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Économie Publié le lundi 31 août 2020 | Fraternité Matin

Joël HOUNSINOU, Directeur général de Bolloré Transport & Logistics Côte d’Ivoire : « L’économie portuaire ivoirienne repose sur de solides fondements »

© Fraternité Matin Par DR
Joël HOUNSINOU, Directeur général de Bolloré Transport & Logistics Côte d’Ivoire
La pandémie de la Covid-19 a mis à rude épreuve toutes les structures économiques dont l’un de ses poumons, le secteur portuaire. La gestion rigoureuse de cette crise par les acteurs du domaine a évité l’asphyxie. Dans cette interview, Joël HOUNSINOU, Directeur général de Bolloré Transport & Logistics Côte d’Ivoire revient sur la stratégie de son entreprise pour faire face à la situation, et maintenir à flot l’activité portuaire.

Comment Bolloré Transport & Logistics s’adapte-t-il à la crise sanitaire ?

Lorsque la crise sanitaire a démarré en Asie, puis s’est étendue en Europe, nous avons actionné notre Plan de Continuité d’Activités bien avant l’apparition du premier cas Covid-19 en Côte d’Ivoire. L’une des forces de Bolloré Transports & Logistics réside dans l’étendue de son réseau d’agences à travers le monde. De fait, nous avons capitalisé sur le retour d’expériences au sein de nos différentes filiales pour mieux appréhender cette nouvelle crise. Afin de protéger le personnel, nous avons mis en place un certain nombre de mesures de sensibilisation aux mesures d’hygiène et de distanciation, nous nous sommes réorganisés en mettant en œuvre un système de rotation des équipes et en privilégiant le télétravail pour les fonctions administratives, etc. Toutes ces dispositions ont contribué à assurer la continuité du service, et à en garantir la qualité, tout en préservant la santé et la sécurité de nos collaborateurs ainsi que de leurs familles.

Quelles ont été les dispositions prises à votre niveau pour amoindrir ses chocs et maintenir la chaîne d’approvisionnement des marchés locaux et régionaux ?

En Côte d’ivoire, nous intervenons dans quasiment toutes les composantes de la chaîne d’approvisionnement des marchés, avec des solutions logistiques articulées autour de la manutention portuaire, de la logistique terrestre, de l’entreposage et du transport ferroviaire. Ce positionnement stratégique, doublé d’une parfaite synergie de ces métiers, a été la clé du maintien de nos opérations logistiques, dans ce contexte de crise sanitaire.

Dans le domaine du transit aérien, où l’offre émanant des services réguliers a fortement chuté, nous avons lancé un service de fret cargo hebdomadaire optimisé qui a permis d’importer des produits de grande consommation ainsi que du matériel médical et d’exporter plus de 420 T de mangues de la Côte d’Ivoire vers l’Europe. Aussi, pour garantir le maintien de la chaine d’approvisionnement de certaines grandes surfaces en produits alimentaires, nous avons été amenés à revoir notre organisation de travail au sein de nos entrepôts de logistique contractuelle en renforçant les équipes de jour et de nuit, en étoffant notre service de livraison, etc.

