Le nouveau voyage musical d'Amadou et Mariam commence avec un titre electro enlevé, " Sabali ". Puis, Welcome to Mali nous emmène là où les musiques traditionnelles africaines se marient à des notes reggae, afro-beat, rock, pop… Cette virée est le fruit des collaborations du couple d'aveugles maliens avec des artistes aux univers très divers, comme Tiken Jah Fakoli, Matthieu Chedid (alias M), Keziah Jones, Juan Rozoff, K'Naan et Damon Albarn. Après le succès de dimanche à Bamako, sorti en 2004 et récompensé en France par une victoire de la musique, le binôme renoue donc avec le métissage d'influences. Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia parlent pour nous de l'aventure Welcome to Mali, enregistrée entre le Sénégal, le Mali, la France et l'Angleterre. Ils reviennent aussi sur leur parcours. Le nouvel album s'appelle Welcome to Mali. Est-ce que vous vous faites ambassadeurs de votre pays ?
Amadou : D'une manière générale, dans tous nos albums, nous essayons toujours de parler du Mali, de tout ce qui se passe au Mali. On parle du mariage au Mali, des Coulibaly, du pays Dogon… On est toujours dans cette dynamique-là. Partant du fait que le Mali est un pays très culturel, musical, historique et que les Maliens sont très accueillants, on invite les gens à voir le Mali. Mariam : Ce qui se passe au Mali, c'est ce qu'on chante dans nos chansons pour que les gens puissent savoir ce qui s'y passe et aillent voir le Mali. Le Mali est un pays très chaleureux, accueillant… c'est pourquoi, on chante toujours quelque chose pour faire connaître le Mali. Dans "Ce n'est pas bon", vous dénoncez notamment la dictature et la démagogie…
Amadou : La démagogie n'est pas du tout une bonne chose parce qu'on souhaite que notre continent puisse être à l'image des autres, qu'il puisse être sur le chemin du développement et que les responsables politiques soient plus conscients de leur tâche, qu'ils tiennent compte de leurs promesses et qu'ils agissent pour le bonheur de tout le monde. Qu'ils agissent pour le respect et l'amour du peuple, surtout. Africa est plutôt un coup de gueule pour dire qu'il n'y a pas que la guerre, la corruption et la famine en Afrique. Pensez-vous que l'on parle mal de l'Afrique ? Que l'image reflétée n'est pas fidèle à la réalité ?
Mariam : C'est vrai que beaucoup pensent qu'il n'y a que la pauvreté en Afrique. Mais il n'y a pas que ça: il y a la fête, la joie, l'humanité, la solidarité. Quand quelqu'un a un problème, tout le monde vient vers lui pour l'aider à s'en sortir. Amadou : Effectivement, il y a la volonté de dire aux gens qu'il n'y a pas que la guerre, qu'il y a aussi autre chose. Comme en Europe, ils ne font que parler du mauvais côté de l'Afrique, on a voulu chanter cette chanson pour remettre les choses à leur place. L'importance de la famille, des proches, des amis, des voisins… revient beaucoup dans vos chansons. Pourquoi ?
Amadou : C'est très important. Surtout par rapport à cette histoire de conflit, de guerre entre les pays, les ethnies… On essaie d'expliquer que les Africains sont tous parents, qu'on n'a pas besoin de se livrer de guerre, on n'a pas besoin de conflit, on a surtout besoin que les uns et les autres se retrouvent. Vous parlez beaucoup d'amour dans vos chansons. L'amour n'est pas quelque chose que l'on exprime facilement en Afrique. La chanson Je te kiffe est-elle une façon de dire aux Africains : "N'ayez pas peur de vous dire "je t'aime" ?
Amadou : Peut-être qu'en Afrique, on n'aime pas trop le dire, mais on le vit. Donc nous sommes réellement des porte-parole pour essayer de briser un peu les tabous. Je pense que ça fait plaisir aux uns et aux autres d'entendre ces mots-là parce que ça les mets un peu à l'aise et ils aiment ce genre de message. Votre album est très métissé. Vous mélangez les langues, les influences… Pensez-vous que le métissage soit l'avenir de la musique ?
Amadou : D'une manière générale, oui. Le métissage est partout et il doit être partout parce qu'il faut que les gens soient métissés, que chacun puisse jouer son petit rôle. Parce qu'il y a des Blancs, il y a des Noirs, il y a des jaunes. Il faut qu'on compose ensemble. Je pense que le métissage, c'est l'avenir même de l'humanité. Vous avez collaboré avec des chanteurs ayant chacun un univers très différent. Comment avez-vous réussi à séduire des artistes avec des influences aussi diverses ?
Mariam : Depuis qu'on est petits, on aime le mélange. C'est pourquoi, quand on commence un album on invite toujours les gens. On a rencontré Keziah à New York lorsqu'on était partis faire un événement en hommage à Fela. On a échangé des idées. Après, on l'a invité au Mali et il est venu. On a fait un concert ensemble qui a bien marché. Les autres aussi, c'est à peu près la même chose. Chaque fois, on se rencontre d'abord avant de faire des choses.
