confinement et à la contraction subséquente de l’activité économique, notamment dans les secteurs de l’industrie, des transports et du tourisme (hôtellerie et restauration). L’arrêt de certaines activités exerce une pression significative sur la situation des personnes vulnérables, principalement dans le Grand Abidjan ou les conditions de confinements ont été plus restrictives.
Pour faire face à cette double crise sanitaire et économique, le Gouvernement de Côte d’Ivoire a élaboré deux plans : (1) Un Plan de Riposte Sanitaire pour contenir la propagation du virus et prendre en charge les personnes infectées et (2) Un Plan de Soutien Économique, Social et Humanitaire (PSESH) pour atténuer l’impact de la crise sur les ménages et les entreprises. Outre ces plans, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a pris des mesures pour assurer une liquidité suffisante du secteur financier.
En vue de contribuer au renforcement de la réponse gouvernementale dans le cadre de ces deux plans et préparer la reprise économique post-crise, la plateforme de réflexion et d’échange d’idées dénommée « Ivoire Think Tank » (ITT) fait les propositions suivantes en mettant l’accent sur les aspects économiques :
A. RENFORCER LE DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES, ASSURER LE CRÉDIT À L’ÉCONOMIE, GARANTIR LA PROTECTION DES EMPLOIS ET ATTÉNUER LA CHARGE FISCALE POST-CRISE
Les mesures de soutien aux entreprises édictées par le Gouvernement sont appropriées et devraient contribuer à maintenir l’essentiel de l’activité et accélérer la relance économique post-crise. Toutefois, pour renforcer leur efficacité et permettre de stimuler l’activité économique intersectorielle, ITT fait les recommandations suivantes :
● Simplifier les procédures y compris par des moyens digitaux, afin que les entreprises affectées notamment les PMEs reçoivent rapidement les aides financières prévues ;
● S’assurer que les entreprises bénéficiant du soutien financier de l’État garantissent la protection des emplois ;
● Procéder à l’apurement de la dette de l’ensemble des fournisseurs de l’État, tout en maintenant le plafond de remboursement de 100 Millions de FCFA par entreprise bénéficiaire et en accordant la priorité aux entreprises des secteurs les plus impactés par la crise de la COVID-19 ;
● S’assurer par des engagements que les banques, ayant bénéficié de l’assouplissement des conditions de refinancement auprès de la BCEAO, fassent effectivement crédit aux entreprises et à des taux d’intérêt réduits ;
● Élaborer un programme d’échelonnement du paiement des arriérés d’impôts après la sortie de crise en vue d’amoindrir la charge fiscale sur les entreprises.
B. RENFORCER LA PARTICIPATION DU SECTEUR PRIVÉ À LA GOUVERNANCE DU PSESH ; FAVORISER LA CRÉATION D’UN REGISTRE DES ACTEURS DU SECTEUR INFORMEL ET RENFORCER LE RÔLE DU COMITÉ SCIENTIFIQUE
En complément aux mesures prises pour la préservation de l’outil de production et de l’emploi, ITT recommande de:
● Impliquer davantage le patronat ainsi que les acteurs de la société civile à la gestion du fonds de soutien aux PME,
dont l’enveloppe globale s’élève à plus de 100 milliards de FCFA. Les modalités d’accès aux ressources financières
devraient être précises et accessibles aux PME et au public ;
● Créer un registre national unique des acteurs du secteur informel à partir du croisement des fichiers municipaux et de protection sociale et des informations complémentaires fournies par les bénéficiaires du soutien de l’Etat. Ce
registre unique servira de base pour des besoins de politique économique à l’endroit du secteur informel à moyen terme ;
● Renforcer le rôle du Comité Scientifique par la mise en place de dispositifs permettant d’identifier les bonnes pratiques telles que l’élaboration d’une cartographie et de statistiques fiables sur le traçage, le dépistage et le traitement, la prise en compte des contributions de la pharmacopée africaine et enfin l’organisation de campagnes de sensibilisation sur l’importance des vaccins pour les nouveaux nés et les plus jeunes.