Vous intervenez dans la chaine logistique liée à l’exportation des produits tels que le Coton, le Cacao, le Café et l’Anacarde. Dites-nous la manière dont toutes ces exportations ont été impactées par la Covid-19 ?
Nous sommes un acteur majeur de la chaîne logistique par la taille de nos infrastructures, l’importance de notre parc de matériels de manutention et de transport et l’expertise reconnue de nos collaborateurs. En Côte d’Ivoire, nous sommes le premier logisticien pour les produits à l’exportation avec 36 % de parts de marché (hors produits pétroliers).
En ce qui concerne les produits cités, les exportations de cacao n’ont quasiment pas été impactées par la crise sanitaire, car la campagne principale était quasiment à son terme en mars, lorsque la crise a démarré en Côte d’Ivoire.
Le coton et l’anacarde ont cependant, subi le plus gros impact durant cette crise sanitaire en raison de la fermeture des frontières des pays de l’Asie, principaux importateurs de ces produits. La fermeture des usines de filature du coton et de transformation du cajou (Inde et Vietnam), suite aux mesures de confinement prises dans ces pays, a fortement ralenti le niveau des exportations entraînant une baisse sensible du cours de ces deux produits sur le marché international. Le cours de l’anacarde en particulier, a subi des chutes allant jusqu’à 33%, contraignant ainsi les producteurs à faire du surstockage ou à vendre au rabais pour faire face aux engagements.
Des milliers de tonnes de coton n’ont pas pu être exportés à cause de cette crise mondiale et sont encore stockés dans des magasins portuaires en attente d’embarquement, ou à demeure, sur les sites de production en campagne. Ainsi, au terme du premier trimestre, les volumes réalisés pour ces deux produits sont inférieurs de 40 % à nos prévisions initiales. Au-delà de Bolloré Transport & Logistics, c’est donc tous les acteurs intervenant dans ces chaînes qui subissent de plein fouet les conséquences de cette crise.

Parlez-nous alors des pertes occasionnées sur le plan du commerce extérieur, et particulièrement sur les exportations des produits cités plus haut ?
En ce qui concerne le coton, les pertes pourraient être considérables, autant pour l’État, que pour les producteurs. La forte baisse du niveau de consommation du textile à l’échelle mondiale et la persistance de cette crise sanitaire risquent d’impacter durablement le cours sur le marché international. De surcroit, il y a de fortes chances de voir la campagne 2020, s’étaler durablement, et comme corollaire, le chevauchement des campagnes 2020 et 2021 ainsi que la détention de stocks de coton importants. Cette perspective étant de nature à amoindrir fortement les recettes attendues de l’État et celles des compagnies cotonnières.

Pour ce qui est du cajou, malgré une excellente production 2020, le recul de la demande sur le marché des producteurs, impacte considérablement les prix d’achat. Au plus fort de la crise, les cours ont été dépréciés de près de 33 %. À l’approche de la fin de la campagne, les producteurs pourraient être contraints de brader leur production pour faire face à leurs engagements, et ce, sans garantie d’écouler la totalité de la production.

Comment voyez-vous les perspectives de l’économie portuaire ivoirienne, après la Covid-19 ? Quelles sont selon vous, les mesures urgentes à prendre par l’Etat pour redynamiser l’activité portuaire.
L’économie portuaire ivoirienne repose sur de solides fondements : des opérateurs portuaires de renom, présents depuis plusieurs décennies, et une importante infrastructure, qui se modernise et s’adapte à la croissance du pays. Nombreux sont les projets de développement : la mise en service prochaine du second terminal à conteneurs d’Abidjan, les récents travaux de modernisation du Terminal Roulier, le démarrage des travaux du futur Terminal Céréalier, la création de terrains supplémentaires par le remblaiement de la baie lagunaire de Vridi…

La Côte d’Ivoire dispose d’une économie forte, avec une croissance continue et une grande capacité de résilience. Son ouverture sur les pays de l’hinterland en fait d’ailleurs un hub logistique sous-régional très compétitif. Globalement, nous sommes convaincus qu’avec ses nombreux atouts, notre pays peut sortir de cette crise, plus fort encore.

Sur le second volet de votre question, les Autorités se sont engagées à soutenir les opérateurs portuaires en leur apportant une aide financière pour couvrir une partie des dépenses imprévues notamment celles liées aux moyens de lutte contre la pandémie. La mise en œuvre de ces actions a déjà démarré et devrait se poursuivre à travers des dispositifs supplémentaires (fiscaux, sociaux, fonciers…) qui restent à définir par l’État afin de contribuer efficacement à la redynamisation des activités de la communauté portuaire.

La crise sanitaire est une opportunité pour les acteurs que nous sommes de nous remettre en question, de réapprendre à travailler ensemble, d’optimiser nos process opérationnels avec plus de digitalisation, et surtout, d’aborder le futur avec beaucoup d’humilité.
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