Amadou : La séduction se fait d'abord par la musique. Nous faisons une musique qui leur parle. Ils se retrouvent dedans à tel point qu'ils ont envie de partager ce moment-là avec nous. C'est surtout ça. Cela vous est-il arrivé qu'on vous reproche de trop métisser votre musique et qu'au final la musique africaine se perdait ?
Amadou : On n'a pas tellement l'occasion de nous dire ça parce que, même s'il y a le métissage, on essaie toujours de garder notre côté originel, le côté Amadou et Mariam. Par exemple, sur cet album-là même, on voit que c'est beaucoup electro et pop. Mais on retrouve quand même la kora, le ngoni, des violons traditionnels… On essaie de faire la part des choses. Vous remportez un grand engouement en France et en Angleterre. Avez-vous autant la côte en Afrique ?
Amadou : On peut dire que les Africains nous aiment bien mais on n'a généralement pas le temps de faire des tournées en Afrique parce qu'on est beaucoup en tournée en Europe. Les Africains nous veulent beaucoup mais ils n'arrivent pas à nous voir en concert. Vous allez les fâcher…
Amadou : (rires) Effectivement, mais ils se réjouissent parce qu'ils pensent que nous sommes leurs porte-parole. Quand il y a de gros événements, on est toujours là et on représente l'Afrique et ça aussi ça leur fait énormément plaisir. Mariam : Ils sont très fiers de nous parce qu'on les représente mais ils veulent qu'on joue des concerts en Afrique. Mais c'est le temps qui nous manque surtout. Mais pourquoi ne pas donner la priorité à l'Afrique, le continent d'où vous êtes partis ?
Mariam : Vraiment, on va essayer. Une tournée africaine est donc prévue ?
Mariam : Pour le moment non parce que, comme l'album vient de sortir, il y a la promo et tout le reste. Nous on veut faire des concerts en Afrique mais vraiment c'est le temps qui nous manque. Mais quand on aura le temps on le fera, inch'Allah. Mais comment se fait-il que l'Afrique ne soit pas une priorité ?
Mariam : Nos tourneurs sont là, les producteurs sont là, l'album a commencé ici, il est sorti ici… C'est pour cela que l'on commence à l'extérieur. Que vous a apporté la découverte de la musique ?
Amadou : Beaucoup de choses. La découverte de la musique nous permet d'avoir un moyen d'expression, de partager nos points de vue avec les uns et les autres, de lancer des messages, de donner de l'espoir aux gens et de vivre des moments heureux. Vos débuts ont-ils été difficiles? Le fait d'être aveugles a-t-il été un handicap ?
Mariam : Non, pas du tout. Quand on a commencé, tout le monde aimait notre musique. Avant d'aller à l'institut des jeunes aveugles, je chantais et Amadou jouait de la guitare de son côté. Lorsque je suis allée à l'institut, on m'a demandé d'apprendre aux autres à chanter et à danser. Amadou est venu par la suite et nous avons formé un orchestre avec des voyants et des aveugles. Ensuite, nous avons créé une troupe. On a commencé à faire des concerts. Les gens nous ont aimés, ils venaient beaucoup nous voir et les salles étaient vraiment remplies. Ce qui a été difficile, c'est que quand on a été connu dans notre pays parce qu'il n'y avait pas de studio d'enregistrement, de producteurs, de distributeurs…
Amadou : On avait attiré une sorte de sympathie du fait que malgré notre handicap, on arrivait à faire quelque chose, on arrivait à chanter. On avait un don. Les gens admiraient ce qu'on faisait et nous avions leur soutien. Donc au début, ça n'a pas été très difficile pour nous. Avez-vous des actions pour aider les jeunes aveugles ?
Mariam : Chaque année, au Mali, on fait un festival qui s'appelle Paris-Bamako pour aider les jeunes de l'institut des jeunes aveugles. Amadou : A partir de ce festival, il n’y a pas mal de choses que l'on fait. Des sponsors nous ont permis de rénover les internats, d'apporter du matériel… Comme nous sommes ambassadeurs de bonne volonté du Programme alimentaire mondial, on est parvenu à trouver le moyen pour qu'il puisse fournir à manger pendant quelques années. On a commencé au Mali et peut-être que ça va s'élargir dans les jours à venir.
