x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Art et Culture Publié le jeudi 8 janvier 2009 | Le Patriote

Hommage au ministre Thiam - Merci pour votre rigueur et votre probité

Dans les années 80, au début de notre carrière professionnelle, M. Amadou Thiam est ministre de l’Information, donc notre ministre de tutelle. Journaliste à la rédaction de l’hebdomadaire Ivoire-Dimanche, il était notre directeur de Publication. Un jour, le PDCI, parti unique, organise son pré-congrès à Yamoussoukro. Désigné par ma rédaction pour la couverture de l’événement, je me retrouve donc dans la salle de la Maison du Congrès comme les autres confrères. Après les discours officiels, la règle l’exigeant, la presse devait se retirer. Alors, un responsable du PDCI dont nous oublions le nom arrive. Au lieu de nous inviter à sortir, il crie : « La presse dehors ! ». Dans le compte rendu que je fais de l’événement, je relève ce fait. Alors, je suis convoqué devant le ministre Thiam, sur plainte du ministre Séri Gnoléba, membre très influent du PDCI à l’époque. Convoqué pour 10h au 22ème étage de la Tour C où se trouve son cabinet, j’arrive et attend jusqu’à 11h.
Principe
Quand M. Thiam arrive, il me présente des excuses pour n’avoir pas pu être à l’heure, ensuite, il s’excuse de m’avoir dérangé inutilement ? Parce que, m’expliquait-il, « Ce que tu as écrit est exact, j’étais moi-même dans la salle et la formule utilisée ne m’avait pas plus. Je n’avais pas encore lu ton article quand ton frère Séri Gnoléba m’a appelé pour se plaindre ». Profitant de l’occasion, le ministre Thiam m’a donné ce conseil qui me suit dans ma profession. Il m’a dit : « Raphaël, je vois que tu as une belle plume. Fais attention, ne te laisse pas griser, surtout ne t’abonne pas aux petits cadeaux par-ci par-là. Un journaliste ne monnaie jamais son article. Si tu le fais, tu n’auras plus de crédibilité, tu casseras ta plume ! ». Un principe d’or de notre profession pour lequel nous remercions Dieu de nous avoir mis en présence d’un aîné au début de notre carrière. Principe dont nous pouvons nous vanter d’avoir fait nôtre dans la mesure du possible. Un autre fait. Toujours dans ces mêmes années, un de nos lecteurs vient nous voir. Il prétend avoir couché avec une revenante. Une rencontre qu’il aurait faite au grand carrefour de Koumassi. Une belle avec laquelle il aurait passé la nuit et qu’il aurait déposée devant une cour qu’elle lui avait indiquée. Revenu à cette adresse, il devait s’entendre dire, par les parents de sa compagne d’un soir que leur enfant dont il parle est morte il y a deux ans. Pour faire l’article, nous lui avons demandé de nous donner toutes ses cordonnées parce qu’on ne sait jamais. Ce qu’il fit. Il travaillait dans une structure financière de la place. Une fois l’article paru, nous sommes convoqués par les services du cabinet du ministre Ouassénan Koné, chargé alors de la Sécurité. A 10h, en compagnie de Diégou Bailly, actuel président du CNCA, alors journaliste à ID, nous arrivons à la Sûreté nationale. Il paraît que notre article trouble la paix sociale et qu’il serait le fruit de mon imagination. Les policiers nous demandent alors de donner le nom de notre informateur. Ce que nous refusons de faire sans l’autorisation de notre directeur de Publication qui n’était autre que Amadou Thiam. Nous sommes retenus à la Sûreté pendant des heures et des heures. Comme nous nous plaignions du temps qu’ils nous perdaient, les policiers décident de nous conduire au domicile du directeur de la Sûreté nationale. Peine perdue. Ils nous conduisent ensuite au cabinet du ministre Ouassénan qui se trouvait dans les locaux occupés actuellement par la Police Judiciaire. Là-bas, le chef de cabinet du ministre nous reçoit et nous traite de tous les noms. Il affirme que nous aimons être flattés d’esprit. Et qu’en réalité nous n’avons pas de source. Nous restons imperturbables. Aux environs de 16h, devant notre refus catégorique de faire ce qu’ils nous demandent, les policiers décident d’appeler le ministre Thiam et de me le passer au téléphone. Alors, nous entendons le ministre dire : « Raphaël Lakpé, encore félicitations ! Tu as réagi en professionnel. Si tout le monde faisait comme toi, les gens nous respecteraient. Tu sais, le Président s’est absenté pendant longtemps et bientôt, il va revenir, chacun veut donc montrer qu’il travaille. Maintenant que tu m’as eu, si tu as le nom de ta source, considère que je t’ai donné l’autorisation de la communiquer à la police ». Et nous lui répondons : « Monsieur le ministre, je ne demandais que cela. J’irai avec eux à la rédaction pour le leur remettre ». Comme nous rions de la situation notre interlocuteur et nous, les policiers qui s’attendaient à autre chose ont changé d’attitude envers nous. Le téléphone sonne et c’est le ministre Ouassénan qui nous appelle pour nous présenter ses excuses pour ce qui venait de se passer. Là-dessus, nous nous rendons à la rédaction d’Ivoire-Dimanche à Adjamé et nous remettons l’adresse de notre informateur. Après le départ des policiers, nous appelons ce dernier pour l’informer de ce qui se passait. Il nous a répondu qu’il attendait la police pour lui raconter ce qui lui est arrivé. La police est partie, elle n’est jamais plus revenue. Quand on conte ces faits aujourd’hui, on ne leur trouve aucune importance. Mais à l’époque, au temps du parti unique, réagir comme l’a fait le ministre Thiam, il fallait être d’une probité intellectuelle indiscutable. Merci Monsieur le Ministre. Merci pour ce que vous avez représenté pour nous dans l’exercice de notre profession ! Merci pour tout ce que vous avez fait pour votre pays, la Côte d’Ivoire ! Que Dieu vous accueille en sa demeure!
Raphaël Lakpé
Journaliste-sociologue, consultant
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Art et Culture

Toutes les vidéos Art et Culture à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