C. IMPLIQUER LES COMMUNAUTÉS LOCALES DANS LA STRATÉGIE DE COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE
ITT encourage le Gouvernement à impliquer davantage les communautés locales et les leaders d’opinion dans le dispositif d’information, d’éducation et de sensibilisation des populations aux mesures barrières, à la prise en charge des malades et à toute autre initiative gouvernementale en réponse à la pandémie. Une telle approche permettrait d’éviter la stigmatisation et tout autre comportement contraire à l’effort collectif. Il convient également de faire comprendre aux populations que la COVID-19 n’engendre pas systématiquement la mort du patient. Il nous apparaît donc essentiel de :
● Véhiculer en langues locales, y compris par les canaux de proximité dans les zones rurales, les messages de sensibilisation notamment sur les symptômes, le mode de transmission de la maladie à coronavirus ainsi que les mesures barrières ;
● Présenter des témoignages de personnes infectées et patients guéris de la maladie, appartenant à différentes couches sociales et sociologiques pour assurer une plus grande prise de conscience ;
● Mettre à contribution toutes les forces vives de la société – y compris les guides religieux, les chefs traditionnels, les artistes chanteurs, les comédiens et les influenceurs des réseaux sociaux – afin d’éveiller les consciences et faciliter la compréhension des populations sur la COVID-19.
D. PRÉPARER LA REPRISE POST-CRISE
Parallèlement à la mise en œuvre des plans de riposte à la pandémie, il serait indiqué de commencer la préparation de la relance post-crise afin qu’elle se fasse rapidement et dans les meilleures conditions. Pour ce faire, ITT propose de :
● Constituer une équipe interministérielle et bipartite État-secteur privé dont la tâche serait notamment d’évaluer
l’effectivité et l’impact du soutien de l’État sur les entreprises, l’activité et l’emploi et d’identifier les besoins des entreprises par secteur d’activité, y compris des facilitations administratives pour une reprise rapide à la fin de la pandémie ;
● Réfléchir à des stratégies de promotion à l’endroit des investisseurs étrangers et touristes pour réduire leur aversion au risque et faciliter un retour rapide vers la destination Côte d’Ivoire ;
● Confier à cette équipe interministérielle la réflexion sur la reprise globale dans les différents secteurs socio- économiques y compris l’agriculture, l’éducation et la santé.
Ivoire Think Tank
12 Mai 2020
Washington D.C.
Contributeurs :
1. EHUI Kacou Simeon, Économiste
2. ALLE Koffi Marcellin, Économiste
3. EHUI Kouyate Mamou, Économiste
4. GBETIBOUO Mathurin, Economiste
5. GOGOUA Amantchi Jean-Noel, Économiste
6. COULIBALY Amina, Économiste
7. AKA Tano Michel, Économiste
8. COULIBALY Aïssata, Économiste
9. KOUADIO Kouassi Emmanuel, Statisticien
10. SOUMAHORO Souleymane, Économiste
11. OUATTARA Nama, Économiste
12. ATSEBI Bédhat Jean-Marc, Économiste
NB : (1) Ivoire Think Tank est une plateforme de réflexion et d’échange d’idées constituée de cadres Ivoiriens exerçant au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale.
(2) Avis de non-responsabilité : Toutes les opinions exprimées dans ce document sont exclusivement des vues des membres d’Ivoire Think Tank et ne représentent pas les opinions des organisations professionnelles auxquelles ceux-ci sont affiliés.
COMMUNIQUÉ DU GROUPE « IVOIRE THINK TANK1 2» (ITT) EN APPUI AU GOUVERNEMENT DE CÔTE D’IVOIRE DANS LA LUTTE CONTRE LA MALADIE À CORONAVIRUS (COVID-19)
Depuis la confirmation du premier cas d’infection à coronavirus le 11 mars dernier, la Côte d’Ivoire a rejoint la longue liste des nations confrontées à la pandémie de la COVID-19. Cette crise sans précédent fragilise les systèmes de santé mondiaux, accroît le risque de morbidité et engendre d’énormes pertes en vies humaines. Au plan économique, la contraction des activités au niveau mondial a entraîné un choc majeur sur l’offre et la demande, résultant en pertes d’emplois et de revenus. Les dernières estimations suggèrent que l’économie mondiale est déjà en récession avec une contraction du PIB mondial et celui de l’Afrique sub-saharienne estimée respectivement à 3% et 1,6% en 2020 par le Fonds Monétaire International (FMI).