In Afrik.com Enquête/ Entreprises privées de sécurité
Les patrons roulent carrosse, les employés broient du noir
Entreprises privées de sécurité, pourvoyeuses d'emplois, certes mais où transparaît un véritable paradoxe. Des vigiles, l'épine dorsale du secteur, croulent sous le poids de la galère, tandis que les patrons se la coulent douce. Incursion dans cet enfer. “Quand en 1998 j'avais décidé d'embrasser le métier de vigile, je n'avais jamais pensé qu'à ce jour, je serai toujours en quête d'un mieux -être. Toujours en train d'attendre deux, voire trois mois avant de percevoir un hypothétique salaire. Aujourd'hui, je ne peux plus rien faire d'autre, alors j'ai décidé de faire avec le peu que j'ai sous la main ". Telle est la confession d'un homme, père de cinq enfants que nous avons rencontré dans un des quartiers chics de la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan. Assis devant une villa, dans une chaise malaga (un cas rare), l'uniforme fané, A.S., la quarantaine bien sonnée, somnole le menton entre le creux de la main, la bouche entrouverte. Une attitude qui en dit long sur l'état d'esprit de A.S. " je totalise maintenant trois (3) mois sans salaire. Et je m'interroge comment ma famille va faire les fêtes de fin d'année ", confie-t-il. A quelques heures du début des fêtes de fin d'année. Nous étions au soir du 23 décembre 2008. Peine et désolation ont plané sur notre conversation quand, après le nouvel an, nous avons décidé de nous imprégner des réalités de cet homme. Rien n'a changé. Il sera passé d'une année à une autre avec les mêmes soucis. Toujours la même amertume, la déception et l'éternelle attente d'une satisfaction après le dur labeur. " Mon patron ne m'a donné que trente mille francs (30000 Fcfa). Il a préféré me payer à la fin des fêtes. Puisque, selon lui, l'argent n'est pas rentré. Et donc, il a des problèmes", explique, la gorge étreinte, notre interlocuteur. Qui, en effet, et après maintes investigations, ne constitue qu'un maigre échantillon de ces gardiens (vigiles) qui souffrent dans leur chair. Face à des patrons roulant carrosse, au détriment des agents. De Cocody à Yopougon en passant par Abobo, Marcory, Adjamé, Koumassi, et bien d'autres communes d'Abidjan, sans oublier les villes de l'intérieur, partout, les vigiles croulent sous le poids d'une escroquerie des employeurs. Notre curiosité nous a conduits dans cet univers dans lequel les plus petits ont leurs doigts dans la bouche des plus forts. Et qu'il faille ne pas taper sur la tête au risque de se les voir broyer au pire des cas se les voir avaler. Sans que personne n'ose condamner. Des entreprises de sécurité, des pourvoyeuses d'emplois certes…
Les maisons de sécurité privée naissent comme des champignons en Côte d'Ivoire. Il ne se trouve de coins de rues d'Abidjan où l'on ne rencontre des entreprises de sécurité privée. Sur nos petits écrans, des publicités pour déposer les dossiers. Le montage est gros et joliment orchestré. Juste pour jouer sur la psychologie de la population, la jeunesse, notamment en proie à une crise d'emplois sans précédent. Combien de véhicules gros calibre de sociétés ne voit-on pas circuler à travers les rues d'Abidjan, donnant fière allure et suscitant l'appétit d'y travailler, de devenir vigile. Surtout les uniformes sont bien présentés, des couleurs touchant au plus profond de notre rétine. Quoi de plus excitant et oubliant parfois le célèbre adage qui dit que tout ce qui brille n'est pas de l'or. La pacotille rodant autour. Beaucoup de dénominations pullulent les coins et recoins du District d'Abidjan, aidant l'Etat à résorber le trop plein de sa population en chômage. Mais sous quelle forme. Ce n'est pas le jeune K. G rencontré dans une des Tours de la cité administrative à Abidjan - Plateau qui dira le contraire : " Les entreprises privées de sécurité sont de pourvoyeuses d'emplois qu'il faut encourager. Mais le hic, c'est qu'elles ne sont pas des bons payeurs ", raconte-t-il, avant d'ajouter sur un ton mélancolique " Il faut attendre des mois pour percevoir le salaire. Tandis qu'eux (les employeurs, ndlr) se remplissent les poches ".
…mais au détriment des employés
Y. N. emboîtera le pas à KG. En des termes plus révoltants. " Je suis vigile depuis six ans. Mais jamais, je n'ai reçu mon salaire en intégralité. Chaque fois, mon patron me tend la moitié et me dit d'attendre. Ainsi de suite, il a cumulé les arriérés qu'il n'arrive plus à payer ", et de soutenir, " c'est de la mauvaise foi. Puisque notre entreprise est une des meilleures de la place. Elle revendique même d'être parmi les meilleures chaque année ". A l'instar de Y. N. et K G, nombreux sont des jeunes gens qui, chaque jour, chaque mois, sont à la merci des détenteurs d'entreprises privées de sécurité. En essayant de pousser plus loin les investigations, l'on découvre une véritable misère. Un de nos interlocuteurs a eu du mal à expliquer leur galère. Qui, selon lui, se résume en une seule expression : le non-respect de la dignité humaine. " Quand vous les voyez dans de grosses cylindrées, en galantes compagnies, vous tombez des nues. Et dire qu'à la fin du mois on vous refuse vos miettes, cela dénote du non-respect d'autrui. Comme pour dire, travaillez pour que nous, nous vivions. Quant à vous, survivez ", lâche-t-il. Non sans accuser l'Etat qui ne prend pas les mesures adéquates pour réglementer le secteur. " Nous sommes dans une véritable jungle. Nos salaires ne respectent aucune base légale ", déplore-t-il.
En effet, les patrons d'entreprises privées, à en croire notre source, ne font qu'appliquer au strict minimum le Salaire minimum garanti (Smig). Et pire, ils l'appliquent en deçà de ce qu'exige la loi.
Des vigiles payés à 30000 Fcfa, le mois, pas de couverture sociale, ni de prime de risque, pas de contrat de travail. Quand A.S. nous a révélé son salaire mensuel, il nous a été impossible de lui demander comment ce dernier arrive à joindre les deux bouts de la vie. C'est-à-dire aller au travail et nourrir sa famille. " Je touche 45000 Fcfa le mois. Mais, malgré cela, mon patron met des mois à me payer", a dit la main sur le cœur, A.S. qui doit quitter chaque jour à Abobo Sagbé, communément appelé " Derrière rails ", pour rejoindre son lieu de travail sis à Cocody Vallon. " Au départ, je faisais le trajet sans trop difficulté. Mais il est arrivé un moment où j'ai préféré dormir sur les lieux de travail en attentant la fin de la semaine. Sinon comment allais-je nourrir ma famille ? Cette situation, poursuivra le vigile, a eu des conséquences sur mon foyer. La mère de mes enfants m'a quitté parce que je n'arrivais pas à la satisfaire pendant des jours de fêtes. " Je pense qu'elle a eu raison de partir, vu ma situation ", a-t-il confessé. Outre ce dernier, des vigiles rencontrés sont payés à trente mille (30.000 Fcfa) francs. Et le comble, des employés travailleraient dans du véritable noir. " Notre employeur ne nous déclare pas à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Pas de couverture médicale ", a révélé une de nos sources. Indiquant par conséquent qu'aucune prime de risque n'est allouée aux vigiles. " Nous travaillons à nos risques et périls. Quand il y a des braquages, nous sommes pourtant les premiers indexés. J'ai été écroué pendant deux semaines dans les geôles de la Police judiciaire au Plateau l'année dernière parce que la banque que j'avais obligation de garder a été victime d'un braquage. Pour, dit-on, nécessité d'enquête ", ajoute notre interlocuteur, non sans révéler des séquestrations dont il a été victime de la part des agents de cette police. Puis, avec preuve à l'appui, il nous a fait remarquer que les mieux lotis dans cet enfer sont les vigiles commis à la patrouille ou au contrôle. " Cette catégorie de vigile peut frotter les mains puisqu'ils sont bien traités. Certains sont payés au-delà de 100.000 Fcfa le mois. Mais ce sont des cas rares ", confie-t-on. Un autre vigile de nous conter sa mésaventure avec le propriétaire d'une maison : " Une année, j'ai pratiquement totalisé six (6) mois sans pouvoir payer ma maison. Pour me cacher de ce dernier, j'étais obligé de me faire passer pour un souffrant. Jusqu'à ce qu'on me paie et que j'arrive à éponger mes dettes ". Si pour ce vigile l'astuce a été bien trouvée, cela n'a pas été le cas de celui-là qui a été vidé de la maison. Contraint ainsi à dormir durant deux ans dans les salles d'attente de son poste de travail. Non sans ajouter que très souvent, sans statut, sans contrat de travail, ces agents travaillent dans ces structures, car préoccupés par la survie. Le code de travail est donc relégué aux oubliettes. Les injures, les accidents, les licenciements abusifs sont le quotidien de ces braves agents devant le mutisme total de l'Etat. Quand certains vigiles squattent les bureaux, d'autres attendent les pourboires de leurs chefs Si des vigiles arrivent à joindre les deux bouts, difficilement d'ailleurs, il n'en est pas de même pour certains d'entre eux qui squattent les bureaux de leur lieu de travail. Ainsi au Plateau surtout, nous avons découvert des vigiles qui dorment à même le sol dans les Tours administratives. " Je ne peux aller à la maison et revenir demain matin. Je préfère donc dormir dans la salle d'attente pour économiser mon salaire ", a affirmé sous le couvert de l'anonymat un vigile rencontré dans la nuit de la Saint sylvestre. C'est notre seul secours, dira-t-il, pour faire des économies. Dans le cas contraire, c'est l'endettement ". A la différence de celui-ci, celui, en poste à l'immeuble CCIA, met au grand jour la mendicité déguisée dans laquelle la corporation est plongée. " Quand nous venons le matin, nous attendions que nos chefs (parlant des chefs indirects) nous envoient acheter, qui le petit déjeuner, qui sa cigarette et espérer garder la monnaie ", soutient l'interlocuteur. Louant la générosité de ces chefs indirects grâce " à qui nous arrivons à payer nos titres de transports ". En fait, il faut oser faire irruption dans l'univers des vigiles pour découvrir cette autre facette d'esclavage qui ne dit pas son nom. Pourtant, chaque jour, comme des champignons, poussent des organisations de défense de Droits de l'Homme. De quels droits prétend-on défendre quand le minimum est bafoué aux yeux et au su de tous ? A-t-on besoin de les saisir pour réagir ? Assurément non. Mais contre toute attente, devant leurs sièges se tiennent debout, dans des habits fanés, des vigiles. Surexploités et donc à la merci des entreprises privées de sécurité véreuses. Non sans compter le mutisme complice de l'Etat qui a du mal à réglementer ce secteur.