En Côte d’Ivoire, malgré un nombre relativement limité de personnes infectées à la date du 12 Mai 2020 (1.857 cas confirmés dont 820 guéris et 21 décès), les conséquences socio-économiques de la crise de la COVID-19 sont de plus en plus perceptibles. La croissance en 2020 devrait ralentir de façon significative, reflétant à la fois la baisse de la demande extérieure et celle de l’offre intérieure due aux mesures de confinement et à la contraction subséquente de l’activité économique, notamment dans les secteurs de l’industrie, des transports et du tourisme (hôtellerie et restauration). L’arrêt de certaines activités exerce une pression significative sur la situation des personnes vulnérables, principalement dans le Grand Abidjan ou les conditions de confinements ont été plus restrictives.
Pour faire face à cette double crise sanitaire et économique, le Gouvernement de Côte d’Ivoire a élaboré deux plans : (1) Un Plan de Riposte Sanitaire pour contenir la propagation du virus et prendre en charge les personnes infectées et (2) Un Plan de Soutien Économique, Social et Humanitaire (PSESH) pour atténuer l’impact de la crise sur les ménages et les entreprises. Outre ces plans, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a pris des mesures pour assurer une liquidité suffisante du secteur financier.
En vue de contribuer au renforcement de la réponse gouvernementale dans le cadre de ces deux plans et préparer la reprise économique post-crise, la plateforme de réflexion et d’échange d’idées dénommée « Ivoire Think Tank » (ITT) fait les propositions suivantes en mettant l’accent sur les aspects économiques :
A. RENFORCER LE DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES, ASSURER LE CRÉDIT À L’ÉCONOMIE, GARANTIR LA PROTECTION DES EMPLOIS ET ATTÉNUER LA CHARGE FISCALE POST-CRISE
Les mesures de soutien aux entreprises édictées par le Gouvernement sont appropriées et devraient contribuer à maintenir l’essentiel de l’activité et accélérer la relance économique post-crise. Toutefois, pour renforcer leur efficacité et permettre de stimuler l’activité économique intersectorielle, ITT fait les recommandations suivantes :
● Simplifier les procédures y compris par des moyens digitaux, afin que les entreprises affectées notamment les PMEs reçoivent rapidement les aides financières prévues ;
● S’assurer que les entreprises bénéficiant du soutien financier de l’État garantissent la protection des emplois ;
● Procéder à l’apurement de la dette de l’ensemble des fournisseurs de l’État, tout en maintenant le plafond de remboursement de 100 Millions de FCFA par entreprise bénéficiaire et en accordant la priorité aux entreprises des secteurs les plus impactés par la crise de la COVID-19 ;
● S’assurer par des engagements que les banques, ayant bénéficié de l’assouplissement des conditions de refinancement auprès de la BCEAO, fassent effectivement crédit aux entreprises et à des taux d’intérêt réduits ;
● Élaborer un programme d’échelonnement du paiement des arriérés d’impôts après la sortie de crise en vue d’amoindrir la charge fiscale sur les entreprises.
B. RENFORCER LA PARTICIPATION DU SECTEUR PRIVÉ À LA GOUVERNANCE DU PSESH ; FAVORISER LA CRÉATION D’UN REGISTRE DES ACTEURS DU SECTEUR INFORMEL ET RENFORCER LE RÔLE DU COMITÉ SCIENTIFIQUE
En complément aux mesures prises pour la préservation de l’outil de production et de l’emploi, ITT recommande de:
● Impliquer davantage le patronat ainsi que les acteurs de la société civile à la gestion du fonds de soutien aux PME,
dont l’enveloppe globale s’élève à plus de 100 milliards de FCFA. Les modalités d’accès aux ressources financières
devraient être précises et accessibles aux PME et au public ;
● Créer un registre national unique des acteurs du secteur informel à partir du croisement des fichiers municipaux et de protection sociale et des informations complémentaires fournies par les bénéficiaires du soutien de l’Etat. Ce
registre unique servira de base pour des besoins de politique économique à l’endroit du secteur informel à moyen terme ;
● Renforcer le rôle du Comité Scientifique par la mise en place de dispositifs permettant d’identifier les bonnes pratiques telles que l’élaboration d’une cartographie et de statistiques fiables sur le traçage, le dépistage et le traitement, la prise en compte des contributions de la pharmacopée africaine et enfin l’organisation de campagnes de sensibilisation sur l’importance des vaccins pour les nouveaux nés et les plus jeunes.