Toussaint N'Gotta
Amadou : D'une manière générale, dans tous nos albums, nous essayons toujours de parler du Mali, de tout ce qui se passe au Mali. On parle du mariage au Mali, des Coulibaly, du pays Dogon… On est toujours dans cette dynamique-là. Partant du fait que le Mali est un pays très culturel, musical, historique et que les Maliens sont très accueillants, on invite les gens à voir le Mali. Mariam : Ce qui se passe au Mali, c'est ce qu'on chante dans nos chansons pour que les gens puissent savoir ce qui s'y passe et aillent voir le Mali. Le Mali est un pays très chaleureux, accueillant… c'est pourquoi, on chante toujours quelque chose pour faire connaître le Mali. Dans "Ce n'est pas bon", vous dénoncez notamment la dictature et la démagogie…
Amadou : La démagogie n'est pas du tout une bonne chose parce qu'on souhaite que notre continent puisse être à l'image des autres, qu'il puisse être sur le chemin du développement et que les responsables politiques soient plus conscients de leur tâche, qu'ils tiennent compte de leurs promesses et qu'ils agissent pour le bonheur de tout le monde. Qu'ils agissent pour le respect et l'amour du peuple, surtout. Africa est plutôt un coup de gueule pour dire qu'il n'y a pas que la guerre, la corruption et la famine en Afrique. Pensez-vous que l'on parle mal de l'Afrique ? Que l'image reflétée n'est pas fidèle à la réalité ?
Mariam : C'est vrai que beaucoup pensent qu'il n'y a que la pauvreté en Afrique. Mais il n'y a pas que ça: il y a la fête, la joie, l'humanité, la solidarité. Quand quelqu'un a un problème, tout le monde vient vers lui pour l'aider à s'en sortir. Amadou : Effectivement, il y a la volonté de dire aux gens qu'il n'y a pas que la guerre, qu'il y a aussi autre chose. Comme en Europe, ils ne font que parler du mauvais côté de l'Afrique, on a voulu chanter cette chanson pour remettre les choses à leur place. L'importance de la famille, des proches, des amis, des voisins… revient beaucoup dans vos chansons. Pourquoi ?
Amadou : C'est très important. Surtout par rapport à cette histoire de conflit, de guerre entre les pays, les ethnies… On essaie d'expliquer que les Africains sont tous parents, qu'on n'a pas besoin de se livrer de guerre, on n'a pas besoin de conflit, on a surtout besoin que les uns et les autres se retrouvent. Vous parlez beaucoup d'amour dans vos chansons. L'amour n'est pas quelque chose que l'on exprime facilement en Afrique. La chanson Je te kiffe est-elle une façon de dire aux Africains : "N'ayez pas peur de vous dire "je t'aime" ?
Amadou : Peut-être qu'en Afrique, on n'aime pas trop le dire, mais on le vit. Donc nous sommes réellement des porte-parole pour essayer de briser un peu les tabous. Je pense que ça fait plaisir aux uns et aux autres d'entendre ces mots-là parce que ça les mets un peu à l'aise et ils aiment ce genre de message. Votre album est très métissé. Vous mélangez les langues, les influences… Pensez-vous que le métissage soit l'avenir de la musique ?
Amadou : D'une manière générale, oui. Le métissage est partout et il doit être partout parce qu'il faut que les gens soient métissés, que chacun puisse jouer son petit rôle. Parce qu'il y a des Blancs, il y a des Noirs, il y a des jaunes. Il faut qu'on compose ensemble. Je pense que le métissage, c'est l'avenir même de l'humanité. Vous avez collaboré avec des chanteurs ayant chacun un univers très différent. Comment avez-vous réussi à séduire des artistes avec des influences aussi diverses ?
Mariam : Depuis qu'on est petits, on aime le mélange. C'est pourquoi, quand on commence un album on invite toujours les gens. On a rencontré Keziah à New York lorsqu'on était partis faire un événement en hommage à Fela. On a échangé des idées. Après, on l'a invité au Mali et il est venu. On a fait un concert ensemble qui a bien marché. Les autres aussi, c'est à peu près la même chose. Chaque fois, on se rencontre d'abord avant de faire des choses.
Amadou : La séduction se fait d'abord par la musique. Nous faisons une musique qui leur parle. Ils se retrouvent dedans à tel point qu'ils ont envie de partager ce moment-là avec nous. C'est surtout ça. Cela vous est-il arrivé qu'on vous reproche de trop métisser votre musique et qu'au final la musique africaine se perdait ?
Amadou : On n'a pas tellement l'occasion de nous dire ça parce que, même s'il y a le métissage, on essaie toujours de garder notre côté originel, le côté Amadou et Mariam. Par exemple, sur cet album-là même, on voit que c'est beaucoup electro et pop. Mais on retrouve quand même la kora, le ngoni, des violons traditionnels… On essaie de faire la part des choses. Vous remportez un grand engouement en France et en Angleterre. Avez-vous autant la côte en Afrique ?
Amadou : On peut dire que les Africains nous aiment bien mais on n'a généralement pas le temps de faire des tournées en Afrique parce qu'on est beaucoup en tournée en Europe. Les Africains nous veulent beaucoup mais ils n'arrivent pas à nous voir en concert. Vous allez les fâcher…
Amadou : (rires) Effectivement, mais ils se réjouissent parce qu'ils pensent que nous sommes leurs porte-parole. Quand il y a de gros événements, on est toujours là et on représente l'Afrique et ça aussi ça leur fait énormément plaisir. Mariam : Ils sont très fiers de nous parce qu'on les représente mais ils veulent qu'on joue des concerts en Afrique. Mais c'est le temps qui nous manque surtout. Mais pourquoi ne pas donner la priorité à l'Afrique, le continent d'où vous êtes partis ?
Mariam : Vraiment, on va essayer. Une tournée africaine est donc prévue ?
Mariam : Pour le moment non parce que, comme l'album vient de sortir, il y a la promo et tout le reste. Nous on veut faire des concerts en Afrique mais vraiment c'est le temps qui nous manque. Mais quand on aura le temps on le fera, inch'Allah. Mais comment se fait-il que l'Afrique ne soit pas une priorité ?
Mariam : Nos tourneurs sont là, les producteurs sont là, l'album a commencé ici, il est sorti ici… C'est pour cela que l'on commence à l'extérieur. Que vous a apporté la découverte de la musique ?
Amadou : Beaucoup de choses. La découverte de la musique nous permet d'avoir un moyen d'expression, de partager nos points de vue avec les uns et les autres, de lancer des messages, de donner de l'espoir aux gens et de vivre des moments heureux. Vos débuts ont-ils été difficiles? Le fait d'être aveugles a-t-il été un handicap ?
Mariam : Non, pas du tout. Quand on a commencé, tout le monde aimait notre musique. Avant d'aller à l'institut des jeunes aveugles, je chantais et Amadou jouait de la guitare de son côté. Lorsque je suis allée à l'institut, on m'a demandé d'apprendre aux autres à chanter et à danser. Amadou est venu par la suite et nous avons formé un orchestre avec des voyants et des aveugles. Ensuite, nous avons créé une troupe. On a commencé à faire des concerts. Les gens nous ont aimés, ils venaient beaucoup nous voir et les salles étaient vraiment remplies. Ce qui a été difficile, c'est que quand on a été connu dans notre pays parce qu'il n'y avait pas de studio d'enregistrement, de producteurs, de distributeurs…
Amadou : On avait attiré une sorte de sympathie du fait que malgré notre handicap, on arrivait à faire quelque chose, on arrivait à chanter. On avait un don. Les gens admiraient ce qu'on faisait et nous avions leur soutien. Donc au début, ça n'a pas été très difficile pour nous. Avez-vous des actions pour aider les jeunes aveugles ?
Mariam : Chaque année, au Mali, on fait un festival qui s'appelle Paris-Bamako pour aider les jeunes de l'institut des jeunes aveugles. Amadou : A partir de ce festival, il n’y a pas mal de choses que l'on fait. Des sponsors nous ont permis de rénover les internats, d'apporter du matériel… Comme nous sommes ambassadeurs de bonne volonté du Programme alimentaire mondial, on est parvenu à trouver le moyen pour qu'il puisse fournir à manger pendant quelques années. On a commencé au Mali et peut-être que ça va s'élargir dans les jours à venir.