C. IMPLIQUER LES COMMUNAUTÉS LOCALES DANS LA STRATÉGIE DE COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE
ITT encourage le Gouvernement à impliquer davantage les communautés locales et les leaders d’opinion dans le dispositif d’information, d’éducation et de sensibilisation des populations aux mesures barrières, à la prise en charge des malades et à toute autre initiative gouvernementale en réponse à la pandémie. Une telle approche permettrait d’éviter la stigmatisation et tout autre comportement contraire à l’effort collectif. Il convient également de faire comprendre aux populations que la COVID-19 n’engendre pas systématiquement la mort du patient. Il nous apparaît donc essentiel de :
● Véhiculer en langues locales, y compris par les canaux de proximité dans les zones rurales, les messages de sensibilisation notamment sur les symptômes, le mode de transmission de la maladie à coronavirus ainsi que les mesures barrières ;
● Présenter des témoignages de personnes infectées et patients guéris de la maladie, appartenant à différentes couches sociales et sociologiques pour assurer une plus grande prise de conscience ;
● Mettre à contribution toutes les forces vives de la société – y compris les guides religieux, les chefs traditionnels, les artistes chanteurs, les comédiens et les influenceurs des réseaux sociaux – afin d’éveiller les consciences et faciliter la compréhension des populations sur la COVID-19.
D. PRÉPARER LA REPRISE POST-CRISE
Parallèlement à la mise en œuvre des plans de riposte à la pandémie, il serait indiqué de commencer la préparation de la relance post-crise afin qu’elle se fasse rapidement et dans les meilleures conditions. Pour ce faire, ITT propose de :
● Constituer une équipe interministérielle et bipartite État-secteur privé dont la tâche serait notamment d’évaluer
l’effectivité et l’impact du soutien de l’État sur les entreprises, l’activité et l’emploi et d’identifier les besoins des entreprises par secteur d’activité, y compris des facilitations administratives pour une reprise rapide à la fin de la pandémie ;
● Réfléchir à des stratégies de promotion à l’endroit des investisseurs étrangers et touristes pour réduire leur aversion au risque et faciliter un retour rapide vers la destination Côte d’Ivoire ;
● Confier à cette équipe interministérielle la réflexion sur la reprise globale dans les différents secteurs socio- économiques y compris l’agriculture, l’éducation et la santé.
Ivoire Think Tank
12 Mai 2020
Washington D.C.
Contributeurs :
1. EHUI Kacou Simeon, Économiste
2. ALLE Koffi Marcellin, Économiste
3. EHUI Kouyate Mamou, Économiste
4. GBETIBOUO Mathurin, Economiste
5. GOGOUA Amantchi Jean-Noel, Économiste
6. COULIBALY Amina, Économiste
7. AKA Tano Michel, Économiste
8. COULIBALY Aïssata, Économiste
9. KOUADIO Kouassi Emmanuel, Statisticien
10. SOUMAHORO Souleymane, Économiste
11. OUATTARA Nama, Économiste
12. ATSEBI Bédhat Jean-Marc, Économiste
NB : (1) Ivoire Think Tank est une plateforme de réflexion et d’échange d’idées constituée de cadres Ivoiriens exerçant au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale.
(2) Avis de non-responsabilité : Toutes les opinions exprimées dans ce document sont exclusivement des vues des membres d’Ivoire Think Tank et ne représentent pas les opinions des organisations professionnelles auxquelles ceux-ci sont affiliés.