In Afrik.com Enquête/ Entreprises privées de sécurité
Les patrons roulent carrosse, les employés broient du noir
Entreprises privées de sécurité, pourvoyeuses d'emplois, certes mais où transparaît un véritable paradoxe. Des vigiles, l'épine dorsale du secteur, croulent sous le poids de la galère, tandis que les patrons se la coulent douce. Incursion dans cet enfer. “Quand en 1998 j'avais décidé d'embrasser le métier de vigile, je n'avais jamais pensé qu'à ce jour, je serai toujours en quête d'un mieux -être. Toujours en train d'attendre deux, voire trois mois avant de percevoir un hypothétique salaire. Aujourd'hui, je ne peux plus rien faire d'autre, alors j'ai décidé de faire avec le peu que j'ai sous la main ". Telle est la confession d'un homme, père de cinq enfants que nous avons rencontré dans un des quartiers chics de la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan. Assis devant une villa, dans une chaise malaga (un cas rare), l'uniforme fané, A.S., la quarantaine bien sonnée, somnole le menton entre le creux de la main, la bouche entrouverte. Une attitude qui en dit long sur l'état d'esprit de A.S. " je totalise maintenant trois (3) mois sans salaire. Et je m'interroge comment ma famille va faire les fêtes de fin d'année ", confie-t-il. A quelques heures du début des fêtes de fin d'année. Nous étions au soir du 23 décembre 2008. Peine et désolation ont plané sur notre conversation quand, après le nouvel an, nous avons décidé de nous imprégner des réalités de cet homme. Rien n'a changé. Il sera passé d'une année à une autre avec les mêmes soucis. Toujours la même amertume, la déception et l'éternelle attente d'une satisfaction après le dur labeur. " Mon patron ne m'a donné que trente mille francs (30000 Fcfa). Il a préféré me payer à la fin des fêtes. Puisque, selon lui, l'argent n'est pas rentré. Et donc, il a des problèmes", explique, la gorge étreinte, notre interlocuteur. Qui, en effet, et après maintes investigations, ne constitue qu'un maigre échantillon de ces gardiens (vigiles) qui souffrent dans leur chair. Face à des patrons roulant carrosse, au détriment des agents. De Cocody à Yopougon en passant par Abobo, Marcory, Adjamé, Koumassi, et bien d'autres communes d'Abidjan, sans oublier les villes de l'intérieur, partout, les vigiles croulent sous le poids d'une escroquerie des employeurs. Notre curiosité nous a conduits dans cet univers dans lequel les plus petits ont leurs doigts dans la bouche des plus forts. Et qu'il faille ne pas taper sur la tête au risque de se les voir broyer au pire des cas se les voir avaler. Sans que personne n'ose condamner. Des entreprises de sécurité, des pourvoyeuses d'emplois certes…
Les maisons de sécurité privée naissent comme des champignons en Côte d'Ivoire. Il ne se trouve de coins de rues d'Abidjan où l'on ne rencontre des entreprises de sécurité privée. Sur nos petits écrans, des publicités pour déposer les dossiers. Le montage est gros et joliment orchestré. Juste pour jouer sur la psychologie de la population, la jeunesse, notamment en proie à une crise d'emplois sans précédent. Combien de véhicules gros calibre de sociétés ne voit-on pas circuler à travers les rues d'Abidjan, donnant fière allure et suscitant l'appétit d'y travailler, de devenir vigile. Surtout les uniformes sont bien présentés, des couleurs touchant au plus profond de notre rétine. Quoi de plus excitant et oubliant parfois le célèbre adage qui dit que tout ce qui brille n'est pas de l'or. La pacotille rodant autour. Beaucoup de dénominations pullulent les coins et recoins du District d'Abidjan, aidant l'Etat à résorber le trop plein de sa population en chômage. Mais sous quelle forme. Ce n'est pas le jeune K. G rencontré dans une des Tours de la cité administrative à Abidjan - Plateau qui dira le contraire : " Les entreprises privées de sécurité sont de pourvoyeuses d'emplois qu'il faut encourager. Mais le hic, c'est qu'elles ne sont pas des bons payeurs ", raconte-t-il, avant d'ajouter sur un ton mélancolique " Il faut attendre des mois pour percevoir le salaire. Tandis qu'eux (les employeurs, ndlr) se remplissent les poches ".
…mais au détriment des employés
Y. N. emboîtera le pas à KG. En des termes plus révoltants. " Je suis vigile depuis six ans. Mais jamais, je n'ai reçu mon salaire en intégralité. Chaque fois, mon patron me tend la moitié et me dit d'attendre. Ainsi de suite, il a cumulé les arriérés qu'il n'arrive plus à payer ", et de soutenir, " c'est de la mauvaise foi. Puisque notre entreprise est une des meilleures de la place. Elle revendique même d'être parmi les meilleures chaque année ". A l'instar de Y. N. et K G, nombreux sont des jeunes gens qui, chaque jour, chaque mois, sont à la merci des détenteurs d'entreprises privées de sécurité. En essayant de pousser plus loin les investigations, l'on découvre une véritable misère. Un de nos interlocuteurs a eu du mal à expliquer leur galère. Qui, selon lui, se résume en une seule expression : le non-respect de la dignité humaine. " Quand vous les voyez dans de grosses cylindrées, en galantes compagnies, vous tombez des nues. Et dire qu'à la fin du mois on vous refuse vos miettes, cela dénote du non-respect d'autrui. Comme pour dire, travaillez pour que nous, nous vivions. Quant à vous, survivez ", lâche-t-il. Non sans accuser l'Etat qui ne prend pas les mesures adéquates pour réglementer le secteur. " Nous sommes dans une véritable jungle. Nos salaires ne respectent aucune base légale ", déplore-t-il.
En effet, les patrons d'entreprises privées, à en croire notre source, ne font qu'appliquer au strict minimum le Salaire minimum garanti (Smig). Et pire, ils l'appliquent en deçà de ce qu'exige la loi.
Des vigiles payés à 30000 Fcfa, le mois, pas de couverture sociale, ni de prime de risque, pas de contrat de travail. Quand A.S. nous a révélé son salaire mensuel, il nous a été impossible de lui demander comment ce dernier arrive à joindre les deux bouts de la vie. C'est-à-dire aller au travail et nourrir sa famille. " Je touche 45000 Fcfa le mois. Mais, malgré cela, mon patron met des mois à me payer", a dit la main sur le cœur, A.S. qui doit quitter chaque jour à Abobo Sagbé, communément appelé " Derrière rails ", pour rejoindre son lieu de travail sis à Cocody Vallon. " Au départ, je faisais le trajet sans trop difficulté. Mais il est arrivé un moment où j'ai préféré dormir sur les lieux de travail en attentant la fin de la semaine. Sinon comment allais-je nourrir ma famille ? Cette situation, poursuivra le vigile, a eu des conséquences sur mon foyer. La mère de mes enfants m'a quitté parce que je n'arrivais pas à la satisfaire pendant des jours de fêtes. " Je pense qu'elle a eu raison de partir, vu ma situation ", a-t-il confessé. Outre ce dernier, des vigiles rencontrés sont payés à trente mille (30.000 Fcfa) francs. Et le comble, des employés travailleraient dans du véritable noir. " Notre employeur ne nous déclare pas à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Pas de couverture médicale ", a révélé une de nos sources. Indiquant par conséquent qu'aucune prime de risque n'est allouée aux vigiles. " Nous travaillons à nos risques et périls. Quand il y a des braquages, nous sommes pourtant les premiers indexés. J'ai été écroué pendant deux semaines dans les geôles de la Police judiciaire au Plateau l'année dernière parce que la banque que j'avais obligation de garder a été victime d'un braquage. Pour, dit-on, nécessité d'enquête ", ajoute notre interlocuteur, non sans révéler des séquestrations dont il a été victime de la part des agents de cette police. Puis, avec preuve à l'appui, il nous a fait remarquer que les mieux lotis dans cet enfer sont les vigiles commis à la patrouille ou au contrôle. " Cette catégorie de vigile peut frotter les mains puisqu'ils sont bien traités. Certains sont payés au-delà de 100.000 Fcfa le mois. Mais ce sont des cas rares ", confie-t-on. Un autre vigile de nous conter sa mésaventure avec le propriétaire d'une maison : " Une année, j'ai pratiquement totalisé six (6) mois sans pouvoir payer ma maison. Pour me cacher de ce dernier, j'étais obligé de me faire passer pour un souffrant. Jusqu'à ce qu'on me paie et que j'arrive à éponger mes dettes ". Si pour ce vigile l'astuce a été bien trouvée, cela n'a pas été le cas de celui-là qui a été vidé de la maison. Contraint ainsi à dormir durant deux ans dans les salles d'attente de son poste de travail. Non sans ajouter que très souvent, sans statut, sans contrat de travail, ces agents travaillent dans ces structures, car préoccupés par la survie. Le code de travail est donc relégué aux oubliettes. Les injures, les accidents, les licenciements abusifs sont le quotidien de ces braves agents devant le mutisme total de l'Etat. Quand certains vigiles squattent les bureaux, d'autres attendent les pourboires de leurs chefs Si des vigiles arrivent à joindre les deux bouts, difficilement d'ailleurs, il n'en est pas de même pour certains d'entre eux qui squattent les bureaux de leur lieu de travail. Ainsi au Plateau surtout, nous avons découvert des vigiles qui dorment à même le sol dans les Tours administratives. " Je ne peux aller à la maison et revenir demain matin. Je préfère donc dormir dans la salle d'attente pour économiser mon salaire ", a affirmé sous le couvert de l'anonymat un vigile rencontré dans la nuit de la Saint sylvestre. C'est notre seul secours, dira-t-il, pour faire des économies. Dans le cas contraire, c'est l'endettement ". A la différence de celui-ci, celui, en poste à l'immeuble CCIA, met au grand jour la mendicité déguisée dans laquelle la corporation est plongée. " Quand nous venons le matin, nous attendions que nos chefs (parlant des chefs indirects) nous envoient acheter, qui le petit déjeuner, qui sa cigarette et espérer garder la monnaie ", soutient l'interlocuteur. Louant la générosité de ces chefs indirects grâce " à qui nous arrivons à payer nos titres de transports ". En fait, il faut oser faire irruption dans l'univers des vigiles pour découvrir cette autre facette d'esclavage qui ne dit pas son nom. Pourtant, chaque jour, comme des champignons, poussent des organisations de défense de Droits de l'Homme. De quels droits prétend-on défendre quand le minimum est bafoué aux yeux et au su de tous ? A-t-on besoin de les saisir pour réagir ? Assurément non. Mais contre toute attente, devant leurs sièges se tiennent debout, dans des habits fanés, des vigiles. Surexploités et donc à la merci des entreprises privées de sécurité véreuses. Non sans compter le mutisme complice de l'Etat qui a du mal à réglementer ce secteur.
Toussaint N'Gotta